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 L'enfance est un voyage oublié [Passé]

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Nathanael
Espion de l'Arbre Blanc
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Nathanael

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L'enfance est un voyage oublié [Passé]  EmptyMar 28 Avr 2015 - 21:22

Une pluie fine arrosait de perles d’argent les larges arbres qui les entouraient et formaient au-dessus de leur tête d’immenses colliers de feuilles aux reflets de cristal. L’eau embrassait l’écorce, glissait le long des troncs et rejoignait le sol en un chuintement régulier. Les gouttes s’abattaient sur l’imposant feuillage et faisaient chanter toute la frondaison alentours comme si la forêt elle-même murmurait de lointaines chansons pour bercer les hommes. Une paix étrange flottait dans l’atmosphère alors que quelques centaines d’années auparavant de violents évènements avaient souillé irrémédiablement les terres d’Isengard. Alienor avait maintes et maintes fois entendu parler de Saruman le sage, le magicien blanc au cœur noir, un être cruel et despotique qui avait assouvi sa soif de pouvoir en asservissant toute chose et en détruisant chaque obstacle qui se dressait sur sa route. Puis il y eut les Ents, ces arbres mouvants et parlant, chantant et narrant de vieilles légendes et rappelant à la mémoire un passé oublié où des êtres surnaturels peuplaient encore les Terres du Milieu. Les Ents les avaient côtoyé, les ancêtres des elfes et des hommes, la source de toute vie, connaissant les méandres du passé, chaque facette du présent, et pouvant deviner les contours de l’avenir. La jeune femme avait du mal à se représenter les origines de l’humanité. L’idée était difficilement concevable même si elle lui plaisait beaucoup. Les fables du vieux cuisinier savant lui permettaient de s’évader de son triste quotidien, banalité ininterrompue depuis son départ d’Edoras.

La route jusqu’en Isengard avait été vécue comme une aventure merveilleuse par Alienor, jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle continuerait inlassablement de préparer des plats pour les autres et qu’elle n’aurait jamais d’emprise sur son destin. Le cercle de verdure qui les entourait à proximité de la tour d’Orthanc avait néanmoins quelque chose de magique. Alors qu’à Edoras seuls des hommes s’étaient battus pour la liberté et pour leurs terres, ici des forces ancestrales et des races étranges s’étaient opposées pour des idées et des territoires qui la dépassaient. IL y avait eu un mage, des hommes arbres et des elfes peut-être … elle n’en était pas sûre, mais elle avait envie d’y croire. Elle avait entendu les gardes parler des Ents même si elle n’avait pas eu la chance de les voir de ses propres yeux. Le jeune roi les avait rencontré, mais sa position lui interdisait toute question déplacée. Elle préparait les plats, aidait au service, récupérait les écuelles et s’affairait à la plonge, au bord du ruisseau. Elle n’avait d’ailleurs que très rarement approché Fendor. Aussi-jeune était-il, il n’en demeurait pas moins leur roi, et tout était fait pour qu’une distinction claire soit établie entre les enfants de sang royal ou noble et les autres personnes qui les servaient. Un étranger, sans doute, n’aurait pas cerné ces distinctions de façon si précise, mais dans l’esprit des Rohirrims, tout acte aussi subtil soit-il était sans équivoque possible, on ne mélangeait pas les torchons et les serviettes.

Alienor eut un soupir tandis qu’elle mettait à sécher l’un des derniers verres utilisés pendant les services quotidiens. Elle resta accroupie un moment à contempler l’eau clair qui s’ébrouait sur les rochers comme autant de vagues impétueuses, projetant de petites éclaboussures en suspension qui retombaient en cercles éphémères dans la turbulence du torrent. Un jeune merle se rapprocha du bord, sur l’autre berge, et la regarda d’un œil curieux et attentif. Les oiseaux semblaient plus nombreux ici que dans les steppes du Riddermark. Ils étaient plus colorés également et semblaient plus rieurs, pépiant et gazouillant sans interruption. Elle n’aurait su dire pourquoi mais il semblait à Alienor qu’une énergie protectrice baignait l’Isengard malgré les sombres heures du passé. Il était inconcevable en ce jour de penser à l’immonde noirceur décrite par les anciens, au feu et aux flammes dévorant les arbres pour alimenter de lourdes machines de guerre et pour mettre sur terre les terribles Huruk-Hai. Le cuisinier, et Harding aussi, elle s’en souvenait, les lui avait décrits comme des orcs plus grands et plus féroces, n’ayant crainte ni du jour ni de la douleur, servants indéfectibles de la cruauté de leur maître. Alienor ferma les yeux pour dissiper de son esprit ces sombres images. Les trompettes de guerre et les bruits des épées refluèrent dans les dédales de son imagination et elle perçut de nouveau le bruit de l’eau et celui du vent dans les feuilles.

- Alienor, les jumeaux s’ennuient et le petit maigre se plaint d’avoir faim. Apporte lui quelque chose histoire qu’on ne le rende pas plus frêle qu’il n’est à sa mère, je veux pas avoir de comptes à rendre à Mortensen et à sa nouvelle femme.

Le cuisinier avait déjà en main pique et longues cuillères pour préparer le prochain dîner. Il était imperturbable, s’attelant à sa tâche sans jamais rechigner. Il était grand et encore assez beau pour quelqu’un de son âge. Ses longs cheveux dorés prenaient doucement des teintes d’argent et ses yeux rieurs reflétaient toute la bonhomie de son âme. Il avait toujours un sourire au coin des lèvres, mais ces traits joyeux n’enlevaient rien au sérieux qu’il apportait à son travail et aux responsabilités qu’il portait sans contrainte sur ses épaules. Il était juste et franc, les réprimandes étaient toujours méritées mais il n’était pas avare de compliments quand on donnait le meilleur de soi-même. Alienor l’appréciait beaucoup mais elle ne put retenir un petit soupir lorsqu’elle fut tirée de ses rêveries solitaires.

La jeune femme ramassa les assiettes et les verres en bois ou en terre, sculptés ou façonnés pour les longues expéditions royales et les campagnes militaires. Trois ou quatre feux ronflaient déjà sous de lourdes marmites en fonte, le bois encore humide dégageait une fumée âcre qui chatoyait en longues serpentines avant de s’évanouir au-dessus du faîte des arbres. Alienor rangea ustensiles et couverts puis elle prit deux pommes et quelques tranches de jambon fumé pour les porter aux deux garçons. Eofyr et Eogast tantôt l’amusaient, tantôt l’exaspéraient. Ils avaient l’ardeur des garçons de leur âge, remuant sans cesse, débordant d’une énergie non dissimulée même si Eogast faisait souvent preuve de plus de retenue. Il n’en demeurait pas moins espiègle et facétieux, et, conscient de ses charmes enfantins, il en usait et en abusait au nez de toutes les grandes personnes. Alienor n’avait pas encore l’autorité propre aux adultes qui freinent les idées saugrenues de deux farceurs et elle se retrouvait souvent dépassée par leurs manigances et leur imagination débordante. Et pourtant, quand les journées lui paraissaient trop longues, quand l’envie d’être ailleurs et de disparaître s’emparait de tout son être, les deux garçons venaient la distraire et savaient pertinemment comment faire réapparaître le sourire sur ses douces lèvres. A peine plus haut que trois pommes, Eogats et Eofyr s’essayaient chacun à leur tour pour la charmer, non pas pour la faire tourner chèvre, mais bien pour estimer leur séduction enfantine sur une belle jeune fille. Quand Alienor disposait de temps elle se prêtait au jeu, mais elle manquait souvent de liberté pour rester auprès d’eux et elle leur répondait alors par une brève grimace avant de reprendre son labeur.

Les jumeaux grommelaient au bord du ruisseau, surveillés de près par un soldat à la mine sérieuse, voire quelque peu agacée. L’heure du souper approchant à grand pas les jeunes garçons avaient fini leur enseignement quotidien mais ils n’avaient apparemment trouvé aucune distraction satisfaisante en attendant l’appel pour le repas. Eofyr passait ses nerfs sur d’innocents cailloux qu’il jetait avec force le plus loin possible jusqu’à l’autre berge tandis qu’Eogast se perdait dans la contemplation de quelques roseaux faméliques tourmentés par les remous de la rivière.

- L’on m’a dit que monsieur Eogast avait une faim de troll et que monsieur Eofyr aimerait bien grignoter quelque chose.

Alienor surprit les deux garçons qui eurent un léger sursaut avant de lui adresser un adorable sourire capable de faire fondre le plus monstrueux des orcs. La faim faillit leur faire oublier les bonnes manières. Aliénor les rappela gentiment à l’ordre avant de leur donner à chacun une pomme et un peu de jambon fumé. La jeune femme serait sans doute restée un peu plus longtemps en leur compagnie, souhaitant passer un peu de temps avec des enfants qui n’attendraient rien d’autre d’elle qu’un regard ou un sourire, tout au plus une réaction à l’une de leurs aimables bêtises. Mais l’un des gardes la fit mander, le cuisiner l’appelait pour la seconder auprès d’une marmite, il était temps que les bras s’activent pour finir de préparer le repas et servir les hommes. Alienor laissa glisser son regard sur les deux garçons et prit sur elle pour délaisser l’innocence de l’enfance et s’attacher aux labeurs de la vie d’adulte.


Dernière édition par Nathanael le Jeu 3 Sep 2015 - 9:59, édité 1 fois
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L'enfance est un voyage oublié [Passé]  EmptyJeu 21 Mai 2015 - 17:34
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#Eofyr                                #Eogast

Eofyr et Eogast se prélassaient au bord de l'eau depuis la fin de leurs leçons. Un vieux soldat à la mine fermée et à la patience très fine remplaçait à leurs côtés leur garde du corps habituel quand celui-ci était encore à l'entrainement ou prit par d'autres obligations. Et ils n'avaient jusqu'à maintenant pas réussi à le dérider ne serait-ce que d'un sourire. Cet homme ne devait vraiment pas apprécier les enfants car depuis qu'il les avait récupérés à la sortie de leur leçon avec le précepteur, il avait cette tête qu'affichaient les gens forcés à avaler un bol de cyanure... ou de fourmis écrasées. Et ce rabat-joie avait gâché leur dernière farce ! Entre eux, il l'appelait "Ronchon".

« - Eofyr, j'ai faiiiiiim.... » geignit pour la sixième fois Eogast sans pour autant daigné bouger d'une oreille de son petit promontoire.
- Roooh, tais-toi ! On est pas prêt de manger non plus ! répliqua sèchement son frère en jetant un énième caillou dans la rivière, juste l'angle qu'il fallait pour éclabousser Ronchon.
- Je m'ennuiiiis ! J'ai oublié mon recueil de poèmes à la maison !
- Les rohirrim sont des guerriers pas des poètes ! T'es pas un elfe que je sache !
- Et toi t'es une tête de pioche ! Tu crois qu'on gagne les batailles en fonçant dans le tas comme ces gros bourrins d'Hommes de Dun ? Non Môsieur, il faut un cerveau pour ça ! Et un cerveau ça se cultive !
- En lisant des trucs pour fille ? Beurk !
- La poésie c'est pas des trucs pour filles ! Le grand capitaine Faramir, l'époux d'Eowyn, aimait lire des poèmes ! Je l'ai lu dans Mémoires de la Dame du Rohan ! »


Cependant, la dispute s'arrêta là. Comme souvent, Eogast cédait face à son frère pour éviter le conflit, mais là, il ne changerait pas d'opinion : si le livre le disait, alors c'était vrai. Les garçons, malgré de nombreuses divergences de points de vue, ne se battaient jamais. Se chamaillaient souvent, mais ne se battaient jamais... et cela ne durait jamais bien longtemps non plus. Et surtout ils tenaient là un bien meilleur sujet de conversation.

« - Tu as lu le livre de Maman ?! s'exclama Eofyr.
- L'histoire de Dame Eowyn retranscrite par Elboron en personne ! Son propre fils ! Tu crois que j'allais louper ça ?!
- Mais Maman avait dit "pas avant que tu entres en apprentissage", non ?
- Si... mais je l'ai rapporté dans la chambre en douce lors de la grande fête pour l'ambassadeur la dernière fois. Tout le monde était occupé.
- Tu sais pourtant que c'est un copie rare ! Si Maman trouve son précieux livre sous ton lit, je nierais toute implication... »
ronchonna Eofyr, visiblement peu pressé d'imaginer ça.

Finalement le silence revint entre les garçons, chacun s'occupant à tromper son ennui à sa façon.

- L’on m’a dit que monsieur Eogast avait une faim de troll et que monsieur Eofyr aimerait bien grignoter quelque chose.

« - Alienor !!! » s'exclamèrent aussitôt les jumeaux en se précipitant vers elle, une joie sans borne sur leurs visages.

Leur manque de tenue leur valut pourtant une réprimande d'Alienor ainsi qu'un regard réprobateur de Ronchon. Ils affichèrent une mine contrite à l'une en ignorant superbement l'autre. Et il acceptèrent l'en-cas avec beaucoup de gratitude.
Mais vite, bien trop vite, Alienor dut retourner à ses corvées, laissant de nouveau les jumeaux à leur ennui.



Et pourtant, deux heures à peine après le repas, Alienor et les filles de cuisine virent brusquement débouler entre les tables les deux garçons de Dame Aelyn. Légèrement échevelés, ils jetèrent un œil à droite, un œil à gauche et se précipitèrent en direction de la demoiselle pourtant fort occupée à trier et ranger la vaisselle. Ils riaient étrangement discrètement avec cet air conspirateur de ceux qui venaient de jouer un bon tour. Arrivés à la hauteur d'Alienor, il se mirent à quatre pattes et se faufilèrent sous la table, vérifiant qu'ils étaient parfaitement dissimulés sous la grande nappe écrue.

- Messires ?... Messire Eogast ? Messire Eofyr ?

Cette voix était reconnaissable entre toute, c'était celle du soldat officiellement attaché à la sécurité des deux enfants. Le pauvre Sealig semblait totalement paniqué. Il courait d'un côté à l'autre du camp à la recherche frénétique des garçons. Il avait égaré les beau-fils du vice-roi... S'il leur arrivait le moindre malheur juste durant ce laps de temps, sa carrière serait terminée... enfin il était plus sûr encore que Gallen aurait sa tête et la planterait au bout d'une pique sur le parvis de Meduseld. Il en venait à alternativement menacer et supplier les jumeaux de se montrer. Le visage du jeune homme, mangée par une barbe précautionneusement entretenue pour le vieillir au mieux, perdait sérieusement de ses couleurs au fur et à mesure que ses appels demeuraient sans réponse. Il semblait au bord de la crise d'angoisse.
Il avait obtenu ce poste à seulement 20 ans en récompense à un acte de courage remarqué et de bonnes recommandations mais il avait véritablement plus du guerrier que de la gouvernante. Tant qu'Aelyn était là, son rôle se bornait à celui de garde du corps mais puisque  qu'elle et le Vice-roi n'était toujours pas revenus de leur voyage au Gondor, il avait dû endossé le rôle de nounou... Et il y avait des jours où ce n'était pas simple... Vraiment... C'était comme garder des petits frères indisciplinés avec un risque non négligeable de mourir prématurément en cas d'échec.

Les garçon ricanèrent discrètement aux pieds d'Alienor et lui tirèrent discrètement sur la jupe pour attirer son attention. Ils savaient parfaitement comment en faire une complice de leurs bêtises. Ils étaient bien rodés. Eofyr lui fit un "chut" en posant un doigt sur le sourire amusé qui ornait son visage tandis que son frère cadet affichait sa meilleure tête de chiot abandonné comme il savait si bien le faire.
Un énième appel de leur nom leur fit étouffer un nouveau rire entre leurs mains. Les deux petits monstres semblaient très satisfaits de leur coup.

Plusieurs longues minutes s'écoulèrent quand une des aides de cuisine eut pitié du pauvre jeune homme qui frôlait l'infarctus et lui indiqua discrètement la cachette des jumeaux. Aussitôt, Sealig bondit dans la direction indiqué et, d'un geste vif souleva le pan de nappe pour dévoiler les deux garçons recroquevillés l'un contre l'autre qui laissèrent échapper un glapissement de surprise.

- Messires ! A votre âge, je ne devrais pas avoir à vous courir après ! Je suis censé vous protéger, comment le pourrais-je si je ne sais même pas où vous trouver ?! Que dirait votre mère si elle vous voyait agir ainsi ?! s'énerva clairement le jeune homme.

Les fils d'Hengest affichèrent immédiatement leur mine la plus piteuse.

« - Désolé Sealig. C'était juste pour rigoler.
- Soit pas fâché Sealig, s'il te plait... »


Sous les gémissements des deux garçons réunis, le jeune homme finit par céder avec un long soupire.

- D'accord, d'accord. Juste... ne recommencez pas. On se comprend bien ? Votre mère m'arracherait la tête s'il vous arrivait quelque chose.

« - Mais non, Maman est la plus gentille dame du monde, Sealig. »
jura Eofyr.

Le soldat eut un ricanement à mi-chemin entre l'amusement et l'ironie.

- Je n'en doutes pas Messire Eofyr mais elle tient trop à vous pour que je prenne le risque.

Finalement les deux garçons s'extirpèrent de sous la table pour se placer de part et d'autre d'Alienor. C'est seulement alors que Sealig se rendit compte de la position dans laquelle il était : agenouillé à quelques centimètres seulement des jambes de la jeune fille, le pan de nappe qu'il avait tiré toujours à la main et ayant envoyé valser un mètre plus loin une bonne partie du travail de la demoiselle par son geste précédent.
Le visage du jeune homme prit une très brusque teinte rouge vive qui s'étalait de ses oreilles à son cou. Il se releva d'un bond, comme si un serpent l'avait mordu, et s'éloigna d'un bon pas dans le même mouvement. Les yeux fixés au sol, il passa une main dans sa nuque pour dissimuler sa gêne et marmonna une excuse tellement étouffée qu'elle resta totalement incompréhensible.
Les jumeaux ricanèrent derrière les jupes d'Alienor, chuchotant et gloussant tout à la fois en se dissimulant à peine alors qu'ils admiraient le jeune homme tenter de remettre de l'ordre dans le bazar qu'il avait fait sur la table avec une maladresse presque douloureuse à regarder.


L'enfance est un voyage oublié [Passé]  Aelyn-16


Dernière édition par Aelyn le Mer 29 Avr 2020 - 2:02, édité 20 fois
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Nathanael
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L'enfance est un voyage oublié [Passé]  EmptyVen 12 Juin 2015 - 20:30
L'enfance est un voyage oublié [Passé]  Alieno11

Elle avait les mains fripées. « Comme une vieille rohirrime arrivée au bout du chemin ». La jeune femme soupira. Sa jeunesse, sa beauté et ses grands yeux bleus étaient perdus dans les chaudrons du labeur. Elle passait ses journées à préparer des légumes, à les laver, à mettre le couvert, à débarrasser, à  secouer les nappes, laver la vaisselle, la mettre sécher, la ranger, et recommencer juste avant le prochain repas. Si près de Fangorn, si près de cette forêt majestueuse regorgeant de créatures insolites, merveilleuses, légendaires … elle devait se contenter de nettoyer les restes des nobles d’Edoras et de leur progéniture chérie. Le cuisinier devait la réprimander de plus en plus souvent afin de la rappeler à l’ordre, perdue dans ses rêveries. Elle avait eu droit à un sermon sur les chances qu’elle avait d’être si bien lotie, loin de la misère des plaines et de la vie difficile des bergers. Oui, elle s’en souvenait, aussi loin que pouvait remonter sa mémoire. Elle se souvenait de la vie rude sous la tente, ou quelques fois dans un abris un peu moins sommaire, elle se souvenait du bêlement des brebis et du tintement de leurs cloches, de l’ondoiement des hautes herbes sous la caresse du vent, des dessins formés par les nuages dans un ciel d’azur sous le soleil du printemps. Elle se souvenait du goût de la liberté, de l’odeur des courses folles dans les prairies immenses, des parties de cache-cache dans les collines environnantes, et des rares baignades dans l’Anduin ou dans les petits cours d’eau autour d’Edoras. Elle se souvenait de tout et plus encore.

- Alienor ! C’est pas vrai ! Même quand je te parle c’est à peine si tu m’écoutes. Reprend toi ma jolie, ou ton frère va regretter de t’avoir si bien placé. J’en connais un paquet qui rêverait de te voler la place.

Alienor en eut presque les larmes aux yeux. Elle avait conscience que sa place était bonne, que le travail, bien que répétitif, n’était pas si dur, qu’elle n’avait pas à courber le dos pour labourer quelques champs, ou à se griffer les mollets pour conduire les bêtes dans les ronces, et pire encore, elle savait qu’elle avait la chance de ne pas avoir à ouvrir les cuisses pour gagner sa vie comme ces pauvres femmes exilées aux confins des villages ; sexuellement abusée et socialement rejetée. Tous les Rohirrims n’étaient plus empreints d’honneur et de dévotion, elle était loin l’image d’Eomer et des cavaliers rugissant dans le Riddermark au nom de valeurs ancestrales. Harding lui avait raconté bien des histoires à ce propos, narrant avec fougue les combats épiques que se livraient les hommes sous la menace du nécromancien, il y a fort longtemps. Mais la bravoure ne servait plus aux Rohirrims que pour s’entretuer sous l’égide de bâtards et d’un roi légitime à peine plus aguerri qu’un enfant sortant du berceau. Où était-il le Rohan des légendes, aux guerriers braves et loyaux, se battant pour la liberté de leur peuple ? Alienor releva la tête et vit l’air déconcerté du cuisiner. Elle fit une moue d’approbation, plus pour éviter la sanction que par réelle conviction. Le cuisiner soupira à son tour, incertain quant à la marche à suivre avec cette gentille tête de mule.

Alienor regagna la table où plusieurs piles d’assiettes et des plats en pagaille l’attendaient imperturbablement. Elle resta un moment les bras ballants face au fardeau qui l’attendait. En s’activant un peu elle finirait avant que le soleil ne disparaisse derrière les montagnes et, enfin, elle aurait un peu de temps pour se tremper dans un ruisseau, à l’abri des regards indiscrets, pour se rafraichir et prendre une toilette bien méritée. Elle s’esquivait en général à la fin de son service, partageant rarement ce moment de repos intime, si ce n’était avec une fille un peu plus jeune qu’elle aux idées moins vagabondes mais qui était toujours prête à l’écouter. Alienor avait les bras dans un grand seau en bois jusqu’aux coudes, s’acharnant après une petite marmite en fonte encrassée par une part de ragoût qui avait trop cuit, brûlée, et qui avait fini pas attacher le fond. Elle s’essuya le front comme elle put alors que la sueur commençait à ourler ses tempes. La chaleur ne se dissipait que bien plus tard dans la soirée, et elle finissait toujours transpirante. Elle s’occupa enfin des assiettes et s’apprêtait à les sécher quand les jumeaux débarquèrent en pouffant de rire entre ses jambes, disparaissant rapidement sous la table. Complice de leurs farces quotidiennes, et trop affairée à sa tâche, elle ne dit mot et continua sa besogne sans émettre aucun bruit, retenant avec difficulté un petit sourire. Une voix masculine appela plusieurs fois les garçons par leur prénom, tantôt suppliant tantôt rageant, puis revenant à une voix plus mielleuse. Le brave homme n’était pas au bout de ses peines.

Alienor ne s’attendait néanmoins pas à ce qu’il bondisse à ses pieds pour soulever le pan de la nappe. Un peu plus et dans la précipitation le jeune homme soulevait également l’ourlet de sa robe et découvrait ses jambes aux yeux de tous. Elle eut un sursaut, regarda Eofyr et Eogast sortir de sous la table puis tourna ses yeux plein de stupeur vers Sealig, qu’elle connaissait de nom mais qu’elle n’avait jamais vu d’aussi près. Elle sentit le regard piquant et moqueur de l’aide de cuisine et le sourire naissant sur les visages alentours. La situation fut des plus malencontreuses mais  Alienor ne savait pas ce qui était le pire : ne rien dire et passer pour une sotte, ou se montrer outrée et briser la réputation du jeune homme. Une étincelle de répartie lui vint à l’esprit et, faisant comme si rien de dramatique ou de déplacé ne venait de se passer elle regarda Sealig droit dans les yeux, avec tout l’aplomb qu’elle pouvait mettre en œuvre.

- Monsieur, c’est bien la première fois que l’on met genou en terre pour me saluer. Mais je vous assure qu’il n’était pas la peine de vous donner tant de mal, on ne fait pas tant d’honneur à une jeune cuisinière de coutume.

Et elle répondit avec un petit sourire amusée en réalisant elle-même une jolie courbette gracieuse quoi qu’imparfaite. Elle jeta un coup d’œil plus grave aux garçons, car s’ils avaient amusé la compagnie quelques temps, ils étaient également la cause de bien des désagréments pour la jeune fille. Il lui faudrait entre autre rincer de nouveau les piles d’assiettes qui étaient tombées au sol. Mais le cuisinier lui vint en aide à propos.

- Messire Eogast et Eofyr, il me semble que votre mère vous a appris à vous comporter avec un peu plus de courtoisie et de respect. Vous resterez avec Alienor pour ramasser les assiettes et l’aider à les ranger comme il faut, que cela plaise à l’étiquette ou non. Sealig, vous serez bien aimable si vous pouviez surveiller ces deux chenapans jusqu’à ce qu’ils aient fini leur tâche !

Et le cuisiner les planta là tous les quatre, repartant ranger ses ustensiles, éteindre les feux puis regagner ses quartiers pour la soirée.
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L'enfance est un voyage oublié [Passé]  EmptyDim 30 Aoû 2015 - 22:07
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#Eofyr                                #Sealig                                 #Eogast

Toute l’attitude de Sealig transpirait le soulagement quand Alienor décida de répondre à sa maladresse par un trait d’humour. Ses yeux d’azur reflétaient toute la gratitude dont il était capable, bien que la gêne colorait encore ses joues d’un rouge soutenu. Il eu pourtant la présence d’esprit de répondre par une autre révérence en direction de la demoiselle et d’ajouter :

- Pour supporter si bien ces deux garnements, vous méritiez bien plus qu’une révérence.

Sa voix n’était pas totalement assurée mais l’effort y était. En jouant le jeu, il s’épargnait une situation bien délicate... du moins l’espérait-il. Les deux garnements en question affichaient eux une mine outrée... qui s’effaça bien vite quand arriva le chef cuisinier, qui semblait bien moins compréhensif que les jeunes gens.

L’homme ne semblait guère ravi du petit tour des garçons et de la pagaille qui en avait résulté... bien que la pagaille soit plutôt du fait de Sealig à dire vrai.

- Messire Eogast et Eofyr, il me semble que votre mère vous a appris à vous comporter avec un peu plus de courtoisie et de respect. Vous resterez avec Alienor pour ramasser les assiettes et l’aider à les ranger comme il faut, que cela plaise à l’étiquette ou non. Sealig, vous serez bien aimable si vous pouviez surveiller ces deux chenapans jusqu’à ce qu’ils aient fini leur tâche !

- Bien, monsieur, répondit immédiatement le jeune homme en baissant la tête.

Sur ces mots, cuisinier repartit aussi sec s’affairer ailleurs. Les garçons affichaient une mine contrite mais, bon joueurs et habitués – contrairement à beaucoup de gamins de la noblesse – à réparer eux-mêmes leurs bêtises, ils prirent docilement place autour de la table pour rattraper le travail perdu. L’un ramassait ce qui était tombé par terre tandis que l’autre les rinçait une à une. Mal à l’aise rester les bras ballants alors qu’il était en partie responsable du désordre, Sealig se joignit à eux.

- Je suis vraiment navré du désordre. Je ne voulais pas vous causer autant de soucis, s’excusa-t-il sincèrement. Vous devez bien vous demander comment un homme aussi maladroit a pu se retrouver à veiller sur les beaux-fils du vice-roi...

Il afficha une moue un peu honteuse et se mit au travail. A eux quatre, ils auraient vite fait de tout terminer.

Le gros du travail se fit d’abord dans un silence presque religieux. Les autres aides de cuisine leur jetaient souvent des regards par dessus leurs épaules. On ne pouvait pas leur en vouloir. Ce ne devait pas être souvent que leur cuisine se voyait doter de tels assistants. Un soldat et deux rejetons de la plus haute société rohirrim, rien de moins, qui plongeaient les mains dans l’eau savonneuse pour récurer des assiettes sales... Certaines semblaient trouver ça très amusant, d’autres, plus rares, semblaient s’inquiéter de cet outrage. Les gamins, quant à eux, ne semblait guère s’en soucier.
La cuisine finit par se dépeupler au fur et à mesure que chacun finissait son travail et les regards se firent moindres.

Après un moment, Eogast finit par prendre la parole, un peu hésitant :

- Dis Alienor, quand Maman et Gal... le Vice-Roi Gallen reviendront du Gondor, tu repartiras à Edoras ou tu resteras ici avec le Roi ? J’ai... j’ai entendu dire que certaines aides de cuisine allaient partir et d’autres non.

Le jeune garçon semblait visiblement embêter d’exprimer la pensée qui justifiait sa question.

- Parfois, on dirait que ça ne te fait pas plaisir d’être là ? Tu n’aimes pas Isengard ? Tu préférerais retourner au Château d’Or ?

Son frère lui donna un coup de coude, manquant de faire de nouveau vaciller la pile d’assiettes fraichement relavée.

- Tais-toi donc, idiot ! Tu crois vraiment qu’on lui demandera son avis ?!

Cela ne sembla guère dissuader son jumeau qui continua sur sa lancée.

- Ou alors c’est la forêt qui te fait peur ? Moi elle me fait un peu peur. On dit que les Ents ne sont plus assez nombreux pour garder les arbres qui bougent et qu’ils peuvent tuer un homme comme on casse une brindille si on parle de feu ou de hache.

La fin de sa phrase avait été murmurée tout bas, comme s’il craignait véritablement que les huorns l’entendent prononcer les mots interdits. Si bas que les trois autres durent se pencher pour l’entendre.

- Pff, trouillard ! répliqua Eofyr, bien fort.
- C’est pas vrai ! Ils sont vraiment dangereux ! protesta l’autre.
- Messire, je vous en prie, pas de dispute ici ! gronda alors Sealig pour avorter une hypothétique bagarre au dessus de la vaisselle.

Le jeune homme regarda alors Alienor en levant les yeux au ciel comme pour invoquer une patience qu’il avait de plus en plus de mal à trouver au fur et à mesure que les jours passaient, mais également un léger amusement. Enfant unique, ces chamailleries fraternelles lui étaient complètement étrangères et il peinait à trouver l’attitude à adopter. D’un autre côté, il ne pouvait que s’amuser de leurs éternelles joutes verbales et leur manière de s’exprimer l’un avec l’autre ou l’un contre l’autre sans demi-mesure.

Finalement, il y eut de nouveau un silence. Cette fois, les deux garçons regardaient Alienor avec insistance. Malgré leur interlude, ils ne semblaient pas avoir oublié leur question.
Il était vrai qu’ils appréciaient Alienor qui, malgré le peu de temps qu’elle avait à leur consacrer, était toujours gentille, attentive et attentionnée à leur égard sans pourtant en faire des tonnes comme certains. Le changement de leur statut social et leur déménagement avait créés de grands bouleversements dans la vie des fils d’Aelyn. Parfois, l’adaptation était difficile et ils se sentaient nostalgiques du passé. Et la demoiselle avait cette qualité supplémentaire de les traiter sans la déférence excessive qui les mettaient si mal à l’aise... Et puis c’était une jolie fille, et c’était un devoir fondamental de faire sourire les jolies filles, non ? Alors donc, la pensée de se séparer de la jeune femme les peinait un peu. Ce ne serait plus pareil sans elle.

Sealig, sans trop vouloir paraitre intéressé par un sujet qui ne le regardait pas, sembla pourtant tendre l’oreille à sa réponse, par curiosité. Il ne connaissait que vaguement la demoiselle et tout à l’heure avait été la plus longue conversation qu’ils avaient pu avoir depuis leur arrivée ici. Mais avec une présence d’esprit salutaire, elle lui avait sauvé la face et sortit tout deux d’un terrible moment de gêne. Il avait une reconnaissance sans borne à son égard... Mais il devait bien avouer que moins il ouvrirait la bouche, mieux ça vaudrait pour lui. Il n’avait jamais été très doué pour discuter avec les filles, encore moins si celles-ci étaient jolie. A part rougir comme un phare et se malaxer la nuque à s’en démettre une cervicale, il ne savait pas faire grand-chose dans ces situations.


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L'enfance est un voyage oublié [Passé]  EmptyVen 4 Sep 2015 - 11:02
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Alienor se renfrogna un peu sous l’ordre du cuisinier. Elle trouvait toujours inconvenant qu’un simple domestique, même s’il était responsable de tout un bataillon en cuisine, se permette de donner des ordres à des enfants nobles. Sa mère lui avait inculqué avec fermeté la conscience des classes et de ce qu’elles représentaient au quotidien. Et le jour où Alienor avait eu le malheur de demander s’il était possible de devenir « autre chose », elle avait eu en réponse des mots cinglants dont la brutalité avait blessé l’orgueil de son enfance : « As-tu déjà vu un vers de terre devenir une étoile ? ». La discussion s’était arrêtée là. Elle s’était alors réfugiée dans les bras de Harding qui était le seul, encore aujourd’hui, à être capable de lui faire entrevoir de la lumière durant les jours les plus sombres. Emportée par ses pensées, elle eut un petit mouvement de surprises lorsque Sealig lui adressa la parole. La jeune femme n’aurait pu être plus lucide.

- Je suppose qu’un de vos proches connaissait de près ou de loin le Maréchal ou sa femme, et que vous avez eu droit à votre chance.

Elle se mordit aussitôt la lèvre. Elle pouvait bien maudire le cuisinier d’outrepasser ses droits, ne venait-elle pas de le faire ? Sealig avait peut-être gagné sa place au combat ou par les voies officielles. De quel droit se permettait-elle de le juger ? N'avait-elle pas, elle-même, bénéficié du soutien de son frère pour obtenir son poste ? Elle baissa immédiatement la tête, bredouilla une excuse inaudible et ne dit plus un mot, prétextant par son attitude et d’un geste de la main qu’il y avait encore beaucoup de travail à faire et qu’il ne fallait pas perdre de temps. Elle se mit à genoux, et, avec l’aide des jumeaux, elle ramassa les piles d’assiettes en bois ou en étain qui avaient pris leur envol. Malgré l’ordre du cuisinier, les garçons ne semblaient pas offusqués et se permettaient encore d’échanger des coups d’œil amusés ou des sourires discrets pleins de malice entre deux ustensiles à rincer.  

Alienor était toute concentrée à sa tâche, son esprit vagabondant déjà dans l’eau fraîche du ruisseau où la promesse du délassement et du repos l’attendait. Les autres serviteurs avaient pour la plupart achevé leurs corvées et ils quittaient les lieux les épaules voûtées et la tête basse, échangeant des murmures, trop fatigués sans doute pour parler à haute voix. Les journées étaient éprouvantes, répétitives. La lassitude s’abattit brusquement sur la jeune femme et elle ne put retenir un soupir à fendre l’âme. En regardant passer les assiettes une à une, elle se rendit compte qu’elle les connaissait presque toute individuellement, chacune ayant des marques distinctives : celle-ci était ébréchée à deux endroits, l’autre était fendue sur quelques millimètres, une autre encore présentait des formes étranges sur l’ombilic car elle avait du être taillée dans une pièce de bois aux nombreux nœuds et celle qu’elle tenait avait été tellement utilisée qu’elle présentait des traces d’usure là où de nombreuses lèvres s’étaient aposées. Pire encore, sans doute, en les prenant simplement en main, elle savait si elle tenait les assiettes pour les entrées ou plats de résistance de la cour royale, si elle tenait une assiette réservée aux hommes en arme, ou encore, aux domestiques. Et tandis qu’elle reposait un couvercle de présentation sur la table elle se promit de fuir cette condition misérable et de faire mentir sa défunte mère en s’extrayant de la gangue de pauvreté pour atteindre les reflets d’or de Meduseld.

Eogast rompit le silence cérémonieux dans lequel ils s’étaient tous enfermés pour accomplir leur tâche. Elle allait répondre mais les jumeaux s’étaient déjà lancés dans une querelle enfantine à laquelle le jeune soldat mis fin avec moins d’autorité qu’il ne l’aurait espéré. Elle aurait aimé, plus jeune, que l’on manifeste autant d’attention et de gentillesse à son égard. Elle posa la dernière assiette qu’elle avait dans la main avec un joyeux « Et voila ! », prit sur elle afin de ne pas laisser paraître les tourments qui l’affectaient, et répondit aux jeunes garçons.

- Eofyr a raison, je n’ai pas le choix. Le chef cuisinier reçoit des instructions et ensuite il nous les transmet. Mais c’est lui qui décidera qui reste ici et qui retourne à Edoras.

Quand à sa situation actuelle, au fait de se trouver à Isengard ou ailleurs, sa réponse se transforma finalement en un conte merveilleux, une adaptation fort enjolivée de ce qu’elle avait retenu des récits de Harding et du cuisinier.

- Je n’ai pas peur de la forêt non, mais je ne suis pas rassurée non plus. Vous saviez qu’un grand magicien vivait ici, dans la grande tour d’Orthanc ? J’ai l’impression quelques fois que c’est lui qui nous regarde plutôt que les hommes-arbres. Ils sont pleins d’une vieille sagesse et ils ont vécu plusieurs vies d’hommes. Ils sont les gardiens de la forêt et veillent à sa protection. Mais un jour des orcs et des monstres se sont abattus sur ces terres sous les ordres du magicien pour détruire la forêt et construire des sortes de grandes machines de guerre. C’est là que les Ents se sont réveillés et sont venus se battre. Des arbres qui bougent et qui parlent, plus grands que des maisons,  aux bras feuillus et aux mains noueuses ; des chênes, des frênes, de grands hêtres forts et  même des châtaigniers. Un peu comme si la forêt se déplaçait toute seule et venait se débarrasser de la vermine qui la démange.

Et elle cessa de parler en se souvenant qu’elle s’adressait à de jeunes enfants soumis à une éducation régulière, et que, sans doute, ils en savaient plus à ce sujet qu’elle-même, jeune paysanne analphabète.

- Mais vous apprenez déjà tout cela auprès de notre jeune roi et de ses précepteurs.

Elle leur adressa un petit sourire avant de redresser la tête et de s’adresser à Sealig.

- Il se fait tard. Je pense que qu’il n’est pas convenable que les enfants de Dame Aelyn restent auprès des domestiques à la tombée de la nuit. Ils doivent avoir encore beaucoup de choses à faire. Et ils en apprendront plus auprès des bonnes personnes.

Si attentive envers les garçons de coutume, elle ne pouvait néanmoins se permettre d’être familière avec eux devant le jeune soldat. Si le Vice-Roi et sa compagne se rendaient compte que leurs enfants avaient été traînés auprès des serviteurs plutôt que de participer à leurs leçons ou de se trouver en bonne compagnie, elle savait que l’affaire lui retomberait sur les épaules et qu’elle risquait d’y perdre sa place. Même si chaque mot lui déchirait le cœur, elle préférait prendre ses distances en circonstances officielles auprès des jumeaux, plutôt que de paraître comme une vulgaire servante aux manières mal dégrossies.
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L'enfance est un voyage oublié [Passé]  EmptyJeu 10 Sep 2015 - 22:06
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#Eofyr                                #Sealig                                 #Eogast

Sealig tiqua à la réponse d’Alienor. Après tout, elle ne faisait que dire tout haut ce que d’autres pensaient tout bas. Mais ça n’empêchait pas la pique de faire mal. Pas qu’il se sente véritablement mériter cette place : la chance et les coïncidences avaient joués un rôle plus important dans l’évènement auquel il devait sa promotion que sa bravoure et ses talents martiaux... Mais s’il avait eut des recommandations de la part de ses supérieurs, jamais il n’avait été pistonné ! Il avait appris à faire avec la suspicion et la jalousie. Ce n’était pas comme s’il avait le choix non plus.
Passant outre les excuses de la jeune femme, il marmonna en retour :

- J’imagine que vous êtes en droit de le supposer.

Et il ne rajouta plus un mot en travaillant jusqu’au moment de mettre fin aux prémices d’une dispute entre les jumeaux.

Les garçons semblèrent déçus de la réponse d’Alienor. Eogast, particulièrement, qui aurait aimé ne pas être séparé de cette nouvelle amie tandis que son frère lui glissait un agaçant : « - Je te l’avais dit ! ». La moue qui apparut sur leurs visages en disait long sur ce qu’ils pensaient. Dans la tête des garçons semblaient tourner à toute vitesse de multiples rouages sans qu’on sache s’ils cherchaient une solution à ce nouveau problème ou échafaudaient déjà leurs plans. Sans même avoir à se regarder, les enfants semblaient en parfaite symbiose de corps et d’esprit. Ils semblaient se comprendre dans un langage totalement étranger aux adultes présents.

Heureusement, ils revinrent au présent quand Alienor commença à parler du mauvais magicien et de la vengeance de la forêt. Eofyr et Eogast, d’un même mouvement, se penchèrent en avant, comme pour ne manquer aucun mot de ce récit. Ils étaient pendus aux lèvres de la jeune femme et écoutaient avec une attention extrême. Ils pouvaient avoir écouté ce récit mille fois, c’était chaque fois une nouvelle découverte. Il était toujours question d’arbres et de magicien mais chacun avait sa façon propre de la raconter et celle d’Alienor plaisait aux petits rohirrims, s’attardant sur la magie, les détails et les images... Mais avant la fin de son récit, elle s’interrompit. L’un des garçons laissa échapper un grognement de frustration.
Ce n’était pas comme si elle leur avait dit qu’il était tard et qu’elle leur raconterait la suite le lendemain... Non, elle leur disait de simplement s’adresser à quelqu’un d’autre. Mais c’était sa version qu’ils voulaient entendre maintenant. Cependant, elle ne leur laissa pas vraiment le choix et en appela à Sealig.

Le jeune homme, quant à lui, grimaça, revenant à la réalité. Il s’était lui aussi un peu laissé emporter par la description d’Alienor. Les récits rohirrims parlaient souvent des hommes-arbres qui avaient nettoyé Orthanc de la souillure du mage renégat. Et c’était une histoire qu’il aimait. Il trouvait quelque part rassurant que la terre même du Riddermark et toutes ses créatures se réveillent pour chasser les ennemis de la Marche.
Par contre, il n’aima pas vraiment les paroles qu’elle lui adressa. Encore moins les sous-entendus à peine voilés sous la surface. Alienor estimait donc que ni elle ni lui n’étaient de bonnes personnes pour les jeunes garçons, appuyant sans ménagement sur leur statut inférieur. Il se mordit la lèvre pour ne pas répliquer sèchement la première idée qui lui venait à l’esprit. Il baissa juste la tête en acquiesçant.

- Je... Très bien, je vais les ramener dans leurs quartiers. Merci de votre indulgence face à notre bêtise.

Eogast esquiva la main qui se tendait vers lui, contourna brusquement Sealig et vint se placer tout droit devant Alienor, les bras croisés dans une position d’autorité toute infantile.

- Tu es peut-être une adulte Alienor mais ce que tu as dit est stupide !

Il la regarda droit dans les yeux avant de continuer sur sa lancée sans qu’elle ne puisse l’interrompre.

- Tu crois qu’on a attendu d’avoir des percepteurs pour apprendre des choses ? Quand Maman travaillait j’allais en cachette à la taverne et à l’auberge pour écouter les histoires des voyageurs. J’ai appris le sindarin presque tout seul avec les gens de passage à Aldburg. Et puis à Limeclair aussi c’était bien, on avait une grande bibliothèque et les elfes répondaient toujours à nos questions... C’est quoi que t’appelles les bonnes personnes au juste ? Les vieillards qui nous endorment en parlant en nous obligeant à rester assis et réciter des leçons ? C’est nul comme ça ! Je parie que même le Roi s’endormirait pendant la leçon d’histoire s’ils n’étaient pas tout le temps sur son dos !

Sealig fit mine d’enfouir son visage dans sa main, dans un geste de lassitude, pour dissimuler son sourire. Ce qui permit à Eofyr de rejoindre son frère dans la même exacte position et ajouta :

- Et quand Maman soignait Dame Farma, bah on a dormi dans le quartier des domestiques et tout le monde s’en fichait ! Pourquoi c’est différent maintenant ? J’aurais plus le droit de rester avec mes amis parce que Maman est amoureuse du Vice-roi ? C’est injuste !

Le jeune garçon semblait prendre cette possibilité comme la pire des injustices, presque une insulte. Après tout, ces amis d’Aldburg étaient, eux, restés du bas peuple. Pourquoi n’aurait-il plus rien à faire avec la fille du forgeron, le petit vendeur de chandelles sur le marché ou encore le fils du maréchal-ferrant, simplement parce que sa mère aurait fait une union plus haute que sa condition ?
Le fossé des différences sociales n’avait pas encore vraiment touché les deux fils d’Hengest et, même s’ils avaient conscience d’être traité autrement, le fait de devoir changer leurs fréquentations ne les avait même pas effleurés. Il fallait dire qu’ils ne voyaient plus grand monde de leur âge depuis leur déménagement pour le Château d’Or... A part peut-être le fils cadet de cet ambassadeur arnorien qu’ils avaient croisé quelques mois plus tôt : un horrible snob qui les avait dédaignés la majeure partie de la soirée. Eofyr avait bien failli lui casser la figure et le gamin n’avait dû le salut de son arrête nasale qu’à l’intervention inopinée d’Aelyn, sortit prendre l’air.

- Moi je crois que tu es une bonne personne, Alienor ! renchérit de nouveau Eogast, qui n’en démordait pas.

De son côté Sealig semblait déterminer à ne pas intervenir. Il se contentait d’observer, ne portant secours ni aux enfants ni à la jeune femme. A vrai dire, le jeune garde était curieux. Ses yeux bleus trahissaient un intérêt certain pour la scène qui se déroulait devant lui. Si les choses restaient comme elles étaient, il y avait de fortes chances pour que dans un avenir pas si lointain, les fils d’Aelyn accèdent à des postes importants ou influents. Leurs réflexions et façons de penser pouvaient se révéler très instructives pour dépeindre les adultes qu’ils deviendront tous deux. Sealig avait de grands espoirs pour cette génération qui grandirait en même temps que leur nouveau souverain. Fendor était sage et savait s’entourer, et les jumeaux bénéficiaient indirectement de ces choix judicieux ainsi que de nombreux autres jeunes gens. Le Rohan n’en ressortirait que plus fort, surtout après tout les troubles qui l’avaient déchiré ces dernières années. Le pays avait retrouvé sa stabilité et son unité maintenant et il ne pouvait qu'espérer que cela dure au moins pour le restant de ses jours.


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L'enfance est un voyage oublié [Passé]  EmptySam 12 Sep 2015 - 22:25
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Tournant le dos aux jeunes garçons, promesses d’un avenir meilleur sur les terres rohirrimes, elle s’apprêtait à prendre congés lorsqu’Eogast se planta aussi fermement qu’une lance dans le sol. Alienor lui accorda un sourire et allait lui répondre avec gentillesse mais fermeté qu’il n’était plus temps de jouer et de faire des farces, mais l’enfant la prit au dépourvu. Elle jeta un rapide coup d’œil à Sealig, mais il semblait plus amusé par la situation que réellement prêt à venir à son secours. Elle eut un moment de doute. Les enfants pensaient-ils ce qu’ils disaient ? Evidemment. Ils parlaient comme s’ils donnaient des coups à un ennemi invisible, l’écrasante société, le poids oppressant des traditions et des bonnes manières, une réalité immatérielle qui dictait pourtant au quotidien leurs actes, et formaient une barrière impalpable entre les petites gens et ceux qui appartenaient à la cour du roi. Les jumeaux exprimaient à leur manière, avec clairvoyance et sincérité, les questionnements qui avaient affecté toute la jeunesse d’Alienor et qui la tourmentaient encore, dans le secret de son esprit lors de ses rares moments de solitudes. Et les hauts murs qu’elle avait mis si longtemps à construire pour se protéger de cette injustice sociale s’écroulèrent soudainement. Elle se mit à genoux, et, invitant les garçons à se rapprocher d’elle, les serra avec affection sans ses bras. Elle enfouit sa tête entre les deux épaules d’Eogast et d’Eofyr puis les embrassa tout deux sur la joue avant de se redresser et de les regarder, se revoyant elle-même à leur âge, plein de fougue et d’une vérité cruelle qu’elle jetait aux pieds de qui voulait bien l’entendre.

- Vous avez raison les garçons.

Mais sa voix s’étrangla. Elle prit une courte inspiration, et, espérant secrètement l’approbation de Sealig, elle leur expliqua néanmoins ce qu’il en était réellement. Le but n’était pas de les blesser mais de leur expliquer, pour leur bien, une réalité qu’ils auraient à affronter au quotidien.

- Votre mère a eu la chance et le courage de se lier avec le valeureux Maréchal Mortensen. Et il est Vice-Roi aujourd’hui. C’est un titre très important. Vous deviendrez aussi importants que lui plus tard. Et vous serez amenés à diriger des hommes. Pas moi. J’ai déjà énormément de chances d’avoir ce travail si près des grands de ce monde. Mais je ne peux gagner de valeureux combat avec une cuillère à soupe et des marmites pleines de bouillon.

Et elle partit d’un rire clair et inattendu alors même qu’un souvenir lui revenait, raconté de longue date par le cuisinier en chef et qu’il aimait à répéter quand une soupe, un plat ou tout ce qui pouvait entrer dans une marmite n'avait pas le goût qu'il désirait.

- Saviez-vous que Dame Eowyn, la plus grande des dames de ce royaume, était une exécrable cuisinière ? Lors de la campagne contre les Ouargs et les orcs, avant d’atteindre le Gouffre de Helm, pendant la Grande Guerre de l’Anneau, elle avait aidé du mieux qu’elle le pouvait son peuple en le menant jusqu’aux hautes murailles de pierre. Il lui avait pris l’idée de faire des bouillons pour les hommes qui revenaient du combat… car les cuisiniers eux-mêmes avaient été appelés pour la guerre. Mais de mémoire d’hommes, il n'y eut jamais aussi mauvais bouillon dans toute l’histoire du Rohan. Les hommes mangèrent quand même, pour lui faire plaisir, et parce qu’elle était une femme au courage sans limite. Mais beaucoup se sont serrés la ceinture jusqu’à retrouver une véritable nourriture au Gouffre.

Cette histoire ne devait pas faire partie des livres et des parchemins d’histoire officiels qui étaient contés aux jeunes nobles et au roi. Mais l’expression était réputée dans les cuisines royales et au-dessus des chaudrons quand une odeur ou un goût infâme s’échappait des marmites ; on gratifiait les jeunes apprentis d’un « Toi, tu tiens le secret de Dame Eowyn ». Alienor en avait presque les larmes aux yeux, riant de bon cœur face aux maladresses des nobles et de la famille royale.

Malgré elle, Alienor s’était encore laissée emporter par un conte, une légende, ou un souvenir enfantin, parmi la collection immense qu’elle conservait au fond de son âme. Le devoir des rois et des nobles Rohirrims n’étaient-ils pas de veilleur sur leur peuple, de leur apporter secours et assistance, comme des oblats, dévoués à leur prochain ? Elle eut un doute. Harding avait eut l’honneur, elle le savait, de rencontrer le Vice-Roi Gallen Mortensen quand il n’était encore que Maréchal et que la guerre faisait trembler les prairies. Il l’avait dépeint comme un homme simple et plein de bon sens, portant en lui le sang bouillonnant de leurs ancêtres. La jeune femme regardait de ses yeux rieurs les deux garçons de Dame Aelyn et leur passa la main dans les cheveux avec tendresse. N’avait-elle pas devant les yeux la grande aventure qu’elle espérait depuis sa plus tendre enfance ? Accompagner au quotidien de jeunes guerriers, même si ceux-ci étaient encore en culotte courte, les soutenir, leur apporter aide et soutien jusqu’à la victoire ? Elle soupira, perdue entre deux eaux, écrasée par le poids de son éducation et par l’envie vibrante de briser ses chaînes pour s’élancer dans une vie pleine de sursauts et de surprises.  Tandis qu’elle regardait les enfants, son cœur s’emballait, comme si en cet instant, elle devait prendre la décision la plus importante de sa courte vie.

- Et bien, je dois m’incliner devant votre argumentaire les garçons. Mais je ne sais pas si cela sera suffisant pour convaincre le chef cuisinier. Et le sieur Sealig ne pourra malheureusement pas changer beaucoup plus les choses que moi.

Mais elle n’était pas sûre que le jeune soldat veuille changer quoi que ce soit à sa situation. Il avait lui-même un poste important, aux responsabilités lourdes de conséquences. Que pouvait lui importer le destin d’une enfant des prairies, d’une fille de berger catapultée au milieu de la cour royale grâce au soutien de son frère alors qu’elle n’avait fait preuve d’aucune aptitude particulière en cuisine. Elle releva la tête, les yeux plein de défi envers Sealig. Il pouvait, s’il le voulait, la dénoncer, l’accuser de vouloir détourner les enfants du Vice-Roi de leur destinée et de leurs devoirs. Il pouvait ! Mais elle pouvait aussi imposer sa volonté, montrer enfin la détermination qui l’habitait et révéler sa véritable valeur. Quelles qu’en soient les conséquences. Il était temps qu’elle assume ses convictions et qu’elle cesse de rêver à une vie meilleure quand, au lieu de ça, elle pouvait prendre la décision de la vivre. Une main sur l’épaule des garçons, elle leur sourit encore une fois avant de se relever. Imperceptiblement, elle semblait se tenir un peu plus droite, ses épaules, malgré la fatigue, étaient moins voûtées par son labeur quotidien. Elle jeta sur son épaule le chiffon qui était pendu à sa ceinture, rangea les deux dernières grandes marmites qui serviraient pour le lendemain matin et épousseta la table d’un revers de main.

- Sieur Sealig, je crois qu’il est quand même l’heure pour deux honnêtes garçons de rentrer sous leur tente pour un brin de toilette et une bonne nuit de sommeil.

Alors qu’Eogast et Eofyr allaient encore une fois contester ses paroles, elle mit un doigt sur ses lèvres pour les faire taire et les poussa en faisant virevolter son chiffon.

- Ne créez pas plus de soucis à votre bon gardien. Chaque chose en son temps. Et il est temps pour chacun de se reposer. Le soleil a déjà disparu derrière les montagnes et il fera bientôt nuit. Vous serez levés aux aurores demain et cela jusqu’à ce que vous rentriez à Edoras. Je ne suis pas certaine que votre mère serait heureuse de vous retrouver avec des cernes aussi larges que des gourdes d’eau sous les yeux. Bonne nuit.

Et elle leur adressa un petit signe de la main avant de disparaître par la petite sente qui menait à travers une courte clairière jusqu’à la rivière où elle prendrait un bain bien mérité. La nuit porte conseil dit-on, et cette nuit là, elle en aurait besoin beaucoup plus que toute autre.
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L'enfance est un voyage oublié [Passé]  EmptyJeu 24 Sep 2015 - 23:37
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#Eofyr                                #Sealig                                 #Eogast

Les jumeaux répondirent sans la moindre hésitation à la chaleureuse étreinte d’Alienor. Quelque part, ils savaient déjà qu’ils avaient gagné la partie !

- Vous avez raison les garçons.

Le sourire que les deux garçons affichèrent aurait pu rivaliser face au soleil lui-même. Cet aveux de la part d’une adulte était bien rare mais valait son pesant d’or et de pierreries. Il y avait une telle fierté dans les yeux des enfants que c’en était presque comique... Du moins c’est que semblait penser Sealig toujours en retrait et toujours très amusé de la situation. La diatribe avait un peu réchauffé le cœur du jeune soldat qui avait été touché plus qu’il n’accepterait de l’admettre par les froides constatations de la demoiselle sur leur basse condition et la fatalité de leur destin. Ainsi écouta-t-il attentivement sa réponse, se rapprochant sensiblement de la scène.

- Votre mère a eu la chance et le courage de se lier avec le valeureux Maréchal Mortensen. Et il est Vice-Roi aujourd’hui. C’est un titre très important. Vous deviendrez aussi importants que lui plus tard. Et vous serez amenés à diriger des hommes. Pas moi. J’ai déjà énormément de chances d’avoir ce travail si près des grands de ce monde. Mais je ne peux gagner de valeureux combat avec une cuillère à soupe et des marmites pleines de bouillon.

Aussitôt, Eogast ouvrit la bouche pour répliquer. Il n’entendait pas céder sans combattre et qu’Alienor ne cède qu’en partie ne suffisait pas pour la victoire totale qu’il désirait. Mais il fut devancé par la jeune aide de cuisine elle-même qui se rappela une autre vieille histoire. Et comme à leurs habitudes, les jumeaux se laissèrent emporter par le récit, ricanant aux meilleurs passages.

S’en suivit un court silence durant lequel les deux garçons échangèrent ce mystérieux – et inquiétant du point de vue de leur garde du corps – regard qui était leur meilleure communication. Une pointe d’interrogation dans celui de l’aîné, un vague non de la tête pour son frère et de nouveau un bien trop grand sourire victorieux qui se tourna vers leur amie des cuisines.
Sealig, rendu peut-être un peu trop paranoïaque à force de vivre les farces des garçons, se tendit légèrement. Il craignait un autre débordement. Au lieu de ça, Eofyr et Eogast se contentèrent de regarder très fixement Alienor et semblaient attendre qu’elle ait fini cette sorte de débat mental qui se lisait sur son visage. Et finalement, le garde comprit, comme un flash, où les jumeaux avaient voulu en venir et ce qu’ils attendaient désormais. Ils avaient prouvés leur affirmation... ou plutôt Alienor l’avait prouvée elle-même et les deux gamins n’attendaient désormais qu’une chose : qu’elle en prenne conscience.
L’aveu tomba peu après. Les jambes des garçons tremblaient à force de se réprimer et ne pas sauter de joie tout autour du camp. Ils rayonnaient ! Sealig hocha la tête d’approbation sans savoir si cela s’adressait aux fils d’Aelyn, à la sœur d’Harding ou à la situation en elle-même.

Malheureusement, la joie ne dura qu’un temps. Elle avait raison, ce n’était pas elle de décider. Le fait de l’avoir convaincu ne rendrait sans doute que plus difficile la séparation. Et soudain, le visage des garçons grimaçait. Ils se tournèrent avec espoir vers leur garde mais celui-ci fit un non de la tête en baissant les yeux. Il n’avait pas un tel pouvoir. Quant au défi dans le regard d’Alienor, il n’y répondit qu’en rougissant jusqu’à la racine des cheveux avant de lui adresser un respectueux signe de tête. Vouloir faire quelque chose de sa vie n’était jamais une mauvaise chose de son point de vue. Les légendes regorgeaient de héros qui s’étaient élevés et motivaient les jeunes gens comme eux à dépasser leurs limites pour obtenir une meilleure place, un meilleur avenir ou simplement un peu plus d’espoir. Où donc était le crime ?
Lui-même en était le parfait exemple. Combien d’heures et de jours s’étaient écoulés inlassablement, identiques et mornes alors qu’il restait figé comme un piquet devant des escaliers de pierres, à monter la garde, subissant l’assaut du vent et de la pluie ? Combien de fois durant ces moments-là avait-il espéré être de plus haute naissance et échapper à cette routine ? Mais le destin lui avait prouvé que la naissance ne faisait pas tout et qu’un simple coup de pouce du hasard pouvait éclaircir l’avenir.

Le jeune homme fut arraché à ses pensées quand la demoiselle l’apostropha.

- Hein ? Heu... Oui, oui, bien sûr... Vous avez raison, évidement... Messire Eofyr. Messire Eogast. Il est temps de retourner à vos quartiers.

Les enfants ne donnèrent même pas l’air de vouloir protester. Ils semblaient ruminer quelques plans étranges pour parvenir à persuader le cuisinier de leur laisser Alienor... Ou du moins jusqu’à ce qu’ils comprennent le sens des paroles de leur nounou forcée. Là commença une série de plaintes et de gémissements digne de deux renardeaux perdus. Sealig sentit de nouveau la migraine pointer derrière ses yeux. Heureusement pour lui, Alienor accouru à son secours. En quelques mots, les deux frères redevinrent dociles et obéissants.
Ils lui dirent au revoir et commencèrent à s’éloigner en marchant et marmonnant entre eux vers leurs lits. Sealig attendit qu’ils soient un peu éloignés pour se tourner vers la jeune femme. Il semblait mal à l’aise mais déterminer à parler malgré ses rougeurs traitresses.

- Merci de votre aide !

Il semblait véritablement sincère et soulagé. Le reste, en revanche, fut nettement plus marmonné.

- Hum... Je... Je pense que vous auriez une influence plus bénéfique que vous ne le pensez sur ces enfants si par bonheur vous pouviez avoir l’autorisation de venir à Meduseld. Enfin... Je veux dire... Je vais me taire. Cela fait deux fois que vous me sortez d’un mauvais pas, je ne vais pas vous embarrassez encore plus de ma maladresse. Passez une bonne soirée.

Sur ces mots, il s’inclina et courut pour rattraper les enfants. Il n’était pas sitôt partit qu’il croisa Eogast se précipiter dans l’autre sens, retenir Alienor juste avant qu’elle ne s’éclipse et lui attrapa la manche. Avec un aplomb enfantin, il la tira vers le bas jusqu’à ce que son oreille soit à la hauteur de sa bouche, avant de murmurer d’un ton conspirateur :

- Moi je sais ce qui persuadera le cuistot. C'est Maman.

Sur ces mots, et une exclamation bourrue de Sealig au loin, il déguerpit aussi vite qu’il était arrivé, laissant enfin Alienor seule.


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