Moss saisit le bout de papier roulé, puis regarda la voleuse s'en aller avec la
pierre précieuse, sans dire un mot, sans faire un geste.
Puis il murmura, quand elle fut loin, d'une voix douce qui s'était quelque peu calmée, inaudible :
_Au revoir, mademoiselle Alira...
Elle n'avait jamais indiqué son nom...
Trois silhouettes se dessinèrent derrière lui, à la lumière pâle de la lune, pleine ce soir. Parmi eux, un homme tremblant sous un capuchon noir.
Moss se retourna et leur adressa un regard vide de sentiment. Il jeta le parchemin par-dessus.
L'autre le ratrappa de justesse et maugréa, pestant contre le manque de considération envers les choses importantes qu'avait son comparse.
Il décacheta le sceau, et examina le plan.
"Moss...Je ne comprends pas, cela n'a ni queue ni tête...L'encre à l'air récent, Moss, je suis sûr qu'il est faux !"
_Je sais...pourquoi crois-tu que je l'ai lâché ?
"Mais...mais...comment...pourquoi l'as-tu récompensée..."
Le grand barbu roux esquissa un sourire qui avait retrouvé tout son charme d'ogre, son assurance carnassière.
_Car c'était le mieux à faire...Cela ne changera guère nos plans...Inutile de s'en inquiéter davantage...
"C'est lui, hein, c'est ça ? Pourquoi, pourquoi toi ? Et pourquoi me dédaignes-tu ainsi...Tu as l'air de tout savoir et de tout me cacher..."
Le rictus gargantuesque du grand bonhomme en vert était à présent plus qu'effrayant, car il était sadique, dominateur et jouissif à la fois.
_Peut-être suis-je le plus fort ? Peut-être n'a tu pas de volonté ? Tu es faible, mon ami...
"J'..j'ai enduré mille tourments, je souffre le martyr rien que de devoir respirer...Et tout ce que je reçois en échange de ma dévotion, c'est dêtre méprisé !"
Sous sa robe à capuchon qui cachait le moindre morceau de sa peua, il était agité de soubressauts nerveux. Il menaça l'autre du poing, qui pouffait de rire, se retenant d'éclater et cria presque :
"Chien..je..je ne sais pas ce qui me retient de rester...Toi aussi, Moss, gros porc trop gâté. Même pas foutu de punir l'autre...ventard bon à rien !"
Il tourna les talons, s'en fut en tremblant.
Moss resta stoïque. Puis lui aussi s'en alla, son imbécile de compagnon avait peut-être réveillé quelqu'un.
Il fulminait intérieurement, l'insulte ne passait pas. Il règlerait sa plus tard.
***
Entrepôt quelquonque de la ville, désaffecté, empoussiéré. C'est le silence. Une latte grince, une masse produit un bruit sourd en tombant, une latte qui grince à nouveau.
Dans un bout de temps, quelqu'un sera peut-être intrigué par les rats. Il fouinera et découvrira un homme dans une robe sombre, défiguré. Il aurait parlé d'une voix rachitique, aurait boité et serait tremblotant s'il vivait encore. Mais il ne vivait plus. Il avait réglé ça.