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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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Comptoir Oriental EmptyMer 11 Juin 2014 - 21:43
Comptoir Commercial de Rhûn


Ce comptoir se situe au carrefour du fleuve Carnen et du fleuve Celduin, dans le Rhovanion, au Sud des Monts du Fer. Implanté par la Reine Lyra durant le Rude Hiver de l'année 300, il ne s'agit à l'origine que d'un avant-poste militaire et commercial, destiné à développer le commerce avec les régions proches.

Il est protégé par une garnison de soldats orientaux, qui veillent à la discipline et à la sécurité, et répondent uniquement devant le gouverneur militaire, lui-même mandaté par la Reine.

On y trouve essentiellement des marchands orientaux, approvisionnés par des navires venant de la Mer de Rhûn, aussi est-il difficile d'y entendre autre chose que les dialectes parlés dans ce lointain pays. Si les marchands de l'Est sont ouverts à la présence des Nains, ils se méfient de celle des Hommes de l'Ouest, et encore davantage des Elfes qu'ils tenteront d'éliminer à vue.

On peut trouver toutes sortes de marchandises dans ce comptoir, des céréales, des armes, des épices, des drogues, et plantes thérapeutiques, mais aussi des poteries, des esclaves, et toutes sortes de produits spécifiques, que l'on ne trouve sinon qu'au Khand et au Harad.

Négociants, commerçants, collectionneurs ou amateurs, n'hésitez pas à approcher pour profiter des merveilles de l'Orient !


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Ryad Assad
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Comptoir Oriental EmptyMer 11 Juin 2014 - 21:56
Blankânimad, quelques mois plus tôt.

Le Conseiller des finances de la Reine de Rhûn se tenait devant la porte de la salle d'audience, bien décidé à y entrer, mais quatre hommes lui barraient la route, menés par un cinquième qui semblait se satisfaire de le voir, impuissant, ruminer sa rage. Les quatre soldats, en armure complète, hallebarde et bouclier au poing, paraissaient impassibles devant la tension qui montait progressivement dans la pièce, mais ils ne se faisaient aucune illusion. Si l'homme qu'ils avaient en face d'eux se montrait un tant soit peu agressif, ils étaient en droit de le mettre aux arrêts, voire même de le tuer s'il montrait le moindre signe de résistance. Le palais de Blankânimad était réputé pour beaucoup de choses, mais pas pour son hospitalité, encore moins pour la patience des soldats qui y circulaient. Le chef de ces cinq hommes était un proche Conseiller de la Reine, qui faisait souvent office de héraut. Il était noble, membre d'une tribu puissante, ce qui lui donnait le droit d'assister aux Conseils privés de la Reine, contrairement à son interlocuteur qui, à ses yeux, n'était qu'un petit parvenu enrichi par le trafic et la roublardise. Un insecte dont il se débarrasserait avec plaisir s'il faisait le moindre faux-pas, comme c'était presque le cas maintenant.

Il demandait une audience à la Reine, pour des manigances qui devaient encore une fois l'aider à s'enrichir, et donc à accroître son pouvoir, mais contrairement à ce qu'il semblait croire, Lyra n'était pas sourde et aveugle en son royaume, encore moins dans son Palais. On disait que les murs ici avaient des oreilles, et les espions étaient partout. Nul n'était à l'abri une fois qu'il avait pénétré dans la demeure du souverain du Rhûn, nul ne pouvait s'y trouver complètement seul. Le héraut qui se trouvait là ne savait pas exactement quel était le motif de la décision royale, mais la Reine avait été particulièrement explicite quant à la réponse à offrir, et il ne se fit pas prier. D'une voix pleine de mépris, il lança :

- Comme je vous l'ai dit, la Reine a été informée de votre demande, et elle ne désire pas vous recevoir. Elle vous fait dire qu'elle tolère les libertés que vous prenez, mais qu'elle n'y apposera pas le sceau royal.

Comptoir Oriental Lyra10

En vérité, Lyra faisait un peu plus que tolérer les agissements de Rezlak. Elle savait qu'il avait développé un réseau d'espions à l'Ouest, et elle avait su trouver un intérêt à le garder dans sa manche. Il pouvait toujours lui être utile, et elle avait plusieurs fois eu recours, via un certain nombre d'intermédiaires, aux informations recueillies par les hommes qu'il entraînait personnellement. Toutefois, elle savait également qu'il commerçait avec l'Ouest contrairement à ce qu'elle avait ordonné formellement, et une telle atteinte à son autorité aurait dû être sanctionnée dans le sang. La Reine du Rhûn ne pouvait pas être ainsi abusée par un de ses plus proches collaborateurs sans rien faire. Mais elle laissait couler, consciente que pour obtenir ce qu'elle voulait, elle ne pouvait pas entraver totalement ses pions.

Cependant, ce que Rezlak semblait ignorer, c'était que la donne avait changé depuis la chute de l'Ordre de la Couronne de Fer. Les peuples de l'Ouest avaient découvert que le quartier général de l'Orchâl se situait à Vieille-Tombe, et bien qu'aucun rapprochement n'eût été fait avec elle - grâce notamment aux précautions prises par son frère Fyodor -, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser aux risques qu'elle encourait désormais. Elle avait fait mener son enquête personnellement, par des hommes de confiance, et avait découvert qu'une faction rebelle se terrait à Vieille-Tombe, et agissait en sous-main contre son influence. Des hommes qui, par leurs contacts avec l'Ouest, avaient entretenu des idées de réforme qu'elle désapprouvait, et qu'elle entendait anéantir.

Par ailleurs, il y avait aussi la question des Melkorites. Le grand prêtre et ses simagrées mystiques avait attiré quelques fidèles jusque là, mais n'avait jamais été en posture d'inquiéter sérieusement la Reine, qui planifiait déjà de se débarrasser de lui lorsqu'elle aurait pris le contrôle du pays dans son entier, et qu'elle estimerait qu'elle n'avait plus besoin de ses services. Toutefois, il venait de se constituer une armée, formée des membres de l'Ordre de la Couronne de Fer, les anciens soldats formés en Rhûn qui du jour au lendemain s'étaient retrouvés dépourvus de chef. Croyant obéir à Melkor, et au successeur de l'Orchâl, ils avaient répondu à son appel, et représentaient désormais une faction rebelle à manier avec précaution. D'un côté, leur force militaire pouvait être utile, mais d'un autre ils pouvaient être le terreau d'une résistance plus organisée et plus efficace.

Bref, Lyra sentait l'absolutisme de son pouvoir lui échapper, et elle devait absolument reprendre la main. Pour cela, elle ne pouvait pas laisser un quelconque monopole à ces marchands ambitieux qui ne servaient que leurs propres intérêts. Rezlak était d'une efficacité redoutable, et il savait toujours comment trouver de l'argent, mais il était originaire de Vieille-Tombe, il entretenait des contacts avec l'Ouest, et il avait donc le profil pour faire partie de ces "Fidèles du Roi" comme ils se faisaient appeler, même si elle ne l'imaginait pas fidèle à quelqu'un d'autre qu'à lui-même. Et même si ce n'était pas lui, cela pouvait tout aussi bien être un membre de son groupe, un de ses espions, n'importe qui. Elle ne pouvait pas lui faire confiance. Elle avait besoin de lui, certes, mais il avait aussi besoin d'elle, car il savait qu'elle pouvait le remplacer.

Quant à Esiria... Lyra savait qu'elle tenait sa tribu d'une main de fer, même si elle n'agissait pas au premier plan. Elle était riche de ses esclaves, qui travaillaient sans relâche dans les mines qui avaient contribué à grossir la fortune de sa famille. Toutefois, elle entretenait des liens obscurs avec le temple Melkorite d'Albyor, et on disait que ses dons étaient d'une générosité rare. Et la voilà qui voulait passer des alliances avec les Nains, et se constituer comme unique ambassadrice auprès des peuples étrangers. Si elle avait été paranoïaque, la jeune Reine aurait cru qu'Esiria souhaitait fournir des armes et des vivres à l'armée nouvellement constituée du grand prêtre, comme pour alimenter un début de rébellion. Même si le risque était infime, elle ne pouvait le tolérer. L'enjeu était trop grand.

Rezlak devrait donc se débrouiller seul avec ses promesses, et Esiria devrait se plier à la volonté royale, sans quoi c'était sa puissance, sa fortune, et puis sa tête qu'elle perdrait. Les marchands seraient libres d'entrer en concurrence pour obtenir des accords commerciaux, mais le premier bénéficiaire serait le trône, et personne d'autre. Quant aux négociations, l'acariâtre marchande serait bien évidemment de la partie - car comment écarter une telle fortune des discussions -, mais elle n'aurait pas le monopole. En fait, il n'y aurait aucun monopole, sinon celui du pouvoir royal. Assise sur son fauteil, Lyra savourait la situation, tandis que de derrière la porte lui parvenaient les échos de la conversation entre Rezlak et son héraut.


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Comptoir Commercial de Rhûn, aujourd'hui.

Comptoir Oriental Homme_10

Il faisait chaud, bien trop pour la saison, mais qui s'en serait plaint après l'hiver prodigieusement long qui s'était étendu sur la Terre du Milieu, apportant avec lui maints désordres et maintes guerres ? Pas Pazrhdan, en tout cas, qui profitait de la hausse des températures pour faire quelques balades avec son fidèle compagnon à quatre pattes, Roublard. En fait d'une balade, c'était plutôt une inspection, mais il n'aimait pas appeler la chose de la sorte, car il avait l'impression d'être un officier supérieur en train d'inspecter ses troupes, or il avait laissé derrière lui les grades et les uniformes, pour prétendre à une vie plus tranquille. Il y avait une chaîne de commandement militaire, ici, et il n'en faisait a priori pas partie.

Toutefois, même si ce n'était pas une inspection à proprement parler, il inspectait. Ses pas le firent circuler autour du mur d'enceinte de l'avant poste, qui n'était qu'une palissade construite à la va-vite par les artisans et les soldats, consolidée chaque fois que c'était possible par de nouveaux apports défensifs. Par exemple, aujourd'hui, les hommes étaient en train de s'acharner sur une tranchée destinée à évacuer les déchets, et les eaux de pluie qui, pendant les premiers jours de l'installation, avaient transformé le terrain en un marécage impraticable. Avec de la boue jusqu'aux chevilles, il était impossible de construire quoi que ce fût, et ils avaient dû s'abriter pendant plusieurs jours, avant de pouvoir reprendre le travail convenablement. Néanmoins, en dépit des retards, le campement avançait bien, et prenait une allure de plus en plus imposante chaque jour.

Le comptoir avait été vu grand par le général, qui imaginait à raison que la Reine avait prévu d'en faire un carrefour commercial. Il avait donc dessiné sur une carte les plans des fortifications, qui couraient autour des bras du fleuve. Un bras allant vers le Rhûn à l'Est, un bras allant vers les Monts du Fer, au Nord, et un bras allant vers les villes de l'Ouest. Le campement serait donc divisé en trois grandes parties, qu'il s'agirait d'aménager progressivement. Pour le moment, ils occupaient la partie Sud uniquement, celle qui longeait la Celduin et qui reliait l'Est et l'Ouest. Les fortifications avaient été terminées rapidement, et les bâtiments officiels n'avaient pas tardé à fleurir. Au milieu des tentes, face aux eaux tumultueuses du fleuve, on avait érigé un grand bâtiment destiné à servir de dépôt, qui abritait les marchandises achetées et celles à vendre, en attendant leur déplacement. Les marchands avaient longuement négocié pour l'étendre autant que possible, afin de prévoir le futur, mais le général avait tempéré leurs ardeurs en considérant qu'il fallait répartir équitablement le bois disponible entre les besoins des négociants et ceux des soldats.

Pazrhdan dépassa le hangar, et continua sa route jusqu'à la tour de guet, érigée sur la partie occidentale du campement, où se trouvaient en permanence deux sentinelles qui observaient l'horizon. Elle avait été détruite une première fois, renversée par les vents violents qui avaient emporté sa structure trop légère, aussi avait-elle été reconstruite avec des fondations plus profondes et des troncs plus solides, pour lui permettre de tenir le choc. Il n'en demeurait pas moins que par grand vent, on pouvait voir la construction osciller dangereusement sur ses pieds. Un peu plus loin, on pouvait voir le bâtiment principal - il n'avait pas encore de nom, mais il faisait office de salle commune et de palais du gouverneur militaire. Comme toutes les autres constructions, elle était sur un seul niveau, mais le bâtiment était plus grand, destiné à être consolidé et construit en dur plus tard, quand l'avant-poste prendrait de l'ampleur.

Enfin, dernier ajout et pas des moindres, le général avait décidé de faire construire un port. C'était un bien grand mot pour désigner le ponton de bois branlant sur lequel on pouvait débarquer quelques marchandises précautionneusement, mais la structure avait été éprouvée, et elle était entretenue régulièrement car on attendait l'arrivée imminente de navires de Rhûn, maintenant que le fleuve avait dégelé, et qu'il était de nouveau praticable. Cela faisait près de six mois que les marchands étaient partis de chez eux, et pour l'heure ils n'avaient toujours aucune nouvelle du pays. Ils s'en accommodaient très bien, cela dit, car les profits qu'ils avaient générés étaient substantiels. Certains avaient vendu tout ce qu'ils avaient amené, et ils se trouvaient un peu désœuvrés - ils se trouvaient dès lors mis à contribution pour les travaux communs, ou alors ils commençaient à constituer les bases pour leur futur installation -, d'autres avaient acheté ou récupéré beaucoup de biens qui attendaient patiemment dans le dépôt. Parmi ces marchandises, certaines avaient des pieds et des mains, et s'étaient débattues quand on les avait enfermées dans cette pièce sombre et froide.

On les voyait marcher dans les rues, quotidiennement, en file, pour entretenir leurs muscles. L'idée était qu'ils devaient arriver en forme à destination, et les marchands d'esclaves investissaient leur or dans l'achat de nourriture pour leurs marchandises, en priant chaque jour pour qu'un navire arrivât, et pût enfin faire repartir leur cargaison. Et enfin, leurs vœux avaient été exaucés. En cette chaude matinée durant laquelle Pazrhdan se livrait à sa promenade quotidienne, un navire était attendu. Un éclaireur était arrivé à cheval vingt-quatre heures auparavant, et avait annoncé l'arrivée imminente d'une délégation du Rhûn comportant des membres d'importance. Deux navires étaient là, le premier transportant des hauts dignitaires, et le second acheminant de nouvelles marchandises, mais également prêt à réembarquer les richesses vers Vieille-Tombe. Il y avait dans tout ce chambardement une excitation presque maladive chez les marchands, qui s'étaient mis subitement à recompter leurs marchandises, à calculer leurs bénéfices potentiels, et à supputer sur ce qu'ils allaient recevoir de leur pays d'origine. Les soldats, eux, étaient plus pragmatiques, et se demandaient s'ils allaient recevoir du renfort, du matériel pour fortifier convenablement l'avant-poste, et éventuellement de nouvelles directives pour pousser plus loin l'exploration dans les terres de l'Ouest.

Comptoir Oriental Femme_11

En levant la tête, Pazrhdan aperçut l'autre Conseillère de la Reine qui sortait de sa tente, l'air encore ensommeillée, mais déjà l'épée au côté et le regard sévère. Elle le repéra bien vite, puisqu'il marchait dans sa direction, et s'apprêta à tourner les talons feignant de ne pas avoir pris conscience de sa présence, mais il la héla sans discrétion, avec un grand sourire aux lèvres. Toujours claudiquant sur sa canne, il la rejoignit en quelques enjambées chaloupées, avant de la saluer d'un sourire ravageur. Elle s'empourpra :

- Bonjour, Conseiller. Quelles nouvelles, ce matin ?

Le sourire de l'intéressé s'élargit.

- Oh allons, ne sois pas si formelle. Pas avec moi...

Cette fois, elle s'éloigna d'un pas, et l'agacement se peignit sur ses traits, mélangé à une peur inexplicable. Elle lui répondit avec sécheresse :

- Arrêtez-ça immédiatement, voulez-vous ? Croyez-vous que je pourrais aimer un infirme ?

Elle marqua une pause, comprenant avec un peu de retard que ses mots étaient d'une dureté extrême face à un homme dont la blessure avait mis fin à une brillante carrière militaire. Il lui avait confié cela, et elle s'en voulait d'avoir exploité cette faiblesse à seule fin de lui faire du mal. Pendant un bref instant, une lueur de peine passa dans les yeux du Conseiller, dont le perpétuel sourire narquois qui lui avait valu le surnom de Hyène se fendit subitement. Mais il revint rapidement, plus éclatant que jamais, et il répondit avec humour :

- Je ne vous en demandais pas tant. J'aurais simplement voulu que nous cessions enfin de nous vouvoyer. Pour votre information, Conseillère, le navire n'est pas encore arrivé, mais cela ne saurait tarder...

Il s'éloigna sans rien ajouter, la laissant seule avec sa culpabilité et, au bord des lèvres, une envie de s'excuser qu'elle ne sut convertir en mots. Pazrhdan ne pouvait pas dire que ses mots ne l'avaient pas touché, cela aurait été mentir, et il n'aimait pas se voiler la face. Après tout, elle avait raison, il était blessé, et il n'était plus que l'ombre du guerrier élégant et raffiné, sûr de lui et plein d'allant, qui avait mené victorieusement ses troupes dans l'Est lointain contre les rebelles. Il était devenu cynique, moqueur et distant, même si ceux qui voyaient à travers sa carapace se comptaient sur les doigts d'une main. Tout le monde le prenait pour un original, mais il était en fait un homme un peu perdu, qui cherchait à se reconstruire. Quant à Sh'rin, la Conseillère... elle incarnait tout ce qu'il n'était pas. Energique, pleine de vie, mais d'une froideur presque effrayante, elle paraissait incapable de sourire, et une marionnette aurait eu plus de chaleur. Elle était pragmatique, et ne comprenait rien à l'univers coloré dans lequel vivait Pazrhdan, elle qui ne connaissait que l'austérité et la guerre. Alors, de manière presque logique, il s'était retrouvé attiré par elle. Il avait voulu, comme par défi, briser cette coquille et découvrir qui se cachait à l'intérieur, sans même imaginer un seul instant qu'il aurait pu aimer ce qu'il allait trouver.

En six mois, ils avaient appris à se connaître, et il avait découvert une personne formidable, qui curieusement lui avait redonné envie de se lancer des défis à lui-même, alors qu'il était devenu quelque peu paresseux, résigné. Elle le taquinait sans même le vouloir, et elle n'avait pas besoin d'ouvrir la bouche pour exprimer tout ce qu'elle pensait de son mode de vie, de ses habitudes, de sa façon de penser. Il avait pris un malin plaisir à exagérer ses défauts pour la faire sortir peu à peu d'elle-même, la pousser à le critiquer, mais il ne s'attendait pas à la voir progressivement lire en lui, et le prendre en pitié plutôt que le tourner en dérision. C'était ce qui avait tout déclenché. Il s'était senti lié à elle, et quand un soir il s'était penché vers elle pour l'embrasser, il n'avait pas réfléchi. Ce devait être la première fois qu'elle partageait un baiser avec quelqu'un, et si elle le lui avait timidement rendu au début, elle avait fini par le repousser, envahie par une gêne immense. Depuis, elle n'avait pas voulu en reparler... cela faisait deux jours désormais.

Le navire arriva une heure après l'incident avec Sh'rin, ce qui laissa à tout le monde le soin de se préparer. La jeune femme avait revêtu une tunique simple et sobre, que d'aucuns auraient trouvée ridiculement austère, mais qui chez elle rehaussait sa beauté naturelle. Elle chercha le regard de Pazrhdan sans le trouver, celui-ci étant absorbé dans la contemplation du bateau qui approchait, et perdu dans ses pensées. Elle s'en voulait énormément de ce qu'elle lui avait dit, et de la manière dont elle avait réagi, mais ce n'était ni le lieu ni l'endroit pour en parler, aussi accepta-t-elle son silence, et se concentra-t-elle sur ses obligations. Le général était là aussi, et il avait sorti son armure d'apparat pour l'occasion, briquée et lustrée comme s'il s'agissait d'un passage en revue de la Reine en personne. Il aurait été surprenant qu'elle eût décidé de faire le voyage, mais rien n'était impossible avec cette jeune femme pleine de fougue. Quelques marchands, et une escorte de soldats formaient le gros du comité d'accueil, les autres étant chargés de surveiller les alentours, et de continuer les travaux.

Le premier navire accosta sur le petit ponton, et on fit débarquer de manière aussi élégante que possible les hommes et les femmes qui constituaient la nouvelle délégation. Il y avait un noyau central, constitué d'une poignée de dignitaires civils et militaires, une dizaine de soldats professionnels pour l'escorte, et enfin une quarantaine de marchands venus retrouver leurs associés, ou désireux de s'implanter dans la seconde vague. Les salutations d'usage furent échangées, et on s'empressa d'échanger les lettres de mission, les courriers personnels, et les documents commerciaux qui constituaient le premier lien que les soldats et les marchands avaient avec leur pays depuis un semestre. Pendant que la distribution commençait, organisée par un lieutenant, les nouveaux marchands furent accueillis par leurs pairs, et allèrent planter leurs tentes à côté des autres, tandis qu'on échangeait des nouvelles, qu'on faisait visiter le camp, et qu'on discutait de tout et de rien.

Les hauts dignitaires, quant à eux, furent salués personnellement par le général, qui présenta en quelques mots les deux Conseillers, le conseil des marchands, et l'assassin de la Reine qui n'avait toujours pas dit un mot, ni révélé son visage depuis le départ. On se salua chaleureusement, avec trop d'enthousiasme pour que tout cela fût honnête, puis le général mena ses invités à travers le camp pour leur faire visiter les installations. C'était sommaire, et plusieurs des nouveaux débarqués devaient s'attendre à trouver un meilleur confort à terre, après un épuisant voyage en bateau. Mais ils s'accommoderaient comme les autres, s'ils voulaient avoir une part du gâteau. Pazrhdan les observait avec attention, et nota qu'ils n'avaient pas l'air de bien s'entendre. De toute évidence, ils étaient en concurrence pour les mêmes objectifs, et ils n'avaient pas l'air heureux de partager. Il leur faudrait l'apprendre, pourtant, car c'était la valeur cardinale de l'avant-poste, et la seule façon de survivre en étant si loin d'une terre amie.

Une fois la visite terminée, les tentes de ces hauts dignitaires étaient apparues magiquement au-dessus du sol. Elles n'étaient pas plus luxueuses que celles des autres - partage avant tout -, et ils devraient se satisfaire, pour un temps du moins, d'un confort tout à fait rudimentaire qu'aucune fortune ne pouvait acheter. Et encore, ils n'avaient pas à se plaindre, car ceux qui avaient fait le voyage parmi les premiers - au nombre desquels certains personnages influents - avaient connu des conditions bien pires. Eux s'étaient endurcis, et ils regardaient les nouveaux venus avec des sourires indulgents. Le général prit la parole d'une voix apaisante, conscient des tensions qui devaient exister entre ses nouveaux invités :

- Mes amis, vous devez être éreintés après un tel voyage. Maintenant que vous connaissez votre nouvelle demeure, allez vous reposer. Je viendrai vous chercher dans trois heures, quand j'aurais terminé de régler d'autres affaires urgentes.

Tout était urgent, naturellement, et cela aussi ils devraient l'apprendre. L'ordre des priorités était bouleversé, et ce n'était pas toujours facile de s'y faire. Conscient que la présence de marchands de cette importance pouvait être source de problèmes, le général ordonna que douze hommes montassent la garde auprès d'eux pour que personne ne vînt "les déranger" - plutôt leur parler, et obtenir des informations avant les autres - avant qu'il eût le temps de s'entretenir en privé autour d'un déjeuner avec eux, et surtout de lire les nouveaux ordres de mission qui lui étaient destinés, et qui pouvaient avoir une grande influence sur l'issue de ces conversations.


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Mardil
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Comptoir Oriental EmptyJeu 12 Juin 2014 - 21:27
Comptoir Oriental Esiria15



Le navire arriva enfin en vue du comptoir commercial et Esiria se sentit soulagée. Elle n’aimait pas particulièrement le bateau et il lui tardait de pouvoir sentir la terre ferme sous ses pieds. Le temps était au beau fixe, ce qui était déjà un désagrément en moins. Un esclave agitait un éventail près d’elle afin de la rafraîchir mais elle le congédia d’un geste de la main. Elle préférait de loin rester seule.

Enfin aussi seule qu’elle pouvait l’être dans ce maudit bateau. Elle était loin d’être la seule à avoir fait le déplacement et l’espace était assez réduit. De plus Térak se tenait toujours suffisamment près de sa maîtresse pour intervenir en cas de besoin. A vrai dire, c’était une précaution superflue. Elle n’avait pas vraiment de protection sur les terres du Rhûn. Sa position sociale était bien assez élevée pour que personne n’osât s’en prendre à elle.
Mais après tout, ils avaient techniquement quitté les frontières de sa terre natale. D’un point de vue strictement légal, ce comptoir n’était pas situé à proprement parler au Rhûn. Néanmoins, ce territoire étant désormais contrôlé par l’armée de Sa Majesté, peu importait les frontières officielles. Il était bien trop tôt pour savoir si le coup audacieux qu’avait joué la Reine allait se révéler payant mais Esiria nourrissait quelques doutes à ce sujet.

Son départ n’avait soulevé aucune objection chez elle. Sa famille était habituée depuis longtemps à ce qu’elle voyageât seule. Kirian s’était une fois de plus inquiété inutilement. Cet enfant se révélait jour après jour aussi décevant que son père. A son âge il était pratiquement un homme et Esiria désespérait de le voir se conduire comme tel un jour.
Etant donné qu’elle partait vers le nord, elle s’était arrêtée en chemin pour visiter sa fille Aerenya. Cette dernière était mièvrement heureuse et, une fois encore, Esiria s’était félicité d’avoir arrangé un bon mariage pour sa fille. La pauvre ne pouvait guère compter sur son intelligence pour s’en sortir seule dans la vie. Son gendre l’avait assurée qu’elle pouvait compter sur lui en toute occasion mais Esiria savait pertinemment que c’était lui qui comptait sur elle pour mener à bien ces négociations.

Seulement, elle n’était plus du tout aussi sûre d’elle maintenant que quelques mois auparavant. Le refus de la Reine l’avait plus durement blessée dans son orgueil qu’elle ne le laissait paraître. La souveraine avait manqué de jugeote et cela finirait par lui jouer des tours. C’était bien là, la seule chose avec laquelle elle était tombée d’accord avec le conseiller Rezlak.

Premièrement Esiria s’était montré furieuse lorsque la lettre du conseiller était parvenue chez elle et elle s’était un instant demandé si elle ne devait pas lui compliquer la tâche. Mais cela aurait été une perte d’énergie bien vaine. Le conseiller avait seulement surestimé ses capacités, ce qui n’aurait finalement pas dû la surprendre. Et bien qu’il se débrouille avec ses propres affaires, Esiria n’avait aucune raison de lui venir en aide désormais.

Elle se fichait bien du conseiller. L’opinion de la Reine en revanche, c’était une toute autre histoire. Elle avait toujours été une fervente partisane de Lyra. Elle ne se souvenait que trop de l’inertie du Roi et, bien que la version officielle de la mort de ce dernier n’impliquât en rien son épouse, Esiria s’était toujours douté que l’accession au trône de Lyra s’était effectuée au prix de ce meurtre. Elle ne blâmait pas la Reine, bien au contraire.

Seulement si Lyra avait parfaitement su mener sa barque afin d’arriver au pouvoir et de le conserver, elle manquait cruellement de vision à long terme. Son pouvoir résidait avant tout dans la crainte qu’elle inspirait à ses vassaux. Or la plupart de ces derniers la méprisaient derrière son dos. Rhûn restait une nation guerrière, or la souveraine n’avait jamais gagné de conflit. Elle ne serait pleinement respectée par ces hommes qu’après une telle victoire.

Soit, elle avait durci sa politique envers l’Occident mais cela n’avait rien à voir avec une guerre. Car si guerre il devait y avoir, la victoire ne serait pas au rendez vous et Esiria pensait que Lyra en était consciente. Si l’armée régulière disposait d’un équipement de bonne facture, ce n’était absolument pas le cas de la milice. Les cataphractes étaient très impressionnants mais ils étaient loin de représenter la majeure partie des forces du pays.
L’armée de Rhûn était fort nombreuse, c’était probablement la plus grande armée de toute la Terre du Milieu. Mais il fallait compter la milice pour arriver à cette conclusion. Et c’est là que les choses se gâtaient. L’équipement de la milice restait bien mince et c’est cela qu’Esiria avait eu l’intention de négocier. Or le refus de la Reine de lui accorder l’approbation royale mettait un terme à toute négociation.

La Reine n’avait apparemment pas compris que les nains ne négocieraient pas un aussi gros contrat si ils n’avaient pas la certitude que celui-ci était une commande de la couronne. A vrai dire, aucun contrat ne serait favorable à la Reine car les marchands en seraient réduits à des commandes de faible importance. Les nains étaient réputés pour être extrêmement doués en affaires et le refus d’apporter un soutien officiel à cette expédition allait probablement en refroidir plus d’un.

Esiria aurait souhaité en parler directement avec la souveraine mais cette dernière n’avait pas donné suite à sa requête. De façon plus générale, la politique isolationniste de Lyra n’était pas à l’avantage du pays. L’ouverture économique était indispensable si le pays voulait prospérer. En ne profitant pas des accords que les autres nations tissaient entre elles, Rhûn était condamnée à rester repliée sur elle-même. Et si cette attitude avait pu être utile tant que le pouvoir de la Reine n’était pas assuré, elle était désormais totalement contre productive.

Certes certaines entorses étaient permises mais elles étaient rares. Les esclavagistes notamment faisaient des raids à l’Ouest et il était évident que les délégations étrangères ne les accueilleraient pas à bras ouverts. Or la Reine ne les avait jamais sanctionné d’une quelconque manière. De là ce que les peuples du Rhovanion n’y voit l’approbation de Lyra, il était fou d’espérer que ces nations acceptent de tisser des accords commerciaux avec le pays.

Esiria elle-même s’était enrichie du commerce des esclaves mais elle ne vendait que des esclaves venant de l’Est lointain. Ils n’étaient pas des plus résistants mais de toute façon, aucun esclave ne vivait bien vieux en travaillant dans les mines. Pourquoi payer plus cher pour une marchandise qui ne durerait pas plus longtemps ? Les esclaves qui paraissaient de meilleure qualité étaient réservés à des tâches plus complexes et moins éprouvantes physiquement. C’était surtout ces derniers dont elle faisait le commerce. Mais les mines absorbaient la majeure partie de ce que ses rabatteurs lui ramenaient. Elle était donc mieux placée que ses concurrents pour négocier sur des bases sereines avec les étrangers.

De plus elle ne comprenait pas que l’interdiction de commercer avec les étrangers soit maintenue pour des gens tels que Rezlak ou Leuthiag. Il était infiniment plus profitable d’écouler des drogues à l’étranger plutôt que d’empoisonner son propre peuple. Mais peut être que la Reine pensait que c’était une façon comme une autre de contrôler ses sujets.

Elle avait fondé beaucoup d’espoir sur la jeune Reine mais cette dernière restait cantonnée sur des positions d’un autre âge. Esiria ne pensait pas qu’elle faisait cela pour contenter ses conseillers car ces derniers n’avaient plus aucun pouvoir. Elle ne maintenait le conseil que pour leur donner l’illusion qu’ils participaient à la politique du pays.
Les seuls disposant d’un pouvoir réel étaient les chefs de clan. Si Rhûn était un pays unifié, dans les faits, les clans disposaient toujours d’une large marge de manœuvre. La guerre civile pouvait toujours reprendre un jour ou l’autre. Il faudrait encore de nombreuses années avant de centraliser suffisamment tous les pouvoirs. En matière de politique étrangère, Lyra était seule décisionnaire mais pour les politiques locales, elles étaient le plus souvent laissées à la discrétion de chaque clan.

Bref, c’était là autant d’obstacles qui empêchait la nation toute entière de prétendre jouer un rôle plus important en Terre du Milieu. Esiria en était venue à penser que ce comptoir ne serait finalement qu’un coup d’épée dans l’eau. Un comptoir commercial où le commerce était limité par décret royal était inenvisageable. Les marchands sauraient tirer leur épingle du jeu mais les contrats resteraient de faible envergure afin d’éviter les foudres royales.

Pourtant, un contrat mutuellement profitable entre Rhûn et les nains des Monts du Fer était peut être le premier pas vers une alliance durable. Etant maintenant dans l’incapacité de négocier un tel contrat pour le compte de la couronne, Esiria allait devoir se contenter de jouer uniquement pour elle. Si elle était couronnée de succès, peut être que Lyra se rendrait compte que le pays tout entier pouvait en bénéficier.

Elle en était arrivée à ces tristes conclusions lorsque le bateau fût amarré aux quais. Enfin si ces derniers pouvaient réellement mériter le nom de quais. Elle descendît du bateau parmi les premiers et écouta attentivement les présentations du général. Elle connaissait déjà la composition du conseil des marchands bien que celui-ci ait changé récemment. Le conseiller Rezlak avait rappelé son homme de main et Garoth Myzcar avait remplacé ce dernier au sein du conseil. Si cela avait été une surprise au vu de la réputation du vieux marchand, personne n’avait songé à dire quoi que ce soit tant ce choix paraissait logique.
Esiria étudia attentivement les deux conseillers qu’elle ne se souvînt pas avoir déjà vus. Néanmoins ces derniers n’étaient que des pions envoyés par Lyra afin, une fois n’était pas coutume, d’entretenir l’illusion qu’ils avaient un rôle à jouer. Seuls le général et l’assassin de la Reine avaient un quelconque pouvoir ici. Or il était peu probable qu’ils soient très intéressés par les négociations à venir. Le général avait suffisamment à faire afin de développer et de sécuriser cet endroit et l’assassin de la Reine… Et bien personne ne savait quel était son rôle au juste mais tous semblaient le craindre… probablement à juste titre d’ailleurs.

On la conduisit à son logement et ce ne fût que là que la veuve noire se rendit compte qu’elle allait devoir revoir son niveau de vie à la baisse tant qu’elle serait présente dans le comptoir commercial. Elle préféra ne pas relever le fait qu’on les traitât plus comme des prisonniers que comme des dignitaires. Après tout, elle n’avait que faire des soupçons qu’ils semblaient avoir à leur égard. Elle était, après tout, habituée à ce qu’on colporte toute sorte de rumeurs sur son dos. Elle mît donc le temps qu’elle avait à profit afin de s’installer au mieux et de se préparer au déjeuner avec le général.
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Ryad Assad
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Comptoir Oriental EmptySam 14 Juin 2014 - 3:25
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L'entrevue avec la nouvelle délégation fut arrangée rapidement, car après tout elle avait déjà été prévue depuis une bonne journée, et les maigres ressources de l'avant-poste avaient été mises à contribution pour organiser un déjeuner d'accueil dans les meilleures conditions. Le bâtiment central qui servait de quartier général avait été aménagé spécialement pour l'occasion, des tables avaient été dressées, et on avait souhaité préparer un repas frugal mais digne de ce nom, qui changerait un peu des vivres rationnées que les membres de l'expédition mangeaient depuis plusieurs mois désormais. Si les hommes du rang s'en accommodaient sans broncher, les marchands avaient eu plus de mal à se faire aux restrictions de plus en plus sévères, et s'ils étaient parvenus à s'y habituer désormais, ils pressaient quotidiennement le général de trouver de la nourriture décente pour que le camp pût enfin cesser de ressembler à un avant-poste strictement militaire. Mais l'officier le plus haut gradé de l'expédition semblait ne vouloir rien entendre, et sa priorité était d'assurer la sécurité des lieux, ce avec quoi étaient d'accord les deux Conseillers, tous deux militaires avant tout. Les marchands avaient beau être tous très intelligents et très avisés, ils avaient tendance à oublier qu'ils n'étaient pas en Rhûn, et que n'importe qui pouvait les attaquer, pour n'importe quel motif. Des brigands, un peuple de l'Ouest, voire même pire. Les sentinelles avaient aperçu à plusieurs reprises des formes bougeant dans la nuit, mais les battues organisées n'avaient rien donné, et à part des traces qui s'effaçaient dans la neige, on n'avait rien noté. Toutefois, personne n'oubliait l'attaque des orcs quelques mois plus tôt, et chacun préférait rester sur ses gardes.

Fort de ces pensées, Pazrhdan attendait à table avec les autres membres éminents de l'expédition. Il était assis à la gauche du général, puis venait Sh'rin, et deux officiers. De l'autre côté, Leuthiag et Myzcar qui représentaient les marchands de la première vague. Il était évident que les deux hommes étaient rivaux, et le Conseiller se doutait naturellement des raisons qui les opposaient, étant donné que les deux hommes n'appartenaient pas du tout aux mêmes régions. Le premier tentait d'ouvrir le commerce vers l'intérieur du pays, en profitant sans doute de la Mer de Rhûn pour acheminer rapidement ses biens. Le second voulait maintenir la position stratégique de Vieille-Tombe, en la préservant de la concurrence des cités du centre et de l'Est du pays. Naturellement, aucun d'entre eux ne pensait à ce qui était bon pour la couronne... désolant. En temps de guerre, ce genre d'attitude pouvait être assimilée à de la trahison, et même si l'homme excentrique était doué d'un flegme apparemment à toute épreuve, il n'en demeurait pas moins membre d'un clan réputé pour sa fidélité au Trône. Derrière son sourire de façade se cachait une facette plus dure et plus intransigeante qu'on ne pouvait le soupçonner.

Il avait d'ailleurs pris connaissance des lettres qui lui étaient adressées durant l'intervalle entre l'arrivée des dignitaires et le déjeuner. Il avait rapidement écarté tout ce qui était personnel, pour se concentrer exclusivement sur le professionnel. Il avait reçu quatre courriers de la part d'autres membres du Conseil, et une lettre signée par la Reine en personne. Cette dernière était de loin la plus courte, souhaitant très brièvement qu'il allât bien et qu'il eût surmonté le voyage sans difficulté. Toutefois, à travers les mots apparemment anodins de la Reine, il devinait les consignes privées qui lui étaient envoyées. Elle lui demandait à mots couverts de continuer à représenter ses intérêts, et de veiller à ce qu'aucune négociation ne se passât sans lui, car il la représentait personnellement. C'était à la fois un grand honneur et une grande responsabilité, car elle lui confiait ni plus ni moins que le devoir de surveiller individuellement tous les marchands, pour s'assurer qu'ils n'allaient pas aller trop loin dans leurs manœuvres. En outre, et c'était bien le plus important, il représenterait le sceau royal, et devrait donc assumer la responsabilité de tout ce qui serait signé, si d'aventure la Reine souhaitait se plaindre de quelque chose. Et, pour couronner le tout, il n'avait pas le choix. Ce n'était pas une proposition, mais un ordre.

Sh'rin avait naturellement reçu la même lettre, et ils avaient échangé rapidement concernant les difficultés de contenir une armée de marchands tous déterminés à signer le meilleur accord pour eux-mêmes. Les autres lettres étaient plus longues, et les Conseillers avaient détaillé sur plusieurs pages l'évolution de la situation du royaume, ainsi que les décisions qui avaient été prises en leur absence. Ils s'attardèrent principalement sur tout ce qui concernait l'avant-poste, et expliquèrent que des navires allaient partir régulièrement pour approvisionner le camp, notamment en nourriture. Les marchandises à échanger seraient expédiées par un vaisseau royal une fois le mois pour ceux n'ayant pas les moyens d'affréter un navire, mais la navigation était ouverte et libre jusqu'à l'avant-poste par décret, laissant ainsi les marchands les plus riches libres de s'approvisionner comme ils l'entendaient - il y aurait toutefois un contrôle extrêmement strict des marchandises pour s'assurer qu'aucun individu ne tenterait de rallier l'avant-poste sans y avoir été autorisé.

Pour faciliter la mise en place d'une structure défensive, la Reine leur avait adjoint une douzaine d'architectes, charpentiers, maçons, forgerons et tailleurs de pierre. Ils permettraient au campement de se doter de tout ce qui était nécessaire à son autonomie : un port digne de ce nom, un moulin, et des bâtiments plus solides pour le rendre pérenne. Il faudrait du temps pour tout mettre en place, et il y avait une infinité de chantiers à mener de front, tous plus importants les uns que les autres, ce qui ne rendait pas les décisions faciles. Fallait-il privilégier une palissade renforcée, au risque de manquer de nourriture ? Ou plutôt créer un moulin, au risque de fragiliser le système défensif ? Le général tenait conseil régulièrement pour recueillir les avis, et prendre les décisions en commun, afin de recueillir l'assentiment des marchands. Mais en définitive, ce n'était qu'une consultation, et il demeurait le seul maître à bord, insensible à toutes les formes de protestation. Ceux qui avaient fait montre d'une trop grande véhémence avaient été rappelés à l'ordre, et le cachot qui avait été construit entre six planches de bois - dont la forme rappelait vaguement un cercueil - était là pour leur rappeler la toute-puissance de l'armée en matière de discipline.

Depuis, tous s'étaient pliés à la hiérarchie, et s'ils n'étaient pas entièrement satisfaits de leur sort, ils avaient tous pu réaliser de belles affaires depuis leur arrivée, et l'or amassé leur avait permis d'oublier rapidement les contraintes subies. On pouvait même dire qu'ils avaient accepté sereinement les choses, en fin de compte, et aucune sanction n'avait été prise pour l'instant. Mais la situation risquait de changer du tout au tout maintenant qu'un lien avec le pays venait de se créer. Les inégalités allaient se creuser de nouveau, et il allait falloir travailler dur pour maintenir l'ordre et la cohésion, quand les tensions allaient se raviver. Fort heureusement, les deux représentants des marchands étaient des gens raisonnables, et ils avaient compris qu'il était dans leur intérêt de ne pas se mettre les autorités à dos. Ils se montraient donc parfaitement respectables, et s'ils devaient se livrer une lutte acharnée en sous-main pour conclure des alliances, ils avaient au moins la décence de ne pas laisser cette animosité s'exprimer en public.

Finalement, après une attente silencieuse de quelques minutes, les invités arrivèrent. Ils n'étaient que trois, en réalité, à avoir été convoqués par le général, qui ne souhaitait discuter qu'avec des gens d'importance, et limiter au maximum l'implication des marchands de faible envergure dans les affaires de ce qu'il considérait comme "son comptoir". Une femme entra en tête, portant le deuil sans se cacher. Toute de noire vêtue, le visage caché derrière un mince voile, il était difficile de lui donner un âge tant elle semblait irréelle. On aurait dit une apparition fantomatique, et elle dégageait une aura malsaine difficile à expliquer. Le Conseiller ne se souvenait pas avoir déjà rencontré cette femme personnellement, mais il avait eu l'occasion, dans les lettres, d'obtenir les informations nécessaires pour savoir qui étaient les envoyés, et ce qu'il ne savait pas, il le découvrirait bien assez tôt. Ici, il était difficile de cacher des choses.

Les deux autres hommes étaient des négociants particulièrement riches, que le Conseiller ne connaissait pas personnellement, mais dont la description qu'on lui en avait faite était parlante. Le premier, que tout le monde appelait Terence, était un marchand d'une cinquantaine d'années, connu et reconnu pour ses magnifiques fourrures et dans une moindre mesure pour ses cuirs de qualité. On disait de lui que c'était un chasseur de talent, qui tuait tout animal se trouvant sur sa route, et qu'il avait débuté seul, à la sueur de son front. Son commerce était florissant à Blankânimad, et il fournissait la haute société grâce aux pièces que ses ateliers créaient sur-mesure. Pour le reste, les fourrures et cuirs de moindre qualité, il se contentait de les vendre en l'état aux artisans du coin, qui les lui achetaient à un bon prix. S'il s'appelait Terence, c'était parce qu'il avait travaillé à l'Ouest par le passé, et que son nom était bien trop compliqué à prononcer pour les locaux, si bien qu'on l'avait baptisé ainsi. En revenant au pays, après la fermeture des frontières par la Reine Lyra (car après tout, sa base commerciale était en Rhûn), il avait gardé ce nom d'emprunt, et on ne l'appelait plus que par ce nom. C'était un homme grand, sec et froid, qui n'inspirait qu'une forme de dégoût mêlée de crainte quand on le voyait arriver. On aurait dit qu'il allait vous dépecer sur place lorsqu'il vous regardait trop longtemps.

Le second marchand, de son côté, était tout sauf remarquable. D'une banalité affligeante, tant dans son attitude que dans sa manière de s'habiller ou de parler, il était presque aussi surpris que ses interlocuteurs de se trouver ici, en si importante compagnie. Pourtant, il était riche, c'était certain, sans quoi il n'aurait jamais eu le droit de participer à l'expédition. En fait, il avait fait fortune récemment, et il semblait ne pas encore se remettre de cette prodigieuse ascension sociale, qui devait être le fruit du hasard ou de la chance, de toute évidence. C'était le fils d'un nobliau sans importance, cultivateur de blé comme on en trouvait des centaines dans le vaste pays de Rhûn, couvert de plaines fertiles exploitées par des seigneurs locaux sur la partie centrale et occidentale. Face au Rude Hiver, ses cultures avaient souffert terriblement, et il avait reconverti ses esclaves en mineurs, pour découvrir non sans une certaine stupeur que sa terre abritait des mines d'argent dont les dimensions et le rendement étaient prometteurs. De simple exploitant agricole, il était devenu un des personnages les plus en vue du royaume, et sur les conseils de son entourage - bien décidé à l'éloigner des affaires d'importance - il avait "décidé" de rejoindre l'avant-poste de la Reine pour y ouvrir de nouveaux partenariats commerciaux avec les peuples de l'Ouest. Pazrhdan n'avait aucune considération pour cet homme, qui n'était qu'une marionnette pour les gens qui l'entouraient, et qui risquait fort d'être évincé par un membre de sa propre tribu.

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- Mes amis, soyez les bienvenus dans le comptoir de Sa Majesté ! Lança très officiellement le général, avant d'inviter les convives à prendre place. Comme vous avez pu le constater, nous sommes encore au début de notre installation, et en dépit de tous nos efforts, nous n'avons pas encore réussi à rendre l'endroit parfaitement confortable. Mes hommes vous aideront à vous familiariser avec les règles de notre société, mais si vous avez des questions plus spécifiques, n'hésitez pas à me venir m'en informer directement.

Il inclina la tête poliment, mais Pazrhdan savait que c'était pure fiction. Il avait des centaines de choses à gérer à la fois, et dans les faits, c'étaient davantage ses seconds qui répondaient aux questions, et qui transmettaient les informations. Seules les réunions quasi-quotidiennes du conseil des marchands offraient l'opportunité à un petit groupe de faire remonter les doléances de la majorité, et ils n'étaient pas toujours écoutés autant qu'ils l'espéraient. Mais l'objectif était pour l'heure de maintenir l'illusion, et de donner l'impression aux nouveaux venus qu'ils ne perdaient pas immédiatement toute autonomie et toute liberté dès lors qu'ils acceptaient de poser les pieds dans le campement. Souriant légèrement, le général continua d'une voix posée, les mains croisées :

- J'ai pris connaissance de la situation à travers les différents courriers qui me sont parvenus, aussi vous dispenserai-je de me faire un compte-rendu détaillé des événements des six derniers mois, ce qui serait long et fastidieux, alors que nous avons tant à faire. Pour l'heure, je souhaiterais que vous m'apportiez votre éclairage sur deux points cruciaux : les négociations que vous souhaitez ouvrir, et les contrats que vous entendez passer...

Il y eut un bref silence, durant lequel les marchands se regardèrent tour à tour, comme s'ils ne savaient pas trop si prendre la parole était judicieux ou non. En effet, ils étaient en présence de concurrents potentiels, ou d'individus qui pouvaient les trahir - notamment Myzcar et Leuthiag qui écoutaient attentivement. Le général leur fit un signe encourageant de la tête, et ce fut Terence qui ouvrit la bouche le premier. Sa voix était ferme, son ton acide et ses phrases sortaient de sa bouche comme s'il voulait s'en débarrasser le plus vite possible :

- Je vends des fourrures et du cuir en Rhûn. Pourquoi vendrais-je autre chose ? Quant à ce que je compte obtenir, je n'en sais rien. Cela dépendra naturellement de ce qu'on m'offrira à l'Ouest : or, argent, ou objets précieux, qu'en sais-je ?

Il y eut quelques toussotements gênés parmi les officiers, tandis que Pazrhdan et Sh'rin partageaient un regard lourd de sens. Le général n'était pas un homme fermé, mais il était d'une autre époque, et il tenait particulièrement au respect de la hiérarchie et de la chaîne de commandement - qui s'étendait, selon ses propres critères, à tous les êtres vivants qui posaient le pied dans son comptoir. D'une voix parfaitement neutre, il glissa comme un avertissement :

- Ici, maître Terence, nous attachons beaucoup d'importance à autrui. Je vous prierai donc de m'appeler général, dorénavant. Quoi qu'il en soit, je comprends votre position, et j'attendrai le rapport détaillé de vos achats et de vos ventes dès que vous l'aurez établi.

L'homme s'était presque étranglé tant il était outré, mais il ravala son commentaire, et se contenta de hocher la tête. Le sourire insolent de Pazrhdan ne lui échappa pas, et il naquit pendant un instant une fureur noire au fond de ses yeux, tandis que la Hyène se régalait de voir cet homme insupportable être remis à sa place en trois phrases à peine. Le second à prendre la parole, avec davantage de circonspection et de politesse que son prédécesseur, fut le marchand d'argent, qui parlait d'une voix timide et penaude :

- En ce qui concerne... euh... général... je vends de l'argent, et je compte bien ramener tout ce que je trouverai joli sur les marchés de l'Ouest. C'est pour ma maison, en fait... euh... Je la refais parce qu'on a découvert une mine d'argent. Enfin deux, en fait... Et puis je vais essayer de me payer quelques filles du coin, aussi !

Il partit d'un rire gras que personne ne reprit en écho. Ni le général visiblement estomaqué devant tant de stupidité - lui qui était habitué à côtoyer des marchands retors et à gérer des manigances élaborées, il tombait bien bas avec cet énergumène -, ni Pazrhdan dont le sourire s'était fait moqueur face à une telle naïveté, et encore moins Sh'rin, outrée face à ce qui s'apparentait à de la frivolité - péché mortel dans sa conception austère de la vie. Cela ne dérangea toutefois pas le marchand, qui paraissait ne voir que son nombril, et se ficher éperdument de ceux qui l'accompagnaient. Le général reprit contenance, et osa :

- Merci, maître, merci pour ces détails... Hum... Et vous, madame, qu'avez-vous à dire pour votre part ?

Les regards se tournèrent vers la femme, qui paraissait des trois la plus dangereuse car la plus mystérieuse. Ce seraient ses premiers mots officiels auprès de sa nouvelle famille pour les mois à venir, et chacun l'attendait au tournant, curieux de la découvrir et de soulever le voile qui s'abattait et sur son visage, et sur ses intentions.


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Comptoir Oriental EmptyDim 15 Juin 2014 - 17:35
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Pendant qu’on l’escortait vers son entrevue avec le général, Esiria en profita pour apprendre les dernières nouvelles. Les soldats n’étaient pas bavards de nature et ils ne révélèrent que le strict nécessaire mais la nouvelle que le fleuve était maintenant ouvert pour tous les marchands sans restriction lui mit un peu de baume au cœur. Il faudrait qu’elle envoie une lettre à Oreg au plus tôt afin de lui demander d’envoyer un bateau au comptoir dans les plus brefs délais.

Etant donné le peu de place qu’elle avait eu à l’aller, elle n’avait pu venir qu’avec une escorte très réduite. Seuls deux hommes assuraient sa sécurité mais Térak avait toujours fait plus que correctement son travail. A lui seul, il valait bien plus que tous les autres membres de sa garde. Trois esclaves pour son confort étaient aussi venus avec eux.

Dénéa était ce qui pouvait le plus se comparer à une dame de compagnie. Elle s’occupait de sa maîtresse avec abnégation et en silence, ce qui était là une qualité qu’Esiria appréciait à sa juste valeur. Tout le monde savait qu’elle avait horreur du bruit et plus d’un esclave avait eu la langue coupée pour n’avoir pas su lorsqu’il était judicieux de garder le silence. Les autres avaient alors démontré qu’ils étaient capables d’apprendre et avaient tenus leur langue.

Jork, son secrétaire particulier, était aussi du voyage naturellement. Il la suivrait dans toutes les négociations afin de prendre en note tout ce qui se dirait. Il écrivait avec fluidité et avec grand talent. Mais surtout il écrivait à une vitesse presque surnaturelle et était doté d’une excellente mémoire. Cela faisait des années qu’il était à ses côtés et s’il la servait encore fidèlement pendant les mois à venir, il serait sûrement le premier esclave à être affranchi par Esiria.

Le dernier était là pour s’occuper de toutes les corvées nécessaires. La veuve noire ne se rappelait pas de son nom mais ce n’était pas nécessaire. Il avait appris à obéir au moindre de ses gestes. Et quelques coups de fouets lorsqu’il ne se montrait pas assez rapide l’avaient suffisamment motivé pour qu’il se montrât des plus efficaces.

Néanmoins Esiria ne serait pas mécontente de pouvoir faire venir quelques hommes supplémentaires ainsi que plusieurs esclaves. Elle n’avait pas pu acheminer son or jusqu’au comptoir, car elle craignait que la sécurité ne soit pas suffisante et que la place manquât. Mais, maintenant que l’un de ses propres bateaux allait pouvoir faire le déplacement, rien ne lui interdisait de faire venir la cargaison. D’autant plus qu’elle aurait besoin d’or afin de négocier toute transaction future.

Il faudrait d’ailleurs penser à spécifier à Jork de demander d’apporter autant de pierres précieuses que possible. Elle n’en extrayait que peu dans son domaine (bien qu’Oleg lui eût affirmé avoir trouvé des gisements plus conséquents) mais l’avantage d’avoir beaucoup d’or à sa disposition était de pouvoir acheter des pierres précieuses à volonté. Ces dernières sauraient être grandement appréciées des nains. Esiria espérait d’ailleurs pouvoir en acheter d’autres auprès des marchands déjà sur place. Il y aurait bien quelqu’un pour faire le commerce de ce genre d’articles. Elle pourrait ainsi augmenter ses activités en matière de joaillerie.

D’après ce qu’elle avait entendu, les marchands de la première vague avaient déjà réalisé de beaux profits. Ils n’avaient pas encore fait de commerce avec l’étranger (les émissaires n’étaient pas encore arrivés) mais il suffisait de mettre des marchands ensemble pour que ces derniers s’échangent des marchandises et signent des contrats. Cette expédition aurait au moins servi à stimuler le commerce à l’intérieur du pays. Ainsi qu’à nouer certaines alliances.

Lorsque la veuve noire vît avec qui elle avait été invitée à se joindre pour l’entrevue avec le général, elle esquissa une moue de dédain. Elle avait déjà pu se rendre compte des qualités (et surtout des défauts) des deux hommes pendant le trajet et elle se sentait offensée d’être mise sur un pied d’égalité avec eux. Elle comptait cependant sur le général pour ne pas la confondre avec ce genre d’individus. Elle était noble que diable, et aussi bien le général que les conseillers, issus eux aussi de la noblesse, ne devait l’oublier. Elle n’était pas seulement une marchande, mais elle était aussi issue de l’un des clans les plus puissants du pays. Enfin tout du moins, de l’un des plus riches. L’un des deux marchands avaient beau être noble, il était tellement répugnant qu’on l’aurait dit né dans l’égout le plus nauséabond de Rhûn. C’est donc tout naturellement qu’elle se portât à la tête de la délégation, afin de bien leur rappeler à quel point elle différait d’eux, de par son statut social comme de par ses compétences.

Lorsqu’elle pénétra dans le bâtiment central, qui devait être l’un des seuls bâtiments construits en dur (enfin il fallait comprendre par là que ce n’était pas une vulgaire tente), elle vît tout de suite qu’en plus du général et des deux conseillers, dont elle s’attendait à la présence, Leuthiag et Garoth Myzcar étaient aussi de la partie. Et bien, il faudrait s’habituer à traiter avec eux puisqu’ils représentaient le conseil des marchands.

Elle connaissait le vieux marchand de réputation comme tout le monde, et elle devait admettre qu’elle était l’une de ses clientes régulières. Même s’il n’était pas issu de la noblesse et que son clan n’était pas des plus puissants, elle reconnaissait que tous les échos qu’elle avait eu de lui étaient flatteurs. Aussi elle daigna le saluer après avoir fait de même avec le général et les deux conseillers.

Leuthiag n’eût pas droit à ce privilège. Elle n’avait appris son existence que lorsqu’elle s’était renseignée sur le conseiller Rezlak et il présentait bien peu d’intérêt à ses yeux. De plus, elle avait déjà la certitude qu’il souhaiterait l’avoir dans son camp puisqu’il souhaitait développer le commerce de l’intérieur du pays. Or il était difficile de commercer avec Albyor sans passer par elle. Soit directement, soit car elle avait passé tellement de temps à se construire un solide réseau d’alliés dans la cité que personne là-bas ne chercherait à lui déplaire.

Comme elle s’y attendait, le général voulait en apprendre plus sur leurs activités sous couvert de leur souhaiter la bienvenue. Il était évident qu’il était le seul maître à bord et qu’il comptait à ce que tout le monde le sache. Terence, le chasseur, en fît d’ailleurs les frais. Mais comment attendre de ce rustre qu’il montre le respect qui convenait ?

Lorsque ce fût au tour du deuxième marchand de répondre, Esiria s’écarta le plus loin possible de l’imbécile. Elle ne tenta même pas de cacher le dégoût qu’il lui inspirait. Elle espérait de tout cœur que d’autres marchands vendaient de l’argent. Il pourrait être intéressant d’en acheter afin de faire réaliser divers objets avec. Voire même pourquoi pas des ornementations pour une armure si les négociations allaient en ce sens.

Finalement son tour arriva de prendre la parole. Elle parla d’une voix claire et assurée, regardant le général droit dans les yeux.

- Mon général, je fais commerce d’or principalement. Je fais aussi commerce d’esclaves mais étant donné que je ne vends pas d’esclaves venant de l’Ouest, mes futures transactions ne concerneront que mes activités en rapport avec l’or : commerce d’or pur ou de joaillerie puisque je fais réaliser sur mes terres mon propre orbattage et ma propre orfèvrerie. Quant aux contrats que j’ai l’intention de passer, cela dépendra des opportunités qui s’ouvriront à moi. Je suis sure que vos comprendrez qu'il m’est impossible d’être plus précise tant que je n’aurais pu rencontrer de possibles partenaires commerciaux.
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Comptoir Oriental EmptyMar 17 Juin 2014 - 17:11
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Le général menait la conversation avec une certaine aisance, qu'il avait gagnée depuis quelques semaines, à force de côtoyer les marchands. Au début, il avait eu du mal à composer avec des individus radicalement différents de ce qu'il était, lui. Il servait la Reine avec plus de zèle que n'importe qui ici - Pazrhdan compris -, et il tenait à ce que chaque ordre, chaque minuscule phrase que Lyra avait pu écrire sur ses ordres de mission fût respectée au pied de la lettre. Les marchands, de leur côté, étaient intéressés par leurs propres affaires, et ce qui les intéressait dans l'histoire, c'était d'enfreindre les restrictions imposées pour augmenter leurs profits de manière considérable. Trouver des compromis entre ces deux extrêmes avait été long et difficile, mais le général avait su montrer un talent que les Conseillers ne lui auraient pas prêté au premier abord, celui de la diplomatie. Oh, certes, il était toujours aussi intransigeant, mais il savait faire passer ses ordres avec un peu moins de brusquerie qu'au départ, et si on lui obéissait toujours autant, on sentait moins la menace planer au-dessus de sa tête. Il s'arrangeait pour ne pas donner le choix, et c'était très bien comme ça. Les choses étaient claires, et personne n'avait rien à redire.

Ce fut avec cette même diplomatie qu'il expliqua la situation aux marchands qui venaient de rejoindre l'expédition, et que Pazrhdan trouvait tous curieux à bien des égards. Le premier semblait être un véritable prédateur, prêt à sauter sur les contrats qui se présenteraient à lui et à écraser sans subtilité tous ses concurrents. Le deuxième avait l'air d'une marionnette agitée par un enfant capricieux, et il semblait être venu pour dépenser de l'argent de poche, et non pas pour mettre en place une stratégie commerciale. La dernière, de son côté, était là pour vendre de l'or, et donc pour mettre en place un négoce dont la clientèle serait extrêmement restreinte. Riches et puissants uniquement, ce qui rendait sa position à la fois fragile et intéressante. A voir comment elle parviendrait à s'en sortir.

- Bien, conclut le général avec un toussotement. Je vous remercie d'avoir bien voulu répondre à mes quelques questions, qui ont pu vous paraître déplacées. Mais sachez qu'ici, ce qui compte, c'est la solidarité et l'entraide.

De toute évidence, personne ne le croyait, mais il insista :

- Je sais que vous servez vos propres intérêts, mais nous sommes tous coincés ici, et sans une bonne entente, nous risquons tous de mourir, ni plus ni moins. De maladie si nous importons des bêtes venues d'ailleurs, de faim si nous vendons notre blé pour de l'or, par l'épée si nous nous montrons trop audacieux dans nos entreprises. C'est la raison pour laquelle toute négociation sera supervisée, et devra être approuvée par les Conseillers ici présents. Cela afin de garantir que notre comptoir survivra.

Les marchands se regardèrent, sans mot dire. Myzcar et Leuthiag étaient déjà au courant, et ils avaient eu quelques difficultés à admettre la situation. Toutefois, ils avaient rapidement compris qu'elle pouvait présenter un intérêt : personne ne pouvait tricher, personne ne pouvait nouer de contrats d'exclusivité avec un partenaire, et donc personne ne pouvait être lésé dans l'histoire. En outre, et ils l'avaient compris à force de vivre dans le campement, les capacités de la petite colonie n'étaient pas extensibles, et il était hors de question de voir un marchand d'esclaves ramener des centaines de bouches supplémentaires à nourrir, au risque de créer une famine. Mais le second point, celui que le général s'apprêtait à aborder, était encore plus difficile à admettre :

- Secondement, et je tiens à préciser que vos compagnons de la première vague ont tous accepté cette condition, en définitive, je me réserve le droit de prélever ce qu'il me plaira sur les marchandises qui arriveront ou repartiront du campement.

Levant la main pour couper court aux objections qui ne manqueraient pas de survenir, il reprit :

- Naturellement, vous n'en doutez pas, je suis quelqu'un de raisonnable, et il ne s'agit certainement pas de favoriser mon enrichissement personnel. Toutefois, ce campement a besoin de survivre, et le négoce ne peut passer avant la sécurité et l'approvisionnement des lieux. Si nous manquons de fourrures pour nous protéger d'un hiver difficile, maître Terence, vous serez mis à contribution. Si nous manquons d'or ou d'argent pour acheter des vivres, maîtres, nous devrons prélever sur vos marchandises pour subsister.

Pazrhdan sourit tranquillement, en voyant les trois marchands réfléchir. D'un côté, ils avaient fait le déplacement jusqu'ici, et ils ne pouvaient pas vraiment refuser les conditions du général, qui leur promettait d'agir en cas d'extrême nécessité seulement. Ce n'était pas un mauvais contrat, si on considérait la chose actuellement, mais il se pouvait que la situation devînt critique, et que les droits sans restriction du général devinssent une menace aux intérêts particuliers des commerçants. Il leur restait à peser le pour et le contre, et à évaluer les risques et les gains potentiels. Le marchand d'argent répondit le premier :

- C'est bien triste, mais j'accepte. Mais s'il vous plaît, ne prenez pas les œuvres d'art que je vais acheter, d'accord ?

Terence leva les yeux au ciel, se retenant de hurler à son homologue que tout le monde se fichait de sa décoration intérieure, et qu'il était question de choses plus importantes. Il répondit d'une voix sèche, comme d'habitude :

- Soit, général. J'accepte. Espérons que nous n'ayons pas trop de cas de force majeure...

- Pour l'instant, réagit Pazrhdan, nous n'en avons pas eu. Mais vos fourrures auraient été bien utiles pendant le trajet aller. Voyez comme vous avez de la chance, finalement.

Sh'rin hocha la tête très sérieusement, sans comprendre la plaisanterie sarcastique du Conseiller, qui n'échappa en revanche pas au général. Le sourire de ce dernier - qui commençait à connaître les deux envoyés de la Reine - était assez surprenant, car d'ordinaire ces critiques acides étaient formulées contre son autorité, et plusieurs fois il avait dû se retenir de recadrer ce drôle d'énergumène qui agissait en toute impunité, au regard de son statut. Fort heureusement, il n'avait pas vraiment de droits quant à cette mission, et s'il était affectés à la surveillance des contrats passés, avec la jeune femme, c'était simplement parce qu'ils étaient compétents - le général n'en doutait pas - et qu'il avait d'autres missions plus importantes à affecter à ses soldats. Ce n'était pas une punition, mais presque.

Laissant la parole à la dernière commerçante, qui semblait encore peser le pour et le contre, mais qui au final n'avait pas vraiment le choix - après tout, le bateau qui avait fait le trajet aller n'était pas encore reparti, et elle pouvait toujours remonter à bord si les conditions ne lui plaisaient pas -, le général tourna la tête pour accueillir le repas qu'on venait leur servir. Deux soldats étaient chargés du service, et ce fut bien modestement dans des assiettes en fer qu'on leur servit leur repas. Quelques morceaux d'un chevreuil qu'on avait abattu la veille pour agrémenter une purée de légumes dont le goût était indéfinissable, mais certainement très loin des standards auxquels étaient habitués les trois marchands.

- Bon appétit ! Ce n'est pas grand chose, mais j'espère que vous saurez apprécier l'effort de nos cuisiniers...

- En plus, il y a de la viande, c'est jour de fête ! Ironisa Pazrhdan.

Mais il n'était pas très loin de la vérité. Leurs rations de voyage étaient épuisées depuis longtemps, à cause du Rude Hiver, et même si le navire qui arrivait leur apportait des vivres, le général préférait se montrer prudent et être économe. Il attendrait que la situation s'améliorât au campement avant de relever les conditions de vie qui, pour l'heure, étaient précaires. De toute évidence, les invités étaient déterminés à s'intégrer malgré la difficulté, et ils mangèrent tous sans exception, essayant de surmonter cette première difficulté. En face, les habitués paraissaient se régaler de ce repas riche et nourrissant, et ils entretinrent la conversation sans difficulté. Ce fut un déjeuner finalement assez léger, et après avoir fixé ses règles de manière autoritaire, le général se révéla beaucoup plus détendu, expliquant à ses convives quels étaient ses projets d'agrandissement, et comment il entrevoyait la défense d'un comptoir divisé en trois parties.

Les Conseillers évoquèrent les anecdotes sur le trajet, notamment les bandes d'orcs qui avaient manqué de les surprendre durant leur sommeil, et qui avaient été repoussées au prix de quelques vies. Ils parlèrent du froid et de la faim, des derniers jours de marche qui avaient été les plus éprouvants, tandis que chacun se demandait quand ils arriveraient. Myzcar et Leuthiag, qui évitaient soigneusement de rire ensemble, racontèrent les anecdotes de la construction du campement, la reconversion parfois difficile des marchands en bâtisseurs, en bûcherons et en agriculteurs. Certains s'étaient découverts une passion, d'autres avaient découvert des muscles qu'ils ne connaissaient pas. Et tous, au final, avaient appris quelque chose.

Le général prit la parole en fin de repas, pour remercier ses invités, et les mettre au courant de la suite :

- Maître Terence, j'ai cru comprendre que vous étiez un excellent chasseur. Nous aurons besoin de vous, et pas de vos fourrures, je vous rassure. En attendant que les négociations s'ouvrent avec d'éventuels partenaires à votre hauteur, je vous affecte au groupe des chasseurs. Vous vous organiserez avec eux, ils tournent régulièrement et ont pour mission de nous ramener du gibier frais. Pour nourrir près de trois cent personnes, vous imaginez qu'il faut bien viser.

Le marchand hocha la tête. De toute évidence, c'était une activité qui lui plaisait, et il comprenait bien qu'il aurait pu tomber sur quelque chose de beaucoup plus dégradant et de moins intéressant selon ses critères. Aller courir dans les plaines, crapahuter dans les collines, pour abattre des animaux, il savait faire, et il était déterminé à prouver au général qu'il pourrait faire quelque chose d'utile ici.

- Quant à vous, maître, vous irez travailler avec ceux qui sont en train de fortifier le camp. Ils vous expliqueront tout ce qu'il y a à faire mieux que moi, rassurez-vous.

- Je... Euh... Très bien, général.

Pazrhdan sourit sans faire de commentaires. Il savait que la fortification du campement consistait à creuser des tranchées, couper des arbres pour faire des palissades, transporter de la terre pour les fixer dans le sol, et autres activités physiques qui déplairaient certainement au marchand d'argent. Mais puisqu'il avait dit oui...

- Enfin, madame, vous serez affectée au potager. Nous avons planté il y a quelques mois, et nous attendons une récolte importante, donc vous aurez du travail.

Le général leva la séance, et retourna à ses affaires, notamment vérifier que tout se passait bien au niveau du déchargement des marchandises qui se trouvaient sur le navire d'approvisionnement. Il partit donc, encadré par deux officiers. Sh'rin le regarda s'éloigner, puis s'approcha de la femme marchande :

- Bonjour madame, je m'appelle Sh'rin. Voulez-vous que je vous fasse visiter les cultures ? Elles sont dans l'enceinte du campement, ne vous en faites pas. Mais... vous devriez peut-être vous changer avant...

Derrière elles, les autres marchands étaient pris en charge de la même manière, et ils allaient devoir mettre la main à la pâte. Pazrhdan, qui aujourd'hui prévoyait de partir à la chasse, s'était rapproché de Terence qui le regardait d'un mauvais œil. Mais le Conseiller semblait s'en ficher ou ne pas le voir, et il l'invita à le suivre pour rencontrer les autres hommes affectés à cette mission délicate, qui pouvait les tenir éloignés du camp plusieurs jours parfois. Ainsi donc, après ce petit événement qu'avait constitué l'arrivée des hauts dignitaires, la vie reprenait son cours, et le camp reprenait son activité comme une fourmilière affairée avant l'arrivée de l'hiver.


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Mardil
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Comptoir Oriental EmptySam 23 Aoû 2014 - 18:04
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La situation du comptoir était bien plus précaire que ne le prévoyait Esiria. Elle comprenait maintenant qu’il n’était guère possible de faire venir plus d’esclaves ou d’hommes d’armes car les ressources étaient des plus limitées. Même si les conditions de vie du camp étaient bien loin de la splendeur à laquelle elle était habituée, elle était déterminée à les endurer, ne serait ce que pour avoir une chance de commercer à l’étranger.

Lorsque le général leur apprît le rôle des conseillers dans les négociations, elle esquissa un léger sourire. Ainsi la Reine avait finalement trouvé une raison à la présence des deux jeunes gens. Esiria ne savait pas encore si cela était une bonne ou une mauvaise chose. Elle espérait, cela dit, que les conseillers disposaient des lettres de créances adaptées à ce genre d’affaires. Après tout les nains se montreraient peut être mieux disposés si un représentant officiel se tenait dans la pièce pendant les négociations.

Le revers de la médaille était bien entendu que les conseillers pouvaient, non pas se contenter d’être de simples observateurs des dites négociations mais également mettre leur grain de sel dans ces dernières. Ce qui pouvait considérablement compliquer les choses. La veuve noire avait tout intérêt à ne pas se les mettre à dos, voire même, si cela était possible, à se rapprocher d’eux.

L’annonce du général concernant les possibles prélèvements qu’il pourrait effectuer la laissa de marbre. Elle doutait fort que ces derniers soient extrêmement dommageables pour elle. Après tout, cela faisait des années qu’elle arrosait généreusement le trône et cela ne risquait pas de changer. Quoi qu’elle pensât du général par ailleurs, c’était un homme entièrement dévoué à la Reine. Il ne risquait pas d’essayer de profiter de la situation, elle en était certaine.

- J’ai toute confiance en vous général, pour ne prélever que ce que vous estimerez nécessaire et c’est bien volontiers que je vous prêterais secours si le besoin s’en faisait sentir.

Un déjeuner plutôt fade s’en suivit, même si Esiria crût comprendre que c’était là bien mieux que ce à quoi les habitants du comptoir étaient habitués ces derniers mois. Elle prît sur elle et mangea cette maigre pitance. Elle n’avait, après tout, pas fait tout ce chemin pour se laisser abattre par de tels petits désagréments.

Si l’atmosphère se voulait joviale, les tensions qui existaient entre Leuthiag et Myzcar se faisaient tout de même bien sentir. Les deux hommes coulaient régulièrement des regards incertains dans sa direction. On aurait dit qu’ils cherchaient à la juger, à savoir vers qui son soutien irait. Esiria se montra discrète, voire même renfermée durant le repas et se garda bien de rassurer l’un des deux hommes. Il était plus prudent d’attendre qu’ils viennent à elle avant d’agir. Et elle n’avait aucun doute sur le fait qu’ils ne tarderaient pas à faire le premier pas.
A vrai dire, elle n’était pas certaine de la meilleure démarche à suivre. Si Myzcar semblait être un ennemi naturel, elle n’avait aucune sympathie pour Leuthiag et aucune certitude quant à ce que le trafiquant pourrait lui apporter. Le plus sage était peut être de ne pas se mêler des différents entre les deux hommes. Néanmoins, il serait mal venu de ne pas prendre parti au risque d’offenser de possibles partenaires commerciaux.

Elle n’était toujours pas parvenue à une décision lorsque le déjeuner toucha à sa fin. Alors qu’elle pensait pouvoir se reposer quelque peu, et en profiter pour mettre au point une stratégie, le général les informa qu’ils allaient tous devoir participer au bon fonctionnement du comptoir. Même si elle n’en laissa rien paraître, Esiria était estomaquée qu’on osât lui demander de s’abaisser à travailler comme une simple roturière. D’autant plus que le jardinage n’avait jamais fait parti de ses centres d’intérêts (à l’exception de certaines plantes qui pouvaient se révéler fort utiles pour se débarrasser d’un adversaire). Si encore on lui avait confié un travail plus en adéquation avec ses compétences, comme s’occuper de la comptabilité du comptoir par exemple, cela n’aurait pas été un problème. Mais il était évident que les meilleurs postes étaient déjà occupés.

Néanmoins elle conserva par devers elle ses objections, surtout lorsqu’elle vit que la conseillère Sh’rin se dirigeait vers elle. Avant même que cette dernière n’ouvrît la bouche, Esiria comprît qu’elle était, elle aussi, affectée à la récolte des légumes. Après tout, il serait peut être bon de passer la journée en compagnie de cette femme austère. La veuve noire décida alors de se montrer sous son meilleur jour afin de gagner les faveurs de la conseillère.

- Laissez-moi une petite heure, le temps de me changer et de donner des instructions à mes gens. Je voudrais faire venir ma marchandise au plus vite afin d’être prête lorsque les délégations étrangères arriveront.

Elle avait parlé suffisamment fort pour que les autres puissent l’entendre et elle ne manqua pas de voir le regard en coin que lui lançaient les membres du conseil des marchands. Ne restait plus qu’à voir lequel des deux se présenterait avant l’autre devant sa tente.

Jork et Dénéa se levèrent aussitôt qu’elle rentra dans sa tente. Elle donna des ordres à sa servante pour qu’elle lui prépare une tenue adaptée et s’installa à table avec Jork auquel elle dicta une lettre pour Oreg. Elle lui indiquait la quantité exacte d’or qu’il devait acheminer jusqu’au comptoir ainsi que les dangers potentiels sur la route. Le navire serait donc puissamment protégé, même si les hommes devraient prévoir leur nourriture pour l’aller et le retour. Elle ne pouvait se permettre que le bateau reste à quai bien longtemps et, en aucun cas, il n’aurait été raisonnable de faire venir plus d’hommes. Elle lui demanda tout de même, deux gardes supplémentaires. Ils pourraient facilement se montrer utiles au comptoir (car manifestement, le camp avait besoin de bras puissants pour continuer à se développer) et cela lui permettrait de doubler sa garde en cas de besoin. Cela ne semblait pas nécessaire pour le moment mais il valait mieux prévoir le pire.

Jork sortit afin de confier la lettre à un coursier qui partirait avec le bateau qui les avait amenés jusqu’ici et elle enfila une tenue plus confortable avec l’aide de Dénéa. Celle-ci était composée de larges pantalons surmontés d’une tunique légère. Un chapeau conique, duquel pendait une voilette, la protégerait du soleil. Le tout était évidemment de couleur noire.

A peine eût elle fini de s’habiller que Térak entra dans la salle pour l’informer qu’un visiteur souhaitait s’entretenir avec elle. C’est, sans surprise, que Leuthiag fît son entrée dans ce qui serait les appartements de la veuve noire pour les semaines à venir. Il inclina la tête respectueusement et Esiria lui fît signe qu’il pouvait prendre la parole.

- Esiria Sukhbakaara, je suis honoré de faire enfin votre connaissance après tout le bien que j’ai entendu de vous.

- Je doute fort que les échos que vous avez pu avoir eurent été si flatteurs, maître Leuthiag. Mais laissons là les politesses et dîtes-moi plutôt ce qui vous amène ici.

- Vous n’êtes pas sans savoir qu’une nouvelle route commerciale est désormais ouverte sur le fleuve. Cette dernière ne peut que nous être profitable, à nous, les marchands du centre et de l’est du pays. Même si elle est ouverte à tous, nous savons l’un comme l’autre, que dans les faits, les marchands les plus puissants seront ceux qui contrôleront le débit des marchandises. Si nous voulons en retirer les bénéfices, il nous faut agir avant nos adversaires.

- Et pouvez-vous me dire, qui sont nos adversaires ?


Elle avait curieusement insisté sur le « nos » mais Leuthiag fît comme s’il n’avait pas saisi l’allusion.

- Garoth Myzcar évidemment. Il a rassemblé la plus grande partie des marchands de Vieille Tombe derrière lui et il entend bien que le fleuve soit contrôlé par ces derniers. Ses marchandises ne peuvent être convoyées que par voie fluviale et il a de nombreux clients à Blankânimad. Il semble que beaucoup de nobles soient friands de ses vins.

Esiria entendît clairement la note d’envie dans la voix du marchand. Elle savait qu’il avait lui-même peu de clients dans la capitale où les marchandises du conseiller Rezlak avaient plus de succès. Ce marché, fort lucratif par ailleurs, lui étant fermé, il visait plutôt à récupérer la position de Rezlak en dehors des frontières du royaume. Il semblait oublier qu’il n’avait pas autant de talents que le conseiller pour se lancer dans une entreprise aussi risquée.

Mais ces considérations étaient bien étrangères à la veuve noire. Néanmoins, il était important de connaître les ambitions de ses partenaires, aussi bien que celles de ses concurrents. Cependant Leuthiag n’était pour l’heure dans aucune de ces deux catégories.

Elle savait pourtant que la route du fleuve pouvait lui apporter beaucoup. Ses esclaves venant de l’Est et n’allant pas plus loin qu’Albyor, le fleuve n’avait que peu d’intérêts pour son commerce. En revanche, si elle venait à passer un contrat avec les nains, il serait primordial de pouvoir voyager vite et en toute sécurité. Elle avait parfaitement conscience que la voie du fleuve était la meilleure solution.

Malgré tout, si elle s’alliait à Leuthiag, elle risquait de se mettre à dos les marchands de Vieille Tombe. Etant donné leur importance économique et les liens qu’elle avait contractés avec eux par le passé, c’était là un manque à gagner très important. Il allait lui falloir temporiser le temps nécessaire. Elle ne pouvait tout risquer pour un contrat qu’elle n’avait même pas pu encore négocier. De plus, elle avait bien plus de poids économique que Leuthiag et elle doutait fort qu’il ne puisse liguer les marchands du centre et de l’est contre elle. Beaucoup d’entre eux dépendaient trop de son bon vouloir pour encourir sa désapprobation.

- Je comprends parfaitement votre problème mais il me semble qu’il est un peu prématuré de s’enquérir du contrôle d’une voie marchande qui est pour l’heure tout au plus embryonnaire. Cependant, je conçois qu’il serait plus profitable pour l’intégralité des marchands de l’intérieur, dont nous faisons partis tous les deux, d’asseoir notre emprise sur le fleuve. J’ai, hélas, d’autres priorités pour le moment, les contrats que je souhaite passer avec les émissaires étrangers n’étant pas des moindres. Mais soyez certain d’une chose : l’aide que vous pourriez me fournir dans cette entreprise sera récompensée à sa juste valeur lorsque cette question se fera plus préoccupante.

Esiria vît bien que sa réponse n’avait pas entièrement contenté l’apothicaire, qui avait sûrement espéré un soutien bien plus franc de sa part mais il ne pouvait pas non plus se montrer trop déçu car elle lui avait proposé une alliance future qui ne dépendait plus que de lui. Il la salua à nouveau et sortit. Jork rentra quelques secondes plus tard. Lorsqu’il avait vu Leuthiag s’approcher, il avait confié la lettre au deuxième garde et était resté au plus près de la tente afin de noter la conversation. Esiria lui demanda de placer la note dans ses archives et attendît patiemment l’arrivée de Garoth Myzcar. Ce dernier se manifesta quelques minutes après le départ de Leuthiag et Esiria se doutait qu’il avait attendu que son rival sorte de son entrevue avec elle avant de se montrer.

- Maître Myzcar, je suis ravie de votre venue. Je souhaitais justement vous voir afin de passer commande de votre excellent cru issu de la récolte de 293. J’espère qu’il vous en reste encore.

- C’est le cas, mais ce sont là les derniers fûts et leur prix est devenu plus que prohibitif. Mais je doute que cela soit un problème pour vous.

- En effet. Jork se chargera de la commande et vous serez payé dès que mon navire débarquera. Néanmoins, je doute que vous ayez fait le chemin pour devancer ma demande.

- Je voudrais vous entretenir du problème de la route du fleuve. Et je gage que je ne suis pas le premier à venir vous voir.

- Vous connaissez déjà les opinions de Leuthiag à ce sujet mais je suis curieuse de vous entendre plaider votre cause. Dîtes-moi pourquoi il me serait plus profitable de m’allier avec vous plutôt qu’avec l’apothicaire.

- Je ne suis plus tout jeune et cela fait longtemps que je pratique ce métier. Je sais déceler lorsqu’un changement se prépare. La route du fleuve est maintenant une réalité et, que je le veuille ou non, le monopole de Vieille Tombe est désormais terminé. Cela n’aura que peu d’incidence sur mon activité. Ma renommée est telle que je puis sans crainte déplacer mon commerce.

- Cela vous coutera néanmoins des frais de transport que vous n’aviez pas auparavant.

- Et qui se traduiront par une hausse des prix de ma marchandise. Mais c’est là l’avantage de fournir un produit de luxe. Les clients paient toujours.


Esiria était bien placée pour le savoir, fournissant elle-même des marchandises que seuls les plus fortunés pouvaient s’offrir. A cela près, que l’or était une monnaie universelle et non un simple luxe.

- Je ne vois alors pas bien alors la raison de votre opposition à Leuthiag.

- Il se trouve que j’ai été élu pour représenter les marchands de Vieille Tombe et c’est une responsabilité à laquelle je ne tournerai pas le dos. Beaucoup comptent sur moi afin de veiller à leurs intérêts. Si la route du fleuve est ouverte, ce n’est ni plus ni moins que la ruine qui menacera la cité cémétériale. Ce n’est pas seulement le commerce avec les nains mais avec les hommes du Rhovanion. Car le rapprochement de ce peuple et des hommes de l’Ouest fait que c’est toute la porte d’entrée de nos marchandises vers ce marché qui va se déplacer. Vieille Tombe tombera dans l’abandon.

- Alors que proposez-vous ?

- Je sais que vous êtes ici pour négocier avec les Monts du Fer, même si j’ignore les raisons de votre empressement à commercer avec les nains. Je ne ferai rien pour empêcher cette relation de se mettre en place. Le commerce vers le nord peut nous être à tous profitable. Néanmoins, si les tensions avec l’Ouest se réveillent, nous pourrions obtenir que le commerce ne se fasse que par la rivière Carnen et non par le Celduin.


Esiria devait admettre que l’idée était intéressante. Cela permettrait d’ouvrir la voie commerciale qui l’intéressait le plus pour le moment et de freiner les relations avec l’Ouest. La reine ne pourrait qu’être d’accord avec cette politique car elle n’avait jamais été favorable au commerce avec les hommes de l’Ouest. De plus cela fermerait la porte d’entrée vers le Gondor et le Rohan à Leuthiag et ses comparses, ce qui arrangerait le conseiller Rezlak, lequel aurait alors une dette envers elle. Enfin, les tensions que cela ne manquerait pas d’amplifier entre les nains du Monts du Fer et leurs voisins de l’Erebor (tensions déjà bien présentes) ne pourrait qu’isoler les nains du nord et peut être les pousser à chercher d’autres alliés.

- Vous voudriez que je m’arrange pour faire échouer les négociations avec l’Ouest ?

- Non, de cela, je peux me charger avec mes alliés. Cela ne sera pas très difficile. Ces peuples ne vont guère apprécier notre intrusion sur ces terres. Je sais que des émissaires de l’Erebor et de Dale vont venir. On parle même d’émissaires de la forêt noire. Autant vous dire que les tensions n’auront guère besoin d’être attisées. Ce que j’aimerais, c’est que vous vous assuriez du soutien des Monts du Fer.

- Les nains seront toujours prêts à faire un profit. Mais ils ne tourneront pas le dos à leurs semblables si aisément. Je ne dis pas que je ne vous aiderais pas mais je ne vois toujours pas ce que j’ai à gagner dans cette histoire.

- Et bien, je peux vous promettre que vous serez la première à commercer avec le nord et qu’aucun contrat d’un marchand de Vieille Tombe n’empiétera sur vos intérêts. De plus, si notre entreprise est couronnée de succès, cela ne pourrait que vous être bénéfique auprès des instances dirigeantes.


Ainsi, le vieil homme était bien plus rusé qu’Esiria ne l’avait jugé de prime abord. Il avait bien saisi qu’elle ne cherchait pas à faire un profit économique mais que ses intentions étaient plus politiques qu’autre chose. Cela dit, le plan était risqué. Car c’est l’avenir même du comptoir qui risquait d’être menacé si les délégations de l’Ouest se montraient trop véhémentes.

- Je ne peux vous promettre de me mettre dans une position trop délicate. Mais je ne vois pas pourquoi je ne vous accorderai pas mon concours dans cette opération car nos intérêts se rejoignent. Néanmoins, si quoi que ce soit tourne mal, ne comptez pas sur mon soutien. Je nierai avoir toute connaissance de vos projets.

- C’est bien entendu. Je vous remercie de m’avoir accordé votre temps et vous souhaite une bonne fin de journée.


Le vieil homme tourna les talons et Esiria resta pensive un long moment. Elle ne savait pas dans quoi elle s’était engagée mais la situation risquait de devenir explosive à l’arrivée des émissaires étrangers. Elle finit par se lever et sortit de sa tente, Térak sur ses talons. Comme elle s’y attendait, la conseillère était déjà là, droite comme un i, exactement à l’heure prévue.

- Conseillère Sh’rin, je suis désormais toute à vous. Térak restera près de moi afin de veiller à ma sécurité. Si vous le souhaitez, je peux affecter le deuxième membre de ma garde à la consolidation du camp. Je ne voudrais pas qu’il soit dit que mes gens ne font pas leur part de travail.

Elle emboita ensuite le pas de la conseillère qui la conduisît au potager. Il était désormais temps de se mettre au travail mais elle espérait réussir à faire parler la jeune femme. Malheureusement cette dernière n’était pas très loquace. Esiria essaya donc d’entraîner la conversation tant bien que mal.

- Dîtes-moi conseillère, j’ai ouïe dire que vous venez d’un clan de l’est. Peu d’informations nous parviennent de cette région du royaume. Avez-vous des nouvelles de la situation actuelle ?
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Ryad Assad
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Comptoir Oriental EmptyJeu 28 Aoû 2014 - 14:24
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- Allons, en avant, ne traînons pas !

Pazrhdan leva la tête vers le jeune caporal qui avait été affecté au commandement de leur petit groupe, et lui lança un de ses sourires dont lui seul avait le secret. Les deux hommes ne s'appréciaient pas beaucoup, mais pour le bien de la communauté ils faisaient un effort pour se tolérer mutuellement. Et c'était déjà beaucoup, quand on savait l'objet de leur discorde. En effet, ils avaient un passé commun, qui n'avait rien de très amical. Le caporal était né dans l'Est, mais ses parents avaient emménagé à Blankânimad dans sa jeunesse, ce qui ne l'avait pas empêché de garder contact avec ses proches demeurés en Extrême-Orient. Ainsi, quand les troubles avaient éclaté dans l'Est, quand les armées de la Reine avaient été dépêchées pour contrer le début de rébellion fomenté par des fidèles du défunt Roi, il avait appris que certains de ses cousins avaient rejoint les rangs des renégats, et qu'ils se battaient farouchement contre les troupes régulières, leur menant la vie dure. Le jeune soldat n'avait pas déserté pour les rejoindre, naturellement, et il avait prié Melkor chaque jour pour qu'il insufflât aux siens la conscience de ce qu'ils faisaient. En défiant ouvertement la Reine, ils risquaient d'être mis à mort, et de jeter l'opprobre sur l'ensemble de leur clan. Hélas, ses prières n'avaient pas été entendues, et sa famille avait été massacrée par un jeune officier zélé... qu'il avait retrouvé en face de lui au cours de la mission à laquelle il participait.

Pazrhdan avait rapidement compris qui était son interlocuteur, et pourquoi il le détestait. A vrai dire, ça n'avait été qu'une question de minutes. Considéré par ses ennemis politiques comme un personnage cynique et suffisant, le Conseiller s'était vu attribuer un surnom peu flatteur, celui de la Hyène. On l'accusait par là de rire de tout, mais de demeurer un véritable charognard aux dents longues, et au courage défaillant. C'était une dénomination que l'homme avait acceptée sans broncher, se jouant même de cela, et exagérant ses défauts pour correspondre à l'image qu'on voulait lui coller. Par contre, il y avait un second surnom qu'on lui attribuait moins facilement, et que peu de gens connaissaient. Ses soldats l'avaient surnommé "Panthère de Shashtapa", du nom de lieu d'une bataille qu'il avait remportée à la tête d'un détachement contre des rebelles. Ils l'avaient surnommé ainsi car, amateur d'animaux, il avait capturé une Panthère noire lors de l'expédition. Rares étaient les hommes à l'appeler ainsi, et on les divisait aisément en deux catégories : ceux qui avaient servi sous ses ordres, et ceux qui avaient combattu contre lui. Deviner à quelle groupe appartenait le caporal n'avait été qu'une question de secondes.

Depuis, ils s'évitaient soigneusement, s'arrangeant pour regarder ailleurs quand l'autre passait non loin. Mais ils avaient depuis peu été affectés à la même mission, celle de chasser pour trouver de la viande pour la communauté. C'était une tâche difficile, ingrate, et qui pouvait les éloigner du campement pendant des jours entiers. Cependant, ils avaient au moins la satisfaction de faire quelque chose de leur temps, et ils avaient tissé des liens assez forts. D'ailleurs, les marchands qui participaient à cela s'étaient rapprochés au point d'abolir pour un temps les rivalités économiques. Les hommes riaient et chantaient près du feu, comme un seul groupe uni, bien qu'ils reprissent leurs manigances dès lors qu'ils rentraient dans le campement. C'était d'ailleurs pour cette raison que Pazrhdan avait voulu se joindre à eux. Il ne supportait plus les coups en traître, les machinations odieuses que les marchands créaient pour se mettre en position favorable dans les négociations. Lui était un homme d'action, davantage préoccupé par la survie de son pays, et non par la richesse de telle ou telle personne. Il avait donc laissé Sh'rin le représenter et porter sa voix auprès du Général, pour mieux profiter de la vie. Il ne se l'avouait pas véritablement, mais il s'était aussi éloigné à cause d'elle.

- J'arrive, répondit le Conseiller d'une voix joviale. Excusez un infirme, je vous prie.

Il se hissa en selle avec souplesse, et offrit un sourire éclatant aux hommes qui se trouvaient à ses côtés. Tous savaient de quoi il était capable, pour l'avoir vu chasser deux ou trois fois. Certes, sa jambe blessée ne lui permettait pas de courir, et de se lancer dans une traque effrénée, mais il était bon tireur et il savait maîtriser sa monture avec talent. On aurait dit qu'il comprenait les animaux qu'il traquait, et qu'il savait entrer dans leur tête pour anticiper leur prochain mouvement. Si beaucoup étaient surpris de ses compétences, les hommes du rang qui participaient aux sorties ne pouvaient qu'être impressionnés. En effet, ils comprenaient que pour lui, la chasse et la guerre n'étaient pas très éloignées. Et après avoir pu observer son efficacité à piéger un lapin ou un chevreuil, ils ne pouvaient que frémir en imaginant ce qu'il avait infligé aux rebelles dans l'Est. A ses côtés, le marchand Terence arriva, vêtu d'une tenue tout à fait appropriée à ce qu'ils s'apprêtaient à faire. Il tenait en main un arc ouvragé, et paraissait avoir retrouvé un peu le sourire, même si son rictus était davantage d'orgueil que de plaisir :

- Allons bon, Conseiller. On m'a dit que vous étiez doué pour la chasse, que diriez-vous d'un pari ?

Pazrhdan pouffa de manière insultante, et le marchand le dévisagea avec mépris. Le premier répondit :

- Je ne parie que ma vie, maître Terence. Que vaut donc le reste ?

Les soldats, peut-être excédés par toutes ces histoires d'argent, se fendirent d'un large sourire. Les autres marchands ne furent pas en reste, contents de voir ce nouveau concurrent un peu agaçant être remis à sa place. Les cavaliers se mirent donc en route, droit vers l'Ouest, longeant la rivière pour espérer trouver du gibier. Pazrhdan leva le nez, et inspira ce bon air frais qui sentait bon l'herbe, la nature, la pureté, contrairement à celui du camp qui sentait la boue, les excréments, et l'humain. Il sourit pour lui-même, et reprit en chœur une chanson de marche bien connue dans l'armée. La journée s'annonçait magnifique.


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Comptoir Oriental Femme_11

Sh'rin s'inclina légèrement quand la marchande lui annonça qu'elle souhaitait aller se changer, et qu'il lui faudrait une petite heure pour cela. C'était un délai que la jeune femme considérait comme tout à fait exagéré, mais puisqu'elle avait des affaires à traiter et des "instructions" à donner, on ne pouvait pas douter de sa sincérité. D'ailleurs, la Conseillère n'en doutait pas, mais elle avait simplement en tête le risque d'une attaque soudaine et violente, et se demandait combien de temps la marchande prendrait pour s'emparer d'une arme et venir rejoindre les défenseurs si d'aventure ils étaient soumis à un assaut. Ce n'était pas qu'elle méprisait ceux qui ne combattaient pas, ou qui n'étaient pas constamment prêts à la guerre, mais elle les jugeait simplement inconscients du danger, a fortiori dans un endroit comme celui-ci, en territoire ennemi, où ils pouvaient être attaqués d'un instant à l'autre.

- Je vous retrouverai ici dans une heure. Madame.

Elle s'éloigna d'un pas militaire. Il était curieux de l'observer, car elle était habillée de manière assez simple, sans apparat et pourtant elle ne ressemblait en rien aux soldats qui servaient sous les drapeaux. Elle était par trop raffinée, par trop élégante pour cela. Ce mélange curieux de noblesse et de sobriété était étonnant, pour ne pas dire dérangeant. On aurait dit une gamine gâtée décidant de jouer à la guerrière, et beaucoup de membres du Conseil la regardaient de cette façon, la jugeant davantage sur son apparence que sur son fond. Bien décidée à ne pas perdre de temps, elle se dirigea vers le navire qui venait d'arriver, et assista les hommes qui déchargeaient le matériel. Certains étaient des esclaves, d'autres des navigateurs, mais elle se fondit parmi eux sans se soucier de leurs regards surpris. D'ordinaire, les membres de la noblesse ne se mettaient pas à la tâche avec une telle ardeur et une telle spontanéité.

- Où devons-nous déposer les vivres ?

Elle leva la tête vers l'esclave qui venait de l'interpeler. N'importe quel noble se serait formalisé de ne pas être appelé par un titre à la hauteur de sa réputation : Maître, Ma Dame, Sire, Votre Altesse... Certains de ses voisins le regardèrent avec appréhension, craignant que la jeune femme qui, après tout, était armée d'une épée, et qui paraissait investie d'une autorité qui dépassait de loin celle d'un simple soldat, se formalisât d'un tel oubli. Elle le dévisagea un bref instant, avant de lui désigner tout simplement le seul bâtiment "en dur" du campement :

- Là-bas. Demandez la réserve, et mettez la caisse avec les autres. Attention, vérifiez à mettre ce qui est périssable sur le dessus.

L'esclave hocha la tête avec servilité, et s'éloigna en chancelant à cause du poids de son chargement. Sh'rin l'imita bien vite, transportant avec un autre homme une caisse contenant les biens du marchand d'argent. Le minerai pesait une tonne, et elle sentit ses bras la lancer affreusement, tandis que l'imposant esclave qui lui faisait face paraissait supporter la tension sans la moindre difficulté. Elle ne rechigna pas à la tâche toutefois, et sa détermination était si forte que personne n'osât lui proposer de l'aide, de peur de la vexer. Elle travailla donc pendant une heure, avant d'abandonner ses compagnons pour une tâche qui retiendrait toute son attention pour les heures à venir. En chemin, elle regretta de n'avoir pas prévu un instant pour se délester de la sueur et de la poussière, et éventuellement pour s'étirer après un effort si soutenu. Essuyant son front sur sa manche, elle remit de l'ordre dans sa coiffure et s'arrêta face à la tente de la marchande, à une distance respectable.

Maître Myzcar sortit de la tente de la nouvelle arrivante, d'un pas vif malgré son âge avancé. Il salua la jeune femme d'une élégante courbette d'une autre époque, et la Conseillère lui répondit avec un sourire pincé. Il avait très rapidement compris que, de par ses origines orientales, elle était plus traditionnelle que les gens habitant dans le centre et l'Ouest du pays. Lui avait été éduqué selon un modèle qui n'avait plus cours aujourd'hui, mais qu'il se plaisait à offrir à la jeune femme chaque fois qu'il la croisait. Elle, un peu interloquée par son attitude bienveillante à son égard, ne savait trop que répondre, et elle se contentait de lui rendre son salut, sans insister davantage. Elle se méfiait des marchands, et ils avaient de toute évidence compris que, puisqu'elle superviserait les négociations, il valait mieux se montrer agréables pour la mettre dans leur poche. Elle se sentait donc presque insultée à chaque fois que quelqu'un avait une attention particulière pour elle, y voyant immédiatement une façon de l'amadouer.

Ce qu'elle regrettait le plus était de voir que l'autre Conseiller, Pazrhdan, n'avait pas le même problème avec les marchands. Il s'était instantanément attiré leur mépris, teinté d'une forme de crainte, car tous savaient que derrière ce sourire que la jeune femme trouvait insupportable, se cachait une dangerosité clairement perceptible. Il connaissait l'étendue de ses prérogatives, et il n'entendait pas se laisser manipuler par les marchands. En s'imposant comme antipathique, il avait naturellement détourné l'attention sur elle, et elle sentit une bouffée de colère naître en elle. Curieusement. Sh'rin était douée pour maintenir ses émotions à un niveau stable. Dans sa tribu, la neutralité du comportement était une vertu, et il fallait être constant, calme et discret. La vie difficile des siens n'autorisait pas à perdre de l'énergie dans de futiles disputes, et il fallait se concentrer exclusivement sur la survie et la guerre. Pourtant, elle n'arrivait pas à demeurer calme quand elle pensait à lui. Peut-être à cause du baiser qu'ils avaient échangé, deux jours plus tôt.

Elle ne savait toujours pas quoi en penser. Sh'rin avait toujours eu une vision claire de sa position. En tant que fille du chef d'un clan, elle était comme son frère aîné promise à un mariage arrangé qui servirait à consolider des alliances territoriales. Son père lui avait présenté plusieurs prétendants, mais elle n'avait pas su faire un choix. Non pas qu'ils lui déplaisaient, mais elle n'arrivait pas à ressentir quoi que ce fût pour eux. Ils étaient aussi froids qu'elle pouvait l'être, et partageaient sa conception de la vie. Il s'agissait d'unir deux êtres de chair et sang, mais deux pierres auraient eu plus de sentiments l'une pour l'autre. Sh'rin n'avait pas su quoi répondre à son père, qui avait décidé de lui laisser le temps de la réflexion. C'était sans compter sur la guerre, les combats, et l'envoi de la jeune femme à Blankânimad pour y représenter les siens.

Dès lors, elle avait oublié toute notion d'amour, et tous ceux qui avaient souhaité se rapprocher d'elle avaient été éconduits poliment mais fermement. Elle n'était pas prête à tomber amoureuse, ce qu'elle souhaitait c'était de faire un bon mariage pour faire honneur à son père et pour aider sa tribu. Le reste ne comptait pas vraiment. Et puis il y avait eu le voyage, et Pazrhdan. De tous les Rhûnadan qu'elle avait rencontrés, il était le plus étrange, le plus incompréhensible, et le plus ridicule. Il faisait le pitre alors qu'il détenait une grande responsabilité, parlait à son chien sans se soucier de ce que pouvaient penser les hommes, et paraissait se moquer de tout et de tout le monde. Elle le trouvait immature, irresponsable, et inutile considérant sa jambe blessée. Elle ressentait un mépris innommable pour lui, et il l'horripilait constamment. Pourtant, quand il l'avait embrassée...

- Hmm ? Lâcha-t-elle en sursautant, revenant brutalement à la réalité.

C'était la marchande. Elle avait passé une tenue un peu plus appropriée aux travaux manuels, et elle paraissait déterminée à faire bonne figure, à travailler comme les autres pour contribuer à la vie du camp. De toute évidence, elle avait perçu le trouble de la jeune femme, mais quoi qu'elle en pensât, elle eût l'élégance de ne rien dire, et de continuer comme si de rien n'était. Sh'rin s'éclaircit la gorge, et répondit :

- Vous pouvez venir, comme il vous plaira. Curieusement, elle s'était adressée directement à l'esclave, avant de revenir à la marchande : Mais vous apprendrez qu'ici, nous sommes tous en sécurité.

Entendre ces mots de sa bouche était curieux, si on avait noté qu'elle ne se promenait jamais sans une arme sur elle. Mais en vérité, elle était sincèrement convaincue de ce qu'elle avançait. Le Général avait posté des hommes qui patrouillaient partout dans le camp, et ses règles étaient strictes : si un marchand en assassinait un autre, les représailles seraient terribles et sanglantes. Il avait le droit de vie et de mort sur n'importe quelle personne ici, et pire : il pouvait les bannir du camp et saisir leurs marchandises. Au vu de leur position, il était impossible de survivre plus de quelques jours à l'extérieur, et personne ne souhaitait se ruiner pour si peu. Esiria apprendrait bien vite que la confiance était la seule chose qui leur permettrait d'arriver au bout de leur entreprise... du moins, c'était l'espoir qu'entretenait naïvement Sh'rin.

- Quant à votre second serviteur, qu'il aille aider à décharger les marchandises. Tous les bras seront bienvenus.

Puis, une fois ces menus détails réglés, elles se dirigèrent vers la partie du campement réservée à l'exploitation agricole. Ce n'était qu'une maigre culture, au regard de leurs besoins, mais il y avait beaucoup de travail pour s'assurer que les plants allaient donner quelque chose. Ils avaient été plantés dans une terre martyrisée par l'hiver interminable qui s'était abattu sur la Terre du Milieu, et il avait fallu des soins constants pour arriver à une première récolte insuffisante mais porteuse d'espoir. Sh'rin tourna la tête vers la femme qui l'accompagnait, surprise par sa question :

- De nouvelles, je n'en ai pas, hélas.

Elle s'interrompit, comme si elle avait terminé, mais de toute évidence Esiria souhaitait en savoir plus. Ou à tout le moins, elle souhaitait engager un dialogue. Ce n'était pas véritablement quelque chose que la jeune femme appréciait, mais puisqu'elle était amenée à parler d'un sujet qu'elle connaissait et qui lui tenait à cœur, elle jugea qu'il était possible de lui donner davantage d'explications. Et puis, on ne pouvait jamais savoir, elle avait peut-être un véritable intérêt à apprendre la situation méconnue de l'extrême-orient.

- Quand nous sommes partis, les combats continuaient à faire rage. Le danger est grand, et les miens combattent chaque jour pour préserver le cœur du royaume. Je suppose que si la Reine n'a pas envoyé de renforts, la situation ne peut qu'être pire.

Un nouveau regard à la marchande. Elle ne paraissait pas satisfaite, et elle paraissait attendre quelque chose de plus. Une information en particulier ? A moins qu'elle ne fût simplement intéressée par la jeune femme, et qu'elle la fît parler pour apprendre à mieux la connaître ? Sh'rin se sentit un peu piégée, tout à coup, et regretta d'en avoir tant révélé. Elle conclut en une phrase :

- Mais nous y ferons face, comme d'habitude.

Ce "nous" était plutôt un "ils" dans sa voix, et on sentait bien qu'elle regrettait de ne pas pouvoir être sur le front avec les siens. Sh'rin, en dépit de son physique de femme de cour, était une guerrière au fond. Dans sa tribu, on la jugeait parfaite pour le rôle qu'elle jouait, car elle était belle, intelligente et éduquée. Hélas, elle vivait son exil à Blankânimad comme une véritable torture, et elle ne s'y soumettait que parce qu'on avait su la convaincre de l'importance de cette mission. Mais si elle avait pu affronter les rebelles au corps à corps, comme son frère et son père, elle l'aurait fait avec davantage de plaisir. Le regret et la lassitude se peignirent sur ses traits, si bien qu'elle changea de sujet rapidement :

- Qu'en est-il de vous, madame ? Je n'ai pas le plaisir de vous connaître, hélas. Mais je vois que vous portez le deuil, veuillez accepter mes sincères condoléances.


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