Il était, devant la grande porte de Gar Thulion La Majestueuse, une route poussiéreuse hérissée de pierres blanches, petites, qui usent les souliers, plus grandes, qui surprennent les pieds curieux. Y marcher était un labeur grossier. Les montures devaient conserver un pas modéré et prudent, les Elfes ne pouvaient marcher avec la légèreté qui leur est connue. C'était le prix du secret. Gar Thulion, cité elfique, plus sûre encore que Fondcombe La Dernière Maison Simple, se nichait jalousement sur son aire, et ses yeux perçants se gardaient de trop briller. Détruite par le feu maléfique des bêtes d'un autre âge, elle s'était rebâtie et les pierres de ses murs étaient fortes. Les âmes sombres prépareraient plus d'un trait, plus d'un sort, enfin plus d'une ruse pour s'en emparer.
Gar Thulion La Majestueuse résisterait.
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Dans les boyaux étroits de l'Emyn Muil, par temps venteux, il est comme une plainte lancinante qui tombe du ciel et rampe entre les buissons et les rochers acérés. La brume, flaque mauve inerte, est alors secouée dans sa torpeur : lacérée, elle s'échappe en de grands lambeaux laiteux qui arrachent au sol sa poussière ; le sable et la terre morte se disputent et s'enlacent dans une danse effrénée et violente, ivres de cette ronde folle. Et leur ébats passionnés résonnent contre les parois mortes. Et les fétus de paille moisis, et les feuilles desséchées, et les pâles frondaisons s’agitent. La vie, ou sa maladroite imitation, se dessine furieusement. Mais le pinceau s’escrime en vain : la roche est trop lisse, la couleur est trop sèche, trop usée. L’inexorable langueur des loques blanchâtres épuise alors la bise abattue, qui, vaincue, se traîne sous le linceul blanc. Et s’y noie.
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Il a soufflé fort, cette nuit.
Nouvelle patrouille. Costume en cuir bouilli, cape sombre, arc court, six flèches, lame courbe. Maison de l’Arbre. Eclaireur.
Mission quotidienne : contrôler, surveiller, rapporter. Rapport quotidien : rien à signaler. C’était le même refrain partout. La vie continuait, rien n’arrivait. Gar Thulion s’assoupissait. Les elfes s’assoupissaient, enfermés dans leurs tours d’ivoire. Las des problèmes des Humains, ils s’enfermaient dans le silence et la poésie. Les plaies des trahisons, de la guerre, de la tristesse, luisaient encore. Déjà plus de cinq ans, pourtant. Cinq ans ? Six ans ? Vingt ans ? Une minute ? Quelle différence ? Le temps est long.
L’elfe chassa machinalement une pierre sur le côté du chemin, et la suivit distraitement du regard. Et s’arrêta. Il y avait plus de terre, là, hier. Des pierres affleuraient maintenant, mises à nues par le souffle froid de la nuit. Des pierres. Des pierres rondes, bien polies, longues, galbées à leurs extrémité. Blanches.
Des os.
En tas, juste à côté, un tissu vert brodé d’or rongé par le temps. Maison de la Fleur d’Or.
Un elfe. Un elfe mort.
Rapport du jour : restes d’un elfe de la Maison de la Fleur d’Or trouvé dans le quartier nord-est. Etat de décomposition : avancé. Date présumée de la mort : quatre ou cinq mois. Demande instructions.
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