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 Parfois, il vaut mieux ne rien faire

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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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Parfois, il vaut mieux ne rien faire EmptyLun 27 Mar 2017 - 3:59
Parfois, il vaut mieux ne rien faire Narkha10


- Gouverneur, puis-je avoir une seconde ?

L'intéressé leva la tête. Nârkhâsîs était resté plongé dans ses pensées depuis un moment maintenant, incapable de lire les documents qui défilaient sous ses yeux. Il s'était arrêté après avoir examiné la même page pendant quinze minutes d'affilée sans en retenir le moindre mot. Oui, vraiment, il avait besoin de repos. Mais il fallait croire que rien ne pouvait le détourner de sa tâche, et il fit un effort de volonté pour se composer une expression avenante. Il n'avait rien à reprocher à la jeune femme qui venait de rentrer dans son office, malgré l'heure tardive, et il pouvait même dire qu'il était content de l'avoir à ses côtés.

- Agathe, que puis-je pour vous ?

Celle-ci s'avança d'un pas déterminé, faisant voler derrière ses robes élégantes dont les tons carmin faisaient ressortir la pâleur de sa peau. Indubitablement originaire du Nord, elle ne pouvait pas être plus différente de Nârkhâsîs, natif du Rhûn. Pourtant, ils travaillaient bien ensemble, et elle avait plusieurs fois eu l'occasion de prouver sa valeur. Sans y avoir été invitée, elle prit place sur la chaise qui faisait face au gouverneur, et déposa un document sur la table qui les séparait. Elle agissait toujours ainsi, sans s'embarrasser des convenances. C'était peut-être la raison pour laquelle elle ne le dérangeait jamais. Elle ne s'embarrassait pas d'obséquieuses courbettes et de compliments qui sonnaient creux. Elle disait ce qu'elle avait à dire, simplement et sans ambages.

- Pardon Agathe, mais si vous pouviez me faire un résumé…

- C'est le résumé. Il semblerait que les choses évoluent rapidement au Nord.

Le gouverneur haussa les sourcils. Au Nord ? Cela pouvait signifier bien des choses. Djafa se situait légèrement au Nord, et aux dernières nouvelles les troupes de Radamanthe y étaient toujours stationnées. Avait-il décidé qu'il était plus que temps de reprendre sa capitale ? Il fallait espérer que non, car la plupart des troupes qui devaient défendre Dur'Zork étaient aux prises avec les clans des Khandéens, plus à l'Est. La ville manquait cruellement d'hommes, et les demandes de renforts envoyées au Conseil des Neuf étaient restées lettre morte. En s'emparant du papier, Nârkhâsîs lut péniblement les premiers mots :

- Pelargir ?

- Pelargir, oui. Plusieurs régiments de la ville ont été aperçus partant en direction du Nord. Les rumeurs racontent qu'une armée d'Orientaux attaquerait le Gondor, et se préparerait à faire le siège de Minas Tirith.

Cette nouvelle piqua l'intérêt du gouverneur, qui sembla retrouver un peu d'énergie :

- Avez-vous…

- Oui, l'interrompit-elle. J'attends des nouvelles d'un jour à l'autre, mais il semble certain que la garnison de Pelargir est affaiblie. Je pense que cette information devrait intéresser Umbar, ne croyez-vous pas ?

Il hocha la tête. Assurément, les Neuf devaient être mis au courant. Pelargir, la grande cité portuaire qui menait la vie dure aux Pirates, avait son attention tournée vers l'intérieur des terres et moins vers la Mer. On rapportait que des patrouilles navales descendaient de plus en plus loin au Sud, et à la lumière de ces nouveaux éléments, le gouverneur comprit que ce n'était pas une démonstration de force anodine. La flotte du Gondor était sur le pied de guerre pour empêcher que les Pirates ne découvrissent que le premier port du royaume était dégarni. Cela signifiait que les restes de l'Émirat du Harondor ne pouvaient compter que sur eux-mêmes : Djafa ne pourrait pas en appeler au soutien du Gondor à temps. L'opportunité risquait de ne pas se représenter.

- Je vais écrire une lettre personnelle que j'adresserai aux Seigneurs Pirates, mais celle-ci ne doit jamais tomber entre de mauvaises mains. Pouvez-vous me garantir cela, Agathe ?

- Je peux contacter des hommes de confiance, qui partiront dès que la missive sera prête. Ils mettront un certain temps à rallier Umbar, aussi serait-il utile d'envoyer des messages codés par pigeon afin de les informer sommairement de la situation.

Le gouverneur était déjà debout.

- Nous devons définitivement régler la question des Khandéens. Tant qu'ils continueront à nous harceler, nous ne pourrons pas nous concentrer sur notre véritable ennemi. N'avons-nous toujours pas trouvé quelqu'un avec qui négocier ?

- Toujours pas. Pour l'heure, nos forces affrontent des bandes isolées qui vont et viennent, sans qu'il soit possible de savoir qui les envoie.

Nârkhâsîs se tourna vers la fenêtre de son office, observant la cité de Dur'Zork en contrebas. Il n'aurait jamais imaginé se trouver à cette position, même dans ses rêves les plus fous. Mais maintenant qu'il avait été nommé pour faire un travail, il entendait le faire bien et sauver sa tête par la même occasion. Même si cela signifiait prendre part activement à un conflit qu'il avait toujours eu l'impression de subir. Il resta un instant silencieux, avant de glisser :

- Si nous pouvions envoyer une ambassade à Assabia… J'ai entendu que le Prince Khaldun détestait le Harondor, il pourrait être notre allié dans cette affaire.

- Il refuse de négocier avec de simples messagers. Il faudrait que vous vous y rendiez, en personne.

Un silence de plomb s'abattit dans la pièce. En lâchant cette dernière phrase, Agathe elle-même avait senti tout ce qu'elle impliquait. La situation au Sud du Harondor était critique, et il n'était pas décemment envisageable de voir le gouverneur s'absenter en mission officielle pour négocier avec les Khandéens. Si les gens de Dur'Zork venaient à l'apprendre, ils risquaient fort de s'agiter et peut-être même de fomenter une révolte pour s'emparer du Palais. Ils bénéficieraient entièrement du soutien des troupes de Radamanthe, qui se mettraient en marche dès qu'elles auraient vent de la situation. Le territoire contrôlé par les Pirates se réduirait d'autant, et ceux-ci seraient contraints de se retrancher loin au Sud, à Urlok sur l'Harnen, ou à Al'Tyr. Ce serait une perte terrible, et Nârkhâsîs devrait en assumer seul la responsabilité – ce qui, au Harad, signifiait qu'il serait décapité.

Peut-être valait-il encore mieux ne rien faire, finalement…


Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop

"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
Parfois, il vaut mieux ne rien faire Signry10
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