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 L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles

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Isilo
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L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles EmptyDim 3 Juil 2016 - 0:43
Ce fut avec la plus grande joie qu’Isilo accueillit son amie, la grande Dame de Valinor à ses côtés en ce lieu suffisamment près des chutes du Bruinen pour que le torrent de ces dernières se mélange à l’eau tiède des tasses de suthlas posées sur le rebord de pierres ivoires. Aux yeux du maître de Limeclaire, cette dernière ne semblait pas du tout être revenue de leur long périple et même, elle ne paraissait pas y être un jour partie. En fait, Isilo croyait parfois que cette dernière n’était pas revenue de Valinor  et que ces longues heures à converser avec elle n’étaient en fait que des moments passés avec le côté le plus lumineux de sa conscience, qui le ramenait à l’ordre et l’écartait des méandres du doute. Or, la beauté de cette dernière était bien réelle en cet après-midi béni des astres qui se montrait particulièrement clément envers les deux philosophes et tous les habitants d’Imladris qui s’adonnaient à la pratique des arts qu’un pareil ensoleillement pouvait leur inspirer. Dans sa longue chevelure qui se perdait dans sa bure que seul les gens de sa stature pouvaient porter, il y avait quelque chose qui rappelait l’essence de la féminité et de la bienveillance d’une mère envers un nouveau-né. À cette pensée, juste au moment où la fascination qu’Isilo avait pour la grandeur et la sagesse de cette dame lui monta à la tête, le seigneur Noldo ne sut trop bien dissimuler le sourire en coin qu’il avait sur le visage. Au lieu d’une attitude neutre, il tourna plutôt les yeux vers sa compagne de voyage et conseillère de vie et s’exprima avec un accent qui était le leur.

- Io hannan borasseg… o Theryn ah I mîr o nestad ? (Il y a longtemps que tu savais… à propos des aigles et de la pierre de guérison)

Il voyait dans le cristallin de ses yeux où se reflétait la multitude de gouttelettes en suspension une sorte de calme qui permettait à Tatië d’avoir une compréhension du déroulement des événements qui dépassait largement celle du seigneur de Limeclaire. En fait, l’Elfe dont les années de vie ne se faisaient pas aussi nombreuses que celle de son mentor, commençait à réaliser à quel point le rythme de sa propre ascension vers la connaissance était lent et à quel point les détours étaient nombreux et escarpés pour accéder au même savoir que sa dame avait obtenu il y a longtemps. Pour lui, tout l’épisode de son voyage à travers les montagnes, son ascension vers la mort et la découverte de sa destinée auprès des Aigles avait été une série de révélations inespérées que même, semblait-il, le plus prémonitoire de ses rêves n’avait pas su lui éclairer. Alors, au moment de partager une tasse d’herbes curatives et relaxantes et quelques respirations aux mêmes propriétés, Isilo ne pouvait éteindre les flammes de son cœur qui s’enflammait d’impatience et de curiosité infantile. Ainsi, Isilo pensait à leurs discussions dans le cercle d’érudition, aux commentaires innocents de Tatië, qui ne laissaient pas du tout paraître cette clairvoyance si célèbre des Quendi de son renom et à la sérénité quasi-inexplicable de son mutisme tout au long de leur voyage. Comme un enfant qui oubliait les plus importantes leçons que lui avaient faites ses parents, Isilo repoussa du revers de la main la vertu de la patience et s’exprima en riant.

- Je me doute aussi que, pour vous, le poème d’Ilmendil n’a rien d’énigmatique ?

Le seigneur d’Imladris s’était, depuis son aventure en haute altitude, longuement interrogé quant à cette pierre de guérison et à l’endroit où son pathétique destin avait pu l’emmené. Quand il s’imaginait la brillance de la pierre, le sentiment de fascination disparaissait rapidement pour laisser place à une mélancolie que lui avait laissée la voix d’Ilmendil lorsqu’il lui avait raconté l’histoire de la trahison de son peuple par un mystérieux voyageur. En fait, Isilo ne savait plus vraiment s’il était à la recherche d’un objet que seule sa pitié envers les Thoron convoitait afin de s’apaiser ou s’il était véritablement sur le chemin de sa vie, de son destin.

Toutefois, quand il vit une petite créature ailée se poser non loin du lieu où lui et sa Dame se reposaient pour, peut-être, les imiter, en quelque sorte, ou se joindre à eux, une voix dans le lointain parvint à son esprit. Peut-être fut-ce son cœur qui essayait que son esprit, qui se montrait trop rationnel en à ce moment-là, ne s’écarte pas du chemin bienfaisant du pressentiment et ne se coupe pas du canal divin qu’Isilo avait ouvert toute sa vie et qui le reliait aux grands esprits. Quoi qu’il en eut été, le jeune homme se rappela l’ordre naturel au sein duquel tout s’était déroulé, l’emmenant jusqu’au toit du monde où il fut à jamais changé. Ainsi, le petit oiseau au plumage ébène qui sautillait au rythme de son allègre innocence fut pour lui un messager qui portait un précieux avertissement; il serait en vain de se mettre à évaluer, à calculer ou à contraster un ensemble de facteurs contextuels, car rien de tout ça n’était de l’ordre du rationnel. En fait, comme le pressentiment, qui l’avait poussé à quitter Limeclaire pour Imladris et Imladris pour les Hautes-Cîmes, la nature de la réalité dans laquelle il se trouvait maintenant était intangible et incompréhensible pour celui qui regarde avec les yeux d’un esprit penseur. Ainsi, sous-tirer quelque conclusion soit-elle de la bouche de Tatië, de la sienne ou de quiconque n’influencerait en aucun cas la finalité de son œuvre.

Plus important encore, si la situation actuelle avait une solution, être trop curieux ou impatient ne lui serait d’aucune utilité. Si cette situation n’avait pas la fin désirée, être trop curieux ou impatient à l’excès ne jouerait pas davantage en sa faveur. Finalement, l’ample contemplation qui trouvait ancrage dans la respiration sereine était, comme toujours, l’unique remède aux maux de son esprit qui s’égarait dans ses futiles et éphémères réflexions.
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Hadhod Croix-de-Fer
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L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles EmptyMar 5 Juil 2016 - 11:53
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- Beleg mîr o nestad, tu es partie naguère vers celle qui t'as fait renaître en ce bas monde, vers l'aïeule oubliée d'Imladris, la seconde, vers la dame qui gît à six pieds sous la terre...

La mélopée des mots se mêla au sempiternel bruissement de la Bruinen qui ronronnait à quelque distance d'eux. C'était comme si le monde elfique chantait de concert avec le monde des Aigles. Et, chose plutôt étrange au premier abord mais qui ne l'était point quand on la considérait en profondeur, les alexandrins aquilins débutaient par des mots issus d'une langue elfique, et le torrent qui traversait la cité-refuge des Noldor prenait sa source sur les hauteurs qui étaient le fief des Aigles. Effectivement, tout semblait interdépendant.

- I beleg mîr o nestad...
répéta Dame Tatië. La grande pierre de guérison... Vous pensez que je savais tout depuis le début, seigneur Isilo, et que je vous ai sciemment caché une partie de la vérité pour que vous puissiez la découvrir par vous-même et parachever votre voyage initiatique ? Oui, et non. J'avais bien entendu eu vent des rumeurs concernant cette fameuse couronne et cette fameuse pierre qui y était sertie, mais je n'étais pas la seule, et loin de là. De la disparition du joyau pourtant, rien n'était parvenu à mes oreilles, que ce soit dans le monde éveillé ou dans les songes, car j'imagine que ce n'est pas le genre d'information que les aigles laissent se propager aux quatre vents. Certes, leurs visites de plus en plus sporadiques dans notre vallée et leur évolution vers une autarcie presque totale avaient levé des doutes et des questions dans mon esprit, et bien souvent j'ai tenté de percer ce mystère. Il me semblait que les aigles avaient développé une certaine méfiance envers notre peuple, et  que ce sentiment ne pouvait être sans cause ; et que cette cause était elfique, et non aquiline. Pourtant je ne pouvais la déceler dans les grandes décisions politiques des royaumes elfiques : notre sagesse avait toujours eu des hauts et des bas et nous n'avons jamais été exempts d'erreurs, même aux âges précédents. Pourquoi donc maintenant ? Quel tort avions-nous pu causer aux thoronath ?

La dame porta lentement la porcelaine fine de la tasse au contact de ses lèvres et but une gorgée du tiède suthlas. L'expression sur son visage était difficilement définissable : on pouvait y déceler un léger sourire, mais aussi la marque d'une cetaine tristesse.

- Je me rends compte maintenant qu'un seul individu a pu faire basculer la balance du mauvais côté. Mais aussi, qu'il suffit peut-être d'un seul individu pour la faire revenir à l'équilibre. Ce n'est pas un hasard si vous seul avez pu atteindre le logis du gardien de la couronne, et avez trouvé les mots et l'attitude qui ont pu transformer la méfiance envers notre peuple en confiance. Ne vous sous-estimez pas, Isilo. Car c'est bien vous qui avez été choisi, il semblerait : bien que j'ai acquis un grand savoir lors de mes longues années passées dans les Terres Bénies, vous avez une vision bien plus juste de la Terre-du-Milieu, de son âme et de ses problèmes, pour y avoir demeuré bien plus longtemps que moi. J'ai l'impression que cette proximité que vous entretenez avec ces terres en particulier et les êtres qui y poussent, qui y marchent et qui y volent, est la plus grande source de sagesse. En fait, nous nous complétons bien, chacun avec notre point de vue et notre vécu.

Je me demande... si c'est pour cette raison que votre ami Ilmendil a déclamé cette énigme en ma présence, alors qu'il aurait très bien pu le faire là-haut, quand vous étiez son hôte. Peut-être que nos esprits respectifs sont incapables d'en voir la solution, et que la seule chance de tirer ce poème au clair est de mêler nos réflexions. Ce serait là une jolie métaphore pour l'avenir que cet Aigle voit pour nos deux peuples. Car, si, le poème d'Ilmendil garde une part de mystère pour moi. Je crois en comprendre certains vers, certaines bribes, mais je ne suis pas encore parvenue à les assembler pour dégager la réponse finale.


Tatië ferma les paupières. Elle ressentait la chaleur du soleil qui se déversait sur la vallée et cette sensation détendit son corps, et par là même apaisa son esprit, ce qui eut pour effet de le rendre plus propice à la réflexion.

- Bien que les tournures puissent faire penser à une personne, et plus précisément à une femme, je me doute bien qu'il ne s'agit là que d'un effet de style, joliment fait il faut bien l'avouer, mais destiné à égarer le destinataire. Car c'est bien un lieu qui nous manque, et non une personne : la personne, Ilmendil vous en a déjà parlé, et il vous en a parlé au masculin et non au féminin, si je vous ai bien suivi. Si donc il s'agit d'un lieu, pourquoi justement en parler comme s'il s'agissait d'une dame ? Petit jeu linguistique sans doute, pour nous dire que le lieu que nous cherchons est couramment mentionné sous un terme de genre féminin... une ville... une cité... une forteresse peut-être... qui si l'on en croit le vers final n'existerait plus, du moins pour celui qui ne regarderait que la surface des choses.
– elle marqua une pause – Vers celle qui t'as fait renaître... de quelle manière un joyau peut-il renaître, ou même naître ? – nouvelle pause, bien plus longue que la précédente – Peut-être... Peut-être un joyau naît-il quand on l'extrait de la roche, quand on laisse pour la première fois la lumière magnifier sa couleur, et renaît-il quand une main habile mais respectueuse le façonne pour magnifier sa forme. Où, par le passé, a-t-on pu façonner un objet comme celui-ci, un objet aux propriétés que les humains qualifieraient de magique ?


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Isilo
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L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles EmptyMer 6 Juil 2016 - 0:04
C’était l’heure de dépoussiérer de vieilles connaissances oubliées, enterrées par de trop nombreuses saisons où l'on perd davatange que l'on conserve. Avec l’innocence d’un enfant, Isilo se surprenait encore que des êtres vivants puissent se rappeler de tant de moments, qui étaient des bribes de temps et des cassures dans l’espace qui s’étaient imprimés dans leur rétine. Ces cassures, ces morceaux de contes et de légendes n’étaient que très peu tangibles pour le Noldo, qui avait passé le plus clair de son existence en Ennor à l’intérieur de son fief ou dans un rayon de celui-ci qui est raisonnable pour un enfant qui grandissait en s’imposant la rigueur monastique. Alors, en entendant la Dame de Valinor parler de cités, de pierres précieuses et d’alliances brisées, maintenant qu’il avait retrouvé le confort de terres familières, il se demandait si c’était ainsi que ses vieux oncles se sentaient lorsque ces derniers passaient leurs après-midi à fouiner dans la bibliothèque de Limeclaire.

Quand Isilo commençait à être bien concentré sur son cours d’histoire et de géopolitique, le vent de la raison et la froide réalité parvinrent à lui rappeler le rôle, central, qu’il avait dans cette histoire. L’expression sur son visage changea, ainsi, quand il saisit une vérité des plus actuelles : la partie théorique de cette aventure serait courte et peut-être, dans un proche avenir, voudra-t-il qu’elle eut été plus longue. Bien que ses pensées l’aient trop dérangé pour qu’il puisse écouter son amie dans la totalité de son discours, il revînt à elle lorsqu’il fut surpris par le ton ascendant de sa question.

- J’ai cru pendant un moment que la pierre pouvait se trouver ici, à Imladris. Comme Ilmendil a parlé de l’aïeule oubliée de notre cité, j’ai pensé qu’il pouvait se référer à Imladris avant sa reconstruction suite à la guerre de l’Ordre. Or, désormais, j’aime croire que cette pierre n’est pas l’œuvre d’un forgeron de Fondcombe.

Isilo prit une gorgée et s’avança sur une hypothèse, plausible.

- Plus vieille par sa date de fondation, la Lorien me semble être le lieu idéal pour dissimuler un artefact de cet ordre vu son occupation actuelle moindre, du moins, en comparaison avec ce qu’elle a déjà été. Par contre, le passage voulant que la pierre soit six pieds sous terre me cause un peu problème. Aussi, si la pierre est elfique, j’ose croire qu’elle est retournée vers un lieu habité de Quendi, ce qui ne nous laisse pas beaucoup d’options en cet âge où notre nombre est largement diminué, hélas. De plus, je doute que cette pierre ait été forgée dans les terres du roi du bois et de la pierre, feu Thranduil, son peuple étant trop imparfait dans la confection de telles merveilles. Par conséquent, j’ose croire que le pouvoir serein de la Lorien et de sa Dame ont peut-être quelque chose à voir dans ces péripéties… Pensez-vous quelque chose m’échappe dans ces métaphores ?

Il regarda son amie avec un regard où se mêlait du doute, de bonnes intentions, une réflexion profonde et véritable, ainsi qu'un soupçon d'audace. En fait, le jeune seigneur sentait que bien que son rôle dans cette histoire était le point central de la tournure des événements, il ne tenait pas du tout les rênes au moment où, ironiquement, tout était sous contrôle pour la première fois en quelques semaines. Quand la lumière du jour n'agaçait plus la peau du front d'Isilo, mais où elle trouva plus grand obstacle à sa course dans le marbre des rampes auxquelles elle se frappait désormais, les différents moments de la journée, comme des marques sur un cadran solaire, rappelaient au maître de Limeclaire que le temps passait et que les aigles n'avaient pas encore retrouvé leur dû. Mais lui, il était toujours là. Les mains vides.
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Hadhod Croix-de-Fer
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L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles EmptyJeu 7 Juil 2016 - 14:49
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Cette énigme était tenace, sa réponse ne voulait pas se montrer si facilement. Peut-être que lorsqu'ils l'auraient trouvée, les deux elfes se diraient que c'était là l'évidence même, qu'ils avaient été bien aveugles de ne pas y penser plus tôt... comme toujours quand on vient en possession de la solution d'un problème. Toutefois, si Ilmendil avait pensé que les deux destinataires de son quatrain auraient trouvé facilement, il ne se serait pas donné la peine de le composer et leur aurait donné le lieu de façon claire, sans le dissimuler. Chercher fait croître la sagesse, car cela amène à se poser des questions.

Les yeux de Tatië regardaient vers le bas, trahissant la profonde réflexion qui agitait son intellect. Elle pesait l'hypothèse d'Isilo. La Lothlórien... elle n'y avait pas pensé. Elle récita à nouveau les vers dans sa tête pour voir si l'idée concordait avec l'intitulé. Il est vrai que l'artisanat du Bois Doré était réputé, et que les artisans de cette contrée avaient créé de grandes choses par le passé, des objets à la fois puissants et beaux dans lesquels ils insufflaient toute la force de leur âme et la pensée de ce qu'ils chérissaient. Il est vrai que Laurelindórinan existait depuis un temps presque immémorial, et que de nombreux rois sindar y avaient régné de père en fils avant que Celeborn et Galadriel n'y fassent leur arrivée, puis leur petite-fille Eärwen plus récemment... Pourtant ces deux enclaves elfiques avaient des origines bien distinctes, quoique leurs histoires en vinrent à être entremêlées par la suite. On pouvait difficilement dire que l'une était l'aïeule de l'autre.

Avant que Celeborn et Galadriel n'y fassent leur arrivée...

Avant que Celeborn et Galadriel n'y fassent leur arrivée...

Cette bribe de phrase se répétait en boucle dans son esprit, elle pouvait presque l'entendre comme si une bouche invisible la lui susurrait dans l'oreille. Et comme cet écho se répercutait, la Dame à la robe violet bleuté commençait à apercevoir une réponse.

- J'y suis ! s'exclama-t-elle de façon plus vive qu'elle ne l'aurait voulu. Oui c'est cela, tout concorde ! Vous n'étiez pas bien loin de la réponse Isilo, mais pas tout à fait en plein dedans. Il y a bien une cité elfique où cette Pierre a toute les chances d'avoir été façonnée, mais elle ne nous est pas venue à l'esprit car elle n'existe plus et n'a donc plus aucun poids dans la politique des Terres du Milieu. Voilà pourquoi elle gît à six pieds sous la terre, c'est une cité qui n'est plus debout, qui est tombée, qui est passée de vie à trépas. C'est la cité qui donna naissance à la nôtre, Isilo, voilà pourquoi l'aigle la définit comme son aïeule, et Imladris comme « La seconde ».

Elle le regarda avec un sourire franc qui fit disparaître toute trace de tristesse de son beau et fin visage. Le contraste était saisissant : c'était comme si la vénérable Dame de Tirion s'était tout soudain mue en une jeune elfe insouciante et heureuse s'émerveillant dans le printemps du monde. Eut-elle dévalé les sentiers forestiers d'un pas allègre avec une couronne de fleurs sauvages sur la chevelure que ce n'eut guère été étonnant.

- Tout ne s'éclaire-t-il pas à présent, cher Isilo ?


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L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles EmptyVen 8 Juil 2016 - 0:16
Isilo revoyait le regard d’Ilmendil et sa pupille qui miroitait la lumière du matin, ses yeux perdus dans le lointain, figés dans la honte du passé et implorant la bonté des grands esprits de ce monde de venir en aide à son peuple. Les souvenirs d’Isilo étaient encore frais comme l’air alpin qui l’avait réveillé ce matin-là et l’intensité du regard de son ami inespéré, celui à qui il était désormais lié, se faisait plus forte. Alors qu’il aurait dû être en train de se concentrer sur la sensation de la brume sur son visage, la couleur dorée des yeux du grand Thoron altérait son intellect, comme si cette dernière tentait de teinter chacune de ses songes. Comme si elle eut voulu porter un message si clair que ce dernier pouvait arriver à  se manifester dans l’espace physique comme un esprit que l’on invoque, cette teinte jaune pur monopolisait son attention jusqu’au moment où…Isilo vit la pierre, la mîr o nestad. Sortant des flammes pour être posée sur un présentoir orné de runes, elle brillait de cette couleur dont Ilmendil lui avait parlée, comme un morceau de firmament que l’on emprunte pour créer une œuvre d’art. Les artisans qui l’entouraient avaient un visage brillant d’émerveillement, comme des enfants à qui l’on annonce une fête estivale.

C’est à ce moment que vint à Isilo la bribe d’histoire qui lui manquait, quand cette dernière se matérialisa visuellement dans son esprit. À cet instant-là, il put maintenant dessiner dans son esprit, quand il fermait les yeux, les grandes colonnes qui dominaient la colline, les grands halls aux couleurs vives et les gens qui accourraient dans tous les sens sous la chaleur d’un soleil impitoyable. Puis, il vît une de ces ombres dont on lui avait longuement parlées, celles qu’il chassait de son esprit pour qu’elles ne puissent jamais voir le jour dans le monde extérieur. Une des calamités qui prend naissance dans le cœur des Hommes et des Elfes et qui décuple de taille lorsqu’elle est alimentée par la haine et les maux d’un cœur corrompu par le mal. Ce Mal si mauvais qui avait tourmenté les Âges, et, qui ne semblait pas encore vouloir renoncer à sa finalité.

- Ost-in-Edhil, la cité des forgerons, première demeure de Galadriel et de Celembrimbor, tombeau du grand artisan de Second Âge. En ruine, plus une âme n’y erre. Pourquoi celui qui a volé les Theryn s’y réfugierait-il, couvert de honte ?

Isilo était bel et bien conscient des lois énergétiques qui régissaient le monde autour de lui. Déjà, encore qu’il n’était qu’un petit Elfe à qui il arrivait de se fâcher pour une part de gâteau, on lui parlait de ces grandes lois et des ces principes inexplicables, mais pourtant bien réels. Il savait que des choses ou des êtres dont la complexité de la nature dépassait tout entendement régissaient le temps et l’espace avec une telle maîtrise que les changements qu’ils apportaient au monde étaient toujours subtils, mais bel et bien palpables. Ainsi, il commença à se douter que peut-être la grande forge des Elfes n’avait pas tout perdu de son pouvoir et que des forces, peut-être malignes, y vampirisaient l’antique énergie nécessaire à leurs obscurs desseins.

- Je commence à me demander si cette mîr o nestad n’a pas quelque à voir avec ce qui se trame plus au sud et avec cette histoire d’artefacts de pouvoir. Quoi qu’il en soit, il semble qu’Ilmendil a voulu nous envoyer en Eregion et que, si mon destin est bel et bien lié à celui des Theryn, la prochaine page de celui-ci s’écrira là-bas. Dame Tatië, rassemblons le nécessaire et partons dès que possible.
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L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles EmptyLun 11 Juil 2016 - 19:46
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Cela faisait bien longtemps que la dame-elfe n'avait pas ressenti une telle émotion. Elle était à la fois heureuse qu'ils aient réussi à percer le mystère du quatrain, curieuse de ce qu'ils pourraient accomplir dans un avenir proche, et anxieuse de ce qui pourraient leur arriver.

- Oui seigneur Isilo, je crois bien que nous avons enfin notre réponse. Ces quatre vers ne laissent guère de place au doute maintenant que nous sommes arrivés à la solution. Il serait fort étonnant que nous ayons fait fausse route, tous les indices concordent de manière tellement parfaite ! Ost-in-Edhil était le siège de la Confrérie des Orfèvres, les Gwaith-i-Mírdain comme ils se nommaient eux-même. En ses murs, il y a de cela des siècles et des siècles, l'artisanat et la dextérité elfiques arrivèrent à leur zénith, et les Mírdain imaginèrent, conçurent et façonnèrent bien des objets précieux et puissants. Leurs propriétés et leur natures étaient diverses et variées. Certains pouvaient se révéler dangereux si leurs possesseurs ne faisaient pas preuve d'assez de vigilance en les utilisant. D'autres étaient moins capricieux dans leur utilisation, encore que nul ne devait être manié à la légère, car tout pouvoir, qu'il soit bénéfique ou maléfique, engendre l'envie, la jalousie, et est donc source de discorde voire de malheur. Tout me porte à croire, maintenant, que la Pierre que nous recherchons a été créée dans les ateliers d'Ost-in-Edhil avant que cette cité ne soit mise à sac par Sauron Gorthaur. J'ignore comment elle en vint à se retrouver finalement dans le Trésor sous la Montagne : il doit y avoir là bien des histoires qui ne seront jamais racontées, et bien des personnages dont nous ne saurons jamais les noms ni les faits et gestes... Toujours est-il que notre peuple, fuyant la ruine et la mort, monta dans le nord sous l'égide d'Elrond Peredhel et fonda ce qui devait constituer un refuge, et qui devint avec le temps une demeure permanente, le principal lieu de vie elfique du Nord d'Ennor.

Ces événements, Tatië ne les avait pas vécus, sinon par les rumeurs qui circulaient encore assez librement, en ce temps-là, jusqu'à Tirion sur la colline de Túna ; et aussi par les récits historiques qu'elle avait parcourus bien plus tard avec un vif intérêt dans les manuscrits poussiéreux de la grande bibliothèque.

- Mais l'aïeule d'Imladris, reprit-elle comme incapable de s'arrêter, la fameuse Ost-in-Edhil, a été détruite pierre après pierre par les forces ténébreuses, si bien que les seuls vestiges de cette époque sont des ruines rongées par le temps et les intempéries. Et jusqu'à très récemment, je n'ai entendu aucun de nos émissaires ou de nos éclaireurs prétendre l'avoir vu reconstruite, ne serait-ce qu'en partie. L'histoire de cet endroit est trop lourde pour pouvoir l'effacer et rebâtir par-dessus, et à plus forte raison pour retourner y vivre : cette cité fortifiée a connu la lumière la plus vive et les ténèbres les plus sombres, et aucun de nous ne pourrait supporter le souvenir de l'une et de l'autre, le poids serait trop grand. C'est mon avis, en tous les cas. Si bien que jusqu'à preuve du contraire, il n'y a là-bas que des fondations fantomatiques et des pierres qui psalmodient leur douleur et leur nostalgie. Je me demande ce qu'espérait y trouver le voleur. Un refuge ? J'en viens presque à avoir pitié de lui. Il a dû connaître une fin tragique dans la solitude, c'est le plus probable. La question qui m'intrigue est la suivante : s'il n'y a plus là-bas que des ruines, pourquoi les Aigles ne vont-il pas récupérer leur bien au milieu des blocs de pierre ? Ou, dans l'éventualité où le scélérat y vivrait toujours sous l’œil accusateur de la soleil et du lune, pourquoi ne vont-ils pas tout simplement lui réclamer l'objet mal acquis, de gré ou de force ?

Quoi qu'il en soit, j'ignore tout bonnement si ce joyau est l'un des artéfacts de pouvoir à propos desquels les sages nous ont mis en garde. Cela revient à se demander si un objet offrant un certain pouvoir de guérison, ou dans le cas extrême une guérison miraculeuse et systématique, pourrait être dangereux s'il passait en de mauvaises mains. Ce serait là un paradoxe troublant. Ou peut-être est-ce tout simplement le hasard qui nous a mis sur sa route... mais je n'y crois guère. Vairë tisse la trame du destin de toute chose, et cette idée même ne va pas avec celle de hasard.

Mais assez parlé des grandes idées et des concepts, revenons au concret, pour ne pas dire au-terre-à-terre...


Elle termina sa tasse de suthlas avec quelques dernières goulées délicieuses et revigorantes, et embrassa la vallée du regard comme si elle cherchait à définir la direction de son prochain pas. Car la destination avait beau être lointaine, le chemin qui y menait commençait là, devant leurs pieds comme dirait l'autre.

- Je dois vous avouer quelque chose, mon cher Isilo. J'ai peur. Je n'ai guère été habituée aux aventures, ma vie a été si bien rangée pendant de si longues années... Et la dernière escapade a été si éprouvante pour moi ! Pourtant, les moments comme celui que nous vivons actuellement sont le but même de mon arrivée en Terre-du-Milieu. Si j'avais voulu regarder de haut et de loin les problèmes de ce monde, je serai restée dans le pays béni, où le soleil est plus brillant, l'herbe plus verte et l'air plus vivant, comme je l'avais toujours fait jusqu'à présent. C'est pourquoi je suis bien décidée à aller au bout du voyage, cette fois. Je dis seulement ceci : puisque ni vous ni moi ne sommes des gens de guerre ni de prouesses martiales, et que le danger pourrait bien nous tomber dessus avant la fin, il serait sage d'emmener avec nous un de nos compatriotes, plus à l'aise avec l'épée ou l'arc que nous ne le sommes nous-mêmes. Notre espérance seule ne pourra peut-être pas nous protéger, là où nous allons.


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Ryad Assad
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L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles EmptyMer 13 Juil 2016 - 13:45
La superbe cité d'Imladris avait retrouvé son calme enchanteur, et un châle de sérénité s'était refermé sur les douces sculptures, les colonnes finement ouvragées, les fontaines qui faisaient chanter l'eau des rivières à l'unisson des oiseaux de passage, venus profiter de la quiétude des lieux. Telles des ombres reculant inexorablement devant la lumière, les affres de la guerre disparaissaient progressivement devant la détermination des Elfes à redonner à la Dernière Maison Simple sa splendeur d'antan. La mort avait frappé ce sanctuaire du peuple immortel, et l'outrage ne serait jamais oublié dans la mémoire des Premiers Nés, mais les travaux avaient commencé sitôt que la cité avait été reprise. La gloire du passé ne resterait pas souillée très longtemps. Les salles pillées par les ravageurs de l'Ordre de la Couronne de Fer avaient été rétablies ; les merveilles jetées à bas, redressées ; les blasons tombés dans la fange, redorés.

Des artisans travaillaient amoureusement à la réfection des lieux, et on les voyait panser les plaies de la Combe Fendue comme ils auraient soigné une belle dame cruellement blessée. Ils lui murmuraient de douces paroles, la caressaient pour apaiser son angoisse, et la réconfortaient en lui assurant que jamais plus elle ne subirait une telle violence. L'Ordre n'était plus qu'un souvenir, ses derniers membres vivants traqués et isolés, se cachant pour retarder autant que possible l'heure où la justice viendrait s'abattre sur leur cou, et leur faire payer leurs crimes odieux. Il y avait un esprit de revanche chez les Elfes d'Imladris, qui se dédiaient ardemment à faire ressurgir la magnificence des lieux, comme pour braver la folie qui avait failli la détruire à jamais. On retrouvait cet esprit chez beaucoup d'immortels, qui n'étaient pas comme les Hommes soumis à leurs pulsions, prompts à déchaîner leur colère par les armes. Au lieu de quoi, ils mettaient leur indignation et leur frustration au service d'un projet plus grand, plus beau. La restauration de leur foyer.

Déambulant prestement dans les couloirs d'Imladris, une silhouette solitaire filait sans que ses pieds chaussés de souliers fins ne produisissent le moindre son en effleurant les pavés parfaitement agencés de la cité elfique. Murmure imperceptible, elle allait avec assurance, contournant ici un parterre de fleurs, montant un escalier qui s'enroulait comme les branches de la vigne autour d'un tuteur. Les pas s'éloignaient du cœur de Fondcombe, où se rassemblaient les grandes gens, les puissants seigneurs et les Elfes millénaires qui jetaient sur le monde un regard empli de sagesse et de bienveillance. Les salles où ils passaient désormais n'avaient pas encore été réparées, et elles demeuraient la plupart du temps fermées, les habitants légitimes des lieux refusant de s'y rendre, incapables de supporter la vue des ravages.

Les pas s'arrêtèrent, et le messager qui venait de traverser prestement la cité regarda autour de lui avec une expression choquée sur le visage. La porte close masquait l'ampleur du carnage, et l'ouvrir signifiait plonger dans la froide réalité de la bataille d'Imladris. De sombres traces circulaires s'étaient figées sur le sol, marquant l'emplacement où étaient tombés défenseurs et assaillants au cours des deux affrontements qui avaient eu lieu ici. Le premier, sauvage et violent, avait vu les troupes de la Couronne de Fer pénétrer ces murs comme une nuée de sauterelles, détruisant tout sur leur passage. Le second, mené au nom de la justice et du bien, avait été aussi âpre que triste. Nombre de vies avaient été perdues ici, nombre d'Elfes avaient rejoint les côtes enchantées de Valinor, tandis que leur corps demeurait figé, glacé, sur le sol de cette brutale Terre du Milieu.

Le messager ne pouvait pas s'empêcher d'éprouver une intense émotion alors qu'il ressentait la souffrance que contenait cette salle. Des entailles profondes déchiraient les murs, les peintures, les livres et les parchemins avaient été jetés à terre, éparpillés sans le moindre respect. Les hommes de l'Ordre y avaient mis le feu, probablement pour contenir la poussée des Elfes ; les cendres de ces ouvrages précieux désormais calcinés s'étaient éparpillées un peu partout. Une poussière qui ressemblait à un millier de paillettes dorées semblait tomber de nulle part, enveloppant les corps encore chauds qui passaient par ici. Les vivants étaient comme des spectres dans cet univers immobile et froid. Ils n'étaient pas à leur place ici. Le malaise du jeune Elfe était perceptible, et il s'arracha à sa contemplation pour s'approcher de la silhouette solitaire qui se tenait au fond de la pièce. D'une voix douce, il murmura son nom comme pour la sortir de la torpeur dans laquelle elle s'enfonçait :

- Luin ? Luin ?

L'intéressée ouvrit les yeux doucement. Des yeux dans lesquels on lisait une grande affliction, une profonde détresse qui n'apparaissait pourtant pas sur ce visage marmoréen. Immobile, elle semblait être une de ces statues brisées, portant dans sa chair les marques de la violence des Hommes, attendant d'être réparée par les mains habiles d'un artisan qui se pencherait sur elle, et lui murmurerait que tout irait bien. Elle était curieusement à sa place ici, comme si elle était une partie même d'Imladris. Comme si… Comme si elle était l'incarnation même de la cité. Le malaise du messager crût encore un peu. Elle ne lui répondit pas, mais son silence l'invitait à continuer, ce qu'il fit avec douceur :

- Luin, on m'envoie vous chercher. Voudriez-vous me suivre ?

- Qui vous envoie ? Demanda-t-elle en se levant déjà.

Sa voix était grave et belle, d'un timbre unique qui n'avait pas la finesse habituelle des Elfes, mais plutôt une chaleur et une profondeur touchantes. Elle n'aimait pas sa voix, pourtant, et il lui en coûtait toujours de devoir prendre la parole. Ce n'était pas la raison qui lui avait fait opter pour la voie qui était la sienne, mais elle en appréciait les avantages autant qu'elle en mesurait les inconvénients. Le messager déglutit, et répondit :

- Dame Tatië. Elle souhaiterait vous confier une mission, et elle a ajouté qu'elle voulait vous faire rencontrer quelqu'un.

- Bien.

Pas un mot de plus ne quitta ses lèvres, qui se scellèrent le temps qu'elle suivit le messager. Il ne l'interrogea pas d'ailleurs, respectant la blessure qui était la sienne, et fit en sorte de remplir sa tâche avec diligence et célérité. Tatië lui avait donné l'endroit où elle se trouverait, et il connaissait la cité si bien qu'il conduisit Luin jusqu'à elle sans hésiter à aucun moment sur la route à choisir. La femme qui l'accompagnait, cependant, paraissait perdue. Elle observait les merveilles d'Imladris comme si elles étaient saugrenues, incompréhensibles. On lisait dans sa gestuelle un malaise certain qu'elle ne paraissait pas éprouver au milieu de cette salle délabrée, où régnait un chaos indescriptible. La lumière du jour qui frappait son visage et illuminait les souvenirs de la guerre lui était presque devenue étrangère, et elle dut lever la main pour ne pas se sentir éblouie. Les Elfes tournaient la tête sur leur passage, lui adressant des regards bons et chaleureux, mais elle ne montrait que de la gêne et de la surprise en retour.

Ils arrivèrent bientôt là où se trouvait Tatië, que Luin reconnut immédiatement. Les deux femmes avaient déjà eu l'occasion de discuter, alors que la vénérable arpentait la cité pour constater de ses yeux la perte qu'avait représenté le passage de l'Ordre. Elle avait trouvé Luin assise là, et en fait de discussion, il s'était plutôt agi d'un monologue. Dire que Luin était peu loquace était un euphémisme, mais fort heureusement Tatië était d'une curiosité dévorante, et elle pouvait très bien faire la conversation pour deux. Son statut facilitait grandement les choses, il fallait le dire, et il était toujours plus facile de s'adresser librement à un Elfe de rang inférieur que l'inverse. Toutefois, cet échange asymétrique de paroles, et les quelques autres qui avaient suivi, n'expliquaient pas pourquoi la jeune femme avait été convoquée ainsi. En approchant, elle nota la présence d'un homme qui se trouvait là. Elle ne l'avait jamais rencontré par le passé, mais elle comprit immédiatement qu'il s'agissait d'un noble. Le messager s'arrêta à bonne distance, et souffla :

- Je vous laisse ici, Luin. Bonne journée.

Elle lui répondit d'un discret signe de tête, et descendit les quelques marches qui l'amenèrent jusqu'aux deux Elfes qui s'étaient levés pour l'accueillir. Elle n'avait aucune idée de ce qu'ils lui voulaient, mais compte-tenu de ses compétences limitées, qui ne s'étendaient pas vraiment en dehors de son champ d'expertise, elle avait une petite idée du pourquoi de sa convocation. Elle s'immobilisa à une distance respectable, et s'inclina profondément devant ses seigneurs, avant de se redresser et de croiser les mains derrière son dos. Comme le soldat qu'elle était.

Le soleil faisait briller son regard qui affichait une neutralité absolue. Il faisait aussi ressortir, imprimés cruellement dans la chair de son visage, les stigmates douloureux d'un monde gouverné par l'acier. Son monde.

Immonde.

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L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles EmptyJeu 21 Juil 2016 - 19:55
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Ah, l'action avait le pouvoir de détourner l'esprit des pensées parasites, de la mélancolie, et des mauvais souvenirs ! Lorsque le corps et l'esprit sont occupés, le passé semble peu à peu se dissiper comme une brume chassée du sommet d'une montagne par un vent soudain et puissant. L'arrivée du seigneur Isilo dans la cité-refuge avait été l'élément déclencheur, et les événements qui avaient suivi et s'étaient succédés à une vitesse folle avaient tenu Tatië en haleine et lui avaient presque fait oublier qu'ici même, dans sa cité d'adoption, des individus au cœur aussi noir que la nuit avaient saccagé, pillé, blessé, massacré. Toutes ces horreurs lui avaient soudainement sauté de nouveau à la figure lorsqu'elle avait songé à Luin, et le faisaient de nouveau avec encore plus de vigueur et de force maintenant qu'elle se présentait devant elle. Il s'agissait là du même mécanisme qui faisait que l'écoute d'une chanson ou la senteur d'un parfum pouvait replonger une personne dans certaines périodes de son passé, avec toujours un très fort sentiment de nostalgie et une sensation légèrement irréelle. Les chants de marche en quenya ramenaient toujours Tatië au temps de la montée vers le nord du Valinor, et lui faisaient ressentir à nouveau ce mélange d'appréhension et de culpabilité. Le parfum des fleurs printanières la faisaient revenir au temps, plein d'apaisement et de félicité, de sa longue vie à Tirion, sur la verte colline qui ne connaissait ni la sécheresse de l'été, ni la morosité de l'automne, ni la morsure de l'hiver. La triste silhouette de Luin, elle, lui faisait revivre l'affliction de l'exil et de la courte – mais tout de même trop longue – période passée dans les terres sauvages entre Rivendell et l'Emyn Muil.

Car ce fut en cette heure cruelle où la cité avait été perdue et où les survivants avaient pris la fuite dans l'espoir de quémander l'hospitalité du seigneur de Gar Thulion, que Tatië avait porté de l'intérêt à cette soldate qu'elle n'avait vu auparavant qu'en des occasions insignifiantes, comme une banale figure dans un bataillon. Elle n'avait pu expliquer pourquoi... Était-ce l'infinie tristesse qu'elle avait perçu dans ses yeux ? De la compassion envers cette elfe blessée dans sa chair et dans son âme ? Était-ce l'attachement déraisonnable et fusionnel pour sa cité qu'elle avait décelé chez elle ? C'était tout cela à la fois, en vérité. Elle lui rappelait quelqu'un, une jeune noldo qu'elle avait connu naguère et qui tout comme Luin s'était vu contrainte de quitter de force la demeure qu'elle aimait tant... Cette jeune noldo, c'était elle-même, Tatië.

Ses lèvres dessinèrent un sourire sincère qui signifiait tout à la fois « bonjour », « je suis heureuse que vous ayez répondu à mon invitation », « comment allez-vous depuis notre dernière rencontre ? » et « soyez forte ». Elle n'ignorait pas, bien entendu, que n'importe quel soldat ou soldate ayant reçu une convocation, même orale, de la part d'un représentant de la noblesse n'avait que peu d'alternative, et que refuser une telle entrevue, à défaut d'être formellement interdit, pouvait être très mal vu. Pourtant, Tatië espérait et était presque convaincue que ce n'était pas seulement la contrainte sociale qui avait poussé l'épéiste à suivre cette douce injonction. Un lien étrange, dicté par le besoin et la solidarité face au malheur, avait réuni les deux femmes et n'avait pas totalement disparu depuis, bien qu'il n'eut pas été approfondi non plus. Un lien par l'action, encore une fois, et en l’occurrence par la bonne action : la Dame de Tirion avait soigné la soldate durant l'exil qui avait suivi la première bataille d'Imladris, chose plutôt rare vu leurs conditions respectives. Et il lui semblait qu'elles s'étaient alors comprises l'une l'autre. Ou tout au moins comprises en partie, car la demoiselle à l'armure de cuir ne se livrait pas facilement.

Bien que son sourire ait signifié toutes ces choses, la courtoisie et l'affabilité de Tatië la poussèrent à exprimer ses pensées sous forme de mots, comme à son habitude...

- Luin, je suis contente de vous revoir.

Elle essaya de deviner les états d'âme de la militaire, mais il était fort difficile de lire quoi que ce soit sur ce visage : la tristesse semblait lui tenir lieu de compagne perpétuelle, et chercher à savoir comment elle allait revenait à se demander dans quel degré de tristesse elle était plongée actuellement. Tatië ignorait s'il s'agissait là de son tempérament habituel ou si les récents événements avaient exacerbé à l'extrême un petit penchant naturel au pessimisme. Elle comptait bien l'apprendre tôt ou tard, mais savait que ce ne serait pas facile vu la réserve de l'intéressée.

- Je vous présente le Seigneur Isilo de Limeclaire, venu de son domaine pour nous éclairer de sa prescience en ces temps de court répit. Isilo, voici la Demoiselle Luin, dont l'épée a prouvé de nombreuses fois sa valeur durant les heures sombres que nous avons connu. Vous ne trouverez pas de soldat plus attaché à notre cité bien-aimée.

Tatië ressentit comme un léger malaise immédiatement après avoir terminé ces phrases de présentation. En fait, elle ne pouvait pas imaginer deux individus aussi différents de par leurs aspirations : l'un avait toujours vécu pour la paix, l'autre ne semblait exister que par la guerre. Elle se demanda quelle serait la réaction du grand penseur... le connaissant, il ne se laisserait pas aller à des paroles dédaigneuses ni blessantes, ce n'était pas dans sa nature, mais que penserait-il au fond de lui de cette guerrière qui avait tué tant d'êtres vivants par le fer ? Tatië avait eu l'occasion de voir tant soit peu derrière l'armure, elle. En outre, elle savait que le mal ne venait pas des armes elles-mêmes mais de l'utilisation que les gens en faisaient ; elle-même n'avait pas participé à la Guerre de la Grande Colère comme Finarfin, mais elle en avait entendu le récit et savait que même les grands Valar en étaient venus à cette extrémité dans la nécessité. Elle ne voyait de toute façon pas d'autre moyen qu'une arme pour assurer leur sécurité dans les jours à venir.

Une fois les présentations parachevées, la Dame prit un bon moment pour expliquer la situation à la nouvelle venue. Pour une demoiselle qui n'était pas dans les secrets des grandes figures de Fondcombe, le récit devait paraître bien abracadabrantesque. Elle lui parla du Cercle de Réflexion qui avait eu lieu tout en restant évasive au sujet de la missive et des extrapolations que ses lignes avaient pu provoquer. Elle laissa Isilo lui donner des détails sur son séjour chez Ilmendil, puis prit à nouveau la parole pour lui parler de l'énigme et de sa solution, s'efforçant de présenter cette mission comme un moyen de renouer l'amitié entre le peuple des Elfes et celui des Aigles, comme une affaire très localisé donc, et non comme l'enjeu global qu'elle était censée être. Ils auraient amplement le temps de lui révéler tous les tenants et aboutissants pendant leur voyage, à supposer que Luin accepte d'en faire partie. Et puis, il ne fallait pas prendre le risque de tout mettre sur la table, dans l'éventualité où elle refuserait. Si elle pouvait refuser...

- C'est pourquoi Isilo et moi avons pris la décision de nous rendre là-bas, conclut la noldo, afin de vérifier par nous-même si ce que les Aigles convoitent s'y trouve toujours, et de récupérer l'objet si nous le pouvons. Lorsque nous avons évoqué l'idée d'un compagnon armé pour notre périple, je me suis simplement souvenu des exploits de votre épée et de la volonté avec laquelle vous la maniiez. Et aussi de votre courage dans la souffrance. Je ne vais pas vous mentir : ce n'est pas un cadeau que je vous fais en vous choisissant. Il se peut que cette aventure ne soit pas plus dangereuse qu'une balade en forêt mais... il se peut aussi que nous trouvions des dangers mortels. C'est l'inconnu qui nous attend. Je ne suis point votre supérieur hiérarchique, et Isilo non plus ; je ne puis vous obliger à suivre un chemin que vous ne voudriez pas prendre, et le pourrais-je que je ne le ferai pas.


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Isilo
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L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles EmptyJeu 4 Aoû 2016 - 21:54

Dans la légèreté du monde qui vibrait autour de lui, Isilo percevait dorénavant une onde de distorsion, comme une tache que laissait l'automne précoce sur un été immaculé d’un doré imperturbable. Bien qu’il ne fût jamais question d’une présence maléfique, le sage sentait pourtant une dégradation profonde de la lumière de ces hauts lieux qui émergeait d’une brisure dans le cœur d’un de ses semblables. Ainsi donc, telle une chandelle dont la brillance nouvelle s’essouffle trop tôt, une jeune femme blessée avait été appelée à se tenir devant lui et il semblait que l’histoire de leurs vies allait écrites en simultanée, empruntant à l’une et à l’autre quelques bribes d’aventures. Cette histoire, qui avait commencée avec une vision et un écho dans le lointain, ne se dévoilait devant les yeux du maître de Limeclaire que très lentement et de manière presque imperceptible. Ainsi, Isilo arrivait peu à peu à laisser ce déstabilisant sentiment de surprise de côté dans les mains de sa sagesse et de sa bienveillance afin de laisser plus de place à une confiance vraisemblablement croissante envers Tatië, qui était une mystérieuse clairvoyante, mais surtout, désormais, une amie. Par conséquent, comme un ami le ferait, Isilo attendait encore de voir ce que sa Dame lui réservait, même si cette fois il s’agissait d’un dénouement contre-instinctif.

Dans une quête de réponses où beaucoup plus relevait de l’intellect que des prouesses physiques, Isilo s’était habitué à la réflexion constante et porteuse d’indices très peu généreux, mais précieux. D’un côté, il n’était pas prêt à délaisser cette force, cette habilité à réfléchir, qu’il possédait et qui, renforcée d’une foi ardente,  l’avait amené à frôler les cieux et en revenir vivant. Par contre, d’un autre côté il commençait à reconnaître que seul un cerveau qui fonctionnait à pleine capacité n’aurait pas pu le sauver des griffes du froid et du chant langoureux de la mort. Par conséquent, il reconnaissait que ses capacités physiques ne seraient peut-être pas gage de survie pour les péripéties à suivre et avait accepté de pourvoir leur petite compagnie d’une personne plus à l’aise avec les rigueurs du terrain. Sans prévenir, de lointains sentiments enfouis dans son subconscient l’avaient surpris dans ses réflexions et parmi ces derniers, l’orgueil et la jalousie avaient été les plus insupportables. Ceux-ci, en effet, n’étaient que l’ombre de démons du passé, alors que le jeune Noldo était sans cesse comparé à son frère, guerrier habile et chasseur hors pair. Bien qu’Isilo se fût senti hors de portée de ces venins de l’esprit, 200 ans de pratique méditative n’avaient pas été suffisants pour le libérer de ces faiblesses. Ainsi, quand le penseur posa ses yeux sur l’armure de cuir usé et écouta le pas militaire de leur nouvelle garde du corps, l’amertume de son subconscient pas tout à fait limpide lui brûla la gorge; sentiment qu’il reconnut rapidement et tenta de laisser aller.

- La gratitude est le bien le plus précieux que je puisse vous donner, Luin la Vaillante. Sachant qu’en ce monde la paix ne sait différencier votre cœur du mien, je choisis de vous honorer en mettant ma vie dans la vôtre. Si vous veillez sur moi, je veillerai sur vous. Tel est le sens de la vie.

En regardant le corps rigide et refroidi de la jeune Noldo, Isilo se rendit compte que ce dernier était affligé d’un sort que trop commun chez ceux de son peuple. Immortels, les enfants chéris d’Eru étaient damnés lorsque leur corps devenait une prison froide et solitaire pour une âme maudite de blessures que le temps n’arrivait jamais à guérir. De cette manière, les mémoires pesaient comme le sable d’un désert de glace : le vent les déplaçait sans cesse, les remuant encore et encore, les enfouissait parfois sous d’épaisses dunes de connaissances philosophiques, sans jamais les faire disparaître. Quand la brise des grandes cascades du Bruinen révélait les traits du visage de Luin, le regard intrigué d’Isilo se transformait en un autre qui, lui, était plus bienveillant. Ce jour-là, Isilo voyait la fragilité chez sa semblable de manière amplifiée, presque kaléidoscopique, transcendant toute armure ou masque. Il sentit de la pitié pour celle qui se cachait derrière une barricade défensive, juste là devant lui. Dans un éclair qui prenait le chemin inversé de son cœur vers les cieux, puis, finalement jusqu’au cœur de Luin, il tenta de ne pas la froisser, mais ne sut résister à l’appel de la compassion. En la prenant dans ses bras, il ferma les yeux, puis fit un pas en arrière.

- Il est temps pour toi de commencer à vivre, car beaucoup d’années sont encore devant toi. Tu n’es pas une guerrière, tu es une femme et, pour cette raison, ton cœur demande amour et repos. Par contre, si ton instinct te dit de prendre les armes pour nous et pour les Theryn, les esprits me disent que ce sera pour la dernière fois.

En retirant ses mains des épaules de la jeune femme, Isilo dirigea son regard et son sourire vers sa bienveillante amie et s’inclina en guise de révérence. À ce moment-là, il sentit que ce chapitre de repos en terre sacrée tirait à sa fin et qu’un nouveau jour allait se lever. Au loin, alors qu’il se dirigeait vers ses quartiers, il crut entendre la voix d’un grand oiseau de proie qui perçait les nuages, la brume légère et se mêlait aux silences qui entrecoupaient la mélodie des chants des musiciens qui honoraient leur cité salvatrice.
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L'intrigue du sage, de la Dame et des aigles EmptyLun 8 Aoû 2016 - 1:10
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Qui était Luin ?

Personne, assurément. Elle n'était qu'une lame argentée mise au service d'une cause qui ne lui appartenait pas, et pour laquelle elle avait néanmoins fait le serment de donner sa vie. Une lame dont le nom s'envolerait dans l'oubli quand elle quitterait la Terre du Milieu, un jour. Elle était aussi froide que l'acier qu'elle maniait, et rien ne semblait pouvoir adoucir la souffrance de son cœur perpétuellement étreint par la mélancolie. Elle était une âme égarée ici, errant sans autre but que celui qu'on lui confierait, attendant patiemment d'être invitée à rejoindre les Cavernes de Mandos. L'appel de Dame Tatië n'avait donc rien de surprenant pour elle, et à dire vrai la guerrière ne se sentit pas particulièrement choquée d'être convoquée ainsi. Même si la Dame n'était pas une militaire, elle avait l'autorité pour la faire venir où bon lui semblait, même si cela impliquait de la conduire face à un danger mortel. Le pion sur l'échiquier allait là où on avait le plus besoin de lui, avançant en ligne droite sans se préoccuper de ses camarades qui tombaient à ses côtés, et qui ne connaîtraient jamais qu'un repos éternel nimbé de ténèbres. Tout pour défendre le Roi et la Reine qui se tenaient derrière, immobiles et sages, mais ô combien importants. Ces derniers étaient là, face à elle, déposant un regard profond sur leur invitée.

- Ma Dame, répondit-elle sans joie à l'accueil pourtant chaleureux de la vénérable venue de Valinor.

Elle économisait ses mots, détestant parler autant qu'elle détestait s'entendre parler. Elle s'était inclinée de nouveau, sans manifester autre chose qu'une profonde servilité qui confinait à la servitude. La grande Dame, belle et gracieuse dans ses robes superbes, semblait vouloir se pencher jusqu'à approcher cette Elfe du commun, anonyme. Luin, mal à l'aise, ne pouvait que s'écarter de cette tentative d'établir le contact, se rétractant instinctivement comme si elle se sentait agressée dans son dernier cercle, celui où la noblesse de son peuple n'avait pas à se trouver, celui où la souillure dont elle était couverte ne risquerait pas de les éclabousser. Un léger sentiment d'incompréhension teinté de crainte s'empara d'elle, et Tatië eut l'élégance de ne pas en demander de trop, préférant immédiatement passer aux présentations. Luin, quelque peu soulagée, tourna son regard un instant vers le seigneur de Limeclaire que l'on venait de lui présenter.

- Sire, dit-elle en s'inclinant de nouveau.

Elle n'avait jamais rencontré Isilo, mais elle nota immédiatement quelque chose dans son regard qui la dérangea quelque peu. Au fond de ses yeux, on voyait danser une flamme intense, brûlante et dévorante, qui animait les esprits jeunes et fougueux. Certes, il avait l'air particulièrement calme – même au regard des standards elfiques –, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de voir en lui une sorte d'optimisme incontrôlable, une foi en l'avenir qui s'étendait à l'autre extrémité du spectre des émotions, là où le cœur de Luin n'allait pour ainsi dire jamais. Elle ne se permit aucun jugement ou aucun commentaire toutefois, car il n'était pas dans ses prérogatives que de juger de tels individus dont la sagesse et la puissance le disputaient à la noblesse et à la bonté. Il était peut-être plus jeune qu'elle, mais elle était un soldat, et ils étaient des philosophes, des penseurs et des décideurs. De leur capacité à analyser et à effectuer les choix les plus pertinents dépendait le sort de centaines, voire de milliers d'individus. A côté d'eux, elle n'était que poussière, quantité négligeable. Isilo se pencha vers elle avec courtoisie, et lui adressa des mots pleins de confiance et d'amitié, afin de faire tomber le masque de réserve que la guerrière arborait involontairement. Ce n'était pas qu'un simple salut qu'il lui offrait, mais bien une prestation de serment qui honorait celle qui le recevait bien plus que le seigneur ne pouvait l'imaginer. Une telle marque de déférence vis-à-vis d'une inconnue était rare, et la guerrière s'inclina encore, incapable de manifester autrement ses remerciements.

- Sire.

L'inflexion de sa voix avait changé légèrement, trahissant une légère surprise que son interlocuteur ne parut pas remarquer. Elle était perplexe : être ainsi conviée auprès de nobles qui s'efforçaient de lui donner une place, de regarder au-delà de son statut, était troublant. Le malaise qu'elle éprouvait alla croissant lorsque Isilo, avec une simplicité désarmante, la prit dans ses bras. C'était un geste commun, pour ne pas dire normal, mais il semblait à la guerrière qu'il y avait des âges que l'on n'avait eu pareille attention envers elle. Elle fut si gênée et étonnée qu'elle ne trouva pas véritablement comment répondre, et qu'elle ne rendit pas son étreinte à celui qui la lui offrait pourtant de bon cœur. Aurait-elle dû le faire ? N'était-ce pas trop familier, trop déplacé envers un seigneur qu'elle venait à peine de rencontrer ? Tatië et lui, par leur volonté de casser la distance sociale qui les séparaient de la guerrière, plaçaient Luin dans un état d'inconfort qui n'était pas habituel chez elle. Elle avait l'impression d'être un poisson hors de l'eau, perdu dans un univers dont les codes lui étaient étrangers, et qui lui paraissait curieusement douloureux, sans pour autant que quiconque fît montre de la moindre hostilité. Elle étouffa un soupir de soulagement quand l'étreinte amicale prit fin, et que chacun retrouva sa place et son rang.

Elle ne put même pas retrouver une parfaite sérénité en observant la cité alentour, car ils se trouvaient dans une section qui avaient été magnifiquement restaurée par les artisans de son peuple, lesquels avaient redonné aux fontaines, aux colonnes et aux arabesques leur splendeur d'antan. Voilà qui n'était pas pour apaiser le cœur de la guerrière, dont les yeux perçants ne pouvaient pas manquer de noter un léger contraste entre le nouveau et l'ancien, une très légère imperfection dans la rénovation, ou bien un changement de style infime là où les mains expertes avaient dû recréer ce qui avait été perdu. A l'instar de la marque indélébile gravée dans sa chair, les plaies de la cité pouvaient être refermées, mais rien ne pourrait gommer la cicatrice que portait la Dernière Maison Simple. Luin ne voyait pas une coursive élégante et sinueuse, entourée de parterres de fleurs et de sculptures raffinées. Elle voyait des hommes en livrée noire et blanche dont les lames étaient maculées de carmin, la seule couleur qui paraissait exister dans l'abîme de violence où elle avait été enchaînée. Elle entendait très distinctement le son du métal contre la pierre. Elle revoyait très précisément les éclats jaillir dans les airs, arrachés impitoyablement par une force sauvage et brutale.

La guerre.

Les images du conflit s'estompèrent comme un mauvais rêve disparaît aux premières lueurs du jour naissant, sans laisser rien de plus qu'un goût amer dans la bouche et un frisson dans l'échine. Rien qu'elle n'eût pas déjà expérimenté. Luin revint donc à ses interlocuteurs, s'attendant à recevoir des informations plus précises sur sa mission, ou à tout le moins sur la destination où ils allaient se rendre. En tant que garde d'Imladris, elle n'espérait pas de ses officiers qu'ils lui expliquassent les détails les plus spécifiques de sa mission. Elle n'avait pas besoin – et pas intérêt – à être dans la confidence. Bien des guerres avaient été perdues parce que de braves soldats avaient été capturés par l'Ennemi, qui avait su trouver à les faire parler d'une manière aussi odieuse qu'efficace. On se contentait donc, en général, de lui assigner une tâche assez particulière, qui n'avait de sens que lorsqu'elle était mise en perspective, observée avec un recul suffisant. Souvent il s'agissait d'une mission simple à comprendre, mais dure à réaliser. Les combats les plus âpres étaient souvent livrés pour des objectifs d'une simplicité affligeante. « Tenez le pont », avaient dit les officiers, avant de voir arriver au pas de charge des centaines de guerriers en armures lourdes. Combien étaient tombés pour tenir l'intenable ? Les souvenirs revenaient la hanter en permanence, tels des spectres aux doigts crochus qui lui susurraient de mauvaises choses au creux de l'oreille. Chassés par un simple mouvement de la tête, ils disparurent sans résister, promettant de revenir quand sa vigilance retomberait. Luin jeta un bref regard à Tatië, avant de revenir à Isilo, ignorant lequel des deux allait se lancer, et auprès duquel elle devait prendre ses ordres. Étonnamment, au lieu de rentrer dans le vif du sujet et d'aborder immédiatement le sujet qui les concernait tous les trois, le seigneur de Limeclaire se fendit d'un commentaire qui ne laissa pas Luin indifférente. Ses mots, presque prophétiques, pénétrèrent l'esprit de la guerrière comme une flèche et percèrent l'armure qu'elle avait érigée autour de ses propres sentiments. Etait-il devin ? Pouvait-il sincèrement lire dans l'avenir, et lui promettre qu'un jour prochain, son tourment prendrait fin ? Ou bien lui annonçait-il de manière voilée qu'elle ne reviendrait pas de la mission qu'ils entendaient lui confier. Il avait dit que beaucoup d'années étaient encore devant elles, mais allait-elle les passer auprès de sa belle Imladris, ou sur les rivages lointains de Valinor ?

Elle frémit. Perceptiblement. Bien peu de choses échappaient aux Elfes, de toute façon, mais même un Homme aurait pu noter le changement dans sa posture, dans son attitude. Elle baissa les yeux subitement, comme pour cacher la raison de son trouble passager, bien rare chez les gens de son peuple.

- Bien, sire.

Que dire d'autre ? Qu'elle voulait continuer la lutte tant qu'elle en aurait la force, et que la seule fin qu'elle voyait pour elle-même était sur un champ de bataille, silhouette solitaire et sans nom gisant dans son propre sang, au milieu d'une plaine dévastée, peuplée par les cadavres et dont seuls les corbeaux déchireraient l'immobilité ? Qu'elle ne savait rien faire d'autre, que toute sa vie durant elle avait porté l'épée, et que seule celle-ci donnait un sens à sa pathétique existence ? Qu'elle avait besoin de se battre pour défendre la cité qui lui était chère, la cité qui vivait dans sa chair, qu'elle choyait et à laquelle elle était liée par le sang qu'elle avait fait couler entre ses pierres ? Il n'aurait pas compris. Elle, une simple Elfe d'Imladris sans nom ni noblesse… il ne pouvait comprendre la vacuité du monde qu'elle parcourait, lui qui était appelé à accomplir de grandes choses. Elle ne lui en voulait pas. Ils n'appartenaient pas au même univers, et depuis les siècles qu'elle parcourait cette Terre du Milieu, elle n'avait eu de cesse de perdre peu à peu les fragments de son espoir en l'avenir, dispersés aux quatre vents, balayés par le souffle puissant des créatures de ténèbres qui arpentaient ses cauchemars.

Luin quitta ses sombres pensées, et revint à Tatië qui se chargea de lui expliquer les modalités précises de leur départ. Elle avait dans sa voix et dans son attitude une grande assurance, mais il paraissait tout de même que bien des choses demeuraient incertaines. Le danger qu'ils risquaient de devoir affronter était encore difficile à cerner, de même que les conséquences de leur action. La vénérable Elfe en dit autant qu'elle le pouvait sans trahir les secrets qui entouraient nécessairement les affaires des puissants, avant de confier à la guerrière qu'elle attendait de sa part un engagement volontaire et libre. Luin ne s'y attendait pas, et elle ne répondit certainement pas comme l'aurait espéré Tatië. Elle ne connaissait pas la liberté de choix, et en tant que soldat de la garde d'Imladris, elle ne pouvait décider de son propre chef de quitter son poste pour aller à l'aventure. Légèrement hésitante, elle commença :

- Est-ce que…

Ce qu'elle détestait sa voix, quand elle résonnait ainsi à ses oreilles. Trop grave. Elle reprit :

- Si l'Intendant Palantir vous a donné son approbation, je vous accompagnerai.

Bien entendu, ils avaient pris les devants et il était certain que tout avait été arrangé auprès des supérieurs de Luin pour lui permettre de quitter temporairement son affectation. Curieusement, elle n'avait pas donné son avis personnel sur la question. Pas qu'elle fût foncièrement contre l'idée de cette quête, mais elle estimait simplement qu'il n'était pas dans ses attributions que de contester des décisions. Deux seigneurs Elfes lui faisaient confiance pour assurer leur protection, et c'était tout ce qui comptait. Cela ne réduirait pas sa détermination, et elle mettrait la même énergie à les protéger qu'elle en aurait mis à défendre sa chère cité. Elle mourrait avant qu'il leur arrivât le moindre mal.

C'était aussi ce qu'elle s'était dit concernant Imladris.

Pourtant, elle était toujours en vie.

- Quand partons-nous ?

Elle était passée rapidement aux questions pratiques, sachant pertinemment qu'elle n'avait pas besoin de beaucoup de temps pour se préparer. Son épée et son bouclier reposaient dans ses quartiers, de même que les vêtements qu'elle emporterait pour son voyage. Le tout ne tiendrait que dans un léger barda, auquel elle accrocherait un arc d'appoint pour la chasse. Les seigneurs ne l'avaient pas explicitement spécifié, mais elle supposait que la célérité serait un facteur important, et il n'était pas question pour elle de sortir son armure de guerre, laquelle avait de toute façon vu trop de batailles récemment. Elle irait en toute simplicité vers cet aller qui serait peut-être sans retour, laissant derrière elle tout ce qui lui était cher pour plonger dans l'inconnu.

#Isilo #Luin #Tatië


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