La Hache de Commandement

Ils étaient partis à l'aube. Des centaines et des centaines de Nains avaient quitté les cavernes obscures de Tronjheim et étaient passés devant les gigantesques statues des anciens Seigneurs de la Cité pour ensuite franchir les grandes portes et sortir dans l'air frais du matin. Pour la victoire, pour la gloire, pour la revanche et la vengeance des Naugrim. C'était la guerre!

Rhîm allait avec eux, accompagné de son frère Grîm. Les deux portaient des haches de guerre soigneusement aiguisées pendant la nuit. Mais, tandis que Grîm avait astiquer son habituelle armure et sa hache à deux mains, Rhîm s'était contenté de son capuchon vert, d'une côté de maille, et d'une hache plus menue et plus légère. A les voir avancer côte à côté, si différents l'un de l'autre, nul n'aurait pensé qu'ils pouvaient avoir un lieu de parenté.

L'immense armée de Tronjheim s'était rassemblée au-delà du pont, sur l'un des rares terrains plats de cette partie des montagnes. Les premiers attendaient depuis l'aube, mais les régiments ne furent au complet que deux bonnes heures après l'aube. C'est sûr, ce n'était pas tous les jours que les Khazad partaient en guerre...

Le Généralissime Kim Brale restait à l'intérieur des mines avec les gardes du Seigneur, appréhendant ainsi une éventuelle attaque des Gobelins en l'absence de l'armée principale. Bien des personnages importants avaient également préféré ne pas sortir, mais pour d'autres raisons... cet Harvïn, maître des runes, par exemple, n'avait pas manié une hache depuis un temps incommensurable, et on l'aurait mal vu partir à l'aventure...

Enfin les cors sonnèrent, l'ordre de départ fut donné. Ce fut le Général des armées Tura Ghomenar qui prit la tête des troupes, portant fièrement la grande et antique hache à deux mains que le Seigneur lui avait légué la veille: le Hache de Commandement. Et tous suivirent cette artéfact comme si elle leur insufflait à chacun une dose de courage et de force. Son tranchant brillant au soleil, elle offrait une vision fugace de la gloire des Nains d'antan, du temps de Durin, avant le déclin de cette race.

Et ce fut au son des chants et des cris de guerre que les compagnies Naines empruntèrent la route principale qui menait en direction de la Cité perdue de Belegost. Mais avant cela, ils avaient bien l'intention de s'attaquer aux autres repaires des Gobelins: car de part et d'autres de leur route allaient sûrement défiler de nombreuses cavernes infestées de ces être verts depuis trop longtemps laissés en paix. Peut-être trouveraient-ils même des réseaux de galeries liant les grottes entre elles, qui sait?

Les ennemis des Naugrim sentiraient déferler sur eux la colère trop longtemps contenue du petit peuple.

Sa hache fit voler la tête du capitaine Gobelin.
 
La « division » -si ce mot pouvait s’appliquer à l’organisation quelque peu laborieuse des gobelins- adverse était en déroute. Ils étaient tombés dans l’embuscade de Tura, et la victoire était arrivée aisément. Certes, les trolls avaient manqué de renversé la balance, mais animé par les carreaux nains, l’un s’était un peu énervé et avait tenté de faire le saut de l’ange dans le ravin proche. Les autres avaient suivit comme des moutons.
 
Le général Ghomenar se reposa un instant, et laissa à ses capitaines le soin de continuer de poursuivre l’ennemi.
 
 
Tura tendit sa hache à son porteur, un de ces nains qui avait porté le coffre d’or. Ce coffre qui avait déclenché le combat. Un honneur ? Oui et non. En gardant ce nain à porté, Tura savait qu’il pourrait lui casser la tête quand il voulait si jamais un piège avait été tendu par ses soins…
 
« Réunissez l’état-major Tim… Gim… »
 
Quelle idée d’avoir un nom aussi compliquer. Celui du général était beaucoup plus simple. Tura était le diminutif, mais son vrai nom était Turanomnuco Ruttenffard Rudonme Ghomenar truondil. Facile à se souvenir… Enfin bon, il l’avait comme valet, il fallait qu’il essaye de se souvenir de son nom… Cela finissait par …..IM…
 
Après avoir but quelque bière et partagé un cochon complet avec deux de ses gardes, Tura vit ses officiers arriver. Il tendit les mains, et son porte hache vint les essuyer avec sa barbe. Se levant il accueillit ses hôtes :
 
« Mes cher, combien avons nous massacré de racaille vertes aujourd’hui ? »
 
Les rapports tombèrent. A par les compagnies des rangers du capitaine Onte, tout se déroulait à la perfection. Encore une ou deux dizaine de journées et le siège de Belegost pourrait commencer.
 
« Bien, Khazads, dorénavant nous passons dans la phase des mouvements les plus important avant l’assaut de Belegost. Nous devons terminer d’encercler la ville. Puis nous avancerons sur celle-ci resserrant le cercle jusqu’à que le siège soit complet… Une trentaine de repaire se situe encore entre nous et notre objectif. Si tout se déroule bien, cinq auront disparu demain soir. Les prochains mouvements seront de nuit. Commandant Fouthèz, changement de plan, vous devez passer les cinq cols menant au passage de la petite enclume avant demain matin. Soyez-y quand les premiers rayons du soleil touchent le sommet d’argent de Tronjheim… En gros vers 6h… Les autres, vos objectifs n’ont pas changé. Aulë soit avec vous ! »
 
La guerre déroulait à la perfection. Une dizaine de repaire gobelins étaient tombé depuis le début, qu’il soit en surface, détruit par l’armée de Tura et celle de ses généraux, ou dans les profondeurs de la terre, ce qui avait été le travail des compagnies de mineur. Encore quelques jours et tout serait prêt…
 
« Porteur de Hache, mon arme est-elle nettoyé ? Et dite moi ce qui vous pensez de notre plan… Vous plait-il ??? »
 
Si jamais c’était un traitre, il le payerai... Et peut être se dévoilerait-il ce soir…

Je croyais que vous n'aviez que faire de mes considérations tactiques... aurait aimé répondre Rhîm. Mais il s'en s'abstint, car ce n'était pas quelque chose à dire en présence d'un général, et qui plus est lorsque ce général est le fier et facilement courroucé Tura Ghomenar.

"Votre Arme est nettoyée, Général. Oui Général, notre plan semble fort adapté à nos objectifs. Je ne vois pas meilleur moyen pour éradiquer les Gobelins de nos montagnes et s'emparer de Belegost!"

Et même s'il en avait vu un, sa réponse n'aurait guère changé.

Le commandant Fouthèz et ses fiers Khazad avaient suivi l'ordre de Tura et avaient disparu dans les sentiers tortueux des Montagnes Bleues, en direction du Nord, vers le passage de la Petite Enclume. Les cols permettant d'y accéder étaient dangereux et difficiles d'accès, mais on dit que nul obstacle ne peut stopper un nain lorsqu'il est déterminé.

Rhîm, lui, ne reviendrait pas dans l'armée de sitôt. Ces heures passées en compagnie du Général auraient été dignes d'un cauchemar s'il n'avait pas pensé au but qu'ils recherchait plus que tout autre: venger son frère Khîm. Tura Ghomenar ne cessait de lui faire des remontrances et de l'épier, comme s'il doutait de lui. Le frère de Grîm préférait de loin son habituelle fonction d'éclaireur.

Selon les estimations - mais étaient-elles bien dignes de confiance - trente repaires se trouvaient encore occupés par les Gobelins, ou tout du moins assez pour les répertorier. Il faudrait venir à bout de la résistance des créatures vertes de ces grottes et abris pour que le siège de l'antique Belegost puisse se dérouler convenablement...

C'était l'heure froide précédant l'aube. Il faisait encore sombre mais la grande armée avançait tout de même. A la guerre comme à la guerre! Ils n'avaient dormi que quelques heures, mais cela était bien suffisant pour des Nains tourmentés par la vengeance ou assoiffés de combats et gloire. Rhîm, lui, n'avait presque pas dormi.

On lui avait ordonné, une nouvelle fois, de marcher aux côtés du Général. Pourquoi? Il ne le savait guère, mais il devait y avoir une autre raison que le port de la Hache de Commandement...

Tura avait l'air sérieux, presque soucieux. Les braves soldats de Fouthèz devaient être en passe d'atteindre les cinq cols, ou même déjà s'y trouver. S'il n'y avait pas eu d'anicroche pendant la nuit...