Le petit feu au milieu de la hutte faisait danser les ombres sur les murs recouverts de fourrures et d’objets étranges, mais ne suffisait pas pour réchauffer entièrement les quelques personnages assis autour des flammes. Les regards des hommes présents étaient sérieux, et tournés vers une silhouette frêle entourée de fourrures. Il s’agissait d’un shaman Lossoth, un homme sage et vieux, dont les yeux à moitié aveugles étaient capables de percer les brumes de l’avenir.
-Un hiver arrive, plus rude que tous ceux que j’ai connus, un hiver comme ceux des légendes. Je le sens dans l’air, je le sens dans mes os…je le vois dans mes rêves. Le sang versé sur les plaines blanches comme la mort…par des hommes aux cœurs noirs comme la nuit. Les rennes fuiront l’hiver, les loups traverseront les fleuves glacés. La voix du vieillard se faisait de plus en plus faible.
-Je le sens dans l’air, je le sens dans mes os…Ce furent ses derniers mots. Les trois autres Lossoths échangèrent des regards sérieux, puis baissèrent leurs têtes et entamèrent un chant monotone, en signe de leur deuil…Le vent glacial sifflait dehors.
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Broth était né pour chasser. Aucun animal n’échappait à ses flèches, et un collier fait des dents de deux ours qu’il avait tués ornait son cou. Il parcourait les Montagnes Blanches depuis son enfance, connaissait chaque pierre, chaque arbre. L’homme sortit de sa tente, et prit une inspiration profonde. L’air était glacial, des flocons de neige solitaires tombaient sur le sol. L’hiver. Il ne le craignait pas. Broth en avait connu plus de quarante, et ni la neige ni le froid n’avaient jamais réussis à l’empêcher de partir à la chasse. Il prit son arc en main, attacha son sac de voyage et son carquois dans son dos, et partit dans la direction des montagnes, confiant.
Quatre jours plus tard, la neige avait tout recouvert d’un voile blanc. Le silex et l’amadou tombèrent des doigts gelés de Broth. Il tremblait. Comment était ce possible…un hiver pareil…il n’avait jamais connu ca. Si inattendu, si puissant. Si cruel. Le chasseur avait froid, tellement froid…il s’écroula sur ses genoux, puis tomba sur la neige, qui semblait presque chaude contre sa joue. Broth ferma les yeux, pour ne plus jamais les ouvrir. Un renard blanc apparut quelques heures plus tard, et vint renifler le cadavre du plus grand chasseur des Montagnes Blanches. Le vent glacial sifflait, moqueur.
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Le son du cor retentit dans la nuit, interrompant le sommeil calme des habitants de la Comté. Personne ne l’avait entendu depuis des siècles, et pourtant ils furent nombreux à le reconnaitre…Les Brandebouc sonnaient l’appel du cor du Pays de Bouc. Leur contrée tranquille était en danger. Les plus vieux et conservatistes des hobbits fermèrent leurs volets, et barricadèrent leurs portes, retournant au lit avec un verre de lait chaud au rhum. Mais il ne s’agissait pas d’une affaire qu’ils pouvaient ignorer. Le Brandevin était gelé, des Loups Blancs avaient été aperçus de l’autre côté de la rive, s’aventurant déjà sur la glace.
Le jeune Will Touque finit d’aiguiser sa hache. Le sang de ses ancêtres aventuriers coulait dans ses veines, mais il ne s’attendait pas à se frôler au danger lors de sa visite chez ses cousins Brandeboucs. Ses mains tremblèrent involontairement lorsqu’il entendit le chant d’un loup au loin. Il resserra ses doigts recouverts de sueur autour du manche, but une gorgée généreuse de bière, et alla rejoindre ses cousins. La Comté était en danger. Le vent sifflait parmi les collines du pays des Hobbits, à présent recouvertes de neige.
Il n’y avait plus de doute. Le Rude Hiver était arrivé.