Un navire léger fendait les flots en vue des Havres d'Umbar. Ce navire, particulièrement rapide et facile à manœuvrer, était aisément reconnaissable pour tout connaisseur, à ses hautes voiles blanches, sa coque claire et effilée, ses différentes balistes disposées sur le pont. A son pavillon aussi, au crâne et à l'étoile immaculés accompagnés d'une lune rouge sur fond noir, le tout ayant été rejoint récemment par l'emblème des membres du Conseil d'Umbar, titre dont été propriétaire l'homme accoudé au bastingage, près de la proue.
Le Capitaine du Joyeux Requiem fixait les rivages qu'il avait quitté deux mois auparavant, malgré la gloire acquise par la prise de la Cité du Destin. Le fait qu'il soit devenu un des neuf dirigeants de la ville ne semblait pas l'avoir réconcilié avec cette dernière. Même débarrassé des fanatiques Melkorites et des corsaires à leurs bottes, il n'arrivait pas à apprécier le port de son enfance, pourtant véritable capitale des forbans et autres marins peu recommandables.
Foutaises que cela ! Umbar ne pouvait être la capitale des pirates. Car la seule patrie d'un pirate se doit d'être la mer. C'est du moins ce qu'affirme toujours le Capitaine Reznor.
Les lèvres figées dans une expression grimaçante, ses cheveux pâles flottants au vent, et les cales de son navire pleines de marchandises exotiques d'une somptuosité à faire pleurer un Roi, il voyait les quais du port se rapprocher. La dernière fois qu'il les avait vu, c'était lorsqu'il partait, comme je l'ai déjà dit. La fois d'avant, il était de ceux qui lançaient un assaut acharné contre Umbar dans l'espoir, symbole absolu de liberté en Terres du Milieu soit débarrassée de ses récents maîtres, même pas des marins.
C'était le succès de cette opération qui avait précipité sa gloire.
Enfin, le Joyeux Requiem entra dans le port et, avec ses extraordinaires capacités, il était bientôt amarré à sa place. Premier de tout son équipage à descendre, Reznor posa le pied sur le pavé des docks le regard plein de nostalgie.
Déjà, des regards se posaient sur lui. Il fallait dire, le retour après deux mois du Requiem et de son Capitaine, lequel était l'un des neuf, n'était une mince affaire.
Ce dernier donna quelques instructions à ses marins qui déchargeaient une partie de la cargaison qu'ils auraient sans doute plus facile à écouler ici-même.
De tous les visages présents qui observaient la chose, il y en eu un que Reznor reconnut immédiatement. Un de ses collègues au sein du Conseil d'Umbar. Une de ses collègues, plutôt. Le Capitaine Yse était sans doute la femme pirate la plus respectée de toutes les mers, et elle se dirigeait vers lui.
"Où étiez-vous donc passé ?" fit-elle d'une voix cristalline. "Nous commencions à craindre que les neuf ne soient déjà plus que huit. Qu'avez vous été faire ?"
Reznor esquissa un sourire, ce qu'il faisait souvent, satisfait de se souvenir que s'il détestait la ville, au moins on pouvait y faire des rencontres intéressantes...
"J'étais en Extrême Orient, et faisais ce que je fais le mieux, sans doute, piller de riches navires marchands. Voyez mon butin... S'il restait dans la région le moindre seigneur susceptible d'acheter ces splendeurs, je serais riche comme un Roi."
Il désigna d'un geste du bras la file de matelots déchargeant le fruit de ses rapines. Yse fit une moue qui semblait signifier qu'elle n'était guère satisfaite.
"Remarquable... Mais pensez-vous vraiment que ce soit le meilleur moment pour courir les mers éloignées ? Le Harad est à peine débarrassé des derniers fanatiques. Votre aide nous aurais été précieuse et vous auriez eu votre compte de bataille sanglante pour satisfaire votre sabre..."
"Ne nous offusquez pas..." Reznor une bouteille de parfum ouvragée dans le coffre qu'un matelot déchargeait tout près de lui et l'offrit à la pirate, avec un pincement au coeur cependant, ces senteurs exotiques auraient été chercher dans les milles pièces auprès d'une comtesse Gondorienne...
"Je n'ai pas fait que du pillage là-bas, reprit-il. "J'ai sans doute passé autant de temps dans leurs ports étranges à m'entretenir avec des marins et des marchands, de leur noble parfois même. Il me semble important de voir comment nos voisins de l'Est voient le changement de pouvoir à Umbar.
"Et comment prennent-ils la nouvelle?" Yse avait oublié toute rancoeur dans sa voix. Il fallait dire que le sujet l'intéressait. D'ailleurs qui n'était pas intéressé par ce qui se passait par delà les mers orientales, ces contrées qu'y ne figuraient plus sur les cartes des Terres du Milieu, et qui recelaient de mystères incroyables.
"Mal. Ils ont peur pour leurs marchandises. Ils craignent que nous soyons mieux disposés envers Gondor que les propriétaires précédents, et que de fait craignent que nous nous concentrions beaucoup plus sur eux. Ajouté à cela le fait que de plus en plus de leurs Choses écument leurs mers - j'en ai combattu une sorte que je n'avais jamais rencontré - et ils craignent vraiment pour leur prospérité...
Comment on été les choses ici ?"
"Sardanapale et Lahan ne sont pas du genre à renoncer à attaquer Gondor. Ils ont du accidentellement confondre quelques-uns de leurs navires marchands avec des bateaux Melkorites... Mais il faut dire qu'il y en a de moins en moins qui prennent la mer, avec la guerre générale... Riordan ne prend plus la mer en personne, il a tellement d'équipages subalternes qu'il délèguent tout. Sined et moi sommes resté tranquilles.
Seul le Capitaine Novor manque à l'appel. Comme vous il a pris la fuite...
Combien de temps restez-vous ?
"Une semaine, sans doute..."
"Seulement ?"
"Oui, j'ai personnellement de très bon contacts avec Gondor, et le prix des objets exotiques y atteint des sommets. Je vais donc devenir un honnête marchand, pour quelques temps... »
Le Capitaine Yse soupira, mais ne dit rien. Finalement, la jeune femme salua Reznor et s'en retourna à ses activités, satisfaite d'avoir des nouvelles du neuvième Seigneur Pirate et des mers Orientales, relativement déçue de voir que le Conseil ne pouvait décidément pas se retrouver au complet bien longtemps...
Le Capitaine Reznor, lui, s'éloigna en boitant vers le centre-ville, où il négocierait ses marchandises pour moitié moins de la valeur qu'elles auraient auprès d'un Prince, et puis il irait se saouler la gueule dans les règles de l'art, la seule façon qu'il puisse supporter Umbar.
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