De passage en Isengard

Nârwel avait quitté le Rohan sachant qu'il trouverait Gondor. Les Rois tirerait l'épée ensemble. Mais pour le moment, l'éclaireur était loin devant. Il arrivait en Isengard, comme il l'avait promis à Angbor il y a de celà un quelques semaines. Mais les cadavres portant les armures de l'armée de Gondor qui trainait sur la route le dissuadèrent de s'annoncer à l'approche d'Orthanc. Alors qu'il remontait l'Isen, Nârwel laissa Ërol à 5 milles de l'Isengard à l'abri d'une colline. Il marcha.

Puis Nârwel put contempler l'Isengard tel qui ne l'avait jamais été. Dévasté. Tout ses sens étaient en alerte et sa dague de Mithril passa de son mollet à son poignet, et le pommeau de son épée se fit plus proche de sa paume. Orthanc se dressait au loin vestige d'une splendeur effacée.

S'avançant de plus belle vers le coeur d'Isengard, Nârwel entendit des bruits de pas pressés et lourds provenant d'un escalier à sa droite. Deux Soldats de Gondor surgirent alors, la lame au poing, le regard entièrement fixé sur l'éclaireur. Lorsqu'il le virent et qu'ils comprirent qu'il ne ferait, selon eux, pas le poids face à eux, ils se détendirent un peu et lâchèrent les yeux sur la dague de Mithril:

"Que fais-tu là, étranger ? Tu es en Isengard, et tu parles aux hommes du Capitaine Olion ! Tu n'as pas l'air d'un Dûnlending, et tant mieux, ou tu serais déjà mort .."

"Certes je n'ai rien d'un fils de Dûn..."

La dague disparut dans la manche de Nârwel, mais sa main resta proche de la poignée de son épée.

"Je suis Aromir fils d'Arthir. Eclaireur de la 23° Ohtarrimion qui campe à deux milles au sud d'ici, attendant de mes nouvelles."

Nârwel se détendit légèrement, ses doutes lui tenaient le ventre et sa vigilance était accrue. Il remarqua l'usure des armures que portaient les deux soldats. Leurs épées étaient ébrèchées. Etaient-ce vraiment des soldats de Gondor?

"Les Dûnlending vous mènent la vie dure à ce que je vois. La 23° prendra la relève. Quel est votre situation?"

Le visage du soldat s'éclaira alors qu'il apprenait que la relève arrivait, et un large sourire apparut sur ses lèvres. Son compère fut ravi aussi, et partit en arrière pour transmettre la nouvelle. Voyant le regard de l'éclaireur sur sa lame ébréchée, le Gondorien lui fit part de la situation de sa compagnie :

"Nous sommes la 12° Compagnie du Capitaine Olion, nous avons quitté Minas Tirith il y a plus de deux mois suite à une invasion des gens de Dûn qui saccagèrent et tuèrent l'entierté de l'ancienne garnison présente .. La présence de la 23° me fait fort plaisir ! Nous croyions que vous ne viendriez pas, nos messages ne parvenaient jamais à la Cité Blanche. Nous sommes régulièrement attaqués par les Dûnledings, encore deux des nôtres furent tués la semaine derrière, et le capitaine est blessé. La relève est là, alors ? Les gars et moi, on est complètement à bout .. On a fait notre part de boulot, on veut rentré au Gondor, et évacuer nos blessés."

Le coeur de Nârwel se serra. Et il essaya tant bien que mal de ne rien laisser paraître. Mais le soldat le plus agé ne fut pas dupe. Et personne ne dit rien pendant un petit moment.

"J'ai bien peur que Gondor vienne a vous. Une armée de Suderons remonte actuellement vers le Nord. Nos forces et celles de nos alliés sont à sa poursuite."

Nârwel hésita à tout leur dire maintenant. A avouer immédiatement la supercherie par laquelle il avait pensé pouvoir se proteger. Mais le mal était fait. Peut être avait-il été trop méfiant.

"Menez moi à votre capitaine, la trouée de Rohan se remplira très prochainnement. L'Isengard doit se tenir prêt."

Les doutes de Nârwel s'éffacèrent un peu. Mais rien que pour ne pas changer d'attitude, il laissa sa main poser sur le pommeau de son épée. Mais tout de même, il s'en voulait.

Le soldat Gondorien le mena donc à travers les puissantes fortifications d'Angrenost; ils passèrent devant maint puits profonds, une armurerie et des hangards où étaient entreposés les armes, et les vivres de la 12°.
Ils parvinrent finallement à l'infirmerie où montait le bruits des blessés et des mourrants. En zigzagant entre les lits rapidement montés, ils parvinrent dans une pièce entourée de draps.
Le capitaine Olion était pensif, une profonde balafre lui entaillant le bras gauche de haut en bas. Ses yeux se posèrent sur l'éclaireur, mais avant qu'il n'ait pu dire quoi que soit, le premier soldat le déclara :

"Mon Capitaine, voici Aromir fils d'Arthir. Il est l'éclaireur de la 23° Ohtarrimion, en approche .."

Le capitaine se tenait derrière un bureau rudimentaire où s'étalait cartes, listes et ordres en tout genre. Toute la vie de la garnison tenait sur cette table. Dans un froncement de sourcils l'officier se leva. Il était grand. D'un geste il congédia son aide de camps. Dès qu'il croisa le regard de Nârwel et du vieux garde son humeur s'assombrit. Il dévisagea longuement Nârwel et l'étendard de la 23°Ohtarrimion brodé sur son veston de cuir. Les deux gardes sortirent sans que le capitaine n'ai quelques ordre à donner. Le silence pesait. Et quand Nârwel allait se lancer le capitaine le coupa net.

"Comment allez vous Nârwel? Je vous croyait mort..."

Nârwel était abasourdi, il ne comprenait plus rien.

Le Capitaine Olion tremblait et de fines gouttes de sueur perlaient sur son front moite, mais cela ne l'empechait pas de dévisager longuement l'éclaireur de son regard interrogateur. Une fois ses soldats sortis de la pièce de soin amenagée, il continua d'une voix rachitique

"Hé bien, tu sembles surpris ? Mais en bonne santé pour un cadavre, non ? Je crains que tu ne me doives certaines explications .. J'étais lieutenant dans la 23°, et elle fut totalement annihiliée au Harad ! Je commence à croire que les Valars veillent sur toi de très près, mon ami .. Mais tu arrives mal, je suis dans un sal état et mes hommes n'ont plus guère de moral, Isengard reste debout grâce à leur courage, mais pour combien de temps encore ?"

Son regard était dur et il se mordit les lèvres de douleur lorsqu'il bougea son bras meurtri.

Il avait vieilli. Il s'était aigri, le lieutenant qu'avait connu Nârwel se dissimulait dans l'ombre de ses souvenirs.

Alors que le Capitaine Olion lui sommait de s'expliquer l'éclaireur replongea dans son passé comme s'il avait plongé dans un lac sombre et glacé. Certains visages lui revenait en mémoire. Certaines choses, certaines parôle. Mais aucun nom, il ne faisait pas jour, et il ne faisait pas nuit.

Le cor avait sonné longuement derrière lui. Il l'entendit, clair et pur, se distinguant du grondement des sabots, du sifflements des flèches et du choc des épées. Il fuyaient, Nârwel fuiyait. Tous autour de lui chevauchaient leur montures avec la peur d'une mort traitresse. Celle qui vous frappe par derrière, distribuée par les Orcs. Le cor de la 23° sonnait à l'arrière garde. D'un coup vif de la tête, Nârwel vit la fin de la colonne de cavalier engloutie par une marée d'ombre.

Certains s'arrètêrent. Nârwel était de ceux là. Tout était flou. Il ne reconnaissait pas ses frères d'arme mais savait qu'il les connaissait. Il ne comprit pas ce que le lieutenant lui disait. Il dédaigna ses parôles et viola ses ordres.

Nârwel alors sergent, ordonna à ses hommes de fuir, ou de combattre, il leur avait demandé de choisir.

Sans qu'il sut comment, son souvenir l'enmena dans la mélée, son cheval se cabra une derniere fois, lui flottait au dessus d'une marre ou les sangs noirs et rouges se mélaient. Il furent trop peu. La paume serrée sur son épee, Nârwel retirait la vie à nombres d'orc. Mais pour chaque démon abattu, deux de ses frères tombaient. Et comme dans un cauchemar une main gigantesque, la main d'un troll s'empara du Sergent Rusc-Îar. Scellant le sens des trois prochaîne années de sa vie.

"Nârwel?! Eveillez vous. Je vous parle, SERGENT!!"

Se massant douloureusement les tempes Nârwel réouvris les yeux sur le capitaine de l'Isengard.

"Je ne suis plus sergent. Je viens de.."

"Sergent, éclaireur, quand bien même seriez vous mon égal je m'..."

Mais la douleur de son bras lui interdit d'en dire plus. Lui se rappellait parfaitement dans quel conditions s'était passé leur dernière rencontre. Nârwel avait désobéi à un ordre direct et mener à la mort nombres d'hommes.

"Capitaine, je crains que vos hommes soient contraints de tenir l'Isengard encore quelques temps. L'armée du Roi passera bientôt l'Isen."

Le capitaine grogna, celà ne lui plaisait pas.

Olion le regardait en silence, croyant revoir un fantôme, une ombre du passé, qui avait réapparu comme par magie devant lui. Hochant la tête de haut en bas machinalement, il plongea son regard au plus profond de celui de son interlocuteur. Le Capitaine était impassible, il ne laissait rien paraitre sur ses sentiments, même Nârwel ne vit pas le frisson qui lui parcourut un instant l'échine.

"Cela fait trente ans que je sers Gondor ! Et tant que l'Isengard sera sous mon commandement, nous ne déserterons pas. Que ton armée vienne donc ! Eux, n'en ont rien à faire d'Angrenost, ils n'ont qu'une idée: rallier au plus vite le Nord. Mais mes gars sont pas du genre à baisser les bras. J'espère seulement que le Roy et ses sbires ne sont pas loin derrière .. mais toi, que vas-tu faire ?"

"...que vas tu faire?"

"Là seul chose que je puisse faire. Suivre cette maudite armée et rallier Fondcombe."

Nârwel regardait autour de lui, évitant le regard perçant de celui qui avait été son lieutenant. S'emparant d'une plume et d'un bout de parchemin, l'éclaireur rédiga doucement un rapport pour l'Intendant.

Citation :

...Seigneur Radamanthe,

...Je vous écris d'Isengard où la situation est critique. La relève est plus qu'attendue sire.

...Lors de mon voyage, j'ai put constater la réduction numèrique de l'ennemi. Si le nombre de Mumakil reste inchangé depuis Osgiliath. L'armée du Sud sème des cadavres derrière elle. Le froid s'intensifie en remontant vers le Nord, et des Suderons mal averti meurt dans leur sommeil transpercer par les lames de Manwé car le vent d'Ouest souffle avec rage.

...J'ai pourtant bien peur que ce soit un bien piètre avantage. La situation reste inchangée. Je serais à Fondcombe lors de votre arrivée.

Nârwel Rusc-Îar