Voyage d'Erebor à Khazad-Dûm

Ermador était là, comme tous les soirs, dans une bonne Taverne de l'Erebor. Il y avait beaucoup d'ambiance et, bien que la soirée n'était pas très avancée, beaucoup de Nains ronflaient déjà sur leur table, allongé dans l'humidité de leur chope renversée. Ermador, seul, buvait sa chope à grande goulée, assis à une table de bois, sur un banc de bois. Il aimait cette Taverne, mais d'un autre côté il la trouvait aussi un peu miteuse.

"Eh, tu as entendu, une grande partie de Khazad-Dûm est revenue aux mains des gens de Dûrin ! Tu imagines ? Bientôt un nombre énorme de Nains va partir là-bas, pour tendre la hache avec eux et récupérer le reste du Khazad ! Si, si, je t'assure ! Quoi, tu ne me crois pas ? Eh ben on verra bien ! Je suis sûr que d'ici demain soir il y aura plein de Nains sur la route !

Ermador se redressa en entendant ses mots et se retourna. Derrière lui, un Nain parlait fort de Khazad-Dûm à son compère, en face de lui. Ermador réfléchit...

"Demain il y aura sûrement un grand nombre de Nains, qu'il a dit. Eh ben je vais être rusé ! Souvenez-vous bien, vous, je serais rusé ! Je partirais cette nuit même !"

Ermador quitta la Taverne et rentra chez lui, poursuivi sur quelques centaines de mètres par un videur mécontent par le manque d'argent d'Ermador. Il arriva dans sa miteuse maison en s'enferma dedans. Il ramassa tout ce qu'il avait et rentra tout dans un sac vieux et usé (et tout rentra, car le naugrim ne possédait pas grand chose). Après ça, il partit. Il marcha longtemps pour sortir de l'Erebor, et enfin il arriva au dehors.

"Mais au fait, c'est par où, le Khazad ? Rha je suis vraiment pas malin sur ce coup là ! Rusé. Je dois être rusé... mmh. Mon intuition me dit que... je dois... demander à un garde ! voila ce que je dois faire !"

Le Garde fut indigné et eut presque honte de voir si peu de connaissance des Royaumes Nains de la part d'Ermador, et il lui indiqua le chemin à suivre...

"Mouais. Si j'avais su qu'il y avait qu'une route, et qu'elle menait au Khazad, j'aurais pu me débrouiller seul. Enfin bon, pour la suite, promis, je serais rusé !"

Il marcha toute la nuit, lentement, et se fatigua assez vite. Il s'arrêta pour dormir, et repartit avant même le lever du soleil le lendemain. Oui, partir le soir même avait été intelligent, mais ça aurait été mieux s'il avait acheté une monture... Toute la journée durant, des voyageurs sur divers destriers le dépassèrent. Là non plus, il n'avait pas été très rusé... Il réussit à monter sur un chariot de marchand en passager clandestin. Malheureusement, il aurait été plus judicieux de ne pas monter à côté du conducteur s'il voulait rester caché.. Ermador n'était décidément pas très intelligent. Il réussit à se cacher un moment dans un chariot, avant de se faire éjecter à nouveau lors de la pause repas.

Vers 15 heures, il rencontra enfin quelqu'un qui le prit à son bord. Durant 6 jours, ils roulèrent sur le chemin accidenté, dans un petit chariot balloté à chaque pas du cheval qui le tirait avec peine. Puis leurs chemins se séparèrent, et Ermador commença à contourner la Forêt Noire... Il se confectionna un petit chariot, mais il n'avançait pas très bien (pas du tout même). Peut-être que ça aurait mieux été si Ermador avait pensé à mettre des roues, et l'avait attelé à autre chose qu'un lapin. Il dût donc continuer son voyage à pieds.

Trente jours ! Trente jours durant, il marcha sans arrêt autre que la nuit et lors du repas (et aussi les pauses pipi, les grignotages de 8heures, de 10 heures, de 14 heures, de 16 heures et de 18 heures, ainsi que le gouter de 16heures 30 et les 3 petits déjeuners de 8h15, 8h30 et 8h45) et à vive allure (mais lors du 37eme jour, ça aurait été plus rapide s'il avait marché dans le bon sens, surtout qu'il avait marché beaucoup ce jour là, étant en bonne forme, il était revenu là où il était passé deux jours plus tôt). Après un bon nombre de gaffes, il était arrivé à l'extrême Sud de la Forêt Noire. Il n'avait plus qu'à aller jusqu'à l'Anduin, le traverser (en espérant qu'il y ait un pont sur le chemin), et marcher encore de nombreux jours, avant de galérer pour comprendre les inscriptions sur les portes du Khazad.

Marcher.. marcher... c'est tout ce qu'il fit pendant encore très longtemps (evidemment il a oublié de compter). Il ne sentait plus ses jambes, et ses vieilles bottes trouées commençaient à être sérieusement usées. Il les avait renforcé avec des feuilles, mais cela n'avait pas marché... peut-être qu'en les attachant elles eraient restées collées aux bottes et non pas au sol... Mais les bottes tinrent jusqu'à l'Anduin, où il y avait un petit gué, au bonheur d'Ermador. Il le passa et, de nombreux jours après, il arriva en vue des Monts Brumeux. S'il avait suivi les traces de pas et de roues des précédents Nains, peut-être aurait-il trouvé la porte. Mais ce ne fut pas le cas et Ermador s'égara. La nuit, il entendait des loups hurler. Il voyait parfois des ombres passer au loin, et à chaque fois il avait peur. Il résolut de faire demi-tour, et finit par se dire que vraiment, vraiment, il n'avait pas été rusé du tout !

Alors il suivit les traces, et, au bout d'une longue marche, il arriva aux portes de Khazad-Dûm, vers 17 heures. S'il avait pris le temps de lire ce qui était écrit devant, il aurait sur que les portes fermaient à 18 heures, et il ne serait pas allé se promener. Il n'aurait pas été coincé dehors. Il dormit devant la porte et fut réveillé le lendemain par l'ouverture de cette dernière (puis rendormi par cette même porte qui s'était ouverte trop vite et avait percuté le petit crâne vide du Nain). Il s'était réveillé sur le bord de la route, sur un matelas d'herbes. Il s'était alors levé et était entré dans Khazad-Dûm. Son voyage était terminé ! (mais pas ses mésaventures !)


[HRP] Question : Puis-je faire un double-post ou dois-je attendre un MJ ? (car je ne vois pas ce qu'un MJ pourrait répondre).

Si un MJ veut me répondre, voici ce que j'ai en tête : Un petit RP pour expliquer comment je suis devenu Garde de Khazad. [HRP]

Non, certes, les mésaventures d'Ermador n'étaient pas terminées. D'ailleurs, la prochaine anicroche ne mit pas longtemps à arriver: à peine passait-il le seuil de la porte qu'il sentit une main se poser sur son col et le tirer dehors. Décidément, il n'était pas très rusé... il n'avait même pas vu qu'un peu plus loin derrière, dans le terrain plat, de petits groupes de Nains voyageurs avec des chariots, étaient arrêtés et discutaient avec insistance avec quatre Naugrim en armure, sans doute des gardes. Le cinquième était celui qui venait de saisir Ermador, mais il devait sans doute y en avoir davantage dans le poste de garde, à l'intérieur des mines. La discussion semblait s'envenimer, voire tourner à la dispute. Mais Ermador ne put pas s'attarder sur eux: des yeux sévères se posèrent sur lui et la voix ferme du garde atteignit douloureusement ses oreilles:

"Alors, vous! Vous pensez peut-être que vous allez passer les portes de Cavenain comme ça. Non, celles de l'Est n'ont jamais été magiques: ni mot de passe, ni incantation, rien. Seulement des gardes, mais des gardes qui ont l'œil, croyez-moi! Jamais je n'aurais cru que quelqu'un veuille passer de force, mais apparemment je me trompais..."

Il se retourna un bref instant vers l'ouverture béante et beugla:

"Mòrr! Flibi! Fermez les portes, la journée s'annonce tendue!"

Aussitôt, deux autres sentinelles sortirent de l'ombre et s'affairèrent à rabattre les deux battants, non sans mal, sous les huées des voyageurs aux charrettes. Pourquoi un accueil si froid? Pourquoi ce refus de les laisser rentrer? Des questions de ce genre devaient se bousculer dans la tête d'Ermador. Peut-être n'aurait-il pas dû écouter les dires des ivrognes dans les tavernes du Mont Solitaire... Peut-être aurait-il dû se renseigner sur la situation en Moria, et sur les rapports entre Erebor et celle-ci avant d'entamer son voyage. Tous les autres vagabonds étaient dans le même cas, d'où leur mécontentement. Après avoir donné ses directives, le garde se tourna de nouveau vers Ermador, s'approcha tout près de lui et lui parla très distinctement:

"J'en ai assez de faire toujours le même discours, alors écoutez-moi bien! Si vous aviez demandé l'avis des autorités d'Erebor avant de venir ici, elles vous auraient informé de la situation. Certes Khazad-dûm est devenu riche depuis quelques années, certes il est devenu puissant. Mais ceci à force de labeurs et de courage de notre part. Longtemps nous avons lutté pour notre gloire, sans recevoir d'aide, et enfin nous avons obtenu cette gloire. Maintenant, nous n'avons plus besoin d'aide, par conséquent ceux qui viennent une fois le travail accompli dans le but de profiter des richesses, se voient tout simplement re-fou-lés! Tels sont les ordres du Seigneur Hadhod, alors, à moins d'avoir un solide argument en votre faveur, vous n'avez plus qu'à parcourir le chemin inverse qui vous ramènera dans le Nord."

Si la situation n'avait pas été si tendue, le garde aurait volontiers ri de bon cœur. Déjà, là, il eut du mal à réprimer un sourire, tant la personne qui était en face de lui semblait ignorante. Peut-être n'était-ce qu'une apparence, peut-être jouait-il la comédie... En tout cas, si la surprise d'Ermador n'était pas feinte, tout laissait à penser qu'il s'était bouché les oreilles durant toute son existence sous la Montagne Solitaire, car la promotion de Hadhod Croix-de-Fer, l'enfant du pays, avait fait pas mal de bruit. Mais trop d'alcool nuit à la mémoire, dit-on, et la bière d'Erebor devait être fameuse...

"C'est bien Hadhod Croix-de-Fer qui est Seigneur ici, mais de quelle campagne sortez-vous donc? Et si vous étiez réellement l'un de ses proches amis avant qu'il ne vienne réclamer son dû en Moria, vous auriez sans doute appris ce qui était advenu de lui. Je suis fort dubitatif à votre sujet, mais puisque les ordres sont de transmettre les messages, je ferai porter le vôtre jusqu'aux oreilles du fils de Trehod."

Il héla de nouveau en direction de la porte. Le dénommé Flibi sortit alors en entrouvrant cette fois au minimum l'un des battants par peur d'une nouvelle intrusion - il dut se tasser un peu et forcer pour réussir à faire passer sa grosse bedaine.

"Flibi, cet individu dit avoir un message important à passer à notre seigneur; tu le transmettra."

La sentinelle en question ronchonna:

"Me faire marcher comme ça, de bon matin! C'est toujours moi qui doit transmettre les messages, c'est pas juste!"

"Tais-toi donc, ça te fera maigrir un peu. Nous autres devons rester ici pour contenir le flux de migrants."

Flibi acquiesça à contre-cœur. Sortant une feuille de parchemin et un crayon de sa sacoche de cuir tanné, il s'apprêta à prendre en note ce qu'Ermador avait à dire.

"Alors, reprit le premier garde, quel est donc ce message? Euh, mais, ah oui, j'oubliais: quel nom annoncerai-je à Hadhod? Car vous ne vous êtes pas présenté."

"Et si vous n'êtes pas vraiment un ami de notre chef, ajouta Flibi, gare à vous. Je ne souhaite pas faire le pigeon voyageur pour rien!"

Devant les portes closes, les arrivants d'Erebor - du moins ceux qui n'étaient pas encore repartis - attendaient inexorablement pour tenter de faire pression sur les sentinelles. Pourtant, il n'y avait guère d'espoir, car tous savaient que le Seigneur de la Moria n'allait pas changer d'avis par charité. D'ailleurs, le brouhaha était retombé, les vociférations avaient disparues, et la plupart des bras étaient croisés. Et non loin de là, Ermador partageait son lapin rôti avec un garde, le tout dans une entente correcte... La situation à la porte Est était pour le moins étrange.

Flibi était parti, et ne se montra pas de sitôt.

"Il mettra grosso modo deux heures, avait affirmé le garde à voix basse, pour ne pas se faire entendre des autres migrants. Une heure pour se rendre à la Salle du Trône, et une heure pour en revenir, s'il ne s'asseoit pas en route, le fainéant."

Il rongeait à présent les os du lapin avec délectation, et, lorsqu'il eut arraché la dernière parcelle de viande, il s'adressa de nouveau à Ermador:

"Ceci dit, je dois avouer qu'il aurait aimé manger ce lapin, et je le comprends bien. Nous autres gardes ne dégustons d'habitude que des mets froids lorsque nous sommes en service, alors quand il ne fait pas chaud dehors, ça peut devenir un peu déprimant. Je vous en remercie bien, d'ailleurs!"

Toutefois, il se demandait si ce don et cette courtoisie n'étaient pas simplement dus à la volonté d'Ermador de venir habiter à Cavenain, afin de donner une bonne image de lui...

Comme prévu, deux heures après son départ, Flibi se montra de nouveau aux portes, accompagné de deux de ses collègues.

"Saisissez-vous de lui! cria-t-il. Ne le laissez pas s'échapper!"

Et les trois foncèrent sur Ermador avec des regards féroces, ne lui laissant effectivement le temps de rien faire. Bientôt, ses poignets furent entravés par une corde, et on le traîna de force à l'intérieur des mines. Ils marchèrent ainsi pendant une dizaine de minutes, jusqu'à ce que le dénommé Flibi explicite la situation:

"Simple ruse, dit-il avec un sourire. C'est ainsi que le Seigneur Hadhod fait entrer ses amis sans provoquer la colère des autres, désolé pour le désagrément. Nous vous souhaitons la bienvenue à Khazad-dûm, maître Ermador, ami de Hadhod!"

Ses liens furent coupés, et il marcha libre dans la grande Cité sous les Montagnes.

Ermador ne le savait sans doute pas, mais il se trouvait non loin de la Grande Salle, celle où siégeait d'habitude Hadhod Croix-de-Fer sur son trône. La cour pavée - si ce terme convenait à un lieu aussi... souterrain - faisait face à la porte de ladite pièce, mais le nouveau venu ne risquait pas de s'en être rendu compte. Il devait avoir l'air drôle, seul et perdu au milieu des colonnes, des clefs de voûtes, et de tous les dédales de la cité, à regarder partout avec des yeux mi-admiratifs mi-effarés.

Soudain, un grand rire retentit un peu plus loin, dans le dos d'Ermador. La porte de pierre venait de s'ouvrir silencieusement, et dans son encadrure apparaissait une silhouette qui se détachait dans la lumière jaune.

- Eh bien, dit le Nain à barbe blanche lorsqu'il eut calmé son rire. Voilà certes une chose inouïe! Un ressortissant d'Erebor autorisé à franchir le seuil de mes portes. Content de te revoir, vieux fou!

Le souverain - car c'était lui - s'avança alors à la rencontre de son ancien ami, lui serrant longuement et chaleureusement la main. "Vieux fou" n'était qu'un terme d'affection utilisé par le fils de Trehod lors de retrouvailles avec des amis d'antan, Ermador n'avait pas à s'en vexer. Hadhod savait très bien que son vis-à-vis n'était pas fou. Et question vieillesse, il n'était pas très bien placé pour émettre une raillerie.

Lorsque les retrouvailles furent faites, le sourire s'effaça un peu du visage du seigneur de la Moria, et il parla plus sérieusement:

- Tu sais, je n'ai pas eu le choix pour ce qui concerne les émigrants d'Erebor. Toi, je te connais, mais tous les autres... je ne peux pas les laisser rentrer comme ça ici. Nous sommes déjà en bon nombre dans ces mines, et à ce rythme le Mont Solitaire se serait vidé. De plus, ces vagues d'immigrations ont été provoquées par la découverte du... enfin, tu vois ce que je veux dire: beaucoup sont venus par cupidité, non par amitié.

Le mot "mithril" semblait être devenu tabou à la cour. Il faut dire que depuis la découverte des gisements de vrai-argent, tout n'avait pas tourné au mieux. La richesse avait entraîné bien des problèmes.

- Au fait, continua Hadhod en jetant à Ermador un regard où pointait un soupçon de méfiance. Pourquoi as-tu quitté les tiens pour venir nous rejoindre, toi? En souvenir de notre vieille amitié, ou parce que les rumeurs de gloire avaient atteint tes oreilles? Que compte-tu faire une fois installé dans mon royaume?


------

#Corbeau => Pas loin, Ami.