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 Le sort en est jeté

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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Ryad Assad

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~ GRIMOIRE ~
- -: Humain
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Le sort en est jeté EmptyMar 21 Oct 2014 - 19:03
- Et moi je vous dis que je veux savoir pourquoi !

Les deux gardes qui se tenaient en faction devant l'entrée, magnifiques dans leur armure richement décorée, froncèrent les sourcils. Ils n'appréciaient pas qu'on haussât le ton ainsi devant eux, et a fortiori lorsqu'il s'agissait d'un étranger. Ce dernier, rustre barbare de l'Arnor, avait tout l'air d'un ours engoncé dans une tenue de gentilhomme qui n'avait certainement pas été confectionnée par les mains de son peuple. Les siens ne savaient que faire la guerre, et ils ne créaient rien de beau ni d'élégant. Ils étaient toujours prompts à tirer l'épée, et jamais ils ne parvenaient à négocier, à discuter calmement, pacifiquement autour d'un bon vin du Dorwinion, et d'un bon chevreuil fraîchement tué dans les plaines du Rhovanion. Les sentinelles, légèrement courroucées, relevèrent fièrement le menton, et le premier répondit d'une voix sèche :

- Ainsi sont les ordres, voilà pourquoi. Telle est la volonté de Son Altesse, et vous n'avez pas à questionner ses décisions.

L'Arnorien serra les poings, et la colère se peignit sur son visage marqué par la vie. Il avait vu la guerre, de toute évidence, et la grande bataille du Nord lui avait laissé une infâme cicatrice qui avait manqué de prendre son œil gauche. Elle dégringolait le long de sa joue, et s'achevait au niveau de sa mâchoire, là où la lame de cet orque puant était ressortie de sa chair meurtrie à jamais. Il avait payé un lourd tribut sur ce champ de bataille, et avait laissé un fils et deux cousins dans la neige glaciale, face aux hordes innombrables. Il ne tolérait pas que deux pantins et costume hors de prix vinssent lui tenir tête à lui, alors qu'il avait en un an lutté plus qu'eux dans toute leur existence. S'il n'avait pas été au sein d'un bâtiment si splendide, construit dans un glorieux passé, il aurait craché par terre et aurait provoqué les misérables qui osaient le défier. Hélas, il ne pouvait pas ainsi souiller le marbre du palais de Minas Tirith, et aucune épée ne pendait à son côté aujourd'hui, conformément aux lois du Roi Méphisto. Les gardes triés sur le volet étaient les seuls qui échappaient à cette injonction. La colère que ressentait l'Arnorien n'explosa donc pas, et il la ravala pour la transformer en une amertume qu'il ne fit aucun effort pour dissimuler :

- Je ne questionne pas la décision de Son Altesse, lança-t-il d'une voix grinçante. Je voudrais simplement savoir pourquoi des roturiers sont autorisés à séjourner dans les quartiers de la noblesse. N'y a-t-il pas assez de sang noble à Dale que vous ne puissiez trouver un homme de bonne naissance pour habiter ici ?

Le garde qui se trouvait à gauche s'avança d'un pas, et sa main se rapprocha perceptiblement de son épée :

- Surveillez vos paroles !

- Non, c'est vous qui allez surveiller vos paroles, soldat. Je ne partirai pas avant d'avoir obtenu de réponse !

La tension était clairement montée d'un cran, et les deux gardes paraissaient désormais suffisamment en colère pour maîtriser l'Arnorien qui venait de leur manquer de respect, et d'insulter sans honte leur royaume. Certes, les deux entités politiques étaient désormais unies par le mariage qui venait d'avoir lieu, mais il n'en demeurait pas moins clair qu'il faudrait du temps avant que les deux peuples se considérassent comme un seul. Le mépris que les trois hommes partageaient pour le camp d'en face était exalté par leur orgueil démesuré, et il ne manquait rien pour qu'ils en vinssent aux mains. Cela aurait été bien indigne de gens de bonne famille, naturellement, mais la proximité avec l'étranger ne faisait pas que rapprocher les individus. Elle contribuait également à rassembler au même endroit des visions du monde antagonistes, qui pouvaient se déchirer pour un rien. Une simple étincelle pouvait embraser les cœurs les plus ardents, et ne laisser que des cendres dans le sillage des combats.

Probablement que les choses auraient dégénéré de manière brutale si une intervention providentielle n'avait pas mis fin au duel annoncé. En effet, les deux gardes paraissaient bien sûrs d'eux, et ils n'avaient qu'une envie, c'était de mettre dehors sans douceur l'impudent venu leur chercher querelle. De l'autre côté, l'Arnorien savait que dès lors qu'ils auraient porté la main sur lui, il serait en droit de se défendre. Il avait un joli crochet du gauche, et il avait déjà mis au tapis des hommes bien plus jeunes que lui. Toutefois, même lui qui paraissait bien en colère se calma brutalement lorsque la porte qui représentait l'objet de leur discorde s'ouvrit silencieusement, et qu'une silhouette se glissa à l'extérieur.

- Allons, allons, messieurs, calmons-nous. Quelle est l'origine de tout ce vacarme ?

Les deux gardes s'immobilisèrent comme un seul homme, avant de se reprendre et de se placer au garde-à-vous, bombant le torse avec sur le visage l'air honteux d'enfants pris en flagrant délit de bagarre. L'Arnorien, encore un peu sur la défensive, laissa progressivement ses muscles se vider de l'adrénaline qui les avait gorgés quelques secondes plus tôt, et il se détendit nettement. Ses yeux ne quittaient pas la silhouette qui venait d'apparaître : il s'agissait d'un homme âgé, portant longue la barbe, et qui paraissait avoir été tiré d'une activité passionnante par les cris devant sa porte. Il ne semblait pas éprouver la moindre once de colère, toutefois, et il y avait dans son regard quelque chose de doux et d'apaisant, qu'il était difficile d'expliquer. Il venait en paix, et face à lui on ne pouvait pas se laisser aller à la colère. Il y avait tant de sagesse au fond de ses yeux, tant de tranquillité dans son attitude, que l'Arnorien voulut un moment s'incliner du buste pour demander pardon. Il se retint in extremis en se souvenant qu'il ne s'agissait que d'un roturier, et qu'il aurait été inconvenant pour lui de se comporter de la sorte. Le vieillard, faisant fi des conventions, ne le salua pas comme il l'aurait dû, et lança sans attendre :

- Alors, que vouliez-vous qui vous amène à provoquer le courroux de ces braves hommes ?

- Je... Il s'en voulut d'hésiter, et se composa une voix forte. Je voulais savoir ce que faisaient deux roturiers dans les quartiers réservés à la noblesse, monsieur. Il me semble que c'est là une entorse au protocole, qui ne saurait rester...

L'homme leva la main, et le noble s'interrompit, stupéfait. Il éprouva une bouffée de colère soudaine, qu'il garda en lui. Il enrageait contre cet inconnu qui l'avait fait taire d'un simple geste, sans même avoir à dire un mot, mais surtout il enrageait contre lui-même. Pourquoi avait-il obéi ? Pourquoi s'était-il plié sans résister à la volonté de ce vieillard qui paraissait être bien davantage que ce qu'il prétendait être ? Peut-être parce que, au fond de lui-même, il était encore plus intéressé à l'idée de découvrir à qui il avait affaire qu'à se plaindre d'une entorse aux règles de société. Sa curiosité avait été piquée au vif, et il mourait d'envie d'en savoir davantage. L'homme, d'une voix lente et mesurée, répondit :

- Certes, vous avez raison. Mais Dinael a tenu à ce que nous résidions ici, au plus près d'elle. Nous sommes des... comment appelleriez-vous ça ? Des conseillers, pour ainsi dire. Je pense que si vous tenez à comprendre ses motifs, vous devriez les lui demander en personne, ne croyez-vous pas ? Elle est votre Reine, après tout, et si dès après le mariage vous avez des griefs contre sa politique, je présume qu'elle sera ravie d'écouter vos plaintes ô combien fondées. Si elle juge opportun de nous faire déplacer, nous n'y verrons pas d'inconvénient, naturellement. En attendant, toutefois, je vous prie de ne plus venir apporter le trouble ici, voulez-vous ?

L'Arnorien dont la fierté venait d'en prendre un coup, n'adressa pas un regard aux soldats qui le dévisageaient, un petit sourire aux lèvres. Il n'aurait pour rien au monde voulu leur donner le plaisir de voir qu'il n'avait rien à répondre à cela, et qu'il venait d'être congédié sans cérémonie par un roturier qui n'aurait jamais dû oser lui adresser la parole. Et pourtant, c'était précisément le cas, et il ne pouvait rien faire d'autre que d'obéir aux recommandations de cet individu mystérieux, ce "conseiller" que la Reine qu'il appelait familièrement par son prénom avait choisi. Et qui était ce "nous" dont il ne cessait de parler ? Formait-il une secte, une communauté secrète ? Un groupe de bourgeois qui s'arrogeait le droit de concurrencer la noblesse ? Il tirerait ça au clair, c'était certain ! Mais pas maintenant... pas ici. S'il osait déranger la Reine, sa Reine, pour des motifs aussi pathétiques, son souverain Aldarion n'hésiterait pas à lui dire ce qu'il pensait de sa paranoïa et de son manque de délicatesse. Depuis la fin de la guerre contre l'Ordre, le Roi était devenu soupçonneux avec ses nobles, et il n'apprécierait sûrement pas qu'on vînt ajouter le moindre nuage au ciel azur de son mariage. Résigné, l'Arnorien lança :

- Fort bien, j'ai eu la réponse à ma question. Je vous souhaite une bonne journée, messieurs.

Et il tourna les talons, drapé dans ce qu'il lui restait de dignité. Lorsqu'il eût tourné au bout du couloir, les deux gardes se laissèrent aller à un sourire suffisant, et lancèrent à l'homme qu'ils étaient censés protéger :

- Vous l'avez bien corrigé, Sire. Pour qui se prend-il, ce barbare ?

- Oui, reprit l'autre. Ils ont leur air supérieur, et leurs manières cavalières. Vous avez bien fait de l'envoyer promener !

Le vieillard se tourna vers les soldats, mais contrairement à eux, il ne souriait pas du tout. Son regard n'était pas contrarié, ni triste, seulement un peu déçu, pour ne pas dire désabusé. Il posa une main sur leur bras, comme pour les attirer dans la confidence, et glissa à eux seuls :

- L'Arnor et Dale sont désormais liés, messieurs. Même si votre opinion à leur sujet est déjà faite, je vous invite à faire un effort avec eux. Ils sont désormais vos frères et vos sœurs, vos alliés en toutes circonstances. Est-ce que vous comprenez ?

- Oui, Sire. Toutes nos excuses.

- Bien.

Le vieillard leur tapota gentiment l'épaule, comme il l'aurait fait avec des garçons à qui il venait d'inculquer une importante leçon de vie. Il leur lança un sourire de grand-père, et les abandonna à leur mission pour retourner dans la chambre. Il referma soigneusement la porte derrière lui, et tourna la lourde clé dans la serrure, pour les isoler définitivement du monde extérieur, de ses tourments et de ses conflits incessants. Ici, entre ces quatre murs, ils étaient bien, paisibles, protégés. Ils jouissaient de tout le confort dont ils pouvaient rêver, et ils étaient aux premières loges pour assister aux festivités. C'était un luxe auquel ils n'avaient pas toujours pu goûter au cours de leur vie, et qu'ils appréciaient d'autant plus. Le plus âgé des deux retrouva le fauteuil qui était le sien, et le verre de cognac qu'il avait abandonné.

- Tout va bien ? Demanda l'autre, assis en face.

- Tout est réglé, oui, répondit l'ancien en déplaçant une pièce sur l'échiquier qui trônait au milieu d'eux. Que disais-tu au sujet d'Aldarion, déjà ?

#Alatar #Pallando


Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop

"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
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