La Harpe et l'Oiseau

A sa manière de répondre, Elaïne devina que le Noldo se jouait de sa patience… Mais comment lui en vouloir ? Elle même l’avait bien placé dans une situation sans aucun doute aussi déroutante pour lui que cette attente pouvait être gênante pour elle… Mais si elle ne s’en offusqua pas, la curiosité qui l’animait reprit rapidement le dessus… A nouveau elle étendit sa conscience aux environs… Ainsi son frère n’était pas seulement guérisseur ? Il était doué ? Et apparemment… Autant qu’il était possible… Pour mériter un tel compliment de la part d’un elfe peut-être dix fois plus âgé que lui… Mais la suite des explications qu’il lui fournit la laissaient perplexe…

* D’après ce que je peux voir sur son humeur… Un elnaith est une forme de chef… Un chef de quoi ? Il n’y pense pas… Ca doit lui paraître si évident… Mais que… Pourquoi je ne sait pas ça avec certitude ???

En distinguant les dernières pensées du vieil elfe, Elaïne éclata de rire, sa voix cristalline se reprit pourtant très vite pour donner la raison de son hilarité :

- Oh… Mais je vous crois ! Le seul problème… C’est que je n’ai pas la moindre idée de ce que peut bien être un elnaith… Et que comme vous n’y pensez pas clairement… D’après ce que j’ai compris… C’est une sorte de chef non ? Ils aident le conseil blanc ? Il y a eu des troubles récemment ? En forêt noire ? Le nécromancien fait des seines ? Ca ne m’étonne pas si vous voulez savoir… Il ne me disait rien qui vaille la dernière fois que j’en ai entendu parler… Qu’il serait plus qu’il ne le prétend… Ca ne m’étonnerais pas…

A peine ut-elle prononcé ces suppositions qu’elle sut qu’elle avait fait une bourde… Bêtement elle avait supposé que tout était resté en place depuis quatre cents années qu’elle était partie voyager dans l’est… Mais vu les réactions de ceux qui l’entouraient… Elle avait quelques siècles de retard… Confuse, elle rougit.

- Heum… Je crois qu’il serait préférable que vous me disiez ce qu’il en est actuellement… J’ai l’impression que des événements importants m’ont échappés… Disons que je n’ai pas côtoyé grand monde depuis prés de cinq cents ans maintenant… Et aucun n’a jugé intéressant de me parler de ces événements…

Elle allait enchainer, lisant les bribes d’histoires qui jaillissaient a la surface des humeurs environnantes… Mais elle préféra se taire… Il valait mieux entendre un récit organisé pour comprendre…

La situation était risible. Cette Elfe semblait être restée plus de trois siècles en arrière, et, d'après le ton et l'expression qu'elle prenait, ce n'était pas une blague de sa part. Pourtant, Gil-Enhiel ne rit point. Il n'était pas dans sa nature de se moquer des autres, à quelque degré et pour quelque raison que ce soit. Il ignorait ce qu'avait réellement vécu son interlocutrice au cours de ces dernières centaines d'années et préférait la mettre poliment au courant de la situation actuelle:

"Le Conseil Blanc... le Nécromancien... voilà bien des décennies que l'un et l'autre n'existent plus, et, si je ne sais pas grand chose de l'un, j'en sais bien assez de l'autre pour ne pas regretter le temps dont vous parlez. En ce temps, j'étais davantage enclin à voyager, à dormir à la belle étoile, aussi n'ai-je pris part à la lutte contre le Seigneur Ténébreux que de façon très mince et sporadique."

Un nuage sembla obscurcir le visage du vieux Noldo, comme si sa dernière phrase avait immiscé la honte en son cœur. Ou peut-être était-ce une certaine souffrance qui reparaissait à la mention de cette triste période d'Arda. Cette ombre passa toutefois, et il changea de sujet pour la chasser définitivement:

"Un Elnaith est en effet une sorte de chef... le chef d'une Maison d'Elfes. Nidnama est l'Elnaith de la maison de la Harpe, où des Voyageurs, comme d'aucuns l'appellent à Gar Thulion."

Il jugea bon de ne pas en dire plus ici. Gil-Enhiel parlait rarement ouvertement de cette Cité secrète, mais il avait estimé que la sœur de l'Elnaith avait le droit de connaître son nom. Cependant, ces dernières paroles ressemblaient plus à un murmure qu'à autre chose.

Si Elaïne Linkal-hîth s'était attendue à un récit historique détaillé des cinq derniers siècles et à une définition complète et détaillée du mot "Elnaith", elle devait rester sur sa faim. Le vieil Elfe n'était pas très bavard de tempérament, mais dès qu'on lui imposait une certaine prudence et un certain secret sur un sujet donné, il devenait vraiment taciturne.

Elaïne encaissa le choc que lui causa la nouvelle sans même cligner des paupières… De toute manière ses paupières ne clignaient jamais a moins d’un véritable danger ou qu’elle s’y applique. Les informations qu’elle récolta satisfirent amplement sa curiosité… Car s’il s’était montré concis la majeure partie des événement auquel il avait fait référence avaient naturellement défilé sur les surface des deux humeurs l’entourant. Mais la situation n’en était pas moins désagréable… Pour ce qui était de Gar Thurion… Elle ne put pas deviner grand chose… Un citée cachée… Une grande force elfique…

* Bon… Je me suis assez ridiculisée pour aujourd’hui… J’essaierais d’en apprendre plus plus tard… Ce n’est pas très fairplay mais bon…

- Je comprend… Il n’est pas toujours bon de vivre seule… Mais c’est parfois plus agréable qu’être l’objet de la crainte… Pourtant vivre loin du monde ne permet pas de servir ses idéaux… Ce qui me fait penser… Qu’avez vous donc appris sur cette île ? Les arbres y bougent réellement ? Et qu’es qui vous a mis dans un tel état tout à l’heure ?

Voilà qui était fait… Rien de très honnête… Mais un bon moyen d’échapper a la légère honte qu’avais entrainé son ignorance… Et puis… C’était bien là ce qu’elle voulait découvrir… Toutes les fibres "végétales" de son esprit étaient tendues vers ces informations… Palpitantes d’espoirs…

Les questions de son interlocutrice auraient peut-être surpris Gil-Enhiel un instant plus tôt, mais maintenant qu'il savait à qui il avait affaire, il se dit que cela était prévisibles. Devait-il répondre à ces interrogations? Après tout, il n'y avait rien de bien secret là-dedans... Il décida de se rattraper du peu de détails qu'il avait pu fournir au sujet des Elnaith...

"Deux choses m'ont mis dans un drôle d'état tout à l'heure, deux choses bien distinctes. Je croyais que nul ne se serait aperçu du bouillonnement intérieur dans lequel je me trouvais tout à l'heure, mais je crois finalement que ce serait mal vous connaître..."

Il sourit, car sa remarque était plus une façon de détendre l'atmosphère qu'une accusation. D'ailleurs, si l'ex ranger avait aperçu le trouble du vieux Noldo, c'est que des signes extérieurs avaient également trahis son sentiment d'inquiétude. Il explicita:

"La première chose, c'est que ma fille et mon gendre viennent d'être entraînés vers les Hauts des Galgals par un inconnu, et par le biais de la femme que vous voyez derrière moi, à la table du tout jeun Elfe. Je n'en sais pas mieux sur ce sujet, aussi inutile de vous en parler davantage."

Gil-Enhiel avait bien senti l'impatience d'Elaïne, une fois encore. Elle n'avait cure de cette histoire, ou presque. Ce qui l'intéressait le plus, c'était l'autre affaire, celle qui touchait Embouchure, celle qui touchait les arbres.

"La seconde chose concerne en effet l'île de Tolfalas. Voyez-vous, ma petite-fille vit dans un petit village nommé Embouchure, dans le territoire de Belfalas, au Sud-Est du Gondor. Et son amant semble s'intéresser aux arbres qui poussent sur l'île d'en face. Des rumeurs courent... des rumeurs qui disent que les arbres bougent de leur propre volonté. Impossible... non. Mais il est très peu probable, selon moi, que des... vous savez... des Ents puissent avoir traversé les Mers pour s'installer sur Tolfalas. A moins qu'ils y soient nés, avant le bouleversement du monde, il y a une éternité, et que les Mers aient changé de disposition par la suite, les empêchant de retrouver le chemin du continent..."

Cette dernière idée venait tout juste de germer dans sa tête. Pas si impossible que cela, après tout, quoique improbable.

"Et je viens d'apprendre qu'Embouchure a été totalement détruit", conclut-il.

La jeune elfe tourne la tête vers Magyu, et lui adresse un sourire amical. Le garçon détourne les yeux, et se prend à contempler la table, les nœuds du bois, les différentes marques, qui représentent l’histoire de l’arbre. Il s’arrache à sa fausse observation, et du coin de l’œil, regarde la table qu’il scrutait tout à l’heure. Personne ne semble avoir remarqué que depuis un moment, il regardait la table, et il recommence à regarder devant lui, très heureux de pouvoir retrouver le fil de la conversation.

Jusqu’à présent, ils discutaient de pensées, et de lecture. Lire dans les pensées ? C’est une idée absurde, que le garçon rejette avec un sourire. La magie, ça n’existe pas. Il s’en est convaincu. Les prédictions, les devins, tout ça, ce sont des charlatans, comme on le lui disait avant, lorsqu’il travaillait avec des hommes. N’empêche, il garde une certaine méfiance à l’égard des gens prétendant avoir des pouvoirs mystiques, et pour Magyu, qui dit méfiance, dit aussi curiosité dévorante. Il ralentit son rythme cardiaque, se concentre uniquement sur la conversation, et écoute.

Ils recommencent à parler elfique. Ils emploient des noms elfiques et parlent de harpe. Sans doute qu’il doit y avoir un rapport, mais aucun qui saute aux yeux du garçon. Il fait la moue, et tente de faire le lien. Une personne qui prétend avoir des pouvoirs...une harpe. Peut-être qu’elle ensorcelle les gens par la musique...de la harpe...qu’elle n’a pas. Ca ne devait pas être ça. Il continue à écouter, et finit par capter quelque chose d’intéressant. L’elfe étrange, qui fait semblant d’être aveugle, semble avoir les même difficultés que Magyu à comprendre les termes elfiques qui sont utilisés, demande confirmation. Elle aborde le sujet de conseil blanc, de forêt noire - des ennemis peut être...Blanc, noir, opposition des couleurs...Qui sait ? -, de nécromancien - un mot compliqué qui a sans doute une signification bien trop technique pour que le garçon puisse la saisir, et puis elle change d’attitude.

Magyu, sans le vouloir, s’était attardé sur elle depuis un moment. Elle prétend avoir des pouvoirs, et joue à l’aveugle, de plus, elle est charismatique, et elle est la seule a, ouvertement tout du moins, avoir remarqué qu’il les observait. C’est peut-être pour cela qu’il fait très attention à elle, et quand elle change d’attitude, passant de son calme détendu, à une attitude plus réservée, le garçon ne comprend pas. La honte est une émotion qu’il ne connaît pas vraiment, ou qu’il ne sait pas identifier, et cela le perturbe. Qu’a-t-il bien pu se produire pour qu’elle réagisse ainsi ? C’est la question qui se pose...

Magyu est prêt à écouter la suite, mais un elfe, qui passe devant lui, en s’apprêtant à rejoindre une table un peu plus loin, le coupe dans son espionnage, et lui fait perdre le fil. Le garçon fait claquer sa langue, et se re-concentre. Comment peut-on déranger les gens comme ça, impunément, alors qu’ils ne font qu’écouter une conversation qui ne les concerne pas. Magyu jette un dernier coup d’œil désapprobateur à celui qui vient de le gêner, sans s’y attarder, secoue la tête, et revient à ce qui l’intéresse, lorsqu’il entend qu’on parle de lui. De manière très brève, mais ce n’est pas la première fois qu’on fait attention à lui, et cela peut prendre un sens, si ces elfes étranges disposent réellement du pouvoir de lire les pensées.

Le garçon a beau ne pas y croire, il préfère éviter les mauvaises surprises. Après tout, il n’est pas omniscient, et il pouvait se tromper - ce dont il doutait fort. Mais ce qui attire l’attention de Magyu, ce sont ces quelques mots : “des rumeurs qui disent que les arbres bougent de leur propre volonté”. Des arbres bougeant de leur propre volonté ? Des arbres bougeant ? Le garçon n’en a jamais vu. Il a vécu longtemps dans la forêt, et sur ce point, il est catégorique. Si un arbre avait un jour prit vie devant lui, et avait bougé, il s’en serait souvenu. Et pourtant, ces gens semblaient croire à ces rumeurs. Le monde était vaste. Peut-être que de tels mythes existaient en une contrée lointaine, et soudain, Magyu a envie de se lever, d’aller parler avec ces individus, envie d’aller leur poser des questions sur ces mystères, envie de leur demander s’ils pouvaient l’emmener. Envie de partir à l’aventure - ce qui ne lui était encore jamais arrivé. Mais le ton de la conversation devient grave. Quelque chose : Embouchure, avait été détruit. Ce que c’était, et où ça se trouvait, le garçon n’en a aucune idée, mais il sent bien que cela pèse sur les elfes qui discutent. Il soupire, déçu, et continue à écouter. Cette histoire d’arbres commence vraiment à l’intéresser.

Pendant tout ce temps, Elaïne avait "observé" avec amusement l’humeur du jeune elfe… Il était réellement… Curieux. Comment décrire cela autrement ? Il s’intéressait a tout… Voulait comprendre… Mais certaines de ses pensées étaient vraiment amusante… D’autres plus banales auraient sans aucun doute été partagées par tout autre observateur extérieur. Il était effectivement "impossible" que la mage lise les pensées… Le charlatanisme étant évidemment bien plus courant que la véritable magie il était banal qu’on n’y apporte aucune de foie… D’autant que celle qui animait Elaïne était tout sauf banale… Enfin…

Plus drôle encore, il semblait absolument persuadé que les arbres ne bougeaient jamais… Voilà qui suffisait a écorcher sa vue… Elle dont l’esprit était si proche de celui des bergers des arbres… Allait-elle le titiller un petit peu ? Pourquoi pas ? Après tout… Ca lui apprendrait a écouter les conversations qui ne le concernait pas… Même si c’était elle qui avait fait en sorte qu’il le puisse…

* Et pour ce qui est des indiscrétions je ne suis pas très bien placée pour parler… D’autant que je suis plus… Discrète…

Ces pensées allaient lentement dans son esprit car elles évoluaient parallèlement a ce qui l’intéressait réellement : sa conversation avec le noldo… Ainsi elle avait bien saisit… Et si ce qu’il racontait était vrais…

Un court instant une voix caverneuse monta de sa gorge… Un grondement long, lent…

* STOP !!! Ils ne parlent surement pas cette langue… Et nous passerions la nuit pour simplement en finir avec les premières explications… Et puis… Il faut que j’apprenne a ne pas me mettre a parler l’entique à tout bout de champs… Ca peut être gênant…

Elle enchaina rapidement… Heureusement cela n’avait pas duré longtemps…Peut-être même que personne n’aurais rien remarqué… Elaïne ne voulait en tout cas pas leur laisser le temps de le faire… Rien n’avait encore paru sur leurs humeurs…

- Non… Les ents n’ont surement pas traversé un bras de mer… Mais il est aussi possible que certains arbres se soient éveillés… On m’a parlé d’elfes renégats… D’ailleurs ? Des nouvelles du Nord ?

Encore une fois, l’elfe sautait du coq a l’âne… Mais si elle n’était pas au courant des événements datant de quelques trois cents années, il n’en allait pas de même pour ceux qui s’étaient déroulés des dernières années… Les mages a Fangorn l’en avaient informée alors que les autres étaient considérés comme si évidents qu’ils n’avaient pas été évoqués.

- Enfin… Toujours est-il que certaines personnes aient poussé des arbres a s’"entifier"… Bon… Moi qui montait dans le nord pour mettre la main sur mon frère… Je vais devoir retourner dans le sud… Pas question de laisser ça en plan. Peut-être qu’un miracle est apparu… Peut-être qu’une Ent-femme s’est réveillé comme le disent certaines rumeurs…

Ces derniers mots étaient sortit de sa bouche presque malgré elle… dans un simple murmure… Exprimant l’espérance du végétal en elle…

Rapidement elle se reprit :

- Pardon… En tout cas… Je suis désolée des nouvelles qui vous viennent… Gardez espoir… Votre fille et votre gendre m’on donné l’impression d’attendre cette nouvelle avec impatience… Et votre petite-fille vas peut-être bien…

Des banalités. Mais que dire de plus ?

***

* Bon… Qu’es que je fais pour ce jeune elfe ? Allons bon… Il veut partir a l’aventure… Et il ne crois pas a la magie… Je le guérit de son scepticisme ? Oui… Non… Ca viendra s’il est besoin… Et je ne peut rien faire ici… Ce serait… Déplacé… Et le bois de ces tables et trop vieux pour être chanté… Je ne sent pratiquement pas son humeur.

- Bon… Je pense qu’on vas en avoir pour un moment… Asseyez vous et mangeons…

Elle interrogea Eleriol du regard pour savoir si cela le gênait… Elle lirais la réponse sur son humeur dans quelques instants… Mais elle voulait se montrer courtoise avec lui…

- Ca ne dérange personne si j’invite aussi ce petit elfe a notre table ? Au moins il pourra écouter ce que nous racontons sans avoir a tendre l’oreille…

Evidement celle qui l’accompagnait reviendrait dans quelques instants avec de quoi manger... Mais Elaïne voulait d’une certaine manière protéger Magyu de sa "tutrice" qui ne semblait pas lui accorder la moindre once de confiance…

* Qu’es qui me prend ? Voilà que je devient protectrice… Que d’étranges sentiments ce temps ci… Je suis restée loin des gens trop longtemps… J’ai changé… Il faut faire attention si je ne veux pas me retrouver a nouveau seule… Ne pas trop effrayer les gens… Mais je ne vais quand même pas m’empêcher d’être moi…

Mentalement, Elaïne se secoua une nouvelle fois :

* Laisse tomber ! Te fatigue pas… Ce qui sera sera. Fait ton possible pour que je futur te plaise. Mais pas besoin de se tracasser… Tu verra bien ce que font les gens… Tu verra bien si tu croise a nouveau la route d’Amy… Si tu met la main sur Nidnama… Comment il réagira… Tu ne peut pas le savoir… Tu ne pourra pas le choisir… Donc ne te tracasse pas… Et vis.

"Vous allez au Sud? demanda vivement Gil-Enhiel à son interlocutrice, incapable de se contenir plus longtemps ou ne souhaitant pas rester dans le silence. Vous vous rendez à Tolfalas? Vous voyagez près d'Embouchure? Voilà qui est fort intéressant, car je crois que je vais m'y rendre, moi aussi. Je pense, comme vous, que ma fille et son époux peuvent se débrouiller seuls, même si vos réconforts n'ont pas tout à fait apaisé mon tracas. Mais ma petite-fille, elle, n'est encore qu'une enfant..."

Sa décision était prise, il irait au Gondor, près de la Mer, où les cris plaintifs des mouettes et le murmure des embruns emplissent le cœur des Elfes de nostalgie. Il irait voir cela de plus près, et si en plus il pouvait avoir de la compagnie - et la sœur de l'Elnaith, de surcroît - ce serait parfait. Les messages, il les transmettrait plus tard, Nidnama ne lui en voudrait pas.

"Vous pensez à un Ent-femme... Étrange... ou vraiment très étrange, car cela fait longtemps qu'on dit qu'elles sont introuvables. Certains même disent qu'elles sont mortes, abattues par les haches des hommes dans leur quête de pouvoir et leur esprit industrieux, ou bien brûlées dans des incendies. Très étrange, oui, mais pas dénué d'espoir..."


Si le Noldo portait une moins grande attention aux Ents, il n'en était pas moins un amoureux de la nature et des forêts de la Terre du Milieu, comme bien des Elfes. Le fait que les Ents puissent se reproduire assurerait une meilleure protection de ces espaces à part.

Gil-Enhiel esquissa un sourire lorsque Elaïne lui dit de s'asseoir; en vérité, il était déjà sur une chaise. Elle voulait donc manger, et inviter ce jeune elfe à leur table.

"Cela ne me dérange pas..." assura le vieil Elfe.

Elaïne ne commenta pas oralement les pensées du Noldo concernant les ents… Elle aurais pensé comme lui quelques temps auparavant… Mais a présent… A présent elle devait faire attention pour ne pas parler la lente langue des bergers des arbres… Son esprit s’était rapproché de celui des ents… Un peu de la même manière que celui d’Edlothiadwenn avait été "humanisé" (Elfisé pour être plus précis)… Mais savoir que d’autres partageaient du moins partiellement son espoir d’apprendre que cette rumeur était plus que cela… C’était grandement rassurant… Et en même temps déprimant… A cause des raisons qui le poussait a penser comme elle…

* L’amour des forêts… Celui des ents… Ils sont proches… Et j’ai longuement pensé comme lui. Pas besoin de lui en vouloir pour être ce qu’il est.

***

Mais ainsi elle aurais de la compagnie pendant ce voyage vers le sud…

- Je vais là ou je doit être… Et pour l’heure cette île m’appelle a elle… Je serait heureuse d’avoir de la compagnie qui me tolère… C’est parfois un trésor rare.

Ces mots étaient plus adressés a celui qui n’avait pas proposé de l’accompagner qu’a celui qui l’avait fait… Sait-on jamais… Il n’en restait pas moins vrais que la compagnie du vieil elfe serait sans doute agréable.
Laissant quelques instants ses deux compagnons de tablée, elle se leva pour aller voir ce jeune elfe qui titillait son esprit depuis un moment… Son humeur montrait en lui une innocence quasi incroyable… La voix de l’aveugle s’accompagna d’un souffle d’air sur le visage de Magyu…

- Viens donc te joindre a nous au lieu de te fatiguer a tendre l’oreille.

Eleriol n'avait pas, comme Elaïne et Gil-Enhiel avaient pu s'en rendre compte, ouvert la bouche de toute la discussion. Comme lui avait respectueusement rappelé le Noldo, cette conversation ne le concernait de toute manière pas, et il avait reconnu dans la voix de ce dernier cette intonation si particulière de lassitude, cette même lassitude que l'ancien ranger éprouvait lorsqu'il entendait des remarques déplacées ou tout bonnement inutiles. Dans ce cas précis, le vieil elfe était venu pour parler d'un sujet qui l'inquiétait et le tourmentait, aussi eusse été se rendre ridicule, mais surtout lui manquer de respect, que de continuer sur le ton de la provocation. Aussi Eleriol se plongea-t-il dans le silence, sans être le moins du monde vexé, et écouta-t-il, sans perdre une syllabe de cette histoire.

Cette elfe qui vivait encore au temps de la Guerre de l'Anneau, cette histoire dans les Galgals, ces arbres bougeant dans le Sud, ce village détruit, et enfin la petite fille du Noldo an danger. Autant de faits étranges, dont la juxtaposition laissait libre court à l'imagination. Évènements liés? Racontars? Le rationnel aurait secoué la tête avec désespoir, pris sa chope et quitté la table, le crédule aurait écarté sa chope, penché sur la table et inondé Gil-Enhiel et Elaïne de questions, le curieux se serait simplement calé contre le dossier de sa chaise, dégusté une bonne rasade de sa chope, et réfléchi. Eleriol était le curieux.

Lorsque la jeune elfe leur demanda si la venue d'une quatrième personne ne les dérangeait pas, l'ancien ranger se contenta d'un hochement de tête, un peu déçu de voir sa discussion en tête à tête avec l'aveugle une fois de plus interrompu, mais trop intelligent pour comprendre que protester aurait été la plus stupide des choses à faire. De toute façon, Elaïne avait déjà du prendre note de sa déception, et devait certainement s'en amuser. A cette pensée, il sourit et décocha un regard complice à la magicienne.

Que faire? Suivre ces deux personnes si antagonistes dans leur route vers le Sud? Il fallait avouer que la seule contemplation des falaises de Tol Falas méritait de traverser Arda de part en part. Le mystère qui couvrait désormais cette île la rendait plus attrayante encore, mais l'ancien ranger n'avait-il pas décidé de se reposer quelques temps? Mais allait-il s'imposer de rester à Imladris? Il n'avait pas encore la réponse. Peu importait. Il l'aurait en temps voulu.

[hrp]Désolé tout le monde pour le retard, mais j'ai eu des examens, et je suis tombé malade...^^J'écrirais quelque chose de plus important après, mais là je suis vraiment vidé, encore dsl[/hrp]

Magyu a tenté de se calmer, et de se détacher de la conversation, surtout quand la jeune aveugle s’est levée. Il a essayé d’oublier, et de se comporter normalement, mais son ouïe, qui jusqu’alors lui avait servi à espionner, lui révèle que l’aveugle s’approche de lui, sans détour, sans même faire semblant de trébucher, ou d’hésiter.
Le garçon panique. D’accord, il a entend. D’accord il a même écouté, intentionnellement. Mais il n’a rien fait de répréhensible...selon lui. A moins que les règles de la société stipulent précisément qu’il est strictement interdit d’écouter les conversations des autres - ce qui explique pourquoi tout le monde parle fort.
En tous cas, elle lui fonce dessus ou presque. Lorsqu’elle l’aborde, Magyu feint l’innocence. Il se répète mentalement qu’il n’a rien fait, qu’il n’a rien à se reprocher, et que personne - en théorie - ne peut l’inquiéter. Cependant, il s’attend déjà à avoir des reproches. Cette personne l’a déjà remarqué, et il sait qu’elle sait qu’il écoutait. Il serait donc presque logique qu’elle lui en veuilles. Lorsqu’elle lui adresse la parole, il se tourne vers elle, et se prépare déjà à se défendre, à protester et à se protéger, mais il n’en est rien. Trop abasourdi par sa proposition, et par le tumulte de questions qui se massent à la surface de son esprit, il répond machinalement ce qui lui passe par la tête.

- Ca ne me fatigue pas de tendre l’oreille...

L’elfe en face de lui a une voix douce, amicale, presque maternelle - tout le contraire d’Ilia dans ses mauvais jours - qui embarasse le garçon. Il ne sait pas trop quoi faire, quoi dire, et reste là, avec l’air imbécile. Mais il se rend compte que sa réponse n’est pas suffisante. Il n’a pas trop le temps d’inventer une réponse élaborée, et ajoute simplement :

- Je m’appelle Magyu...

Ce n’est pas la phrase la plus originale et la plus spirituelle qu’il a prononcé dans sa vie, mais comme entrée en matière, c’est plutôt bien. Elle s’en contentera...Il l’espère...

Elaïne avait été plus que flattée par les pensées qu’elle avait pu discerner a la surface de l’humeur du Ranger… discerner ce genre de choses avec netteté… C’était… Agréable… Mais quelques peux gênant… Elle aussi aurais préféré profiter d’un long, très long, tête a tête avec lui… Mais ce ne serait pas pour tout de suite… Pour l’heure elle faisait ce que son instinct lui recommandait… Et puis… En agissant ainsi elle parviendrait peut-être a la faire pencher du bon côté en ce qui concernait ce qu’il allait faire… Elle même n’était pas sure de ne pas chercher a retarder au plus son départ s’il décidait de rester… Simplement pour pouvoir un petit peu plus profiter de lui…

* Ma fille… Ne vas pas te poser de questions sur ce qui t’arrive tu le sait pertinemment… Et le pire par rapport a ce que j’ai déjà pu percevoir de ça chez d’autres gens… C’est que je bénéfice d’une vision d’ensemble…

Elle adressa un sourire plein de chaleur a Eleriol avant de se diriger vers la table du jeune elfe…

***

La raiponce qu’elle reçut était pour le moins cocasse… Mais dans une situation pareille il n’y avait pas réellement d’alternative… Nier ? Il serait passé pour imbécile sans aucun doute…

Elaïne se contenta donc de lui adresser un sourire amical avant de répondre, tout simplement :

- Moi… Elaïne. Si tu veux venir…

Sur ces mots, elle se redressa pour intercepter un serveur qui passait… Immédiatement ce dernier se tourna vers elle, inquiet de la trouver ailleurs qu’a sa table ou elle ne risquait pas de poser de problèmes… Certes il l’avait vu se mouvoir avec une déconcertante précision… N’en restait pas moins qu’elle était aveugle… Aussi s’empressa-t-il de la reconduire a ta table et de prendre commande...

- De quoi manger pour moi et ce jeune elfe… Je m’occuperais de sa… "tutrice" en temps voulu.

Elle ne pensait pas que ça poserais de problème de toute manière… Et a en juger par ce qu’elle parvenait a discerner de l’autre bout de la sale elle était plongée dans une conversation apparemment lourde de conséquence avec l’un des rares humains de la salle [qu’Elaïne discernait sans peine a sa voix bien moins mélodieuse que celle des elfes].

Elle se tourna ensuite vers ses deux "compagnons" de tablée, puisque c’était plus ou moins ce qu’ils se trouvaient être, et les interrogea d’un frôlement interrogatif a la surface de leurs humeurs… Comment qualifier cela autrement ? Ce petit mouvement mental s’accompagnant (comme toujours) d’une brise venue de nul part… Cette caresse qu’elle effectuait du bout de sa magie sur l’humeur de ses interlocuteurs… C’était a peu prés là tout ce qu’elle pouvait faire sur une humeur aussi complexe que celle d’un être humain… Bien sur essayer de l’englober dans une atmosphère était faisable… Mais bien plus grossier… Il était tellement plus aisé d’apaiser ou d’angoisser en "englobant" une humeur que d’insuffler une pensée aussi simple qu’une interrogation dans ce même esprit… Et aussi tellement moins dangereux… Les deux seules expériences qu’elle avait eu en matière de proximité spirituelle avaient faillit mal finir… L’une l’avait laissée transformée elle après un douloureux séjour hors de son corps qui avait bien faillit se solder par son départ vers les cavernes de Mandos… L’autre avait transformé Edlothiadwenn… Mais ce qui se produirait si elle se rapprochait trop d’un être aussi proche d’elle au niveau de la structure mentale… Elle préférait ne pas y penser…

HRP//Vous l’aurez sans doute remarqué… il y a une légère distorsion temporelle dans la première partie ^^^//HRP
2HRP//Te bile pas may ^°^ [on verra ensemble ce wee pour Ilia ?]//HRP2

Un Noldo, un enfant, une aveugle et lui-même assis à une même table. La scène n'était pas des plus ordinaires dans l'auberge de Fondcombe, et les regards survolaient souvent la tablée, curieux de savoir ce qui avait bien pu rassembler tout ce petit monde. Discussions sociologiques? Récits? Où étaient-ce peut-être des artistes partageant leur amour commun de la musique? Une telle troupe n'aurait pas manqué d'avoir du succès. On voyait bien les adultes jouer harpe, flute et tambourin en une délicieuse harmonie mêlant la distinction du Noldo, la beauté et la singularité d'Elaïne, et la simplicité de l'ancien ranger. Et quelques pas devant les musiciens, le garçon chanterait, d'une voix innocente, pure. Oui, le tableau était beau à voir...



Eleriol se tourna vers Gil-Enhiel, qui n'avait pas repris la parole depuis la décision qu'il avait prise de partir pour le Sud. Il intimait le respect, c'était indéniable. Il n'avait jamais du avoir besoin de voir rouge pour se faire entendre, du moins face à des personnes sensées... et sobres. La force de l'âge, certainement. Chez les elfes, en général, c'était ainsi qu'on déterminait l'âge, le physique n'aidant nullement. D'un coup d'œil expérimenté, il était aisé de deviner, du moins dans la majeure partie des cas, si un elfe a connu de nombreuses lunes ou pas. Là ou certains regardaient la longueur de la barbe, la couleur des cheveux ou les aptitudes physiques, d'autres détaillaient l'attitude, l'éventuelle aura. Mais il était aussi des personnes sans âge.

L'ancien ranger, pour mettre fin à un silence qui devenait gênant, questionna, comme s'il avait pris part à la conversation précédente :

"Vous dîtes que votre fille et votre gendre sont partis pour la Hauts des Galgals. Sauf votre respect, je me ferai autant de soucis pour eux que pour les deux jeunes gens partis pour le Sud. Même si Embouchure a été détruite, les Hauts restent m'est avis au moins aussi dangereux que Tol Falas. Ne voudriez-vous pas dépêcher ne serait-ce qu'un courrier à leur rencontre pour vous assurer de leur situation?"

Gil-Enhiel sourit. Ce n'était pas le fait que le ranger s'immisce dans la conversation qui avait provoqué cette expression sur son visage... Il voyait simplement à quel point le hasard des rencontres pouvait changer une destinée, ou tout du moins, et plus généralement, quelques évènements ultérieurs. Car si le vieux Noldo n'avait été qu'en présence d'Elaïne, les propos rassurants de cette dernière au sujet des Galgals l'auraient poussé à se rendre au Sud. Au contraire, les avertissements d'Eleriol donnaient envie de se rendre à Tyrn Gorthad pour voir ce qu'il en était. En ce moment, il disposait des deux personnes, l'une disant blanc et l'autres noir. Mais, si sa décision appartenait à lui seul, Gil-Enhiel n'avait toutefois pas la prétention de se détourner des avis et des conseils des autres...

"Je souhaiterais pouvoir me trouver à la fois dans les Galgals et au Belfalas, et rester également ici, à Imladris, pour respirer l'air pur des montagnes et la senteur des arbres. J'aurais alors l'esprit en paix. Mais hélas, monsieur, cela m'est impossible. Alors je ferai du mieux que je pourrai pour répondre aux questions que j'ai en tête... Mais, même si je ne puis me trouver à plusieurs endroits au même instant, je peux toujours user d'un beau pigeon voyageur pour remédier à ce défaut."

Le vieil Elfe avait tardivement pensé au volatile qu'il avait laissé dehors, prêt à accomplir un nouveau trajet. Comme quoi, l'expérience ne peut parfois pas remplacer la spontanéité de la jeunesse...

"Vous avez raison. Je pense que j'enverrai une missive à ma fille et mon gendre, et que je me rendrais moi-même au Sud, plutôt que l'inverse. Mais, dans tous les cas, je perdrais le calme de Fondcombe et l'ambiance chaleureuse de cette auberge. Mais il faut parfois faire des choix, et la facilité est rarement le meilleur chemin à emprunter."

Ne souhaitant ni boire ni manger pour l'instant, Gil-Enhiel porta son ragerd sur le jeune homme, puis sur Elaïne. Se déciderait-elle bientôt à partir, ou voudrait-elle discuter personnellement avec tous les clients de l'établissement avant d'entreprendre son voyage?

Faute de mieux, il reprit son ébauche de discussion avec l'ex-ranger:

"A présent, vous en savez plus sur moi des mes projets que tout autre dans cette salle. Mais de vous, je ne sais que deux choses: il vous plaît d'observer les autres, et vous craignez les Hauts des Galgals... Moi qui croyait être secret et taciturne, je prends conscience que certains le sont encore davantage."

Elaïne hocha la tête aux paroles d’Eleriol. Il avait évidemment raison. Les hauts n’étaient pas un lieu des plus surs. Mais n’aillant lut aucune inquiétude sur l’humeur du couple elle n’avait pas cherché a approfondir. Mais, effectivement, la voix de la raison commandait d’au moins prendre des nouvelles.

Puisqu’aucun de ses deux compagnons de tablée ne semblaient intéressés par un repas elle fit signe au serveur qu’elle en avait terminé avant de reporter son attention sur ce que disait le Noldo.

* C’est si proche de ce que je ressent… je veux descendre au sud. Mais en choisissant cette route je m’éloigne de mon frère… En choisissant cette route je ne peux faire ce dont j’ai, pour l’heure, le plus envie de faire… Je ne peux pas profiter de la tranquillité de la dernière maison simple pour apprendre a mieux le connaître… Pour lui apprendre a me connaître…

Mais contrairement au Noldo elle avait une chance de pouvoir combiner, au moins partiellement, deux de ses envies… Même si le choix n’était plus entre ses mains. Ce serait a lui de voir.

Lorsque le Gil-Enhiel eu fini de parler, l’aveugle reporta son attention sur l’ancien ranger. Elle voulais elle aussi savoir ce qu’il déciderais de faire… Elle voulait savoir si elle partirais le cœur léger…

Elle n’ajouta que quelques mots sur un ton doux a travers lequel transparaissait une petite partie de ses sentiments… Jusqu'à présent lorsqu’elle avait posé la question de manière détournée Eleriol n’avait pas semblé la saisir… Ou de moins n’avait pas voulu répondre.

- Viendrez vous ?

Deux mots. Deux mots : ni plus ni moins que deux mots qui traduisaient les espoirs d’Elaïne. Deux mots qui résumaient la situation. Deux mots qui allaient peut-être, elle le savait, briser sa propre résolution. En dire plus aurais été superflu… Et aurais posé quelques problèmes du moment qu’ils n’étaient pas en tête a tête. Elle attendrais donc de pouvoir profiter d’une discutions digne de ce nom avec lui.

* Pourquoi ai-je été chercher ce Noldo ? Fichue curiosité… J’aurais mieux fait de profiter de ce que j’avais… D’un autre côté je pense pouvoir trouver un moment pour lui parler seule a seul… Alors qu’attendre pour Gil-Enhiel aurais été bien plus définitif… Pour ce Magyu… L’instinct dirais-je… Soit patiente ma fille… Ca viendra. En attendant… Je vais essayer de régler tout ce qui peut l’être au plus vite…

Ces résolutions prises elle ne pouvait pourtant pas faire autre chose qu’attendre… Un vent doux caressait le visage de l’ancien ranger comme l’attention d’Elaïne restait dirigée vers lui.

A l’autre bout de la salle le serveur revenait.

Magyu, assis, les mains jointes, la tête baissée, attend. Il attend qu'on lui adresse la parole, mais visiblement, si sa présence ne dérange pas, elle n'est pas non plus le centre d'intérêt de la conversation.

Timidement, il lève les yeux vers les gens attablés là. Ils parlent vite, et ils parlent dans cette langue qu'il ne comprend pas. Elle est faite de sons harmonieux, qui se marient bien ensemble, et on dirait qu'ils chantent. C'est agréable. Avec le bruit des conversations alentour, et avec l'entêtante odeur de la nourriture, c'est un cadre presque parfait. On pourrait presque croire que le garçon a toujours vécu dans des endroits comme ceux-ci.

Ce n'est pas tout à fait inexact. Ses rares expériences de la vie en société l'ont conduit dans des endroits tels que celui-ci. Il a déjà côtoyé des Hommes, dans des tavernes. Mais lorsqu'il y a été, il a toujours vu des gens parlant trop fort, et criant presque, dans la langue rude et abrupte du commun. Jamais il n'a vu un lieu si propre. Animé, mais paisible. Les gens sont dignes, et on sent une certaine tenue que n'ont pas les ivrognes qui fréquentent en général les lieux où on vend de l'alcool.

Magyu lève la tête. La jeune elfe qui l'a invité semble absorbée dans ses pensées. Elle parle moins que les autres, mais ce qu'elle dit doit être important, car sans doute que sinon, elle ne parlerait pas.

Quelque chose alerte le garçon, qui se retourne vivement. Son ouïe développée et entraînée, dans la forêt, lui a appris à reconnaître quand on vient sur lui, mais là, ce n'est pas le cas. C'est plutôt l'odeur qu'apportent les pas qui l'attire. Son estomac, qui criait déjà famine depuis un moment, semble sur le point de se jeter sur l'assiette que tient le serveur.

L'odeur que le garçon sent, c'est celle qui règne dans toute la pièce, mais il ne sait pas du tout de quoi il s'agit, et malgré la tentation qui le saisit, il se refuse à céder, lorsqu'avec un sourire amical, l'elfe dépose une assiette devant lui, et une autre devant Elaïne...C'est peut-être un piège.

D'habitude, il ne mange que ce qu'il a préparé lui-même, ou ce qu'il a trouvé dans la forêt. Toucher au plat que quelqu'un a confectionné loin de son regard l'inquiète un peu. Il a déjà eu des expériences malheureuses avec des plantes impropres à la consommation, qui lui ont appris que tout n'est pas bon à manger.

Avec une détermination feinte, il se concentre pour regarder dans les yeux l'elfe. Il voudrait bien lui demander s'il peut manger, partagé entre désir et prudence, mais il préfère qu'elle débute la conversation. Il se crispe, fronce les sourcils, comme le faisaient les gens énervés qu'il a rencontré, et involontairement, fait une petite moue avec sa bouche. Cependant, il sait bien que si Elaïne lui rend son regard, si elle le fixe avec ses yeux perçants, il ne pourra pas faire autrement que d'abandonner la partie.

Mais en attendant, il prend son courage à deux mains - surtout parce qu'il n'en a pas beaucoup, du courage, et qu'il veut tenir fermement ce qu'il risque de perdre - et essaie d'arrêter de trembler. Il n'est plus seul maintenant, et il doit se montrer fort...Même si c'est terriblement difficile...de ne pas trembler.

Eleriol sourit imperceptiblement aux paroles de Gil-Enhiel. Il avait parfaitement raison, et l'ancien ranger s'en félicitait. Il aurait pu ne rien dire, et le Noldo ne serait pas plus intéressé à lui, du moins sur l'instant. Le vieil elfe en aurait alors su encore moins sur Eleriol, sans pour autant que lui en sache moins sur Gil-Enhiel. Leur route aurait pu se séparer, le noble elfe aurait sans doute oublié Eleriol, mais ce dernier en aurait toujours su plus sur lui que beaucoup.

Il n'y a peut-être pas grand chose d'autre à savoir. J'ai servi un temps comme ranger, et j'aime voyager. Découvrir. Apprendre. Et observer, comme vous l'avez remarqué. Rien qui soit un jour digne d'être raconté dans un livre, une poésie ou un chant. Mais je peux me targuer de bien connaitre certaines régions d'Arda.

Il regarda le garçon à la table. Il n'avait pas encore touché à son assiette. Une timidité qui lui rappelait celle d'une être cher, lui aussi curieux. Ce p'tit d'homme en face de lui était, comme en fait chacune des quatre personnes assises ici, curieux. Eleriol resta ainsi plusieurs secondes à le regarder, mais l'attention de l'enfant était entièrement tournée vers Elaïne.

Un souffle connu vint effleurer le visage de l'ancien ranger. Il regarda la jeune elfe. Une question. Eleriol n'avait nul besoin d'être magicien pour lire sur les traits d'Elaïne. Elle aurait aimé qu'il vienne. Il ne répondit pas tout de suite, même s'il connaissait déjà la réponse. Son choix, il l'avait déjà fait. Restait à le comprendre. Une première réponse évidente se présentait à lui, mais il cherchait autre chose. Ce n'était pas ses habitudes. Ce n'était pas comme cela qu'il avait pour coutume de décider.

Oui.

Un mot. En dire plus aurait été superflu.

Un ancien ranger... voilà qui était intéressant. Intéressant mais non approfondi par l'Elfe en question, qui ne semblait pas souhaiter s'attarder en paroles sur son passé. Était-il habituellement si réservé ou avait-il des choses à cacher? Ou bien les deux à la fois? Peut-être.

Gil-Enhiel aussi aimait voyager, mais il aimait en général le faire de son propre gré, et ne pas être pressé par une affaire urgente, afin de prendre le loisir de s'attarder en chemin, de contempler la lune et les étoiles étranges des autres contrées. Il n'aurait su dire s'il préférait arpenter la Terre du Milieu ou rester en un point fixe... les deux possédaient leur charme. En tout cas, le vieux Noldo aimait découvrir et apprendre, et il connaissait également bien certaines contrées... peut-être moins que son vis-à-vis, toutefois.

La dernière phrase d'Eleriol sema un étrange pressentiment dans son esprit: l'ex-ranger allait-il les accompagner jusque dans le Sud? Idée absurde à première vue, qu'aurait-il à faire là-bas, lui? Gil-Enhiel se vit alors marcher à ses côtés, parcourant les innombrables lieues des pays sauvages dans un silence gêné, n'ayant rien à se dire.

Justement, Elaïne posa la question cruciale. Et le taciturne Elfe y répondit par la positive. Trois mots pour une question et une réponse, voilà qui avait le mérite d'être concis. En tout cas, tous en étaient sûrs à présent: ils seraient au moins trois à partir. Si cela pouvait enjouer Elaïne, il n'en était pas de même pour Gil-Enhiel... il n'avait rien contre lui, pourtant il sentait comme un malaise en sa présence. Si observateur, si scrutateur... depuis qu'il l'avait surpris à l'espionner, Gil-Enhiel se méfiait de l'ex-ranger.

Mais son visage resta impassible lorsqu'il apprit la nouvelle. Il n'avait plus guère envie de perdre son temps en paroles pour ce soir, pas même avec le nouveau venu à leur table. S'appuyant profondément contre le dossier de bois de sa chaise, il se contenta d'écouter.

Un simple mot… Un mot précédé de pensées qui ne correspondaient pas… Perplexité. Ou était le rapport entre la perplexité et cette affirmation ? Difficile a déterminer… Difficile aussi de comprendre en quoi cette syllabe la soulageait tant… Comment était-il possible qu’elle y accorde une telle importance ? Un sourire de contentement avait fleuris sur ses lèvres… Le souffle de ses pensées avait englobé Eleriol pendant quelques instants avant qu’elle ne s’éloigne mentalement de lui.

Une gène avait fleuri en elle… Elle ne voulais pas s’insinuer trop avant dans les pensées du ranger… Ou plutôt de l’ancien ranger (Elaïne avait soigneusement intégré les quelques informations qu’il avait laissé filtrer présentant que parler n’était pas son plus grand plaisir et qu’il était donc préférable de lui éviter de devoir pratiquer ceci plus que nécessaire)… Un sentiment confus… Jamais le cas ne s’était ainsi présent a elle… Pour elle "voir" la surface des humeurs était… Naturel. Pour elle "lire" quelques une des pensées de ses interlocuteurs n’avait rien de dérangeant… Mais elle avait envie de s’insinuer plus avant en lui… Envie de savoir plus de choses malgré les risques… Et envie aussi de respecter son intimité plus que celle de toute autre personne.

Pour se redonner de la contenance elle enfourna elle même une petite cuillérée de bouillon. Il est chaud… Le goût en est agréable… Mais le sourire qui anime ses lèvres est toujours le même… A son tour elle prononce un mot. Un simple murmure… Un simple mot qui résume une grande part de ses sentiments… Mais un murmure si léger que nul ne peux l’entendre… A part celui a qui il est porté par une légère brise…

- Merci.

Sentant le sang affluer en elle, Elaïne détourne définitivement son attention. Deux autres choses dont besoin d’être éclaircies… Ce jeune elfe qui ne mange pas. Et le malaise du Noldo.

Dans le cas du deuxième… Ce n’était pas bien difficile a comprendre. Il faudrait qu’il compose avec ceci. Après tout rien ne lui imposait de voyager en leur compagnie. Pour le premier…

* Pourquoi ne mange-t-il pas ? Il est pourtant affamé… Et pourquoi avoir ainsi peur ? Empoisonnement ? Bon… Allons au plus simple.

D’un geste amical elle pris les deux assiettes (celle du petit elfe et la sienne propre qu’elle avait déjà gouté) et les inter-changea.

- Tu vois ? C’est sans danger…

Une hésitation. Les yeux dissemblables de la mage se fixèrent sur lui… Ils exprimaient… Ou plutôt communiquaient un sentiment de "sécurité" parallèlement elle laissait son propre esprit englober celui de Magyu pour l’apaiser…

- Si tu veux parler… Parle…

Elaïne pencha légèrement la tête sur le côté, attendant d’entendre la réponse… Dans le même temps elle continua a parler. Pour elle observer quelqu’un lorsqu’elle lui parlait était souvent superflu… C’est donc en touant le dos au Noldo et en offrant son seul profil a Eleriol qu’elle leur parla :

- Bien… Nous partons demain ? J’aimerais bien profiter d’une nuit dans un véritable lit… Après tout je suis encore en "convalescence"…

Effectivement si rien dans son comportement ne le laissait voir son épaule n’avait pas encore fini de cicatriser… Et elle sentait son pansement qui commençait a la tirailler…

Elaïne semblait enfin s'intéresser au départ en lui même, à la nuit de repos qui le précéderait, et non plus à discuter pendant toute la soirée avec tous les clients de l'auberge qui lui paraissaient intéressant. Voilà qui était bien. Et même si ses dernières paroles ne lui étaient peut-être pas destinées - et de fait elle lui tournait le dos - Gil-Enhiel réagit tout de même:

"Demain... oui, cela me paraît bon. Le plus tôt serait en effet le mieux, étant donné le long voyage que nous avons à faire. Je me trouverais demain matin au lever du soleil devant la porte de cette même auberge; nous pourrons alors organiser les derniers préparatifs durant la matinée et nous mettre ensuite en route."

Le Noldo fit glisser sa chaise sur le plancher lustré en un mouvement de recul, puis se leva de sa manière habituelle: silencieuse et élégante. Regardant une dernière fois l'ex-ranger, l'Elfe aveugle et le jeune humain, il s'adressa une ultime fois à eux pour ce soir:

"Je vais à présent retrouver l'oiseau-messager et envoyer une missive vers les Hauts, puis profiter, durant le temps qu'il reste, de l'air pur et frais d'Imladris. Bonne nuit."

Quittant la table, il salua également Ilia d'un signe de tête, elle qui l'avait pourtant tant intriguée ce soir, puis se dirigea vers la sortie et disparut sans bruit dans la nuit étoilée. Une fois qu'il eut envoyé pigeon et message à destination de sa fille et de son gendre, il rejoignit les pelouses et contempla de nouveau le ciel, comme il le faisait avant que les évènements viennent le troubler. Rêvant à demi, se reposant l'esprit tout en étant debout, il songea au lieu dans lequel il se trouverait, demain à la même heure. Ce ne serait pas Fondcombe, en tout cas.

[HRP]Je précise que Magyu est un elfe ^^[/HRP]

La jeune femme elfe a l'air gentille. Elle lui parle. Il la comprend. C'est plutôt rare qu'il comprenne ce qui se dit dans cette salle où tout le monde parle l'elfique. Elle le regarde, et devant son hésitation, échange les deux assiette. Magyu note qu'elle a goûté la sienne avant de procéder. Elle apaise ses craintes avant même qu'il ne les ai formulées, ou qu'il ait eu l'intention de les formuler.

Elle lui propose de parler. Il la regarde. Parler ? Pour quoi faire ? Ca n'est pas important de parler. La voix...c'est en cas d'urgence. Manger, par contre, c’est important. Et discuter et manger, ça ne va pas ensemble. Magyu attaque son repas avec appétit, sans répondre. Il essaie de se convaincre que c’est parce qu’il n’en a pas envie, mais en vérité, c’est parce qu’il est timide. La méchanceté, il sait y faire face. Quand on l’agresse, il bat en retraite. Quand on l’attaque, il fuit. Mais personne ne s’est jamais montré gentil, ou agréable avec lui, et ses réactions sont en accord avec son histoire : bizarres.

L’elfe repart à parler avec ses compagnons, et Magyu est soulagé. On l’oublie encore. Il préfère ça. Il a compris, durant ces longues années passées dans la forêt, que pour apprendre et comprendre, il vaut toujours mieux écouter. Ca lui servait pour repérer les prédateurs des bois, ça lui sert ici aussi.

Bien sûr, il ne comprend rien, mais le ton des phrases, et les intonations, peuvent lui permettre de saisir, de manière un peu détournée, comment le sujet est reçu par chacun. Il ne comprend pas encore toutes les nuances des sentiments, mais il connait la joie, la peine, et la colère. C’est déjà bien suffisant.

Cependant, alors qu’il se prépare mentalement à écouter, qu’il calme son rythme cardiaque, qu’il prend une allure régulière pour manger, qu’il se concentre sur les paroles qui sont échangées par les gens avec qui il est attablé, l’un d’eux se lève. S’il avait compris quelles ont été les paroles du vieil elfe, il n’aurait probablement pas sursauté, mais ce n’a pas été le cas. Il contient ses tremblements. Ici, on ne lui veut pas de mal. Personne n’a envie de le tuer. L’elfe salue quelqu’un dans la salle, et Magyu se retourne, pour voir de qui il s’agit. Sa cuiller se fige dans sa main, lorsqu’il aperçoit Ilia, qui marche d’un pas décidé vers lui.

Elle s’arrête juste à sa hauteur, sans lui adresser un regard, et commence à parler aux deux elfes, qui sont restés assis, dans leur langue. Visiblement, il va y avoir de l’orage dans l’air. Magyu se recroqueville sur lui-même, et termine son plat le plus rapidement possible. C’est toujours ça de pris. Un repas de surplus. Il déplace sa chaise sur le côté, tout doucement, et déplace son pied gauche légèrement. Si les choses tournent mal, il est déjà prêt à partir...

Elaïne hocha la tête a l’endroit du noldo. Effectivement, ils n’avaient aucune raison de s’attarder plus longtemps. Habitant sur place il avait sans doute des choses a faire avant de pouvoir partir… Elle, elle n’avait même pas encore défait ses fontes…

- A demain donc. Bonne nuit… Que les étoiles brillent sur vous.

Mais au dans le même temps, revint une elfe qui avait tenu compagnie a petit timide d’elfe qui avait enfin décidé de manger a leur arrivée… Son comportement était amusant. Il semblait parfaitement inapte a dissocier son esprit, a le compartimenter… Petit jeu auquel la mage se prêtait avec une immense facilitée… Faire deux, trois, quartes choses a la fois… Plus parfois. C’était si agréable de laisser son esprit serpenter d’une pensée a l’autre sans schéma précis… Etrange que tant de personnes suivent un mode de pensée linéaire… Mais là n’était pas le problème.

* Il était calme, penché sur son assiette… Et puis le voilà complètement prostré… Mais qu’es qu’elle peut bien lui faire ? Qu’es qu’elle a bien pu lui faire ?

Pour essayer de répondre a ces questions elle se tendit mentalement vers elle pour mieux voir son humeur… C’était étrange. Commet était-il possible de penser autant de mal de quelqu’un ? Surtout qu’a en juger ce qu’elle avais vu du jeune elfe… Enfin la première chose a faire : sans même lui laisser le temps de finir sa première phrase elle la coupa :

- Pourquoi parlez vous elfique ? Il ne peux pas comprendre… Et vous ne me ferez pas croire que vous ne comprenez pas le commun.

Les réponses défilaient sur l’humeur d’Ilia… Hors de question de ne pas en profiter… La personne lui était déjà assez antipathique pour qu’elle n’ai aucune envie de l’épargner.

- Ca ne sert donc a rien ? Allons bon… Un imbécile ? Si vous le dites. Pour l’instant j’ai plutôt l’impression qu’il a peur de vous… Mais en cela vous avez peut-être raison… Ha… Il ne comprend rien ? Evidement… Si vous parlez elfique… J’en déduit que tous les hommes en sont aussi… Un criminel ? Par les Valars ! C’est vrais qu’il m’a l’aire redoutable… Et bien… Donc c’est un pilleur de tombes. Incroyable. Absolument terrible, immoral. Survivre en prenant un peu a ceux qui n’en ont plus besoin ? C’est vrais qu’il est souhaitable de protéger les sépultures mais bon… Quoi ? S’enrichir ? Mais ne vous fichez pas de moi ! Vous avez vu sa tête ? Avec une seule tombe j’aurais les moyens de mieux me nourrir que ce qu’il a l’air d’avoir fait pendant toute sa vie…

En face la pauvre elfe était totalement perdue. Son humeur n’était plus qu’une forme de pack de nœuds… Impossible de comprendre comment son interlocutrice faisait pour lui donner la réplique avant même qu’elle n’ai exprimé ses pensées. A plusieurs reprises elle s’était fait brusquement couper la parole… Et Elaïne répondait a ce qu’elle avait eu l’intention de dire… Autant de pensées qu’Elaïne décryptait entre cette multitude de parcelles d’incompréhension… Heureusement, les réponse qu’elle souhaitait surgissaient encore a la surface de l’humeur de sa… "victime"… Furtivement a chaque nouvelle réplique… Mais c’était assez pour rebondir…

-Bon… Donc vous le gardez avec vous pour éviter qu’il ne fasse des bêtises ? Pour qu’il ne se fasse pas prendre et qu’il ne subisse pas le sort qui devrais être le sien ? Hum ? Il vous encombre ? Il ne sait pas ce qu’il risque ? Bon… Il faudrait savoir non ? Vous le couvrez ou le punissez ? Vous le punissez ou vous vous punissez ? S’il vous est si insupportable… S’il vous est si difficile de vous les "trimbaler" comme vous dites…

Cette fois le sursaut d’Ilia fut encore plus marqué… Elle n’avait RIEN dit… strictement RIEN !

- Bref… Pourquoi continuer a le martyriser et vous empêcher de vivre ?

L’interlocutrice de la mage n’avait prononcé aucune parole. Trop déstabilisée elle s’accrocha a l’échappatoire qu’on lui offrait. Après tout cette étrange femme avait raison. Elle n’avait aucune raison de le forcer. Elle était trop gentille pour l’empêcher de la suivre… Mais s’il ne voyait pas ce qui était bon pour lui… Elle n’allait pas passer sa vie a éduquer cette tête de mule. Elle tourna les talons avec un reniflement.

Pour sa part, Elaïne adressa un petit sourire a Magyu… Comment réagirait-il ?

* Et Eleriol ?

L'ancien ranger observa avec attention la scène qui se déroulait devant lui. Il détailla Elaïne, l'enfant et puis celle qui semblait être sa tutrice, puis tous les autres clients de l'auberge. Certains détournait volontairement le regard, mimant une profonde réflexion ou prétextant un conversation, d'autres écoutait avec un désintérêt évident les monologue de l'elfe, et d'autres encore regardaient, outrés. Une fois encore, Eleriol s'émerveilla de la diversité de ces comportements. Car non seulement ils était différents, mais en plus chaque expression, chaque regard, chaque gestuelle était unique. L'ancien ranger resta ainsi quelques secondes à contempler ce qu'il se plaisait à comparer à un tableau, puis se retourna vers Elaïne.

Sa colère avait été surprenante. Durant toute la conversation précédente, il l'avait plutôt imaginée calme, posée, toujours prête à rire. Jamais il n'aurait penser la voir si... violente. Démonstrative. Mais cela n'était en rien pour le décevoir. Le comportement d'un individu, au fil des siècles, Eleriol avait appris à le comprendre, à l'appréhender après avoir regardé. Les premières minutes, il se faisait une idée global de la personne, idée qu'il affinait à chaque seconde.

Le portrait qu'il élaborait n'était jamais fini. Les premières heures, les premiers jours, son élaboration était rapide et souvent aisée, et au bout de ce laps de temps, le résultat était très probant, les traits commençaient à former un dessin fin et réaliste. Par la suite, ce n'était que corrections et ajouts minimes, atténuant ici une couleur, gommant là un trait trop appuyé, rajoutant ailleurs une nuance. Ces modifications se faisaient au fil du temps plus rares et moins importantes, parfois même presque invisibles. Mais jamais encore Eleriol n'avait considéré un de ces portraits finis.

Or, le croquis qu'il avait commencé à dessiner n'avait rien à voir avec ce qu'il venait de voir et d'entendre. Elaïne était si mystérieuse que la comprendre était difficile, affaire de mois, peut-être d'années? Ou bien peut-être Eleriol avait perdu ses talents d'artistes ce soir là. Maintenant qu'il y pensait, ce rire cristallin et spontané n'était-il pas le signe d'un caractère assez large, où pouvaient se côtoyer joie, tristesse et colère? Ou y avait-il un peu de ces deux raisons là? Sans doute. Mais dans quelles proportions?

Le taciturne elfe se leva et sortit de l'auberge. Il n'était pas troublé. Seulement curieux de savoir la suite de l'histoire.

La tirade a été...cinglante. C'est le mot. Pire que la pluie qui tombe sur les feuilles. Ilia n'a pas eu le temps de répondre quoi que ce soit, et bizarrement, les mots semblent avoir eu des effets presque physiques sur elle. Elle s'est tassée sur elle-même, et a paru encaisser des coups de boutoir les uns après les autres.

Magyu reste figé. Stupéfait. Abasourdi. Elaïne qui paraît si douce, si gentille, a soudain changé de comportement. Elle est devenue...véritablement terrifiante. Son attitude est devenue soudain dure, cassante, rigide. Elle a en quelques secondes fait taire Ilia, qui semblait pourtant déterminée, et elle l’a fait “fuir” alors que pourtant, elle n’avait pas encore ouvert la bouche. Tout a été très vite, et a eu l’air si irréel.

Le garçon, déjà effrayé au début, par l’arrivée d’Ilia, l’est encore plus par Elaïne, dans une logique très terre à terre. Celui qui est plus fort que le prédateur, est plus dangereux que le prédateur, et il faut s’en méfier encore plus. Il s’est préparé à fuir, et le départ de l’elfe qui jusqu’alors a protégé sa personne ne le rassure pas vraiment. Il a un bon repas chaud dans le ventre, et courir ne lui poserait aucun problème. Il peut détaler comme un lapin, et ses pas le porteront aussi loin qu’il le faudra. Mais étrangement, il ne se sent pas le coeur à bouger. Sa curiosité l’emporte sur tout le reste.

L’elfe lui adresse un sourire, et Magyu en frémit. L’idée qu’il se fait d’Elaïne vient de changer si brutalement qu’il ne peut pas encore décider comment se comporter vis à vis d’elle. Son état d’esprit presque primaire avec les gens lui pose un cruel dilemme. D’un côté, elle lui a offert à manger, et elle a éloigné la menace - Ilia - qui planait sur lui. C’est plutôt positif. Mais d’un autre côté, n’a-t-elle pas pris la place de l’épée de Damoclès qui, suspendue au dessus de sa tête, n’attend qu’une erreur de sa part pour lui tomber dessus ?

Et puis...elle a parlé de lui comme d’un objet...Il n’a pas tout saisi, car elle s’est exprimée rapidement, et pas à lui, en employant des mots qu’il ne connait pas, et sans qu’Ilia lui donne la réplique. Très déroutant. Il se demande comment elle le perçoit. Veut-elle réellement l’aider, et le protéger ? Ou alors, a-t-elle des desseins plus sombres l’incluant lui ? Il ne peut rien affirmer, mais prudence est mère de sureté.

Alors que le garçon cherche un soutien, un appui, une aide, l’elfe qui est assis à la table se lève, et part sans un mot. Magyu le regarde en ouvrant la bouche légèrement. Il se sent aussi abandonné que quand une branche sur laquelle il se tient cède sous son poids. Un sentiment d’abandon cruel. Il se retrouve soudainement en tête à tête avec Elaïne, sans argent, sans endroit où aller, trop de loin de chez lui pour pouvoir rentrer à pied, et dans une salle pleine de gens. Il est totalement dépendant d’elle, et progressivement, il se demande s’il n’est pas tombé droit dans un piège...Que va-t-elle lui demander ?

Tout ce qu’il peut faire, c’est sourire, en réponse à son interlocutrice, et attendre l’inévitable. Il rentre la tête dans ses épaules, comme s’il se préparait à recevoir un coup. Comme un animal dominé, il se tait, et patiente jusqu’à ce que le dominant décide de son sort. C’est la dure loi de la jungle...

Elaïne était déstabilisée… Evidement les autres n’avaient pu "voir", comme elle, dans l’esprit de l’elfe… Elle ne s’était pas réellement mis en colère… Simplement elle s’était laissée emportée, emportée a répondre directement a ce que son interlocutrice pensait et non a ce qu’elle disait… Ces choses étant d’ailleurs plus que rares face au monologue de la mage… Et les deux personnes qui étaient là à ses côtés réagirent non comme elle l’espérait… Mais plutôt comme elle le craignait. Les émotions qui défilaient a la surface de l’esprit de Magyu la bouleversaient déjà… elle ne voulait pas l’effrayer ainsi… Mais lorsqu’Eleriol se leva… Elle n’eu même pas la présence d’esprit de densifier le flux magique qui lui permettait de voir pour discerner plus nettement son humeur… Et avant qu’elle ne l’ai fait il était sorti de son champs de "vision". Sans un mot.

* Suis-je donc une imbécile ? Pourquoi a-t-il fallu que je fasse ça ? Pourquoi vouloir protéger cet ignorant ? Il semble penser presque comme une bête sauvage… Arrête de penser comme ça imbécile ! C’est ta faute. Pas la sienne. Tu a voulu le protéger car il avait peur. Mais si tu ne voulait le terrifier tu n’avait qu’a pas faire les choses comme cela… Ce n’est pas pour rien que je suis restée loin des gens…

Sifflée, trop touchée par la réaction du petit elfe pour voir plus loin que les apparences premières dans le comportement de l’ancien ranger… Elle l’avait répugné, déçu. Etrangement cela la touchait plus encore que ce qu’elle avait imaginé… Sans un mot, elle se leva, laissant son assiette seulement a moitié vidée sur la table, et se dirigea vers le comptoir. Sa voix était faible lorsqu’elle demanda :

- Une chambre s’il vous plait. Je repartirais demain.

Elle déposa la somme demandée sur le comptoir puis revint vers Magyu… Elle avait a nouveau les yeux cachés par son bandeau, non seulement pour éviter de déranger les gens comme a son habitude mais aussi, par pudeur, pour dissimuler les larmes qu’elle y sentait perler… Sa voix, parfaitement maîtrisée s’adressa au petit elfe alors qu’elle posait devant lui une petite bource de cuir :

- Tu fait ce que tu veux. Il y a de l’argent là dedans. Si tu a envie je reprend la route demain. Si tu le souhaite j’ai une chambre a l’étage. Il y a un deuxième lit ou tu poux dormir.

Sans un mot de plus, sans même chercher a savoir ce que l’autre ferais, Elaïne monta a l’étage. Elle se précipita dans sa chambre puis sans son lit sans même prendre la peine de se dévêtir… Enfin elle se laissa aller… Elle laissa aller le désespoir qu’elle ressentait face a sa propre bêtise… Face a son incapacité a se conduire comme elle le devait avec les gens… Autour d’elle l’air était lourd… Tant qu’aucun son ne pouvait le traverser… dans un sens ou l’autre…

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