Du sang dans l'argile

Quelle ne fut pas la surprise de Nidor de découvrir du sang dans l'argile.
L'artisan rentrait chez lui après une journée tranquille au marché. Il avait pu décrocher de jolies réductions sur des stocks de matière première, et il avait vendu quelques sculptures, bien que c'était surtout à sa boutique - dont il avait laissé la garde à son apprenti - qu'il faisait le plus d'affaires.

Or en rentrant, il découvrit du sang dans l'argile.
Sur le tour de pottier trônait ce qui était sans doute destiné à devenir un vase, mais c'était plus une simple forme élancée dégénérée qui n'avait pas été finie, et qui avait été déformée, comme si plus personne ne s'en était occupé alors que le tour continuait de tourner pendant un moment.
Et, pour parfaire la laideur étrange de cette construction, le vase était constellé de rouge. Des traces irrégulières qui s'étaient incrustées on ne pouvait dire comment. Nidor s'approcha.
Du sang, c'était du sang. Il y avait du sang dans l'argile.
Et sur le tour. Et sur la chaise renversée, et sur le sol. Il y avait du sang jusqu'à la porte de la remise où le sculpteur gardait sa vieille rapière rouillée dont il était incapable de se servir.
Et il y avait aussi du sang sur le corps de son apprenti, plusieurs coups de couteaux dans le dos. Le petit, surpris en plein travail, avait eu la force de courir jusque là pour tenter de se défendre, mais l'agresseur était trop rapide.

Là, le coffre de la recette de la semaine, éventré, la serrure démolie, complètement vide. Les affaires n'avaient pas été exceptionelles, il devait y avoir quinze-cent pièces tout au plus.
Quinze-cent pièces pour la vie du petit, qui n'avait pas quinze ans. Qui dit mieux ?