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 Qu'ont-ils apporté de la terre effondrée ?

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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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Qu'ont-ils apporté de la terre effondrée ? EmptyLun 29 Jan 2018 - 16:15
Le silence se fit parmi les hommes présents. Leurs visages étaient tendus, leurs mines épuisées. La main sur le manche de leur arme, ils attendaient avec anxiété, tapis dans l'ombre. Ils s'étaient regroupés en un cercle, refermé autour d'une silhouette encapuchonnée, qu'ils paraissaient déterminés à protéger de leur vie. L'un d'entre eux, un jeune homme portant une barbe de voyage qui ne lui allait pas, se tenait également au centre du cercle, faisant barrage de son corps entre la personne qu'ils protégeaient et l'éventuelle menace qu'ils avaient décelée. La nuit tombait paisiblement sur la forêt, et semblait étouffer chaque son. Pourtant, ils n'avaient pas manqué d'entendre quelques branches craquer, et cela pouvait être très mauvais signe. Ils échangèrent des regards inquiets, sans prononcer le moindre mot. Ils étaient tous aguerris et dévoués, mais l'usure de la fatigue avait émoussé leurs réflexes et leurs sens. Ils étaient des cibles faciles, à peine cachées par les arbres environnants. Si un archer se trouvait dans les parages…

Soudainement, le chant d'un oiseau leur parvint. On aurait dit un merle qui flûtait discrètement. Les hommes regardèrent leur chef, qui leur adressa un signe de tête. L'un d'entre eux porta les mains autour de sa bouche, et répondit en imitant un cri similaire à celui qu'ils venaient de recevoir. C'était un signal. Sans abandonner leur vigilance, quelques hardis s'avancèrent à la rencontre de ceux qui approchaient, et sitôt qu'ils eurent contrôlé leur identité, ils les firent venir auprès de leur chef.

- Capitaine, fit le premier, un peu d'eau…

- Bien sûr, répondit l'intéressé en tendant sa propre gourde, tristement vide. Quelles nouvelles d'Osgiliath ?

Les deux hommes se désaltérèrent avidement, mais en s'efforçant de ne pas tirer sur les maigres réserves de leurs compagnons. Il n'était pas facile pour eux de trouver un compromis, et ils finirent par rendre l'eau à contre-cœur. Ils avaient l'air de revenir du champ de bataille, leurs visages étaient couverts de boue, de sang séché, de griffures. Ils avaient à s'expliquer sur beaucoup de choses.

- Nous avons tenté de nous approcher le plus discrètement possible, mais ils ont des patrouilles dans les bois d'Ithilien. Peu nombreuses, mais coriaces. Nous avons eu toutes les peines du monde à nous en débarrasser, et sitôt fait, nous avons filé vers la cité pour essayer de contacter quelqu'un. Nous n'avons reçu que des flèches en retour…

- Les gardes de la grande porte ?

- Nerveux, Capitaine. Très nerveux. Ils ne nous ont pas demandé notre identité, ils ont tiré à vue. Ils n'avaient pas l'air de craindre que ces hommes étranges, à mon avis… Ils ont tiré alors que nous avions les mains en l'air : ils ne voulaient même pas nous laisser approcher.

Il y eut un long silence, durant lequel on n'entendit que les respirations profondes des hommes du groupe. Même ceux qui montaient la garde écoutaient d'une oreille attentive la conversation au centre, et leurs yeux se tournèrent vers leur chef, qui semblait réfléchir intensément. Il n'était pas facile de prendre une décision dans ces conditions, avec si peu d'informations, et en ignorant tout des dangers qui rôdaient en Ithilien, mais il n'avait pas le choix. Rester ici n'était pas une option viable. Il finit par prendre la parole :

- Si nous ne pouvons pas traverser l'Anduin au Nord ou à l'Ouest… il ne nous reste plus qu'à aller au Sud. Longeons le fleuve discrètement, et si nous sommes chanceux, nous trouverons un navire prêt à nous embarquer, ou un point de passage sûr.

Les hommes baissèrent les épaules déçus. Ils attendaient sans doute une autre réponse, mais ils se plieraient aux directives sans broncher. Toutefois, une voix féminine s'immisça dans la conversation, avec une douceur rafraîchissante :

- Capitaine, vous savez très bien que dans les circonstances actuelles, tous les bacs ont été désertés, et aucune embarcation ne prendrait à son bord des inconnus. Pas sur cette rive de l'Anduin, du moins. Nous n'avons pas non plus les ressources pour rallier Pelargir, ce qui serait de toute façon un détour considérable. Osgiliath est notre seule chance.

Il soupira. Elle avait raison, naturellement, et il avait bien conscience que leurs chances de pouvoir traverser le cours d'eau avant d'arriver dans le Sud étaient très minces. Toutefois, son dévouement ne lui permettait pas d'accepter l'option consistant à foncer tête baissée vers la cité sur le fleuve, pourtant si proche. Il avait prêté serment qu'il n'arriverait rien à cette femme d'exception, et il n'entendait pas la mettre en danger inutilement :

- Madame, ne vous en faites pas… Nous trouverons une solution. Nous pouvons nous rationner encore, et si nous sommes heureux en route, nous trouverons de quoi nous ravitailler. Aller vers Osgiliath est tout simplement trop dangereux, nous ne pouvons pas vous faire courir un tel risque.

L'intéressée eut un sourire compatissant. Un sourire à la fois heureux et triste. Elle avait conscience que tous les hommes du groupe avaient d'un commun accord réduit leurs rations drastiquement, pour lui permettre à elle de continuer à manger à sa faim. Ils avaient juré de donner leur vie pour elle, ce que certains avaient déjà eu l'occasion de faire, hélas. Ils n'hésiteraient pas le moins du monde à mourir de faim plutôt que de la savoir l'estomac vide. Elle avait souvent l'impression de ne pas mériter un tel dévouement, ni de tels sacrifices. Elle savait en effet ce que renfermait Osgiliath, et ce à quoi ces vaillants soldats accepteraient de renoncer s'ils prenaient la route du Sud :

- Après tout ce que nous avons traversé, Capitaine, je ne peux pas vous demander à tous de faire un tel détour. Vos familles vous attendent à Osgiliath, et nous ignorons tout de la situation du Gondor actuellement. Si ce que nous avons entendu est vrai, qu'en sera-t-il de notre royaume quand nous aurons rallié Pelargir ? Que restera-t-il quand nous reviendrons à Osgiliath après trois semaines de voyage supplémentaire ?

Son insistance lançait une flèche douloureuse droit dans le cœur du Capitaine, pile dans l'interstice vulnérable entre son serment envers sa cause, et son serment envers son épouse. Il y avait tant de temps qu'il ne l'avait pas serrée dans ses bras, et désormais qu'il savait que le Gondor était menacé… Il n'avait pas passé une nuit sans imaginer Osgiliath assiégée, des hordes innombrables se déversant par-dessus ses murs fragiles, dans ses rues, dans ses maisons. Il avait déjà songé au pire mille fois, et chaque jour, il craignait d'entendre les appels à la guerre lancés depuis les tours de garde qui veillaient sur le fleuve. La plupart des hommes qui l'accompagnaient étaient dans la même situation. Déchirés. Ils auraient pris la route de Pelargir sans faillir, s'il l'avait ordonné. Mais cela n'aurait pas fait disparaître la peur, l'inquiétude chaque jour plus grande. Et si, en ralliant la cité du Sud, ils apprenaient qu'Osgiliath était tombée…

Il préférait ne pas songer à la culpabilité qui le ravagerait.

Percevant son trouble, la femme lui posa une main sur le bras, et reprit à son attention, mais aussi à celle de tous les soldats :

- Vous m'avez protégée jusqu'au bout du monde, et je ne pourrais jamais vous remercier assez pour cela… Mais nous voici rentrés dans notre pays. Peu importe que ces forêts nous soient hostiles aujourd'hui, nous sommes en Gondor. Il doit être possible de faire entendre raison à ces gardes, et de les convaincre de nous faire entrer. Je vous en conjure, il doit forcément exister une solution.

- À la nuit tombée… J'ai bien peur que les gardes d'Osgiliath ne puissent faire la différence entre nous et ces envahisseurs.

- Capitaine, intervint un des hommes de troupe, nous pourrions utiliser l'étendard de notre compagnie.

Ils avaient emmené beaucoup de choses dans leur long périple, mais surtout un étendard aux armes du Gondor, qu'ils avaient laissé flotter au vent en partant. Un tel symbole d'autorité fiché au sommet d'une lance suffisait à dissuader la plupart des bandits et des malandrins, car il signifiait que celui qui le portait un envoyé du Haut-Roy Mephisto, en mission officielle. Le Capitaine avait expliqué tout cela à la femme qu'il escortait, il y avait si longtemps désormais. Elle s'en souvenait parfaitement, et elle hocha la tête devant cette proposition avec une détermination renouvelée. Sa foi était contagieuse, et de plus en plus d'hommes paraissaient ragaillardis par la perspective de retrouver leurs familles rapidement :

- Cela pourrait fonctionner, en effet…

Il tendit la main, et il lui fut remis le précieux étendard de la compagnie. Non sans l'avoir longuement examiné, il le déplia soigneusement, et le fixa à la hampe de sa lance. Ils avaient perdu leurs chevaux il y avait quelques jours de cela, et il ressemblerait davantage à un fou brandissant un chiffon au bout d'une tige qu'à un preux cavalier rentrant de la guerre, mais il s'en souciait peu. Le Gondor, il en était persuadé, saurait reconnaître ses fils.

- Messieurs, mettons-nous en marche. Lame au clair, et l'œil aux aguets. Tous ceux que nous rencontrerons seront à considérer comme une menace, et à traiter en conséquence. En avant, en silence, et en vitesse !

Les hommes s'ébrouèrent, et on entendit bientôt le chuintement des lames quittant leurs fourreaux. Ils gardaient l'épée basse, pour éviter que la lumière froide de la lune ne révélât par malheur leur position à l'aide d'un traître reflet. Progressant en un arc de cercle qui balayait les environs, ils se déplaçaient furtivement, glissant d'arbre en arbre, observant les alentours pour ne pas tomber dans un piège. Le Capitaine, quant à lui, demeurait auprès de leur protégée. Il lui souffla :

- Madame, les choses pourraient mal tourner, et nous devrions alors courir pour nos vies. Quoi qu'il arrive, restez près de moi, et tout se passera bien.

Elle acquiesça en silence. Il avait veillé sur elle jusque là, et elle ne s'imaginait pas périr si proche de chez elle. Il y avait encore tant de choses qu'elle devait accomplir…


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Qu'ont-ils apporté de la terre effondrée ? EmptyMer 31 Jan 2018 - 23:29
- Ouvrez la porte !

Le cri du capitaine résonna dans la nuit, alors qu'il agitait de toutes ses forces son étendard. Le symbole du Gondor claquait dans le vent nocturne qui balayait l'Anduin tendrement, mais ce n'était rien en comparaison du bruit cinglant des traits qui ricochaient sur le sol autour de lui. Les archers auraient pu le tuer s'ils l'avaient voulu, mais quelque chose semblait retenir leur bras, et les inciter à manquer leur cible, comme s'ils espéraient qu'il allait faire demi-tour de lui-même. Étaient-ils perturbés par le drapeau familier qu'il brandissait fièrement ? Ou étaient-ils intrigués par les combats qui avaient lieu quelques dizaines de mètres derrière lui, là où ses hommes tentaient de repousser tant bien que mal ces assaillants inconnus qui surgissaient des fourrés. Bravant le danger sans penser un seul instant à sa personne, l'officier s'assura que la femme qu'il protégeait était bien abritée derrière lui, à l'abri d'un tir malencontreux, et il continua à s'approcher :

- Soldats du Gondor ! Êtes-vous si effrayés que vous ne savez distinguer vos frères de vos ennemis ? Cessez le tir, et laissez-moi avancer !

Pour toute réponse il reçut une flèche à ses pieds, à laquelle il ne prêta pas la moindre attention. Il sentit dans son dos la femme se serrer contre lui, cependant, et il sut qu'elle était terrorisée. Il devait trouver une solution rapidement, sans quoi il finirait isolé entre les remparts infranchissables d'Osgiliath et les lames acérées de leurs poursuivants. En se retournant brièvement, il put voir que le nombre de ses fidèles avait déjà grandement diminué, et qu'ils continueraient à tomber tant qu'il ne trouverait pas le moyen de les faire entrer à l'abri des murs. Conscient du danger, il fit encore quelques pas en avant, tout en continuant à s'époumoner :

- Ne reconnaissez-vous pas l'emblème de notre royaume ? Irez-vous jusqu'à refuser d'assister un homme porteur de l'étendard royal, qui demande asile face au danger ? Laissez-nous entrer, de grâce, et nous nous expliquerons !

- N'approchez pas ! Répondit une voix dissimulée derrière les créneaux. Nous devrions vous tuer !

Le capitaine serra le poing. D'après ce que lui et ses hommes avaient pu apprendre, le Gondor avait subi un profond revers à Cair Andros. La forteresse était tombée après une nuit de combats acharnée, un exploit qui n'avait été rendue possible que par la trahison selon lui. Mais cela signifiait-il que tout enfant du royaume piégé sur la mauvaise rive de l'Anduin devait endurer une mort atroce aux mains d'ennemis venus de l'Est ? N'y avait-il pas de bravoure et de droiture dans le grand royaume des Hommes, qui pût inciter ces pleutres retranchés sur leurs murailles à risquer leur vie pour sauver celle d'un ami ? Il fallait croire que la bravoure était une denrée plus rare qu'il le pensait, et cela attrista considérablement le capitaine. Il avait risqué sa vie pour une cause qu'il croyait juste, et il ne s'imaginait pas mourir par l'inaction des lâches…

- Capitaine, fit la femme, annoncez-vous comme un capitaine du Gondor, et ils vous écouteront. Je sais que cette mission est censée être confidentielle, mais les circonstances peuvent justifier que nous passions outre le secret.

Il hocha la tête. Il connaissait les risques de révéler son identité ainsi sans savoir qui se trouvait sur le sommet des remparts : après tout, un des archers pouvait appartenir à une mystérieuse cabale agissant dans l'ombre, et il ne lui suffirait alors que d'un trait bien placé pour tuer « accidentellement » un porteur de nouvelles du royaume. Ils étaient particulièrement bien placés pour savoir que des menaces continuaient à planer sur les Peuples Libres, et ils constituaient des cibles privilégiées pour ceux qui ourdissaient des machinations complexes. Toutefois la situation était dramatique, et il devait tenter quelque chose pour sauver ses hommes :

- Gardes ! Je suis le Capitaine Nuril Osenhorn d'Imloth, de la garnison d'Osgiliath ! Accordez-nous le passage, et nous répondrons à vos questions !

Pour toute réponse, il eut un silence éloquent. De toute évidence, les hommes d'armes qui les mettaient toujours en joue devaient ignorer quoi faire de cette allégation. Nuril n'était pas un inconnu dans la cité sur le fleuve, mais il n'était pas non plus un officier reconnu partout où il allait. Tout au plus pouvait-il espérer que les hommes de garde eussent entendu parler de lui, vaguement. Il comptait surtout sur le fait qu'ils n'oseraient pas tirer sur un homme qui se prétendait être leur officier, sans vérifier au préalable son identité. C'était un coup risqué, mais qui avait des chances de fonctionner. Une voix répondit finalement :

- Rien ne nous prouve que vous dites vrai !

Le capitaine enragea soudainement :

- Mes hommes sont en train de se faire massacrer là-dehors, et vous tergiversez sur leur sort comme s'il s'agissait d'une affaire anodine ! Soldats, par l'autorité qui m'est conférée, au nom du Haut-Roy Mephisto de Gondor, je vous ordonne d'ouvrir ces portes sur-le-champ !

Cela aurait pu fonctionner. Nuril avait instillé le doute dans le cœur des sentinelles, qui étaient désormais tiraillées entre leur devoir de protéger les portes d'Osgiliath, et le constat amer que sous leurs yeux, des individus qui se présentaient comme leurs frères étaient en train de se faire massacrer. Le capitaine le savait fort bien, on avait dû aller quérir des autorités compétentes capables de décider quoi faire dans pareille circonstance. Le danger extérieur était réel, et il fallait un officier supérieur capable de prendre sur lui d'assumer la responsabilité. Toutefois, une telle procédure prenait du temps, ce qui leur manquait cruellement. D'autant plus cruellement que derrière Nuril, la ligne que ses hommes formaient courageusement contre l'envahisseur se rompit. Ils se débandèrent, et se replièrent en courant pour leurs vies, et en appelant leur officier à avancer coûte que coûte vers les murs de la cité.

Tant pis pour le risque.

Nuril s'empara de la main de la femme qui se cachait derrière lui, et s'élança aussi rapidement que possible, conscient que cette course était une folie. Mais la folie était leur seule option. Immédiatement, des traits commencèrent à siffler autour de lui, alors que des cris d'alarme étaient braillés du haut des murs. Les gardes croyaient à une ruse, à une tromperie, et ils tiraient désormais pour tuer, et non plus pour le dissuader d'avancer. Le capitaine sentit plusieurs fois qu'il avait échappé de très peu à la mort, mais il ne prit pas la peine de s'arrêter pour regarder où passaient les flèches qui le manquaient et soulevaient ses cheveux en le frôlant. Tout ce qui lui importait, c'était que la personne dont il avait la charge, et qu'il avait juré de protéger au péril de sa vie, parvînt jusqu'aux remparts sans blessure. Il connaissait bien les murailles de la cité, et il savait qu'il était prodigieusement difficile de tirer au pied de celles-ci. C'était la raison pour laquelle on versait de l'huile bouillante sur les assaillants, ou qu'on leur jetait des pierres. Mais un tel dispositif n'était mis en place qu'en cas d'assaut majeur, et ils ne représentaient rien de tel. Une poignée de braves courant pour leur vie vers le salut que leur conférerait la proximité avec les murs, poursuivis par une horde de misérables qui les avaient taillé en pièces jusqu'alors.

Nuril ne se retourna pas, mais il entendit quelqu'un crier derrière lui. Un de ses hommes, vraisemblablement fauché par un trait mortel. Il était difficile pour les archers de toucher des cibles mouvantes, qui couraient en zigzaguant dans une pénombre difficile à percer. Les distances étaient plus dures à évaluer, les ombres se confondaient avec les corps, et cela donnait aux compagnons de Nuril une chance raisonnable d'arriver à destination. Ce dernier crut d'ailleurs qu'il allait y parvenir, mais alors qu'il se trouvait à quelques pas seulement d'un abri, un tir chanceux le cueillit en pleine course. Soulevé de terre par la force de l'impact, qui avait jeté une onde de choc dans tout son être, il se retrouva au sol, le souffle court, avant d'avoir compris. La douleur n'était pas encore arrivée jusqu'à son cerveau, et il ouvrit les yeux hébétés en observant ce morceau de bois qui vibrait encore, fiché dans son épaule. Il y eut un cri féminin, et il se retourna :

- Nuril ! Nuril !

- Courez ! A l'abri ! Ne vous occupez pas de moi !

Ses derniers mots furent étouffés par la souffrance, alors que la violence de l'impact s'imposait à son esprit. Il rejeta la tête en arrière, et roula sur le dos, cherchant en vain une position dans laquelle il pourrait faire disparaître cette sensation désagréable. Chaque battement de son cœur, cependant, lui rappelait péniblement la présence de ce corps étranger qui le mettait au supplice. Le souffle court, le visage éclaboussé de son propre sang qui continuait à couler, il redressa la tête et aperçut sa protégée plaquée contre le mur. Elle regardait, éperdue les hommes qui continuaient à courir et qui, fauchés les uns après les autres, s'écroulaient comme des quilles.

- Restez à l'abri… Marmonna-t-il faiblement.

Le contrecoup de la fatigue, de la faim, de la soif, de la fuite, de toute cette expédition jusqu'aux confins du monde connu… tout cela le frappait de plein fouet, et il se sentait plus faible que jamais. Sa main tendue se referma bientôt sur l'étendard du Gondor, qui traînait dans la poussière où il était tombé. Il le tira à lui, et le referma contre son cœur en fermant les yeux. Il voulait mourir avec le souvenir de son royaume, avec le symbole des Peuples Libres qu'il avait toujours juré de protéger. Il leva les yeux vers le ciel nocturne, et observa les étoiles, en cherchant la plus blanche d'entre elles toutes. Elle lui manquait terriblement.

Sa tête bascula sur le côté, alors que les cris poussés par la femme désormais sauve lui apparaissaient toujours plus lointains.

Il se désespéra de ne pas avoir retrouvé cette belle étoile blanche…


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Qu'ont-ils apporté de la terre effondrée ? EmptyVen 2 Fév 2018 - 22:18
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- Votre altesse, je…

L'officier était contrit. Il serrait ses mains nerveusement l'une contre l'autre, tête basse, et on pouvait lire dans son regard une profonde culpabilité. Ses hommes derrière lui, le carquois presque vide, baissaient la tête honteusement, en échangeant quelques murmures discrets. « Comment aurais-je pu savoir ? » disait l'un. « Je pensais vraiment que... » commençait l'autre. Un troisième lui mettait une main sur l'épaule, et lui soufflait « moi aussi... ». Il n'y avait pas de mots pour qualifier la tragédie, et bien qu'elle eut toujours été à l'aise avec les lettres, qu'elle eût toujours eu un discours agréable, elle ne savait que dire aujourd'hui face à tout ceci. Ce n'était pas la première fois qu'elle assistait à un tel déchaînement de violence, mais c'était la première fois qu'elle assistait à une scène aussi injuste.

Tant de morts inutiles.

Elle regarda passer un nouveau brancard, que l'on avait recouvert d'un linceul qui avait déjà commencé à se teinter de pourpre. Dans la nuit, le sang avait cette couleur sombre et austère, une tâche brunâtre sur le drap de lin… Une main dépassait, inerte, les doigts recroquevillés comme s'ils essayaient de serrer quelque chose d'invisible avant de se figer pour l'éternité. Cette main se balançait sans vie désormais, mais la femme se souvenait de ce qu'elle avait été auparavant. Une main amicale, ouverte, tendue, prête à donner. Une main protectrice, déterminée à lui épargner tous les inconvénients du voyage, à la protéger de tout danger. Une main bien trop jeune pour rejoindre les bras de la mort. Elle s'en voulait horriblement d'avoir conduit ces braves hommes à ce funeste destin, alors que c'était elle, la femme d'expérience aux cheveux gris, qui aurait dû lutter de toutes ses forces pour préserver la jeunesse du royaume. Elle avait le sentiment de leur avoir volé leur existence… Elle ignorait que faire de la vie qu'ils lui avaient donnée librement : c'était un fardeau bien trop lourd à porter pour ses frêles épaules.

Un autre brancard arriva. Celui qui le portait s'arrêta un bref instant devant son officier, en soufflant :

- Celui-ci est en vie, sire.

- Trouvez un guérisseur au plus vite, allez !

- Je vais avec lui.

Le militaire voulut lui proposer une alternative, en essayant de la convaincre de prendre du repos d'abord. Il fallait dire qu'elle avait l'air épuisée, avec sa robe de voyage couverte de boue, déchirée par endroits, ses cheveux ébouriffés d'avoir tant couru, et ses joues crasseuses sur lesquelles on distinguait clairement le sillon de ses larmes désormais taries. Pourtant, son regard demeurait inflexible, et fier, et elle l'arrêta sèchement :

- Capitaine, compte tenu des événements de cette nuit, il est hors de question que je quitte le chevet de cet homme avant de m'assurer qu'il ait été pris en charge de la meilleure des manières.

- Bien, votre altesse.

- Ces hommes avaient des familles… Qu'on les fasse chercher, et qu'on leur explique comment leurs proches sont tombés. Je vous ferai transmettre la liste de nos compagnons qui ont perdu la vie en chemin.

- B-Bien, votre altesse, fit l'officier honteux.

Elle hocha la tête, avant de se souvenir de quelque chose qu'elle avait involontairement relégué au second plan dans la liste de ses préoccupations :

- Transmettez également une missive à Minas Tirith. Je dois voir l'Intendant Illicis dans les plus brefs délais, pour une affaire de la plus haute importance. Dites-lui que la veuve de Sora doit s'entretenir avec lui de questions qui concernent l'avenir de la Terre du Milieu.

- Bien, votre altesse.

Elle n'insista pas. Elle était trop épuisée pour chercher des coupables, et demander des explications. Tout ce qui comptait pour l'heure, c'était que Nuril avait survécu. Il était grièvement blessé, mais il était en vie, et elle ne pouvait pas imaginer le voir mourir. Elle ne voulait pas qu'il pérît de la sorte, au pied des remparts de sa propre cité, comme un étranger dans sa propre famille. C'était un sort trop injuste, trop inhumain. Elle suivit le cortège macabre d'un pas lourd, en s'absorbant dans ses pensées, et en réfléchissant au sens de sa mission, et à toutes ces morts. Cela en valait-il le prix ? Ce qu'elle rapportait de l'Est lointain était-il à la hauteur de toutes ces vies perdues ? Elle aurait voulu le croire, mais au fond d'elle-même, elle était bien consciente qu'un tel gâchis de vies humaines dépassait tout ce qu'elle aurait pu gagner ce voyage.

Était-ce pour cela qu'elle avait besoin que Nuril survécût ? Pour lui expliquer le sens de tout ceci, et lui rappeler – comme il le faisait toujours si bien – que tous les membres de leur compagnie avaient juré de donner leur vie pour une mission qui les dépassait tous. Elle avait besoin d'entendre sa voix réconfortante, seule présence amicale à laquelle elle avait pu se raccrocher durant leur périple à deux dans des terres étrangères. Il avait été son bâton de marche, son compas, sa béquille et son meilleur allié. Sans lui, elle se sentait affreusement démunie pour affronter ce qui les attendait à l'avenir.

Un avenir qui s'annonçait bien sombre.


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Qu'ont-ils apporté de la terre effondrée ? EmptyLun 5 Fév 2018 - 23:51
Qu'ont-ils apporté de la terre effondrée ? Alessa10


Alessa se leva en entendant la porte s'ouvrir derrière elle, avant de se figer sur place, incapable de trouver les mots. Son visage éreinté exprimait assez bien l'ampleur de son désarroi face à une situation qui ne pouvait être décrite. Qu'aurait-elle pu dire ? « Désolée » ? Cela aurait-il changé les choses d'une manière ou d'une autre ? Pourtant, désolée elle l'était, car bien qu'elle eût sans doute sa part de responsabilité dans tout ce malheur, elle comprenait mieux que quiconque la jeune femme qui venait de rentrer dans la pièce. Durant une seconde qui parut durer des heures, la dame de Sora l'observa attentivement, retrouvant dans son attitude et dans ses expressions des marques par trop familières. Il y avait dans son regard une peur que la veuve connaissait pour l'avoir ressentie bien assez souvent. La peur de voir l'être aimé gisant inerte, le visage blême, le pouls faible, la mine malade… La peur de la mort toute proche qui, rôdant comme un spectre autour du lit, gelait l'atmosphère et les cœurs. La malheureuse avait le visage humide de ces larmes qu'elle n'avait pas voulu retenir, pas même devant les soldats qui étaient venus la chercher et lui annoncer la terrible nouvelle. Elle s'était empressée d'accourir, sans savoir ce au devant de quoi elle allait, courageuse malgré son impuissance. Elle tenait à être présente, même si cela devait être pour les derniers instants de son époux.

Les deux femmes n'échangèrent pas un mot, et la plus âgée se contenta de s'effacer discrètement en baissant la tête, pour laisser l'éplorée s'avancer. En dépit de son chagrin, cette dernière respirait la grâce. Même lorsqu'elle s'effondra au pied du lit, les larmes revenant à la charge, elle n'inspira jamais le mépris ou la moquerie. Elle était d'une grande pureté, cela se voyait, et ce fut avec la plus grande simplicité du monde qu'elle s'empara de la main de Nuril et qu'elle la serra fort entre les siennes. Comme pour lui communiquer par delà les barrières de ses paupières closes qu'elle était là pour lui. Avec lui. Alessa sentit son cœur se serrer. Ils étaient partis depuis bien longtemps, et voilà qu'à l'heure des retrouvailles, elle se retrouvait devant un homme grièvement blessé, qu'elle devait à peine reconnaître tant les difficultés du voyage avaient changé le jeune et fringant capitaine d'Osgiliath. Il s'était endurci, et son visage semblait avoir pris plusieurs années, en témoignait cette barbe qui lui mangeait le visage. Toute à sa contemplation de cette scène digne d'une tragédie, Alessa fut tirée de ses pensées par une question posée sur une voix brisée par l'émotion :

- Madame… Savez-vous s'il se réveillera un jour ?

La veuve manqua de se frapper le front. Les gardes n'avaient-ils donc pas pris la peine de rassurer celle qu'ils conduisaient ? Elle se rappela qu'ils n'en savaient sans doute rien eux-mêmes, et elle se maudit de ne pas avoir pensé à apaiser ses craintes dès qu'elle était rentrée. Il était déjà assez difficile pour la malheureuse de se retrouver dans cette situation, et quelques mots d'encouragement auraient sans nul doute été les bienvenus pour tempérer son angoisse. Répondant précipitamment, la plus âgée des deux souffla :

- Les guérisseurs se sont montrés rassurants. Sa blessure est sérieuse, mais il devrait se remettre rapidement. Nuril… votre époux… est un homme brave. Il s'en sortira…

Alessa afficha un sourire qu'elle voulut réconfortant, mais derrière lequel ne transparaissait aucune joie, ni aucune satisfaction. Tout ceci était bien trop triste pour mériter une quelconque liesse. Son interlocutrice lui renvoya exactement le même sourire de façade, pour sauver les apparences. Deux femmes bien nées, qui se reposaient sur leur éducation quand tout le reste leur faisait défaut. Elles avaient appris à endurer sans broncher, et malgré leurs craintes intérieures, elles s'efforçaient de faire bonne figure. C'était un petit jeu de dupes que la veuve de Sora avait déjà eu à jouer plusieurs fois. Toutefois, en voyant ce visage si jeune et si dévasté lui renvoyer l'image de sa propre jeunesse passée à pleurer les blessures de Cantelmo, elle se sentit instantanément bouleversée. Elle savait à quel point on pouvait se sentir seul dans cette situation, et elle avait vu trop de proches tourner les talons et la laisser affronter péniblement les gémissements de douleur, les larmes de feu son époux, ses doutes et ses peurs alors qu'il se relevait toujours plus difficilement d'une blessure qui avait manqué de le tuer.

- Voulez-vous marcher… hm… ?

- ...Blanche, répondit-elle timidement, avant de revenir à Nuril. Blanche Humblétoile.

Humblétoile. C'était le surnom affectueux que Nuril lui donnait lorsqu'il parlait d'elle, et il fallait croire qu'elle l'utilisait volontiers publiquement désormais. Alessa était loin de savoir qu'on la connaissait davantage par ce sobriquet que par son nom d'épouse. La veuve laissa son regard glisser sur le visage dévasté de la jeune femme, dont le malheur se peignait sur ses traits fins. Elle ne semblait pas vouloir abandonner le chevet de son époux, ce qui était tout à fait compréhensible. Toutefois, il n'y avait rien qu'elle pouvait faire dans l'immédiat, sinon en appeler aux Valar et continuer à pleurer toutes les larmes de son corps frêle sur les draps. La plus âgée des deux reprit :

- Blanche… Je m'appelle Alessa…

La jeune femme ne parut pas surprise le moins du monde. Elle la connaissait sans doute de réputation – comme beaucoup ici à Osgiliath – et elle avait dû être mise au courant d'une partie de la mission qu'on avait confiée à son époux. Escorter Alessa de Sora. Ce qu'elle ignorait, c'était la destination de leur voyage, et la raison pour laquelle celui-ci était revenu percé d'une flèche gondorienne. La veuve poursuivit :

- Nuril doit se reposer, et je suis persuadée que vous avez beaucoup de questions… Soyez tranquille, nous ne serons pas loin. Voulez-vous ?

Elle tendit la main, et Blanche la saisit pour se relever. La pauvre était dans un état étrange, partagé entre une déconnexion totale vis-à-vis de la réalité et de son propre corps, et en même temps une conscience accrue de tout ce qui se trouvait autour d'elle. Le moindre son, la moindre odeur, le plus minuscule reflet, tout cela se gravait dans son esprit avec une vivacité saisissante, tandis que dans le même temps elle paraissait avoir oublié comment marcher et comment respirer. Sa poitrine se comprima en quête d'air, et elle se replia sur elle-même, comme si quelqu'un lui avait frappé dans le plexus. Alessa lui passa une main autour des épaules, et l'aida à sortir en la soutenant à demi.

- Tout va bien, Blanche, tout va bien…

Cette dernière s'était de nouveau mise à pleurer, et sitôt qu'elle eût quitté la pièce ses sanglots devinrent plus violents, comme si elle avait fait un effort surhumain pour ne pas s'effondrer devant son époux pourtant inconscient. Alessa essaya de la réconforter par des mots, avant de tout simplement la prendre dans ses bras dans une attitude maternelle. C'était un geste d'une grande familiarité, mais elles n'étaient que toutes les deux dans ce couloir austère du dispensaire d'Osgiliath. Les barrières de la bienséance et la distance de courtoisie étaient des notions qui ne s'appliquaient plus guère ici. Elles étaient prisonnières d'une bulle de souffrance et de tristesse qui les rapprochait l'une de l'autre autant qu'elle les coupait du reste du monde. Après avoir pleuré longuement, Blanche se dégagea légèrement, et s'efforça d'apporter des réponses aux questions qui tournaient en boucle dans son esprit :

- On m'a dit qu'il y avait eu un incident… Que les gardes avaient tiré sur Nuril parce qu'ils croyaient qu'il était un de ces Orientaux… Comment une telle chose a-t-elle pu se produire ?

Alessa était bien consciente que le discours officiel viserait à minimiser la responsabilité des officiers en charge de la décision. On mettrait le tout sur le compte d'une terrible méprise, sans jamais souligner le fait que Nuril avait bravé le danger et qu'il avait littéralement imploré les soldats de les laisser s'expliquer. Ceux-ci, mus par la peur, n'avaient rien fait d'autre que leur répondre obstinément par la négative, et vider leurs carquois sur des hommes incapables de riposter, comme si cela avait une chance de tuer l'angoisse qui rongeait leurs âmes. Il faudrait désormais ajouter la culpabilité à la liste de leurs fardeaux.

- Il y a des choses que j'aimerais comprendre, moi aussi… Nuril vivra, mais nos autres compagnons de voyage…

Elle sentit sa gorge se nouer. Elle avait encore du mal à le dire. Il y a quelques heures tout au plus, elle les revoyait encore dans la pénombre des forêts de l'Ithilien, avançant prudemment en s'efforçant de ne pas faire de bruit. Elle se rappelait de leurs silhouettes se déplaçant autour d'elle comme un bouclier humain prêt à repousser n'importe quel danger. Au milieu d'eux, elle s'était sentie à l'abri, et n'avait jamais craint la griffe de leurs ennemis. Il avait fallu les crocs d'un ami pour la terroriser, et jeter à terre des hommes qui n'imaginaient pas être ainsi poignardés dans le dos par leurs propres frères. Blanche paraissait être choquée par cette nouvelle, et Alessa comprit qu'elle devait connaître certains des hommes qui étaient partis en mission. Peut-être des amis de son époux :

- Tous… ? Demanda-t-elle sans oser en dire davantage.

- Tous…

La jeune femme dut s'appuyer sur le mur pour digérer cette révélation. Le poids de tant de nouvelles néfastes était impossible à supporter, et elle menaça de s'effondrer à plusieurs reprises, inspirant profondément pour garder sa contenance et rester debout.

- Le Gondor manque d'hommes de valeur… pourtant notre royaume trouve encore à assassiner ceux à qui il reste encore un peu de courage… Les couards survivent, les preux périssent. Parfois, j'aurais préféré épouser un lâche… ou bien ne jamais avoir aimé mon brave de mari.

Blanche eut un sourire attristé et désabusé, comme seules les femmes de soldats en ont. Des femmes réduites à voir leurs époux partir à la guerre encore et encore, sans jamais pouvoir les dissuader de suivre leur instinct. Comme elles auraient voulu pouvoir se montrer égoïstes, et les garder pour elles seules. Les protéger de la folie qui consistait à aller au devant du danger. Le monde était rempli de pleutres qui tremblaient dans leurs chausses et fuyaient au moindre signe hostile. Eux, au mépris de toute logique, couraient vers la mort en chantant. Quand ils ne revenaient pas pour être inhumés avec les honneurs, ils conservaient pendant des semaines la mine lugubre de ceux qui ont regardé dans l'abîme de ténèbres du genre humain, et qui ont abandonné une partie de leur âme dans la lutte acharnée contre le Mal. Alessa s'était surprise plus d'une fois à vouloir ne point avoir été si attachée à Cantelmo, lui qui la comblait de joie autant qu'il la faisait souffrir. Il lui avait fallu des années avant de comprendre que les deux allaient de pair. Sa réponse était celle d'une femme à la fois compatissante et bienveillante, un conseil autant qu'une observation :

- S'il vous était donné l'opportunité, vous ne choisiriez pas un homme moins courageux que lui… Mais dites-moi, Blanche, qu'en est-il de ces rumeurs au sujet de Cair Andros ? On raconte tant et tant de choses.

La jeune femme soupira :

- J'ai bien peur de ne pas connaître la vérité dans cette affaire. Nous sommes gardés dans l'ignorance par les officiers de l'armée, qui disent gérer la situation. Vous ne l'avez peut-être pas remarqué, mais Osgiliath a été partiellement évacuée : la population s'est réfugiée à Minas Tirith.

- Vous êtes restée pour Nuril ?

Blanche hocha la tête. Elle avait refusé de quitter les lieux, car elle savait que son époux l'y chercherait. Elle avait conscience du danger qu'il y avait à rester dans la cité fluviale, mais elle savait aussi que les hommes d'armes qui tenaient encore les deux rives avaient besoin de soutien, et que la présence de quelques volontaires autour d'eux leur permettait de tenir. Elle n'était pas la seule à avoir préféré demeurer à Osgiliath, et comme les autres civils, elle s'était mise à pied d'œuvre pour acheminer des vivres, des munitions, ériger des barricades, et porter des nouvelles. Une maigre contribution à l'effort de guerre, mais elle savait que toute aide était la bienvenue.

- Pour Nuril, et aussi parce que je suis attachée à Osgiliath. De toute façon, si les Orientaux décident de passer à l'offensive, ils n'épargneront aucune ville à l'Ouest du Pelennor. Si nous devons périr, autant périr en combattant dans nos maisons et dans nos rues.

- Ce sont de bien braves paroles. Espérons que nous n'ayons jamais à en arriver là… Mais vous parliez d'Orientaux ? Que savez-vous à leur sujet ? Portent-ils les bannières du Rhûn ?

La jeune femme répondit par la négative.

- Nous n'avons vu aucune bannière… Nous avons seulement entendu leurs cors innombrables, comme un grondement sinistre qui a duré des heures, pendant qu'ils attaquaient Cair Andros. La forteresse a été prise en une nuit, et même si l'armée ne veut rien en dire, il est évident que de nombreux soldats ont déserté leur poste et ont sauvé leur vie. La plupart des informations qui circulent sortent de leurs bouches. On parle de sortilèges, d'hommes immortels et insensibles à la douleur… On évoque des femmes ailées, des buveurs de sang, des créatures de cauchemar. Cela ressemble à l'image que l'on décrit de l'Est.

Alessa hocha la tête. Elle avait entendu maints récits au sujet des terres lointaines du Rhûn, et elle s'était elle aussi construit une représentation de ce royaume lointain et menaçant. Si elle n'avait pas eu l'occasion de s'y rendre en mission diplomatique, elle aurait d'ailleurs probablement souscrit à la vision de Blanche. Cependant, si elle avait pu constater de ses propres yeux que les gens de l'Est et de l'Ouest étaient très différents, elle n'avait rien vu qui s'approchât de près ou de loin des choses fabuleuses que l'on racontait. La seule sorcellerie qui semblait être à l'œuvre là-bas était le fait des adorateurs de Melkor, mais elle n'avait pas vu de prodige qui l'eût convaincu de la puissance de ces prêtres sinistres. Alessa était convaincue qu'il y avait une seconde explication. Elle préféra ne rien en dire pour le moment, consciente qu'il n'était pas utile de troubler un esprit déjà bouleversé avec de telles questions. Conservant ses observations pour elle-même, la veuve de Sora changea de sujet :

- Ma chère, je suis désolée de vous importuner avec toutes ces questions qui doivent vous paraître bien dérisoires. Il s'est passé tant de choses en notre absence… Pour l'heure, je pense que nous avons toutes deux besoin de repos. Demain s'annonce être une journée difficile, et nous aurons besoin de toutes nos forces.

Avant que Blanche put dire quoi que ce fût, Alessa enchaîna comme si elle savait parfaitement ce que la jeune femme allait dire :

- Laissez-moi prendre quelques dispositions. Je vais aller chercher des soldats, ils vous installeront une couchette auprès de votre époux. Ce ne sera pas du luxe, mais au moins vous ne dormirez pas à même le sol.

Blanche s'inclina profondément, avant de répondre :

- Je vous remercie de votre bienveillance. J'aurais aimé pouvoir faire votre connaissance dans d'autres circonstances.

- Moi aussi, Blanche. Moi aussi.


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Qu'ont-ils apporté de la terre effondrée ? EmptyJeu 15 Fév 2018 - 13:40
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Il faisait déjà jour depuis fort longtemps quand Nuril s'éveilla d'un sommeil qui n'avait rien de réparateur. Il commença par s'agiter sur son couchage, agitant les bras comme s'il essayait de chasser un mauvais rêve. Son front était plissé, ses traits soucieux, et bien que ses yeux fussent encore enfermés dans de bien tristes souvenirs qui venaient le hanter en songes, il n'en demeurait pas moins affecté. Blanche, qui avait passé la nuit auprès de son époux, s'était éveillée sans se souvenir de s'être endormie. Elle avait été terrassée par la fatigue nerveuse, et elle s'était assoupie quelques instants alors que les premières lueurs du soleil commençaient à poindre à l'horizon. Quelques heures de sommeil volées, et maintenant que midi était là, elle se retrouvait curieusement désorientée. Les rayons de l'astre solaire l'aveuglaient, et elle mit un moment à retrouver ses esprits, à se souvenir d'où elle était, et de ce qu'elle devait faire…

- Nuril… Souffla-t-elle en voyant son époux qui ouvrait timidement les yeux.

Il était épuisé, et probablement assoiffé, si bien qu'avant même de lui laisser le temps d'ouvrir la bouche, elle lui tendit un gobelet contenant de l'eau, dans lequel elle l'aida à boire. Il se désaltéra comme un malheureux égaré dans les déserts brûlants du Sud, et ce ne fut que lorsque sa tête retomba sur l'oreiller qu'il parut se rendre compte que c'était sa chère et tendre qui se tenait là, penchée sur lui.

- Blanche ? Interrogea-t-il, comme s'il n'en croyait pas ses yeux.

- C'est moi, répondit-elle en cachant son émotion.

Il était en vie. Elle ne pouvait pas s'empêcher d'éprouver une joie sincère, profonde, mais qu'elle savait aussi être égoïste. Elle se sentait coupable de pouvoir prendre la main de son compagnon, de pouvoir entendre le son de sa voix, quand tant de femmes n'auraient plus jamais ce privilège. Il eut un sourire léger qui flotta sur son visage émacié et barbu :

- Nous avons donc réussi… Alessa… ?

- Saine et sauve. Elle se repose probablement à l'heure qu'il est.

Il soupira de soulagement, probablement satisfait d'avoir réussi à mener sa mission à bien. Il essaya de se redresser, mais Blanche l'en empêcha doucement, en lui rappelant son épaule blessée qui demanderait encore du repos avant d'être parfaitement rétablie.

- Je dois voir mes hommes, je dois m'assurer qu'ils vont bien.

- Nuril…

Il se figea. Il connaissait bien son étoile, et il savait déceler dans son ton la gravité de la situation. En cherchant son regard, il la vit détourner les yeux, et il comprit bien rapidement que ses espoirs de ramener ses hommes en vie s'étaient évanouis. Un sentiment d'injustice le saisit, et il serra les poings sans mot dire, les mâchoires serrées. Blanche avait déjà versé trop de larmes, et elle se contenta de rester là, tête basse, incapable de rien ajouter. C'était une tragédie dont le Gondor n'avait pas besoin. Elle prit la main de son époux dans la sienne, et ils restèrent là un moment, silencieux, acceptant progressivement la réalité à mesure que le jour entrait dans la pièce et les enveloppait d'une lumière presque irréelle.

- Pourquoi ont-ils tiré ainsi, mon étoile ? Pourquoi ?

Chercher à comprendre était naturel. Alessa n'avait-elle pas agi de la même manière la veille ? Blanche s'efforça de rassembler ses pensées, et d'offrir un récit cohérent à son époux, en espérant répondre à ses principales interrogations. Elle lui fit part de l'attaque aussi soudaine que brutale des Orientaux sur Cair Andros, de la panique qui s'était répandue au Gondor par la suite. Elle lui raconta comment on avait clos les portes d'Osgiliath, et condamné toute la rive Est de l'Anduin pour empêcher une nouvelle attaque. Elle lui expliqua l'arrivée de milliers d'hommes venus de tout le royaume, rassemblés à Minas Tirith et dans une moindre mesure à Osgiliath pour défendre la cité fluviale. Elle lui raconta la population évacuée, les départs précipités de ceux qui croyaient l'attaque imminente et qui craignaient pour leurs vie. De ses yeux, la jeune femme avait pu constater la fragilité des Hommes, dans leur empressement à protéger leurs biens et leurs maigres richesses, au détriment de la solidarité qui normalement devait les souder. Il y avait eu quelques pillages, des abus, des disputes, des conflits. Elle avait aussi vu le meilleur : de riches marchands acceptant de prendre sous leur aile des orphelins déshérités qui sinon risquaient d'errer dans les rues. Ils les avaient ramenés dans leurs domaines à l'intérieur du pays, pour leur permettre d'échapper à la violence des combats, si Osgiliath venait à être attaquée. Elle lui raconta tout ceci, sa peur, son trouble, mais aussi sa détermination à rester dans la cité et à aider comme elle le pouvait. Nuril savait à quel point elle avait été brave de rester alors que les vents de la guerre faisaient trembler même les guerriers les plus hardis. Il s'en voulait de ne pas avoir été là tout ce temps…

- Tu aurais dû rejoindre ta famille, Blanche. Ils doivent se faire du souci.

Elle ne nia pas l'évidence, mais répondit simplement :

- Nous restons en contact, ils m'ont dit qu'ils respectaient ma décision, mais qu'ils espéraient ton retour rapide. D'après mon père, tu es le seul à pouvoir me convaincre de quitter Osgiliath.

- Me voilà désormais. Tu vas pouvoir te mettre à l'abri à Minas Tirith.

Elle fit « non » de la tête :

- Je suis plus utile ici. Et je ne crois pas que la Cité Blanche soit beaucoup plus sûre. De toute façon, il existe un plan pour nous faire évacuer la ville par l'Anduin, en ralliant Pelargir avec les quelques derniers navires qui n'ont pas quitté la ville. Le gouverneur de la cité a insisté pour que les civils qui se sont portés volontaires pour prêter main-forte à la défense de la ville aient une place garantie à bord. Mais je ne comptais pas embarquer sans toi…

- Parce que tu es folle, répondit Nuril avec un sourire.

Il leva les yeux au ciel en essayant de digérer toutes ces nouvelles. La guerre au Gondor, la panique, la mort qui avait frappé. En tant que militaire, il imaginait très bien la réaction des autorités : verrouiller le pays, renforcer les places fortes, et attendre l'assaut inévitable. Il n'y avait guère d'autre option, les Gondoriens n'étant pas particulièrement adeptes des combats en plaine. Certes, la cavalerie était une arme puissante qui pouvait renverser des batailles, mais dans les circonstances, il était plus facile de compter sur les imposants remparts de pierre des villes fortifiées. Les sept niveaux de Minas Tirith ne tomberaient pas facilement. C'était le plan le plus sensé. Tandis qu'il s'absorbait dans ses réflexions, Blanche l'interrogea timidement :

- Nuril, je sais que ta mission doit rester secrète… mais tu reviens de l'Orient lointain, et tu as probablement vu de quelle force disposent nos ennemis. Crois-tu que nous ayons une chance contre eux ? Crois-tu que le Gondor survivra à cette nouvelle guerre ?

Le guerrier tendit la main, et caressa la joue de son épouse. Il savait combien il était difficile d'être tenu dans l'ignorance, et il jugea que s'il ne pouvait rien dire des détails de sa mission, il n'était pas pour autant tenu au secret concernant ce qu'il avait pu voir durant son voyage. Blanche avait toujours apprécié les récits, et il soupçonnait qu'à son inquiétude sincère se rajoutait une curiosité dévorante vis-à-vis de ces mondes lointains et hostiles. Il commença :

- Les hommes que nous avons affronté dans les forêts d'Ithilien ne ressemblent pas aux Orientaux que nous avons vu en Rhûn, mon amour. Ceux de l'Est lointain affectionnent l'or et les parures, et ils semblent être des adversaires féroces et disciplinés. Ceux que nous avons vu dans les forêts semblaient davantage… désespérés. Il y a à l'Est une grande force qui sommeille, et il est certain que toute la puissance de ce royaume pourrait menacer notre vie ici. Toutefois, la Reine Lyra ne semblait pas belliqueuse : elle nous a accordé une audience, et nous a très bien reçu. Je reste persuadé qu'elle n'est pas notre alliée, mais les hommes qui ont déferlé sur Cair Andros se comptent, dit-on, en dizaines de milliers. Si la Reine du Rhûn voulait vraiment envoyer une telle force à notre rencontre, je crois qu'elle aurait envoyé ses meilleurs officiers pour la commander, et qu'elle aurait peut-être pris part au voyage. Elle aurait également su qu'il n'était pas utile de concentrer toutes ses forces sur Cair Andros, et elle aurait habilement saisi Osgiliath également, pour isoler Minas Tirith.

Il marqua une pause dans son récit. Son expertise militaire et sa désormais bonne connaissance du Rhûn le poussaient à réfléchir, et il trouvait que les choses ne collaient plus si bien que ça. Des Orientaux qui n'en étaient pas vraiment, des guerriers à la fois déterminés mais également désespérés qui n'avaient rien à voir avec les soldats disciplinés et très bien entraînés qui avaient encadré le moindre de leurs déplacements à l'intérieur de Blankânimad… Non, il y avait des choses qui ne collaient pas. Blanche profita de ce qu'il méditait sur le problème pour le relancer :

- Tu penses donc que cette attaque n'est pas l'œuvre du Rhûn ?

- J'en suis persuadé. Et je suis aussi persuadé que l'État-major est arrivé à la même conclusion depuis longtemps. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ils préfèrent maintenir le peuple dans l'ignorance de ces choses, en lui faisant croire qu'il s'agit d'Orientaux… Que cela reste entre nous, Blanche, mais notre voyage vers l'Est cherchait à établir des liens plus solides avec le Rhûn pour contrer une menace commune.

La jeune femme s'agita :

- Et tu penses que ces hommes surgis de nul-ne-sait-où seraient cette « menace commune » ? Tu penses que c'est contre eux que nous devons lutter ?

- Je l'ignore, mon étoile… Il y a encore beaucoup de choses que je ne comprends pas. Toutefois, quelque chose d'étrange se trame, et le silence du Gondor à ce sujet ne peut que m'inquiéter.

#Nuril #Alessa #Blanche


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