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 Dans l'Ombre de la Cité Blanche

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Ryad Assad
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Ryad Assad

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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptySam 1 Sep 2018 - 17:36
Cela faisait un mois.

Un mois qu'elle avait quitté la famille d'Alart, qu'elle avait dit adieu à l'Arnor, et qu'elle avait entrepris ce nouveau voyage. Un mois pour rallier enfin le Gondor, dont la frontière apparaissait comme la première étape de ce nouveau périple. Elle aurait probablement pu réaliser ce trajet bien plus rapidement si son corps le lui avait permis, et si elle avait pu compter sur une monture taillée pour ce genre de courses. Mais elle n'avait que peu de moyens, et elle devait encore se reposer.

Ces longues journées, solitaires pour la plupart, étaient propices à la réflexion et à l'introspection. Elles permettaient de se confronter à ses propres démons, de faire le point, et de définir sereinement un nouveau cap. Après avoir été enfermée si longuement dans les profondeurs de la terre, Lithildren avait la chance de goûter à l'extrême inverse : la liberté totale de pouvoir galoper où elle le désirait.

La traversée du Rohan s'était déroulée sans encombres, conformément à ce que lui avait dit Fredric. Le vieil homme avait quelques informations au sujet de l'état du monde, et il lui avait confirmé que depuis la fin de la guerre civile, le Riddermark constituait de nouveau un royaume paisible qu'il était possible de traverser. Cela ne signifiait pas pour autant que tous les problèmes étaient résolus, et l'Elfe avait pu voir de ses yeux que les ravages causés par l'Ordre de la Couronne de Fer et le Rude Hiver étaient toujours visibles. A travers le Rohan se multipliaient les champs abandonnés, les villages vides d'hommes, ceux-ci étant partis faire pâturer leurs troupeaux sur les terres naines, laissant leurs femmes seules et sans défense. Les bandits n'étaient pas légion, repoussés par la vigilance des éored qui patrouillaient inlassablement, mais une crainte perpétuelle subsistait. Crainte de l'autre. Crainte de l'étranger et des malheurs qu'il pouvait apporter. Lithildren avait pu le voir dans les communautés où elle était passée.

Malgré tout, le Rohan conservait son charme inimitable. Ses vastes plaines où il faisait bon galoper étaient vivifiantes, et ses superbes paysages étaient un ravissement pour l'œil. Elle n'avait eu qu'à suivre la Grande Route de l'Ouest, qui effleurait les contreforts des Montagnes Blanches aux cimes enneigées malgré la chaleur étouffante de cet été qui n'en finissait pas. Sur sa route, elle avait croisé plusieurs marchands qui se rendaient vers les grandes agglomérations du royaume : Edoras, Aldburg, Isengard pour les plus courageux. Ils n'allaient généralement pas plus loin, préférant éviter de traverser le territoire des sauvages Dunlendings dont l'agitation récente inquiétait.

Finalement, après un voyage qui l'avait paradoxalement épuisée et requinquée, Lithildren arriva donc au Gondor. La frontière n'était pas matérialisée, mais elle se rendit compte qu'elle venait de pénétrer sur les terres du Haut-Roy Mephisto lorsqu'un détachement de cavaliers au plastron frappé de l'arbre blanc se porta à sa rencontre. La petite compagnie n'était pas menaçante, mais il n'était jamais rassurant de voir des hommes armés galoper dans sa direction, même quand ils se présentaient sous les traits des « gentils ». Il y avait trop d'hommes en ce monde qui usurpaient l'identité et la réputation des autres à de mauvaises fins pour qu'il fût aisé de faire confiance au premier venu. Les cavaliers, qui étaient une demi-douzaine, interceptèrent Lithildren qui n'eut d'autre choix que de s'arrêter pour subir leur interrogatoire.

Le capitaine en tête immobilisa sa monture à quelque distance de l'Elfe, comme s'il craignait un mauvais coup de sa part. Les autres se déployèrent autour d'elle, examinant ses bagages, ses armes, essayant d'estimer les raisons de sa présence au Gondor.

- Salut à vous, étrangère. Qu'est-ce qui vous amène sur les terres du Gondor ? N'avez-vous pas entendu parler des troubles qui agitent la région ?

Elle en avait entendu parler, oui. Quelques marchands avaient informé Lithildren des dangers qu'il y avait à arpenter l'Anórien, alors que la plupart d'entre eux ralliaient le Rohan en passant par les cols des Montagnes Blanches. Ils étaient plus difficiles d'accès, et ils obligeaient à faire un détour certain pour rallier Minas Tirith, mais au moins ne se trouvaient-ils pas dans l'aire d'action des Orientaux qui avaient pris Cair Andros. On racontait de drôles de choses à leur sujet, qu'ils se déplaçaient à la nuit tombée dans les plaines d'Anórien, qu'ils tuaient tout sur leur passage, et qu'ils étaient innombrables. Une nuée de sauterelles venues d'au-delà de l'Anduin, pour terroriser les habitants de la région. Mais le passage par l'Anórien était le plus court, et c'était celui que Lithildren avait décidé de prendre. Elle avait eu de la chance, car elle n'avait pas fait de mauvaise rencontre. Elle avait bien aperçu, à la nuit tombée, des torches qui circulaient plus loin au nord, près du fleuve, mais personne n'était venu l'attaquer dans son sommeil.

Les cavaliers du Gondor étaient de toute évidence des sentinelles. Ils ne portaient pas les lourdes armures argentées de l'armée, mais plutôt des tenues plus proches de celles des rangers d'Ithilien. Ils se déplaçaient furtivement, et sans doute que leur principale mission consistait à rapporter les mouvements de l'ennemi. Cependant, à en juger par la façon dont ils s'éloignaient de Lithildren, nul doute qu'ils préféreraient se tenir à mille lieues des envahisseurs plutôt que de les approcher pour découvrir ce qu'ils faisaient. Une armée entière aurait pu filer sous leur nez sans qu'ils la vissent. Malgré leurs réticences à accomplir leur travail, ils ne pouvaient pas laisser une cavalière seule leur échapper, et encore moins une qui ne transportait apparemment aucune marchandise d'aucune sorte.

- Je ne vois ni chariot, ni sac de biens précieux sur vous. J'espère que vous n'essayez pas d'importer quelque chose illégalement au Gondor. Les Elfes sont naturellement les bienvenus dans notre royaume, mais les lois doivent être respectées.

Il faisait un peu de zèle, mais il n'avait pas tort dans le fond. On avait vu des Elfes s'associer à l'ennemi durant la guerre contre l'Ordre de la Couronne de Fer. D'aucuns disaient que c'étaient des Eldar qui avaient contribué à la chute d'Imladris, et que leurs artifices et sortilèges avaient empêché les Hommes de voir le mal grandir. Les Premiers Nés jouissaient toujours d'un certain respect, mais ils n'étaient plus considérés comme les êtres purs et bienveillants que d'aucuns voyaient en eux auparavant. Finalement, le capitaine ajouta :

- Quelle est votre destination, madame. J'espère que vous ne vous dirigez pas vers Cair Andros, ou l'est plus largement. Les rives orientales de l'Anduin sont inaccessibles, et toute traversée est interdite, même à Osgiliath. Si vous descendez vers le sud, deux de mes hommes seront contraints de vous escorter jusqu'à Minas Tirith, où vous serez prise en charge par la garnison là-bas.

Une mesure de sécurité, pour s'assurer qu'elle ne leur mentait et qu'elle n'envisageait pas de fournir de précieux renseignements aux Orientaux de Cair Andros. Une aubaine également, car sur ces terres hostiles une telle escorte pouvait être bénéfique. Sitôt que les détails furent réglés, deux hommes se portèrent volontaires pour la ramener, et le trio se mit en route en direction de la capitale.

Minas Tirith, la glorieuse cité des rois des Hommes, leur apparut deux jours plus tard. Elle se dressait, majestueuse, sur les flancs du Mont Mindolluin. Sous le soleil matinal, la pierre jetait des reflets bleutés d'une beauté exquise, et les deux cavaliers qui escortaient Lithildren murmurèrent quelques paroles rituelles pour saluer la splendeur de la forteresse. Les hommes de Gondor avaient un attrait parfois excessif pour les monuments lourds et gigantesques, mais Minas Tirith ne pouvait pas manquer d'impressionner. Le talent des artisans qui avaient sculpté cette ville à même la montagne était comparable à celui des Naugrim, dont la vie était pourtant bien plus longue, et le lien avec la pierre bien plus prononcé. Comme s'il leur fallait une nouvelle preuve de l'immensité de la Cité Blanche, il fallut au trio encore deux bonnes heures pour rejoindre le grand mur de Rammas Echor.

A l'inverse de Minas Tirith, le mur qui protégeait les Champs du Pelennor était vétuste, mal entretenu, voire largement endommagé par endroits. De larges sections de celui-ci avaient mal résisté au passage du temps, et les hommes avaient été contraints de dresser des pieux et des barricades de fortune, qu'ils surveillaient étroitement. Cette première ligne de défense, bien trop fragile pour résister à un assaut de grande envergure, donnerait au moins le temps à la garnison de Minas Tirith de se préparer et de se retrancher derrière les lourdes portes d'acier et de mithril qui gardaient la cité.

Lorsqu'ils pénétrèrent, fourbus et couverts de poussière, à l'abri de Rammas Echor, les deux cavaliers indiquèrent la marche à suivre pour Lithildren.

- Adressez-vous à l'intendance, qui se trouve juste là. Ils vous dirigeront vers le commandant Mevan, qui assure la garde du mur. Lui seul décidera de votre sort par la suite. Bonne chance, madame.

Sur ces mots ils s'éloignèrent, soucieux de prendre un repos bien mérité avant de repartir rapidement en mission. Lithildren, quant à elle, pouvait contempler Minas Tirith. A l'intérieur de ces murs se trouvaient peut-être les réponses à ses questions les plus pressantes. Mais tout d'abord, elle devait trouver le commandant Mevan dont la seule volonté pouvait la faire échouer si près du but.


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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptySam 1 Sep 2018 - 23:58
Libre.

Elle était libre.

Cette sensation lui avait énormément manqué entre les souterrains d'Ost-in-Edhil, Tharbad et le village d'Alart. Mais en quittant ce dernier, elle avait ressenti ce poids en moins sur ses épaules et son cœur. Bien qu'elle ait une mission, elle aurait pu s'en aller. Repartir chez les siens et ne jamais se détourner. Elle aurait pu disparaître dans la nature et laisser le monde se débrouiller avec ses problèmes tandis qu'elle compterait ses derniers jours dans une grotte solitaire en haut d'un pic isolé. Mais en serait-elle plus heureuse pour autant ? Finalement, accomplir sa mission aurait un effet plus libérateur et bénéfique que de tout laisser tomber maintenant.

Rendre Alart aux siens avaient été une nouvelle fois une ouverture d'yeux pour la belle Elfe. Jamais plus elle ne verrait le monde de la même façon. Les Elfes étaient si étroits d'esprit, si fermés et arrogants... Ils ne sauvaient pas voir la bonté chez les Hommes, leur honneur, leur loyauté, leur fidélité : au final, toutes ces choses que les Elfes enlevaient aux Hommes. C'était injuste, alors que les Elfes rechignaient à mettre la main dans les affaires de ce monde dont ils étaient les Premiers Nés. Lithildren voulait que ça change mais elle ne pourrait secouer des siècles et des siècles de tradition d'exil chez les siens. Alors tant pis, elle vivrait parmi les Humains.

Le corps et le cœur de la belle Elfe s'allégeaient et s'alourdissaient à mesure qu'elle traversait le Rohan pour se rendre au Gondor. Elle se sentait si libre ! Pour la première fois de sa vie, sa solitude ne lui pesait pas mais lui faisait sentir combien l'existence pouvait être si belle... Mais d'un autre côté, elle souhaitait faire ce voyage avec Oropher à ses côtés. Elle s'imaginait parfois chevaucher à ses côtés. Puis elle regrettait toutes ces fois où elle l'avait rejeté au lieu de lui ouvrir son cœur. Mais sa perte n'en aurait été que plus douloureuse. Si jamais il était en vie, elle se donnerait à lui et surtout, elle lui demanderait pardon pour toutes ses erreurs.

Les pensées de Lithildren s'entremêlaient au fur et à mesure que la distance jusqu'à la frontière se réduisait. Elle pensait à tous ces gens qu'elle avait croisé et qui se méfiaient d'elle tout en l'accueillant poliment. Fredric lui avait dit que la fin de la guerre civile avait rendue le traversée du Rohan paisible. Mais quelques marchands courtois avaient prévenu Lithildren que emprunter la voie de l'Anórien était dangereux. Mais cela ne faisait qu'encourager l'Elfe à prendre une telle route : c'était l'endroit parfait pour croiser une patrouille ou éviter les ennuis des foules dans les cols. Et surtout, c'était bien plus rapide. Le mois de voyage avait déjà été éreintant et l'Elfe sentait que sa monture ne tiendrait pas bien plus longtemps. Ça n'était qu'une bête de monte, pas de voyage... Encore moins à un tel rythme.

Et elle n'avait pas été déçue : à l'approche de la frontière, une patrouille gondorienne armée s'approcha au petit galop. L'Elfe stoppa sa monture à quelques pas d'eux, sans montrer aucun signe d'hostilité malgré ses armes.

- Salut à vous, étrangère. Qu'est-ce qui vous amène sur les terres du Gondor ? N'avez-vous pas entendu parler des troubles qui agitent la région ?
- Si, bien sûr. Mais c'est un peu ces mêmes troubles qui m'amènent dans les terres du Haut-Roy. Mais je ne suis guère venue chercher à créer ou amener avec moi des ennuis supplémentaires.

Celui qui avait parlé regarda autour de l'Elfe d'un regard inquisiteur et perçant. Lithildren savait qu'il vérifiait si elle n'était pas accompagnée, ce qui relevait de la logique à cause des conflits dont elle avait été tenue éloignée depuis sa cage à l'est. Elle leva légèrement les mains en signe de paix.

- Je ne vois ni chariot, ni sac de biens précieux sur vous. J'espère que vous n'essayez pas d'importer quelque chose illégalement au Gondor. Les Elfes sont naturellement les bienvenus dans notre royaume, mais les lois doivent être respectées.
- Bien entendu. Je n'ai rien avec moi à part mes armes pour me défendre des brigands ou bandits sur la route et mon cheval. Mais vous pouvez vérifier si vous le souhaitez.

Il fit signe que ce n'était pas la peine. Lithildren fut rassurée, elle n'aurait pas voulue qu'ils découvrent la statuette que Gil lui avait donnée. L'Elfe devait avoir l'air assez honnête pour qu'il décide de ne pas fouiller elle ou son cheval.

- Quelle est votre destination, madame. J'espère que vous ne vous dirigez pas vers Cair Andros, ou l'est plus largement. Les rives orientales de l'Anduin sont inaccessibles, et toute traversée est interdite, même à Osgiliath. Si vous descendez vers le sud, deux de mes hommes seront contraints de vous escorter jusqu'à Minas Tirith, où vous serez prise en charge par la garnison là-bas.
- C'est justement à Minas Tirith que je me rends. Je me plie à votre souhait de me faire escorter si cela peut vous rassurer sur mes intentions pacifiques.

Elle se montrait franche et affichait un sourire bienveillant. Elle ne voulait en aucun cas provoquer un incident diplomatique et elle escomptait bien passer inaperçue. S'il était su qu'elle était une hors-la-loi chez les siens, elle n'aurait pu aller nulle part... Mais ça n'était pas le cas, les affaires des Elfes restaient chez eux. Lithildren suivit les deux hommes qui l'escortèrent sur toute la route jusqu'à Minas Tirith.

C'était la première fois que l'imposante Cité Blanche se dressait devant elle. Elle fut fascinée et éblouie devant tant de grandeur, de prestance et songeait à l'époque où la Cité paraissait plus grande encore. Aujourd'hui, une ombre voilait les pierres éclatantes d'une brume grise, assombrissait les cœurs et esprits et rendait fous les plus sensibles. L'Elfe devait se méfier de tout et tout le monde au sein de la Cité, d'autant plus que l'assassin de sa famille s'y trouvait vraisemblablement d'après Oropher. Est-ce qu'Oropher aurait été heureux de revoir la Cité en compagnie de Lithildren ? Elle eut un frisson en imaginant le toucher d'Oropher, ses doigts dans les siens et son souffle mêlé au sien.

L'escorte de Lithildren l'emmena à un endroit qu'elle situait mal.

- Adressez-vous à l'intendance, qui se trouve juste là. Ils vous dirigeront vers le commandant Mevan, qui assure la garde du mur. Lui seul décidera de votre sort par la suite. Bonne chance, madame.
- Merci. Bonne chance à vous aussi et que les Valar vous accompagnent.

Elle leur adressa un hochement de tête et éperonna sa monture jusqu'à l'intendance. Là, elle chercha quelqu'un à qui parler et ne trouva qu'une personne qui plissa les yeux à l'approche de l'Elfe.

- Je désire entrer dans la Cité de Minas Tirith mais il semblerait que je sois contrainte de m'adresser au Commandant Mevan, où puis-je le trouver ?
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Ryad Assad
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyLun 3 Sep 2018 - 13:00
L'intendance.

Un bien grand mot pour une petite tente de fortune installée non loin du mur, où se trouvaient un officier rabougri qui parcourait de ses yeux fatigués les dossiers qu'on lui transmettait. Il réceptionnait les ordres provenant de Minas Tirith, les informations venant des soldats, et il s'arrangeait pour faire circuler tout cela de manière harmonieuse afin que le lien entre la troupe et l'état-major ne fût jamais rompu. Une tâche écrasante pour un seul homme. L'arrivée de Lithildren était une distraction dans tout ce qu'il avait à faire, mais il reconnut là une Elfe, et il choisit qu'il n'allait pas la renvoyer immédiatement, même si elle avait davantage l'air d'une vagabonde que d'une noble.

- Le Commandant Mevan ? Il se trouve…

Un bruissement de tissu indiqua à la femme que l'on venait de rentrer à sa suite, et une voix chaleureuse compléta les paroles de l'intendant :

- … juste derrière vous, ma chère. Commandant Chance Mevan, pour vous servir. Que puis-je faire pour vous ?


Mevan était un homme de haute taille et de noble stature. Son profil élancé et dynamique donnait l'impression qu'il était sur le point de se mettre à courir vers la prochaine tâche à accomplir. Il avait le visage doux, le sourire franc, et des yeux qui paraissaient incapables de mentir. Un esprit chevaleresque dans un corps de guerrier, qui tranchaient nettement avec l'image que l'on pouvait se faire d'un grand officier de l'armée du Gondor. Ceux-ci étaient souvent issus de familles aristocratiques, des bien-nés qui n'avaient jamais fréquenté les champs de bataille, et qui acquéraient leur position pour des raisons politiques, des jeux d'alliances complexes entre familles. Mevan s'était de toute évidence taillé un chemin jusqu'à ce grade à la force de son bras, et il n'avait rien perdu en chemin de ses bonnes manières et de sa simplicité. Il s'inclina légèrement, et en relevant le buste il put voir que Lithildren était une Elfe, ce qui l'incita à s'incliner de nouveau. Plus bas cette fois. Se redressant finalement, il écouta brièvement la réponse de la nouvelle venue, avant de l'inviter à sortir de la tente :

- Laissons Artur continuer dans le calme, si vous le voulez bien. Sa mission est de la plus haute importance ici. (Puis, à l'attention de l'intendant : ) Artur, si vous voulez bien me faire transmettre le rapport des hommes du Capitaine Erelas dès qu'il vous parviendra.

- Bien, mon commandant. Je l'enverrai à votre tente.

- Parfait Artur, merci à vous !

Ils quittèrent les lieux sur ces mots, abandonnant par la même occasion l'ombre bienvenue qui les protégeait du soleil écrasant. Mevan ne portait pas son armure complète, probablement à cause de l'inconfort que cela occasionnait. Il allait en portant le pourpoint noir brodé de fils d'argent que les hommes du rang revêtaient également. En réalité, il n'y avait aucun signe distinctif sur lui qui permît de le différencier du plus humble soldat. Pourtant, nul ne semblait ignorer qui il était. En chemin, ils furent salués respectueusement par tous les fantassins qu'ils croisèrent, et le Commandant leur répondit avec chaleur à chaque fois, se rappelant très souvent les noms des hommes, leur adressant quelques mots d'encouragement au passage. Cela ne rendait pas la conversation avec Lithildren particulièrement facile, mais Mevan avait en tête d'inspecter le mur de Rammas Echor, et il ne dérogerait pas à sa tâche pour rien au monde :

- Vous souhaitez donc rejoindre Minas Tirith, finit-il par lâcher. J'ai bien peur que cela soit plus compliqué que vous le pensiez, madame.

Il s'arrêta un instant pour s'approcher d'une sentinelle qui paraissait malade, et fit venir un porteur d'eau. Le pauvre hère faisait une insolation. Par cette chaleur, les gardes en poste sur le mur devaient tout de même porter leur armure de combat dans l'éventualité où les Orientaux auraient attaqué. Beaucoup d'hommes souffraient de la chaleur, bien qu'ils fussent pour la plupart originaires du sud. C'était déjà le troisième malaise aujourd'hui…

- Excusez-moi, madame. Nous avons hélas assez peu de moyens pour arranger nos hommes… Je vous disais donc qu'il serait difficile d'entrer à Minas Tirith. La cité est bouclée, et lourdement gardée. J'ai bien peur que les étrangers ne soient pas les bienvenus. Les marchands sont acceptés, et ceux qui disposent d'un laisser-passer royal ou d'une résidence personnelle en Anórien peuvent entrer librement, mais pour le reste le Haut-Roy encourage le peuple à se réfugier plus loin en Gondor, dans les terres.

Il marqua une pause, observant des hommes qui essayaient de consolider un pont de fortune pour relier par le chemin de ronde deux sections du mur. Celui-ci s'était effondré sur trois ou quatre mètres, et ils cherchaient à faire une véritable passerelle qui aurait permis aux hommes de circuler sereinement et efficacement, sans avoir à descendre et contourner l'obstacle. Il revint à Lithildren :

- Si je savais quelle était la raison exacte de votre venue, je pourrais envoyer un courrier au Capitaine Erelas, à l'intérieur de la cité. Si votre demande est justifiée, il peut peut-être vous obtenir un laisser-passer pour entrer à Minas Tirith. Dans tous les cas…

Mevan s'interrompit à nouveau. Il vit venir l'accident avant même les ouvriers qui se trouvaient sur le chantier. Une planche usée se plia de manière inhabituelle sous le poids d'un homme, qui bascula malgré lui. Dans sa tentative désespérée pour se raccrocher à quelque chose, il emporta tout le travail des deux derniers jours. Les planches dégringolèrent, et avec elles les quatre soldats qui se trouvaient dessus. Le cri du Commandant fut repris en écho par celui des hommes qui assistèrent à la scène. La chute avait été très rude, car trois mètres les séparaient du sol.

Lithildren et le Commandant s'élancèrent vers les blessés qui gémissaient misérablement. Autour d'eux, les hommes essayaient de les prendre en charge et de les déplacer :

- Ne les touchez pas, malheureux ! Cria Mevan. Vous risqueriez d'aggraver leurs blessures. Que quelqu'un aille chercher des guérisseurs, de toute urgence !

On obéit sans discuter, mais l'inquiétude du Commandant était ailleurs. Les ouvriers étaient mal en point, souffrant de plusieurs fractures, et l'un d'entre eux était inconscient. Quatre hommes de plus sur le carreau. Quatre valeureux soldats à qui il faudrait des mois pour retrouver la forme. Et pendant ce temps, leur ennemi continuait de rassembler ses forces à Cair Andros… Quand viendrait l'heure de l'assaut, ils ne pourraient rien faire. Un sous-officier s'approcha du Commandant, et lui demanda :

- Mon Commandant, devons-nous les transférer aux Maisons de Guérison ?

- Non, répondit l'intéressé d'une voix tout à coup très sombre. Ils ont bien assez à faire à l'heure actuelle… Madame, je suis désolé de vous mettre à contribution ainsi alors que vous avez fait une longue route, mais sauriez-vous m'aider avec ces malheureux le temps que les guérisseurs arrivent ? Ils n'y en a que pour quelques minutes, et ensuite nous pourrons discuter de vos affaires.

Le Commandant était un homme véritablement débordé. Il surveillait un mur vétuste, avec une armée qui succombait davantage au soleil et aux accidents que sous les coups de l'ennemi. La Cité Blanche, qui se dressait fièrement derrière eux, leur rappelait à tous pourquoi ils consentaient à se tenir en première ligne et à souffrir dans la chaleur étouffante qui régnait dans les Champs du Pelennor. Mais il n'en demeurait pas moins que la dévotion de ces hommes était louable et tragique, et que les plus hautes instances de Minas Tirith auraient au moins pu se pencher sur leur cas, leur donner de l'eau et les moyens de consolider cette ligne de défense bien fragile.

Il était étrange de voir que ce n'était pas le cas…

#Lithildren


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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyLun 3 Sep 2018 - 15:15
- juste derrière vous, ma chère. Commandant Chance Mevan, pour vous servir. Que puis-je faire pour vous ?

Lithildren se retourna et fut frappée par la surprise en voyant l'homme qui se tenait devant elle. Elle s'était attendue à un homme grisonnant et aigri par la guerre, un bourru fatigué mais déterminé aux traits durs et fermés. Pas à un homme aussi... charmant, elle se devait bien l'avouer. Elle sentit même ses joues rosir légèrement avant qu'elle n'incline le buste en signe de respect. Ce qui lui permet de reprendre son sérieux.

- Je souhaite me rendre dans la Cité Blanche, Commandant.

Mevan adressa un bref échange avec l'intendant Artur puis emmena l'Elfe avec lui. Il saluait les soldats, les encourageait... Lithildren admirait son dévouement envers ses hommes et ceux-ci lui montraient le plus grand des respect. Sûrement parce qu'il ne s'élevait pas au-dessus d'eux et se mêlait à ses soldats, les aidait, était là. Lithildren ignorait tout de la guerre et supposait que, vu la réaction des gens, ça ne devait pas être un comportement courant chez les gradés. Ils essayaient de parler mais ces interruptions ne rendaient guère la tâche aisée. Et curieusement, Lithildren trouva cette concentration sur sa mission initiale plus honorable que le fait qu'il accepte de lui parler sans trop faire preuve de méfiance.

- Vous souhaitez donc rejoindre Minas Tirith. J'ai bien peur que cela soit plus compliqué que vous le pensiez, madame.

Elle haussa un sourcil et allait en demander la raison quand il s'interrompit pour s'occuper d'un soldat prit d'un coup de chaleur. Lithildren ne s'était jusque là pas occupée de ses sensations physiques mais cette pause lui fit prendre conscience combien le soleil gondorien était traître... Et le cuir n'arrangeait pas vraiment la chose.

- Excusez-moi, madame. Nous avons hélas assez peu de moyens pour arranger nos hommes… Je vous disais donc qu'il serait difficile d'entrer à Minas Tirith. La cité est bouclée, et lourdement gardée. J'ai bien peur que les étrangers ne soient pas les bienvenus. Les marchands sont acceptés, et ceux qui disposent d'un laisser-passer royal ou d'une résidence personnelle en Anórien peuvent entrer librement, mais pour le reste le Haut-Roy encourage le peuple à se réfugier plus loin en Gondor, dans les terres.

Il marqua une pause pendant laquelle Lithildren essaya à nouveau de parler mais il reprit la parole avant.

- Si je savais quelle était la raison exacte de votre venue, je pourrais envoyer un courrier au Capitaine Erelas, à l'intérieur de la cité. Si votre demande est justifiée, il peut peut-être vous obtenir un laisser-passer pour entrer à Minas Tirith. Dans tous les cas…

Nouvelle pause. Mais cette fois suivie d'un fracas. Lithildren était dos à l'accident mais elle vit les quatre soldats dégringoler les trois mètres de hauteur, et lâcha un hoquet de stupeur. Elle qui avait l'habitude de la mort n'avait pourtant pas beaucoup vu ce genre de situation... voire jamais. Dans un même mouvement, le Commandant et elle s'élancèrent rapidement vers le lieu où les blessés se trouvaient.

- Ne les touchez pas, malheureux ! Vous risqueriez d'aggraver leurs blessures. Que quelqu'un aille chercher des guérisseurs, de toute urgence !

Lithildren regarda l'ampleur des dégâts sur les hommes... et elle fut heureuse que tous soient en vie. Enfin pour le moment. Elle se tenait là, l'air stupéfaite, comme si c'était la première fois qu'elle voyait cette scène.

- Mon Commandant, devons-nous les transférer aux Maisons de Guérison ?
- Non. Ils ont bien assez à faire à l'heure actuelle… Madame, je suis désolé de vous mettre à contribution ainsi alors que vous avez fait une longue route, mais sauriez-vous m'aider avec ces malheureux le temps que les guérisseurs arrivent ? Ils n'y en a que pour quelques minutes, et ensuite nous pourrons discuter de vos affaires.
- Je ferais le nécessaire que je puisse faire pour vos hommes, Commandant Mevan, répondit derechef l'Elfe.

Lithildren s'accroupit près du Commandant et examina les blessés.

- Les fractures vont poser problème pour bouger vos hommes, même si nous nous en occupons... Il faut immobiliser les membres cassés avec des planches de la bonne taille et des fils ou cordes peu épaisses pour consolider. Pour la douleur, je peux user de quelques herbes et de ces petits tours elfiques, mais il me faut quelques petites choses si quelqu'un est enclin à m'en donner... Ou au moins ce que vous avez.

Lithildren regarda le Commandant. Elle ne les connaissait pas mais semblait impliquée.

- Avec un peu de chance, mon aide peut leur épargner de la souffrance inutile ou quelques jours supplémentaires à ne pas être là sur le front.

Si Lithildren les aidait, ça ne ferait que lui porter des avantages. Mais là, la santé de soldats était plus importante pour l'Elfe que la guerre, sa mission et le reste.
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyLun 3 Sep 2018 - 19:52

- Merci, madame.

Le regard appuyé que lança Mevan à Lithildren en disait long sur sa sincérité. Voir que cette femme acceptait de prendre soin de ses hommes lui faisait sincèrement chaud au cœur. Il considérait chaque homme portant l'uniforme du Gondor comme un véritable frère d'armes, et l'Elfe acceptait symboliquement de soigner un membre de sa famille étendue. Il lui était reconnaissant au-delà de ce qu'elle pouvait imaginer. Il détourna le regard, et posa sa main sur l'épaule du blessé dont il s'occupait, lequel continuait de gémir de douleur.

- Ça va aller, Jon. Ça va aller… Les guérisseurs sont en route, et ils vont bien s'occuper de vous, j'y veillerai personnellement. Je suis désolé de vous avoir demandé de travailler par une telle chaleur, et dans ces conditions.

Le Commandant essayait de rassurer son soldat, le regardant droit dans les yeux avec force et confiance. Il faisait abstraction de tout ceux qui se trouvaient autour de lui en cet instant, et focalisait toute son attention sur le guerrier qu'il essayait d'encourager à tenir bon. A défaut de pouvoir prendre sa douleur en lui, Mevan s'efforçait d'aider l'homme à l'endiguer, en lui insufflant le courage dont il semblait déborder. Ce fut Lithildren qui le ramena à la réalité. Sa voix toute elfique aux accents mélodieux se fraya un chemin jusqu'à son esprit, et il tourna les yeux vers elle, écoutant avec attention ce qu'elle avait à lui dire. Il ressemblait moins à un officier sûr de lui et imbu de sa personne qu'à un jeune soldat soucieux d'apprendre d'une personne qui, il le savait, avait beaucoup plus d'expérience que lui. L'humilité faisait partie de ses qualités, même si au poste qu'il occupait elle pouvait parfois constituer un défaut.

- Des cordes et des planches, que quelqu'un aille nous en chercher ! Cria le militaire à l'attention de ses hommes. Puis à Lithildren : Quand nous aurons déplacé ces malheureux, je vous montrerai où trouver les plantes dont vous aurez besoin. Merci encore de votre aide.

Il se tourna vers le soldat blessé, et lui dit avec un sourire qu'il voulait rassurant :

- Tu entends ça, Jon ? C'est une Elfe qui va prendre soin de toi… Tu es le plus chanceux des hommes du régiment aujourd'hui.

L'intéressé eut un sourire derrière lequel on devinait sa souffrance, et il répondit faiblement :

- Oui mon Commandant… J'ai fait exprès de tomber rien que pour ça.

Il y eut quelques rires timides en réponse à cette boutade. Mevan était parvenu à détendre l'atmosphère quelque peu, ce qui aiderait la troupe à surmonter cette nouvelle déconvenue. Bientôt, les guérisseurs arrivèrent, et aidèrent Lithildren à prendre en charge les blessés. Le Commandant était un homme de guerre, plus habitué à donner la mort qu'à sauver des vies. Il savait stabiliser un blessé dans des circonstances critiques, mais face à des blessures qui ne saignaient pas et qui relevaient des mystères du corps, il était bien impuissant. Il participa tout de même comme il le put à l'évacuation, se portant volontaire pour porter un des brancards sur lesquels on chargea les blessés. Les guérisseurs avaient suivi les consignes de Lithildren, et ils avaient immobilisé les membres blessés, procédant avec beaucoup de précaution pour évacuer les hommes du chantier. Il leur avait fallu une bonne demi-heure pour cela, malgré tous les bras volontaires qu'ils avaient pu réunir, mais finalement ils parvinrent à les rapatrier vers l'infirmerie, sous les encouragements des soldats qui leur adressaient des mots pleins d'espoir.

L'infirmerie…

Elle n'en avait que le nom. Les hommes avaient dressé une grande tente légèrement à l'écart, où les soldats se reposaient. Plusieurs hommes étaient étendus là, sur des paillasses ou des lits de fortune selon les plus chanceux. Quelques femmes tout de noir vêtues passaient entre eux pour leur donner à manger, de sinistres figures que Mevan trouvait effrayantes pour sa part. Il avait l'impression qu'elles étaient des envoyées de la Mort venues chercher les âmes des défunts. Elles étaient moins aimées que les précieuses guérisseuses de la Cité Blanche, mais celles-ci ne descendaient que rarement dans les Champs du Pelennor, désormais. Elles étaient apparemment très occupées dans la cité. C'était du moins ce qu'on leur avait dit, mais personne n'avait jugé utile de leur donner des détails.

- Par ici, fit le Commandant à l'attention de Lithildren en s'éloignant de la pièce principale pour entrer dans une seconde tente quelques pas plus loin. C'est là que nous entreposons nos réserves de simples.

La réserve en question était plutôt fournie. On y trouvait de tout, de la sauge à la mélisse, en passant par la verveine et l'aneth. L'apothicaire était absent pour le moment – occupé sans doute à récolter les plantes dont il aurait besoin pour ses futures décoctions – mais son matériel était bel et bien là, à la disposition de l'Elfe. Mevan fit de la place sur la table en repoussant les papiers et les bocaux vides, pour laisser à Lithildren la place de travailler, allant même jusqu'à lui tenir la chaise pour lui permettre de s'asseoir.

- De quoi avez-vous besoin ? Lui lança-t-il en allant chercher les plantes qu'elle lui commandait.

Cependant qu'il ramenait le nécessaire aux préparations de l'Elfe sur la table, le Commandant et cette dernière étaient seuls et pouvaient facilement parler des affaires qui amenaient la voyageuse à Minas Tirith. Il l'invita d'ailleurs à le faire en lui déclarant avec simplicité :

- Je n'ai pas vraiment de bureau ici, sauf si on considère que la tente où je dors est un endroit approprié pour recevoir une noble représentante des Eldar… Nous serons aussi bien ici pour discuter.

Son sourire las en disait long sur l'état d'épuisement moral dans lequel il se trouvait. On le chargeait de la mission la plus noble qui fût : défendre le cœur du Gondor, le phare de la liberté et de la résistance aux ennemis des Peuples Libres, la plus belle cité des Hommes… Et avec quoi ? Avec un régiment de volontaires zélés qui avaient répondu à l'appel avec enthousiasme, un contingent exemplaire qui avait traversé le Lebennin à marche forcée en portant haut les couleurs de l'Arbre Blanc, mais qui n'avait pas même eu le droit d'entrer triomphalement dans la cité d'Anárion pour s'y rassembler derrière les épais murs de Minas Tirith. Ils étaient reçus comme des invités de seconde zone, et bien que Mevan comprît quelle importance il y avait à défendre le vieux mur de Rammas Echor, il trouvait dommage que ses soldats dussent dormir dans des tentes, alors que si proche se trouvait le souverain pour lequel ils étaient tous prêts à mourir.

Chassant ces pensées qui l'affaiblissaient et le détournaient de ses préoccupations principales, Mevan se concentra exclusivement sur Lithildren et sur son récit. Cette femme Elfe avait eu la bonté d'aider ses hommes, et de tendre la main à des blessés qu'elle ne connaissait même pas. Il s'efforcerait de l'aider à entrer à Minas Tirith. Peut-être que les grandes portes s'ouvriraient pour une Elfe de noble rang, à défaut de s'ouvrir devant les enfants du Gondor qui tombaient sous le soleil.


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Lithildren Valbeön
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyLun 3 Sep 2018 - 21:53
- Ça va aller, Jon. Ça va aller… Les guérisseurs sont en route, et ils vont bien s'occuper de vous, j'y veillerai personnellement. Je suis désolé de vous avoir demandé de travailler par une telle chaleur, et dans ces conditions.

Lithildren avait le cœur serré. Voir un tel dévouement chez une personne était nouveau pour elle. Mevan se donnait corps et âme pour ses hommes et se comportait avec eux comme un père attentionné plutôt qu'un supérieur hiérarchique. Jamais elle n'avait vu une telle attitude et encore moins chez les Elfes. Mevan était de ces hommes à qui l'on donnerait tout, même sa vie. Ces hommes de confiance que la vie donnait pour soulager un peu les maux de l'esprit, ces hommes si rares dont les puissants profitaient pour se protéger. Lithildren pensait à cela en observant le Commandant. Elle n'en revenait tout simplement pas qu'une telle bonté puisse encore exister, même après avoir vu le village d'Alart.

- Des cordes et des planches, que quelqu'un aille nous en chercher ! Puis à Lithildren : Quand nous aurons déplacé ces malheureux, je vous montrerai où trouver les plantes dont vous aurez besoin. Merci encore de votre aide.
- Vous me remercierez quand vos hommes sortiront indemnes de cet... incident.

Elle tourna le regard vers le blessé.

- Tu entends ça, Jon ? C'est une Elfe qui va prendre soin de toi… Tu es le plus chanceux des hommes du régiment aujourd'hui.
- Oui mon Commandant… J'ai fait exprès de tomber rien que pour ça.

Lithildren posa sa main à la peau autrefois si douce mais aujourd'hui plus "normale" sur le front du soldat, dans un geste rassurant. Elle lui adressa aussi un sourire bienveillant et lâcha doucement : "Petit veinard." Le dénommé Jon répondit d'un bref sourire avant de grommeler de douleur.

Elle aida comme elle le put à déplacer les quatre blessés jusqu'à l'infirmerie, encourageant les porteurs et blessés de quelques mots, regards ou légers sourires. La scène semblait irréelle pour tous : malgré la description de la noblesse des Elfes, il était de renommé qu'ils étaient égoïstes et ne se mêlaient guère des affaires des non-Elfes. Alors voir une Eldar participer aux soins de blessés dont elle ignorait absolument tout juste quelques minutes après son arrivée au "campement"... Cela relèverait presque de la légende plus que de la réalité.

L'infirmerie pouvait sembler miséreuse mais elle valait bien mieux que le mouroir de Tharbad. Surtout concernant l'odeur. Lithildren supportait moins bien la vue de blessés depuis les trop nombreuses morts qu'elle avait eut le long de sa route. Sadron, Holric, Alart, Oropher sans doute... Elle avait trop perdu à son sens et pourtant continuait à faire preuve d'une force d'esprit qu'elle ne soupçonnait même pas chez elle. L'Elfe suivit le Commandant qui l'emmena à la réserve de plantes. Mais ce qu'il ignorait, c'est qu'elle ne se souvenait pas de manière exacte des plantes et remèdes à administrer. Quelques bribes de souvenirs lui étaient revenus quand elle avait dû soigner Alart de manière rudimentaire mais elle n'avait plus le savoir des siens aussi clairement gravé dans sa mémoire...

- C'est là que nous entreposons nos réserves de simples. De quoi avez-vous besoin ?

L'Elfe fut d'abord muette, bouche ouverte en des mots absents. Elle réfléchissait mais sa mémoire flanchait quand elle voulait se remémorer le nom ou l'utilité d'une plante... Mais l'espoir n'était pas perdu, l'apparence des plantes restait dans sa mémoire et elle fit le tour elle-même des réserves plusieurs fois à regarder les plantes et tâcher de se rappeler leurs effets. Elle finit par avoir un tas satisfaisant après de longues minutes. Elle s'assit sur la chaise que Mevan lui avait passée et commença à préparer ce qu'elle avait en tête pour alléger les douleurs et maux des blessés. Faire baisser la fièvre, les hémorragies, calmer les douleurs... Cela elle savait faire et s'y attela avec précision et concentration. Jusqu'à ce qu'il la sorte de ses pensées.

- Je n'ai pas vraiment de bureau ici, sauf si on considère que la tente où je dors est un endroit approprié pour recevoir une noble représentante des Eldar… Nous serons aussi bien ici pour discuter.

Lithildren braqua quelques secondes son regard argenté dans le regard de Mevan puis le baissa sur ses préparations.

- Cela pourra attendre. Je... Vos hommes ont besoin de soins et j'ai dis que j'allais vous aider. Lorsque cela sera fait, nous pourrons discuter. Si vous me permettez toujours cette discussion-là.

Elle lui adressa un franc sourire et continua ses affaires. Mais elle n'aurait sans doute pas d'autre occasion pour parler et elle releva bien vite la tête vers Mevan. L'Elfe se leva et regarda le Commandant avec compassion et franchise.

- J'ignore si vous allez me croire mais... J'ai été conviée à Minas Tirith par la Société des Chercheurs. Il y a des dangers plus grands encore qui font surface que la menace qui vous guette, vous et vos hommes. L'homme que je traque, l'homme que la Société des Chercheurs traque, a en sa possession des objets et pouvoirs qui peuvent ébranler le monde et balayer d'un geste de la main des hommes qui ont votre dévouement, votre bonté et votre force.

Elle parlait en plantant ses yeux d'argent dans ceux de Mevan.

- J'ai perdu des compagnons de route en traquant cet homme-là. Et il n'est pas juste que les cœurs purs comme le vôtre ou celui de ceux que j'ai perdu paient le prix fort. Je ne demande qu'à rejoindre la Société des Chercheurs pour mettre fin aux agissements de gens qui veulent la fin du monde tel que nous le connaissons.

Lithildren ignorait s'il la croirait ou pas, mais elle essayait d'être le plus convaincante possible. Elle parlait avec détermination, le regard planté et le dos droit. Mais à peine ses explications données, elle se détourna.

- Les remèdes pour vos hommes sont prêts.
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Ryad Assad
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyMar 4 Sep 2018 - 0:12

L'Elfe était pour le moins singulière. Outre son équipement de voyage, qui rappelait davantage les tenues des marchands coutumiers des longs périples que celles des femmes de bonne vie, il y avait quelque chose chez elle que le Commandant ne parvenait pas à expliquer. Une forme de simplicité sincère qui se doublait d'une étrange mélancolie comme on n'en croisait que chez les Premiers Nés. Ces gens qui vivaient si longtemps qu'ils en oubliaient parfois quelle était la raison de leur présence en Arda, et qui sombraient dans la contemplation passive du monde. A l'inverse, Lithildren avait dans ses veines le sang bouillonnant de ceux qui veulent changer les choses, et qui se battent pour ça. Elle avait pris le brancard à pleines mains, sans hésiter, et s'était montrée aussi dévouée que n'importe quel soldat du régiment.

Et pourtant elle se tenait là, hésitante, devant des simples.

Mevan l'observait sans dire un mot, légèrement perplexe. Elle avait paru hésiter quand il lui avait demandé de quoi elle avait besoin, comme si tout à coup il l'avait chargée d'une tâche insoluble. Les doutes dont elle semblait envahie se dissipèrent bien vite, alors qu'elle cueillait les plantes, les examinant parfois une seconde avant de décider si oui ou non elle avait besoin d'elles pour le remède qu'elle entendait préparer.

Le Commandant avait déjà vu des Elfes. Il en avait croisés plusieurs à Pelargir quand il était jeune, à l'époque où l'on pouvait encore voir les nobles Eldar de par le monde. Avant qu'ils ne se repliassent dans leurs forêts pour n'en plus sortir qu'en de très rares occasions. Il avait toujours nourri une fascination naïve pour ce peuple, allant jusqu'à rêver parfois d'avoir en lui le sang des Premiers Nés. Les années lui avaient confirmé que non, il était bien de la race des Hommes, et ce rêve s'était étiolé en laissant derrière lui l'écho lointain d'une curiosité inassouvie. C'était donc avec curiosité qu'il observait Lithildren, représentante tout à fait non représentative des siens, qui se tenait à moins d'un mètre de lui. Les oreilles de la femme lui rappelaient celles des chats, et il se demandait si, à la manière des félins, elle pouvait les orienter à volonté pour capter les sons.

Il sursauta quand elle se tourna vers lui avec en main les plantes qu'elle avait sélectionnées. Levant les yeux au ciel comme un gamin des rues pris sur le fait, il retrouva une contenance et trouva à s'occuper en ajustant son surcot comme si de rien n'était. Lithildren avait peut-être remarqué son regard insistant, mais elle eut la délicatesse de ne pas relever, et s'installa tranquillement pour commencer ses préparations. Tout en s'appliquant et en s'affairant à ses mélanges, elle lui répondit d'une voix calme, posée et mélodieuse, qu'elle préférait se concentrer sur les blessés. C'était tout à son honneur, et Mevan répondit :

- Naturellement, nous ferons comme vous le souhaitez.

Mais elle changea d'avis peu après, comprenant peut-être que l'occasion était bien choisie pour elle de lui confier la raison de sa venue. Elle s'y consacra en essayant de se montrer convaincante, mais Mevan n'était pas véritablement un homme à convaincre. La Société des Chercheurs ? Il n'en avait jamais entendu parler, et cela ne lui disait rien. Par contre, dès lors qu'elle évoqua les dangers qui pouvaient peser sur le Gondor, et plus largement sur le monde, elle obtint son attention et son soutien. S'il n'avait pas eu pour mission principale de veiller à la défense du vieux mur, il lui aurait demandé de quelle manière il pouvait l'aider, et se serait volontiers embarqué dans une croisade vengeresse contre l'homme qu'elle disait traquer au nom de cette « Société des Chercheurs ». Cependant, elle trouva les mots pour mettre le Commandant légèrement mal à l'aise en évoquant toutes les qualités qu'elle semblait voir en lui. Il rougit s'empourpra légèrement, comme un jeune homme encore impressionnable, et fit un effort perceptible pour ne pas l'interrompre à la seule fin de rejeter ces compliments qu'il n'estimait pas mériter.

Là où elle voyait du dévouement, il voyait l'attitude normale d'un soldat envers ses compagnons et son royaume. Là où elle voyait de la bonté, il voyait de la simplicité. Là où elle voyait de la force, il ne voyait qu'une simple volonté de sa part de faire de son mieux dans un monde qui ne lui avait pas souvent donné sa chance. Chance. Un prénom qu'il portait bien, d'après sa mère, même s'il ne s'estimait pas toujours chanceux. Mais il savait parfois créer la chance, et la saisir quand elle se présentait à lui. Le militaire hocha la tête avec sérieux en entendant le récit de Lithildren, pressentant qu'elle lui disait vrai, et qu'il avait là l'opportunité de faire quelque chose de bien pour son royaume. Il ignorait pourquoi, mais il avait envie de lui faire confiance et de la suivre.

- Je vous crois, madame. Je n'estime pas mériter tous les bons mots que vous m'adressez, mais si vous cherchez un homme prêt à vous aider à affronter les ennemis des Peuples Libres, vous pouvez compter sur ma lame.

Ses engagements auprès du Gondor passaient naturellement au premier plan, mais il s'agissait pour lui d'une promesse. Une Elfe ne pouvait pas lui mentir sciemment au sujet d'une menace pesant sur l'ensemble de la Terre du Milieu, et si elle venait à Minas Tirith pour affronter un tel ennemi, elle trouverait en lui un allié sûr. C'était le sens de son engagement auprès de l'armée de Pelargir.

- Je vais rédiger une lettre au Capitaine Erelas. Il connaît vraisemblablement cette « Société des Chercheurs », et il saura vous mettre en relation avec elle. Donnez-moi simplement le nom de la personne que vous souhaitez contacter dans cette Société.

Lithildren ayant terminé de préparer ses remèdes, Mevan l'emmena auprès des blessés pour le leur administrer. Elle avait su confectionner de quoi apaiser leurs souffrances pendant un temps, et les guérisseurs lui surent gré d'avoir préparé de puissants calmants qui aideraient ces hommes à dormir. Malheureusement, seul le temps pouvait guérir les fractures, et de longues semaines attendaient les patients qui ne passeraient pas un jour sans gémir. Leur rééducation serait encore plus longue, et il leur faudrait plus d'un an pour retrouver leur mobilité complète. Mevan s'en voulait terriblement de cet accident, comme s'il était personnellement responsable de celui-ci. Il n'avait objectivement rien à se reprocher, mais savoir que des hommes sous son commandement étaient blessés le rendait malade.

Ils passèrent un long moment auprès des blessés, notamment « Petit Veinard » comme l'appelaient ses compagnons d'armes qui avaient entendu les mots prononcés par l'Elfe. Mevan le rassura quant à la suite, en lui donnant le verdict des guérisseurs :

- Vous allez retrouver vos jambes, ne vous inquiétez pas. Le plus dur sera de retrouver le muscle que vous perdrez inévitablement, mais nous en rediscuterons quand nous vous aurons ramené à la maison, à Pelargir.

- Ma femme me manque, Commandant, fit l'homme au bord des larmes.

Mevan lui prit la main et la serra entre les siennes :

- Je sais, Jon. Si je ne m'abuse elle était enceinte quand nous sommes partis… Vous aurez une belle surprise à votre retour.

Un nouveau sourire empli de douleur. Il n'était pas facile pour ces hommes de se trouver loin de chez eux, même s'ils savaient pour quoi ils se battaient. Pour leur noble royaume, pour leur souverain, et à travers ce combat ils défendaient tout le Gondor, et tous les Peuples Libres. Ils étaient le premier rempart entre les femmes et les enfants de ce monde et une horde de sauvages venus de l'est qui mangeaient les cœurs de ceux qu'ils tuaient.

Lithildren et le Commandant finirent par quitter l'infirmerie, non sans s'être assurés que les blessés seraient bien traités. Mevan lâcha un soupir, comme si la fait de savoir qu'ils allaient s'en tirer lui enlevait un lourd fardeau des épaules. Mais il avait toujours au fond du regard une lueur de culpabilité qui ne voulait pas disparaître. Essayant de la cacher derrière une nouvelle chose à faire, il se tourna vers l'Elfe et l'invita à le suivre pour aller rédiger la fameuse lettre. Le Commandant dormait non loin, dans une tente fournie par l'état-major, et qui se distinguait des autres uniquement car deux bannières avaient été plantées devant. Elle était à peine plus grande que la tente réglementaire où dormaient les soldats, mais puisqu'elle était réservée à lui seul, il y avait fait installer une table afin de pouvoir travailler dans la soirée à la lueur d'une bougie déjà largement entamée. Il s'assit, s'empara d'une plume et d'un papier vierge, avant de commencer à écrire une brève lettre qui détaillait les informations dont lui avait fait part Lithildren. Il sortit la confier à un messager qui se trouvait toujours dans les parages, et revint vers l'Elfe.

- Madame, votre missive est en route vers Minas Tirith à l'heure actuelle. Elle est entre les mains de mon messager, Aetheling, qui s'assurera de l'amener à bon port. Cependant, j'ai bien peur que vous n'obteniez pas la réponse avant demain au plus tôt, même si j'ai spécifié qu'il s'agissait d'une missive urgente.

Il haussa les épaules. Il n'était pas responsable de la lenteur de l'administration du Gondor, même si depuis le temps qu'ils correspondaient, les messagers avaient davantage de facilité à accéder au Capitaine Erelas. La première fois que le jeune soldat s'était présenté, il avait été fouillé une première fois aux portes, puis une seconde fois au bureau d'Erelas. On l'avait fait patienter longuement sans lui donner d'indications précises, et il avait finalement obtenu le droit de déposer sa missive en main propre une demi-journée après que Mevan l'eût envoyé. Ce dernier avait rédigé un courrier très contrarié au Capitaine de la Porte, pour lui dire qu'en cas d'attaque ennemie il espérait que les ordres seraient transmis un peu plus rapidement. Depuis, les choses s'étaient améliorées, mais pas de beaucoup. Sachant que Lithildren allait devoir attendre, le Commandant enchaîna :

- En remerciement de votre service auprès de mes hommes, je vous propose d'utiliser mes quartiers pour la nuit. C'est le lit le plus grand et le plus confortable que vous trouverez à des lieues à la ronde.

A en juger par l'aspect dudit lit, c'était tristement vrai. On avait fait venir au Commandant un véritable lit sur pied, que celui-ci avait d'abord refusé en bloc avant d'accepter de mauvaise grâce sous prétexte que « la hiérarchie était maintenue par des éléments symboliques ». On lui avait fait comprendre qu'un officier supérieur ne pouvait pas dormir dans le même lit que la troupe : une réalité avec laquelle il n'était pas encore réconcilié. Ce n'était pas un lit de luxe, mais on y dormait nettement mieux que sur les paillasses réglementaires dont se contentaient les hommes du rang. Le lit était grand, et il occupait un espace considérable dans une tente qui pouvait en théorie accueillir entre quatre et six soldats. Un gâchis de ressources selon Mevan, mais les ordres étaient clairs.

Sentant que Lithildren risquait de refuser son offre, il leva la main et la coupa :

- J'insiste, madame. Prenez cela pour un remerciement au nom de tout le régiment de Pelargir.

Malheureusement, dans son empressement à vouloir la remercier, Mevan avait oublié de penser à la façon dont il allait passer sa nuit. Il s'approcha de son paquetage, et l'ouvrit en expliquant :

- Je dois avoir une couverture là-dedans, et les hommes du rang me feront bien une place cette nuit. Ne vous en faites pas pour moi, mettez-vous à votre aise.

Il lui restait seulement à trouver cette fichue couverture.


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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyMar 4 Sep 2018 - 10:34
- Je vous crois, madame. Je n'estime pas mériter tous les bons mots que vous m'adressez, mais si vous cherchez un homme prêt à vous aider à affronter les ennemis des Peuples Libres, vous pouvez compter sur ma lame.

Elle ne pensait pas que Mevan lui accorderait sa confiance si vite. Il semblait fervemment dévoué à sa patrie et aux siens, ce qui frappa une fois encore l'Elfe. Il y avait quelque chose chez cet homme qu'elle ne parvenait pas à comprendre : était-ce de la naïveté ou autre chose ? Il avait eut ce regard insistant sur elle, celui de l'homme qui est fasciné par sa condition elfique. Elle aurait aimé lui dire qu'elle ne voulait pas de traitement de faveur, que les Elfes n'étaient pas ce que les Hommes pensaient d'eux. Lithildren savait qui étaient les siens. Pas Mevan. Mais était-il nécessaire d'enlever ce mysticisme des yeux des humains sous prétexte d'établir une réalité ? Peut-être pas. Parfois les rêves doivent rester ce qu'ils sont, des rêves.

Il lui promettait le service de sa lame mais elle ne voulait pas que cet homme pâtisse lui aussi des vices de Gier. Elle l'avait vu s'empourprer mais n'avait rien montré. Avait-elle dit quelque chose de mal ou fait un compliment ? Elle n'avait fait pourtant que dire ce qu'elle constatait mais il était vrai qu'elle ne connaissait pas ces agissements. Quatre siècles et pas un seul conflit vécu. Et lui n'avait pas le quart de son âge et était les pieds dans la guerre. Etait-ce bien juste ?

Mais à cette promesse elle n'avait trouvé aucune réponse. Aucune viable.

- Je vais rédiger une lettre au Capitaine Erelas. Il connaît vraisemblablement cette « Société des Chercheurs », et il saura vous mettre en relation avec elle. Donnez-moi simplement le nom de la personne que vous souhaitez contacter dans cette Société.

Elle ne savait pas si c'était une bonne idée. En plus elle ne connaissait que le nom de Nallus, ce qui était déjà sûrement beaucoup. Mais cela devait attendre : Lithildren voulait soigner les soldats de Mevan avant toute chose pour le moment. Ils retournèrent tous les deux vers les blessés et l'Elfe leur donna son remède. Il était fort et aurait plusieurs effets jusqu'à demain mais surtout, il les aiderait à endurer la douleur. Les guérisseurs remercièrent l'Elfe qui leur donna volontiers la recette exacte de son remède afin de les aider, eux et les blessés, présents ou à venir. Elle n'avait aucun intérêt à garder cela pour elle si cela pouvait aider à sauver des vies.

Elle entendit que Jon avait une femme. Enceinte. Et elle se sentit pleine de sentiments où se mêlèrent de la tristesse et du désarroi. Voilà les hommes que la guerre prenait : des maris, frères et fils. Des hommes aimés qui partaient donner leur vie pour une patrie qui ne faisait rien pour eux. Elle serra le poing face à une telle injustice. Pas de secours, ni d'aide, ni de ressources ou quoi que ce soit de correct pour des soldats. Rien. Il était affreusement injuste que les puissants délaissent leurs soldats à ce point... Pourquoi agir ainsi ? Sans ses soldats, nulle patrie ne pourrait tenir le coup face à un envahisseur. Même le plus puissant des hommes a besoin d'une protection pour survivre mais à quoi bon si cette protection est fragile comme plume au vent ?

Elle baissa les yeux et quitta la tente après avoir vérifié que tous allaient bien. Mais elle se sentait... privilégiée. Elle avait l'avantage d'être libre mais ne pouvait compter que sur elle-même. La confiance était dure à gagner, tout comme la nourriture et l'eau. Lithildren se sentit soudain si seule qu'elle eut un violent frisson qui lui parcourut le dos. Pourtant l'air n'était pas si frais, au contraire. Mevan invita Lithildren à le suivre jusqu'à sa tente.

Une fois à l'intérieur, il s'installa à son "bureau" et prit de quoi rédiger une missive. Il leva le regard sur l'Elfe et commença à rédiger, avec en plus les détails que lui donna Lithildren :

- Si jamais Nallus vient à lire un message ou que le Capitaine lui parle, ajoutez que... que l'atout est arrivé et attend de le rencontrer.

Il haussa un sourcil surprit mais ne releva pas. Il termina la missive et sortit la donner à un messager qui courut la livrer. Il retourna voir l'Elfe ensuite. Lithildren se tenait bien droite et presque immobile dans un coin de la tente. Elle essayait d'être discrète et de rester à l'écart alors même qu'ils n'étaient que deux. Elle le suivit du regard et attendit.

- Madame, votre missive est en route vers Minas Tirith à l'heure actuelle. Elle est entre les mains de mon messager, Aetheling, qui s'assurera de l'amener à bon port. Cependant, j'ai bien peur que vous n'obteniez pas la réponse avant demain au plus tôt, même si j'ai spécifié qu'il s'agissait d'une missive urgente.

Demain ? C'était déjà plus tôt qu'elle n'aurait pu l'espérer. Elle haussa légèrement une épaule et lâcha un soupir, comme si un poids se libérait sur ses épaules. Elle allait pouvoir se reposer un peu avant de reprendre sa route vers Nallus, Gier et le reste.

- En remerciement de votre service auprès de mes hommes, je vous propose d'utiliser mes quartiers pour la nuit. C'est le lit le plus grand et le plus confortable que vous trouverez à des lieues à la ronde.

Elle ouvrit la bouche mais il la coupa.

- J'insiste, madame. Prenez cela pour un remerciement au nom de tout le régiment de Pelargir. Je dois avoir une couverture là-dedans, et les hommes du rang me feront bien une place cette nuit. Ne vous en faites pas pour moi, mettez-vous à votre aise.

Il était dos à elle pendant qu'il fouillait son paquetage. Lithildren finit par bouger et, en pas silencieux, s'approcha de Mevan. Elle se mit à genoux près de lui et posa une main sur son épaule. Une main autrefois belle et gracieuse mais aujourd'hui abîmée et portant les stigmates de jours sombres. De si près, Lithildren perdait tout son mysticisme. Elle n'était pas de ces Elfes à la peau lisse et pâle, à l'aura lumineuse. Elle n'avait aucune aura, sa peau était bronzée mais elle gardait ces traits caractéristiques : fins, élégants, quoique les expériences de Lithildren aient modifié ces traits. Elle était plus dure, plus... humaine.

Elle posa son autre main sur l'avant-bras de Mevan et parla doucement, avec un léger sourire aux lèvres.

- Commandant, je ne veux pas de traitement de faveur. Je ne suis qu'une voyageuse. Je dormirai dehors, avec mon cheval. Et si vous insistez réellement pour que je prenne votre couche, alors partageons-la. Car je ne veux pas que vous cédiez votre place pour une Elfe.

Elle se releva ensuite, toujours aussi sérieuse. Malgré ses joues rosies.

- Et appelez-moi Lithildren. Pas "madame". Ni "Dame". Juste Lithildren.
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Ryad Assad
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Ryad Assad

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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyMar 4 Sep 2018 - 12:57

Nallus.

Mevan ne connaissait pas ce nom, mais il ne doutait pas qu'Erelas saurait trouver de qui il s'agissait. L'homme avait de nombreuses connexions dans la Cité Blanche, et si cette Société des Chercheurs avait pignon sur rue, il les localiserait rapidement et leur ferait parvenir la missive. Le Commandant consigna soigneusement ce que lui dit l'Elfe, non sans marquer sa surprise lorsque Lithildren lui parla d'un « atout » qui venait d'arriver. Un atout. Cela pouvait désigner tout et n'importe quoi, à dire vrai. Un objet, une information cruciale, ou encore l'Elfe elle-même… Mais le mot en lui-même n'était pas anodin, et si elle avait vraiment en sa possession de quoi prendre l'avantage contre les ennemis des Peuples Libres, alors sa protection était capitale. Il signa et cacheta la lettre avant de la confier à son messager, pour revenir à son invitée et lui offrir la meilleure preuve de son hospitalité.

Alors qu'il cherchait dans ses affaires, il sentit soudainement une main délicate se poser sur son épaule. Il n'avait pas entendu l'Elfe se déplacer, et il se raidit brusquement, avant de se retourner vers la femme qui se trouvait affreusement proche de lui. Son visage trahit son immense surprise et sa gêne presque adolescente devant une représentante du beau peuple. La plus belle des races d'Arda, lui avait confié sa mère. Elle ne s'était pas trompée. Totalement subjugué par la présence de Lithildren, Mevan mit un moment à réaliser ce qu'elle venait de lui dire, et encore quelques secondes pour trouver comment formuler une réponse adéquate :

- Mad… Lithildren… Je… Vous…

Ses bafouillements étaient le signe de son trouble intense, car il n'avait pas imaginé qu'elle lui ferait une telle contre-proposition. Lui et elle, partager la même couche cette nuit ? Il se serait menti à lui-même s'il avait affirmé que l'idée ne le tentait pas… Mais en même temps, était-ce bien correct ? Était-ce bien raisonnable ? Il ne s'était jamais tenu si proche d'une Elda auparavant, alors l'idée de passer la nuit à quelques centimètres seulement de l'une d'entre elle lui donnait l'impression de rêver. Il s'emmêla encore dans ses mots, avant de finir par lui répondre :

- F-Faisons comme ça alors… Mais appelez-moi Chance, je vous en prie.

Il s'empourpra soudainement, comme si cet excès de familiarité entre eux deux le mettait mal à l'aise. Changeant brutalement de sujet, il lança :

- Laissez-moi appeler quelques pages, ils s'occuperont de vous.

Eu égard à son grade, Mevan avait à sa disposition toute une armée de serviteurs qui s'occupaient de ses moindres désirs. La plupart du temps, il les envoyait à travers le camp pour veiller sur les près de deux mille hommes qui assuraient la protection du mur de Rammas Echor. Un contingent immense qui honorait la cité de Pelargir, mais qui impliquait aussi une grande logistique. Le Commandant fit venir les jeunes hommes un instant, et leur expliqua :

- Trouvez-moi un baquet et de l'eau chaude et propre pour notre invitée, qu'elle se délasse de son long voyage. Faites le nécessaire pour qu'elle se sente traitée à la hauteur de son rang.

Les deux garçons posèrent les yeux sur Lithildren, et notèrent immédiatement ses oreilles elfiques, si différentes de celles des humains. Ils comprirent immédiatement qu'ils devraient faire de leur mieux, et s'en allèrent prestement, soucieux d'obéir du mieux possible aux ordres du soldat. Fort heureusement, ils étaient équipés pour ce genre de choses, et ils revinrent moins de cinq minutes après en portant un lourd baquet qu'ils remplirent d'eau bouillante, puis l'adoucirent avec de l'eau glacée puisée dans les rivières qui serpentaient non loin. Ils déposèrent un pain de savon parfumé sur un tabouret qu'ils disposèrent tout à côté, ainsi qu'un peigne, et deux serviettes épaisses.

- Nous avons envoyé quelqu'un chercher des vêtements propres, fit un des deux. Il arrive bientôt, mais en attendant n'hésitez pas à déposer vos effets au-dehors. Nous les laverons et vous les rendrons propres dès demain matin.

La diligence de ces adolescents était louable, et Mevan les remercia sincèrement, non sans leur donner la permission de se reposer après cela. Le Commandant sentit la gêne de Lithildren, mais il ne s'imaginait pas traiter une femme avec moins de courtoisie et de bienveillance. Encore moins une Elfe qui s'était précipitée pour aider ses hommes. Il s'inclina légèrement, et la rassura :

- Je vous laisse vous départir de la poussière du voyage, et vous relaxer. Je donnerai des ordres très précis pour que personne ne vienne vous importuner, et je reviendrai dans une petite heure. J'ai quelques affaires à régler entre temps.

Il s'inclina de nouveau, puis quitta la tente, non sans avoir veillé à bien en refermer les pans pour préserver la pudeur de Lithildren. Sitôt sorti, Mevan s'élança vers sa nouvelle tâche. Il avait délaissé ses obligations quotidiennes, pour une bonne raison certes, mais cela ne le dispensait pas de vérifier si tous ses hommes allaient bien. Courir d'un détachement à l'autre était également une bonne façon de ne pas penser à l'Elfe qui s'était frayé un chemin dans ses pensées. Toute en simplicité et en grâce, elle n'en demeurait pas moins une créature venue d'ailleurs, trop parfaite même dans ses imperfections pour appartenir au même peuple que lui. Il se sentait grossier et maladroit en sa présence, avec l'impression perturbante qu'elle parvenait à lire en lui comme dans un livre ouvert. Il se sentait stupide, car elle était sans doute bien plus âgée qu'il le serait jamais, et elle avait dû voir des attitudes similaires à la sienne des milliers de fois.

Il écarta ces pensées qui le distrayaient de sa mission, et intercepta un messager qui filait en toute hâte vers sa tente, porteur d'un message important. Le rapport des hommes d'Erelas, enfin ! Mevan déplia la missive, bien trop courte à son goût, espérant y trouver des informations fraîches au sujet de l'ennemi. Leurs déplacements, leurs manœuvres, peut-être même des indications sur la nature, le moment ou le lieu de leur prochain assaut. Il avait disposé ses hommes principalement sur les sections nord et est du mur, avec un fort contingent de cavaliers prêt à partir au contact des envahisseurs s'ils essayaient de contourner Rammas Echor entre Minas Tirith et Pelargir. Il comptait sur la garnison d'Osgiliath pour prendre l'ennemi en tenaille le cas échéant, et pour les alerter de tout mouvement suspect sur l'autre rive de l'Anduin. Pour l'heure, Osgiliath continuait d'envoyer des rapports rassurants, et toute son attention était donc focalisée sur Cair Andros. Mais le rapport était particulièrement décevant. Toujours aucune trace de l'ennemi, qui ne semblait pas enclin à attaquer.

Que cherchaient-ils en occupant le fort si longtemps ? Attendaient-ils des renforts venus des grands royaumes orientaux ? La guerre était-elle vraiment aux portes du Gondor ?

Mevan essaya de chasser son inquiétude. On parlait de plusieurs dizaines de milliers de combattants qui avaient submergé la cité fluviale. Le contingent de Pelargir comptait moins de deux mille hommes, ce qui représentait une force considérable en soi, mais ils ne seraient qu'une épine dans le pied de leurs ennemis. Même si chacun d'entre eux tuait dix ennemis, ils succomberaient tout de même face au nombre et laisseraient Minas Tirith vulnérable, sans protection… Ces sombres pensées gravitaient dans son esprit, mais puisqu'il ne pouvait rien y changer pour l'heure, il décida de se concentrer sur ce qu'il pouvait faire. Avec le soir qui tombait doucement sur le camp, la chaleur baissait, et les hommes retrouvaient une certaine vigueur. Mais c'était aussi à cette heure que les gardes étaient doublées, et des bataillons en armure lourde venaient prendre place aux points stratégiques, tandis que les guetteurs tendaient l'oreille et ouvraient l'œil pour essayer de surprendre l'approche d'espions éventuels. De gros nuages noirs s'amoncelaient loin à l'ouest, mais ici au Gondor la nuit serait claire, et les étoiles seraient leur meilleur allié. Ce n'était certainement pas cette nuit que choisiraient les Orientaux pour attaquer.

Une heure ayant passé, et l'obscurité commençant à gagner les lieux, Mevan retourna à sa tente espérant ne pas surprendre Lithildren dans une situation inconvenante. Il s'annonça poliment :

- Mad… euh… Lithildren ? C'est… euh… C'est Chance… Puis-je entrer ?

Il attendit sa réponse avant de pénétrer à l'intérieur de la tente, où il fut frappé par la vision qu'il eut d'elle. Elle avait pris la liberté de s'allonger déjà, sans doute gagnée par la fatigue, et lorsqu'il la vit ainsi il se figura une épouse aimante l'accueillant à son retour de campagne. Il se figea un instant, alors qu'elle le dévisageait. Elle avait chassé les traces du voyage sur sa peau et ses cheveux, qui avaient retrouvé une partie de leur lustre et de leur douceur. L'air sentait bon les fleurs d'été, et la lueur faiblarde dispensée par la bougie vacillante jetait des ombres exotiques et mystérieuses sur son regard, faisant jaillir des reflets étonnants dans les yeux tout à fait exceptionnels de l'Elfe.

Mevan baissa la tête subitement, s'arrachant à cette contemplation.

Au moins la pénombre lui donnait la possibilité de cacher son trouble. Il défit les nœuds de son surcot, et retira le précieux vêtement qu'il plia soigneusement, avant de le déposer sur le bureau. Il glissa ensuite hors de sa cotte de mailles, avant de s'asseoir sur le lit pour retirer sa chemise. Alors qu'il se retrouvait torse nu, Lithildren put voir les stigmates douloureux d'un passé brutal sur le dos du soldat. Des marques fines et régulières, pareilles à des coups de bâton ou de fouet, s'alignaient sur sa peau. Il finit par s'allonger aux côtés de l'Elfe, glissant sous la couverture en s'arrangeant pour maintenir une distance respectueuse entre lui et son invitée. Croisant les mains derrière sa tête, fixant le plafond de peur de croiser de nouveau le regard de Lithildren alors qu'ils se trouvaient si proches, il essaya de dissiper le malaise en lançant un sujet de conversation qui lui tenait à cœur :

- Vous… Vous avez parlé d'un homme que vous traquiez. Un homme doté de pouvoirs terribles… Est-ce que c'est lui qui vous a infligé ces marques ?

Il n'avait pas pu s'empêcher de noter que les mains délicates de l'Elfe avaient été soumises à rude épreuve. Une multitude de petites coupures, lacérations et hématomes qui s'atténueraient avec le temps, mais qui indiquaient que Lithildren s'était battue pour sa vie. Il n'avait aucun mal à l'imaginer maniant l'épée qu'elle avait déposé non loin du lit, mais son cœur se serrait à la seule pensée qu'elle eût été maltraitée à ce point par un ennemi des Peuples Libres. Il avait toujours été comme ça, soucieux de protéger ceux qui se trouvaient autour de lui. Être impuissant à empêcher le malheur le rongeait de l'intérieur.

- Désolé, je manque cruellement de tact. Ma mère me le reproche toujours.

Son sourire nostalgique s'évanouit dans la nuit au moment où la bougie achevait de se consumer, cessant de dispenser sa chaude lumière.

Il n'y avait plus qu'eux, et le silence d'une nuit tranquille.


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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyMar 4 Sep 2018 - 14:14
- Mad… Lithildren… Je… Vous…

Elle avait esquissé un léger sourire amusé à ce fouillis de mots qu'il ne trouvait pas. Elle ignorait cependant la raison des joues soudainement pourpres du Commandant. Les humains étaient-ils se facilement intimidables ou... faciles à séduire ? Sa condition elfique avait l'air de sérieusement perturber Mevan et c'est ce détail précis qui la gênait plus que son charme indéniable. Elle ne comprenait même pas elle-même pourquoi elle avait proposé qu'ils partagent la même couche. Elle n'était pas de ces femmes-là, pourtant. Elle était solitaire et sauvage, atteinte d'une amnésie qui occultait son passé à part quelques détails imprimés dans son sang elfique. Une guerrière, archère, cavalière, voyageuse. Pas une femme à hommes. Encore moins une séductrice. Tout ceci était involontaire. Et étrange pour elle-même.

- F-Faisons comme ça alors… Mais appelez-moi Chance, je vous en prie.

Chance. Un prénom bien étrange mais peut-être une mauvaise blague des Valar.

- Laissez-moi appeler quelques pages, ils s'occuperont de vous.

Elle allait refuser mais il s'empressa se continuer, évitant le regard de Lithildren. Il appela les pages et leur donna des directives. Et elle était plantée là comme une sotte, bouche entrouverte et yeux un peu écarquillés face à cet égard dont il faisait preuve. Il montrait un respect au-dessus de ce qu'elle méritait, bien loin au-dessus. Elle en était si gênée qu'elle n'osait plus regarder le Commandant. Jamais elle n'avait eu ce genre de traitement et ça serait sûrement la dernière fois. On lui annonça qu'elle aurait des vêtements propres et que sa propre tenue serait lavée pour le lendemain. Elle ne savait pas du tout quoi dire. Ni quoi faire.

Mevan annonça qu'il s'absentait une petite heure. Cela laissait à Lithildren le temps de se laver, de se prélasser et de penser. Lithildren inclina le buste en même temps que lui quand il sortit de la tente et n'attendit guère plus longtemps pour se déshabiller. Elle s'enroula dans une serviette le temps que le page revienne avec des habits propres. Après cela, elle profita de ce répit pour rester nue.

Il n'y avait pas de glace pour qu'elle voit l'état déplorable de son corps mince et musclé. L'épreuve des souterrains n'avait pas épargné son être. Elle ne portait plus de trace d'hématomes à part des récents ou certains très très persistants et avait regagné une partie de sa grâce, élégance et beauté naturelle. Avec précaution mais grand plaisir, elle entra dans le baquet et se prélassa dans un long, très long soupir d'aise et de soulagement. Elle était bêtement heureuse d'un bon bain chaud et d'un peu de calme. Deux choses qui lui manquaient et qu'elle appréciait triplement après les épreuves qu'elle avait traversé depuis sa fuite d'Imladris.

Elle songea à sa vie pendant un moment.

Toujours elle avait fuit, courut dans l'inconnu et souffert. A chaque fois qu'elle devait faire un choix, elle se demandait si c'était le bon, où ça la mènerait. Jusqu'alors, tous ses choix l'avaient menée ici, à cet instant. Que serait-il advenu si Oropher avait été là ? Aurait-elle pu rendre Alart aux siens ? Aurait-il accepté de pourchasser Gier ou aurait-il dit "Ce ne sont pas nos affaires, nous avons une vengeance tu te souviens ?". Oropher avait toujours été impulsif et guerrier, fort et brave. Il n'avait jamais aimé le calme d'Imladris et depuis leur enfance il rêvait de grandes épopées au-delà des frontières elfiques. Avait-il eut satisfaction ? Non, sûrement pas.

Et Eugénion ? Comment allait ce bon Hobbit de Bree ? Pensait-il à elle ? Regrettait-il cette aventure à ses côtés ou y pensait-il avec nostalgie ? Que penserait-il d'elle, de ce qu'elle était devenue depuis tout ce temps ? Elle avait l'impression que son départ remontait à des années alors que cela ne faisait que quelques mois. Juste quelques mois. Les mois les plus intensifs et violents de sa vie, ponctués parfois d'agréables moments. Rares, certes. Elle en oubliait presque la saveur.

Avait-elle jamais été heureuse ? La question s'imposa soudainement alors qu'elle passait le savon sur sa peau abîmée par les épreuves de la vie. Qu'était le bonheur pour elle ? Craignait-elle l'ennui si elle cessait de survivre, de se battre, d'être fatiguée de courir ? Ou rêvait-elle de cette paisible existence dans une demeure ou sur la route avec une personne qu'elle aimerait et qui l'aimerait ? Que voulait-elle, à quoi aspirait-elle ? Que cherchait-elle ? Tant de questions et pas une seule réponse. Lithildren en conclut que seul le temps donnerait ses réponses. Le temps, les gens, les épreuves. Les pertes, les gains, tout déciderait pour elle. Mais elle devrait faire des choix.

Lithildren termina de se laver et s'allongea à nouveau dans le bac. Holric, Alart, Chance... Des hommes de bonté utilisés comme pions dans les jeux de la guerre. Les premières lignes contre le mal décimés par les puissants des deux côtés. Une telle injustice ne méritait pas d'exister. Et de tels hommes ne méritaient pas de tomber pour la paix. Mais c'était leur devoir, leur destin en quelque sorte. Cruel destin que d'arracher de pauvres gens à leur famille, amis, à leur vie pour les chasser de la surface de a terre et enterrer corps, âme et mémoire six pieds sous terre. Elle en voulut aux riches humains comme aux sages Elfes. Le peuple de Lithildren avait la sagesse, la tactique, la puissance militaire d'aider les Hommes. Mais ils ne faisaient rien. Pourquoi ? Pour éviter les pertes. La longévité des Elfes limitait aussi le nombre de naissance mais les Elfes tombaient moins que les Humains, quel que soit le conflit. La prise d'Imladris avait porté un coup dur mais ils s'étaient relevés.

Lithildren soupira et s'immergea dans le bac avant d'en ressortir, laissant ses sombres pensées rester dans l'eau. Elle s'enroula autour d'une serviette et sécha ses cheveux avec l'autre, le regard porté sur les habits propres posés sur la couche du Commandant. Le Commandant. Un homme au charme certain, à la droiture exemplaire et aux valeurs fortes. Elle resta là à regarder les habits, longuement. Un pantalon miraculeusement à sa taille, des bottes jusqu'aux genoux et une tunique. Elle avait mit sa tenue de Tharbad dehors à l'exception de ses sacoches et de sa ceinture. Et évidemment ses armes.

Lithildren n'enfila que la tunique. Dehors la lueur du jour déclinait doucement. L'Elfe alla allumer la bougie et s'allongea dans la couche du Commandant. Il s'annonça quelques minutes après, alors qu'elle fixait le plafond.

- Mad… euh… Lithildren ? C'est… euh… C'est Chance… Puis-je entrer ?
- Bien sûr, Commandant.

Elle le regarda et se redressa. Le calme plat régnait. Ils se dévisagèrent, longuement, même lorsqu'il retira son surcot et sa cotte de mailles. Elle rougissait, sans savoir pourquoi. Il était définitivement bel homme, bien taillé et au corps parsemé de... stigmates de guerre. Elle tendit la main pour effleurer les cicatrices dans son dos mais ne le toucha pas. Il s'allongea avant qu'elle ne puisse le faire. L'Elfe s'allongea sur le flanc, face à Mevan, un bras plié sous sa tête. Il ne la regardait pas et dans les restes de la lueur de la bougie, elle s'imagina discerner sa gêne.

- Vous… Vous avez parlé d'un homme que vous traquiez. Un homme doté de pouvoirs terribles… Est-ce que c'est lui qui vous a infligé ces marques ?

Lithildren ne répondit pas, fermant les yeux avec tristesse.

- Désolé, je manque cruellement de tact. Ma mère me le reproche toujours.

La bougie rendit son ultime soupir. L'obscurité envahit la tente. Elle voyait à peine mieux que lui, même dans cette obscurité, et discernait un peu plus rapidement que l’œil humain les formes et les ombres. D'un voix basse, douce, elle répondit à Mevan.

- J'ai été retenue prisonnière pendant plusieurs jours dans des souterrains, à creuser pour lui. Avec des dizaines d'autres hommes recueillis dans la campagne, dans les fermes et champs. Des gens pauvres voulant gagner de l'argent pour leur village, leur famille. Même ses mercenaires étaient ainsi...

Elle soupira longuement.

- Il est d'une avarice et d'une cruauté digne des Orcs. Il peut tordre votre esprit pour vous soumettre à sa volonté. C'est ce qui a rendu mon ami d'enfance fou et l'a sûrement tué. Lui et... tous les autres. Elle fit une pause. Je suis la dernière survivante de ces souterrains, avec quelques mercenaires qu'il a gardé avec lui.

Elle revit Holric dans ses derniers instants. Sa résignation, son choc, sa surprise, son appel à l'aide silencieux. Elle souffla presque en silence pour chasser son envie de pleurer.

- Votre dos semble aussi avoir un passé à raconter, Chance. Pourquoi ce châtiment ?

Elle regarda vers lui, même s'il ne pouvait la distinguer clairement. Ils n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Elle entendait son souffle, sentait son regard sur le plafond et parfois sur elle. Lithildren avait son autre main posée juste entre eux. Elle l'écouta parler, sans bouger ni faire un bruit.

Et dans un élan indescriptible, elle se redressa, se pencha vers lui et pressa délicatement ses lèvres contre celles du Commandant Chance Mevan.
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyMar 4 Sep 2018 - 15:57

Dans l'obscurité, chaque son autour d'eux était décuplé. Leurs sens tendus à l'extrême percevaient le moindre souffle s'échappant de leurs lèvres entrouvertes, le bruit de leurs corps glissant dans les draps, le battement de leurs cœurs qui tambourinaient dans leurs poitrines. Mevan regretta d'avoir posé sa question à l'instant où Lithildren commença à lui en donner la réponse.

« Prisonnière ».

Ce mot le fit frémir. Qu'y avait-il de plus horrible que de retenir quelqu'un contre sa volonté, l'enfermer dans un endroit sombre et sans lumière où il perdrait peu à peu tout espoir de vivre et de se battre ? C'était la raison pour laquelle on réservait ce châtiment uniquement aux ennemis du royaume, aux criminels… Lithildren n'était ni l'une ni l'autre, et l'imaginer captive aux mains d'un homme aussi ignoble et dangereux lui glaçait le sang. Il entendait dans son récit tout ce qu'elle ne lui disait pas. Quelques mots ne pouvaient pas dissimuler les heures d'angoisse et de peine, la crainte terrible qui saisissait le cœur même des plus vaillants, et qui faisait trembler mêmes les plus braves. Elle ne lui raconta pas par quels sévices elle était probablement passée. Une torture aussi bien psychique que physique, qui laissait des plaies béantes qui mettaient des années à se refermer.

Les Elfes étaient endurants, mais même eux connaissaient la souffrance…

Elle lui parla en quelques mots de son geôlier, esquissant en phrases concises et terrifiantes le portrait de ce monstre à l'âme noircie par le vice. Un meurtrier qui avait commis des crimes innombrables, et qui courait aujourd'hui en liberté, seulement pourchassé par une Elfe solitaire et cette Société des Chercheurs. Les armées du Gondor auraient dû se mobiliser, et prêter assistance à Lithildren, pour lui permettre de retrouver l'homme en question. Au lieu de quoi, ils étaient cantonnés ici, à attendre un ennemi qui ne venait pas. Mevan aurait tant voulu faire quelque chose. N'importe quoi. Mais il ne pouvait pas quitter son poste, ni son commandement, ni ses hommes qui comptaient sur lui. Un soupir s'échappa de sa poitrine, et il souffla à voix basse :

- L'avarice… Voilà bien une chose méprisable, et vile. Vos tourments ignobles, endurés pour une chose aussi futile que la richesse… Je suis désolé…

Désolé il l'était, pour beaucoup choses. Désolé pour la perte subie par l'Elfe : son ami d'enfance, probablement mort à l'heure actuelle. Et tous ces innocents qu'elle avait vu mourir dans les souterrains où elle avait été retenue prisonnière. Désolé aussi de ne pas avoir pu être là, même si c'était une pensée bien enfantine. Il n'aurait jamais pu savoir, il n'aurait jamais pu se trouver sur place, mais il s'en voulait néanmoins de savoir que la femme avait affronté tous ces tourments seule. Seule face à la cruauté du monde et des Hommes. Il en connaissait quelque chose, et compatissait à sa souffrance.

En retour de la confession qu'elle lui avait glissé à l'oreille, elle l'interrogea sur les marques qu'il avait dans le dos. Des cicatrices qui remontaient à loin, désormais, mais dont le souvenir ne s'effacerait probablement jamais. Il lâcha un second soupir, plus profond encore, et garda le silence un moment, comme s'il cherchait ses mots. Puis il finit par lâcher :

- Parce que je n'ai pas voulu trahir quelqu'un…

Il prit une grande inspiration, comme si cette révélation était un poids dont il venait de se décharger brusquement. A dire vrai, peu de monde connaissait son histoire, et ceux qui avaient vu ses cicatrices – principalement des hommes du régiment – avaient cru qu'il s'agissait de la marque d'une insubordination passée. En réalité, c'était un peu le cas. Il s'était rebellé. Il avait refusé d'obéir aux ordres pour défendre quelqu'un qu'il aimait, et parce qu'il croyait dur comme fer dans les valeurs du Gondor. Les mots s'échappèrent de sa bouche un à un, comme s'il faisait un effort physique pour se libérer de ce fardeau. C'était bien la moindre des choses, sachant que Lithildren venait de lui confier sa propre histoire :

- Un jour… il y a un peu plus de dix ans… les Haradrim ont attaqué le Gondor. Ils sont surgis de nulle part. Ils étaient des centaines.

Il les revoyait encore. Leurs hautes voiles noires glissant sur les fleuves, tandis que les navires vomissaient des combattants assoiffés de sang et de carnage, qui couraient dans les champs en tuant tout sur leur passage. Les hommes qui résistaient étaient massacrés, les femmes et les enfants étaient violés, torturés, et réduits en esclavage. Il avait vu de ses yeux les exactions des pirates. Il avait vu leur sauvagerie, leur violence…

- Les gens de mon village ont réussi à se cacher. Mon père et moi, nous sommes restés derrière. Ils nous ont pris. Ils nous ont torturés. Encore. Et encore. Et encore.

Son corps avait fait disparaître une partie des sévices subis, que beaucoup n'imaginaient pas. Les Pirates avaient pris soin de ne pas toucher à son visage, comme une vengeance moqueuse pour ses traits déjà charmeurs à l'époque. « Belle gueule », qu'ils l'appelaient pendant qu'ils le tabassaient à coups de bâtons.

- Nous n'avons rien dit. Ils m'ont menacé de tuer mon père devant moi si je ne leur révélais pas l'endroit où se cachait le reste du village. Mais je n'ai rien dit.

Il n'eut pas besoin d'en dire davantage. Ils l'avaient forcé à garder les yeux ouverts, alors qu'ils mettaient leur menace à exécution. Ils avaient pris leur temps. Ils ne l'avaient pas tué d'un coup sec, non. Ils l'avaient taillé en pièces, l'avaient fait souffrir horriblement, jusqu'à ce qu'il rendît enfin son dernier soupir. Et quand enfin il avait expiré, Chance avait compris que son tour était venu. Ils allaient le punir de son outrecuidance, de ne pas avoir voulu révéler quoi que ce fût. Mais ils n'en avaient rien fait.

Ils s'étaient contentés de le jeter par-dessus bord avant de lever l'ancre.

Il n'avait jamais compris pourquoi ils l'avaient épargné. Il ne comprendrait sans doute jamais. Aujourd'hui encore, il en éprouvait une honte indicible. Une culpabilité sans nom. Celle d'avoir survécu alors que tant d'autres étaient morts. Son prénom, dont on lui rappelait souvent le sens sur un ton moqueur, l'avait poussé à se questionner. Était-il réellement né sous une bonne étoile ? Les Valar veillaient-ils sur lui ? Avait-il un noble objectif à atteindre dans la vie ?

Ou bien était-il simplement… chanceux ?

La réponse lui échappa lorsqu'il sentit Lithildren bouger à ses côtés. Elle se pencha vers lui, et avec une douceur incroyable lui déposa une marque de son affection sur les lèvres. Il demeura un instant pétrifié, comme s'il n'arrivait pas à décider s'il s'agissait d'un rêve ou de la réalité. Il sentait le parfum de ses cheveux propres, et la pointe de ceux-ci qui caressaient son torse et son épaule. Cela ne pouvait pas être un rêve. Hésitant tout d'abord, il réagit peu à peu, entrouvrant ses lèvres et répondant à l'ardeur de l'Elfe. Leur baiser timide devint de plus en plus profond, alors qu'il refermait ses mains sur les hanches de sa compagne d'un soir pour la serrer contre lui.

Il l'invita à se presser contre son corps, et leurs respirations mêlées s'accélérèrent tandis qu'il lui caressait le visage, la joue, le menton. Il posa son front contre le sien, mettant un terme à leur folie en gardant le goût sucré de ces lèvres pulpeuses sur sa langue. Il n'avait pas lâché Lithildren pour autant, comme si une partie de son être avait envie de la garder toute proche. Ses doigts couraient négligemment sur la peau de la guerrière, jouant avec ses cheveux. Il souffla :

- Vous aimez quelqu'un d'autre…

Il l'avait ressenti. Ce baiser à la fois tendre et désespéré, plein d'affection et de solitude. Elle y avait mis toute sa sincérité, répondant à un élan du cœur, mais elle ne pouvait pas lui mentir sur la nature des sentiments qui l'animaient. Il referma des bras protecteurs autour de l'Elfe, lui permettant de nicher sa tête au creux de son épaule qui semblait faite pour elle. Il la sentit tout contre lui, alors que d'une main aussi douce que pouvait l'être celle d'un guerrier, il lui caressait le bras.

Il ne pouvait pas aller plus loin. Il aurait eu l'impression d'abuser de la situation, d'exploiter sa tristesse… On lui avait raconté un jour une légende, comme quoi les Elfes ne pouvaient aimer qu'une seule et unique personne au cours de toute leur existence. Un amour si fort et si solide que si l'un des deux venait à quitter la Terre du Milieu, l'autre perdrait toute volonté d'exister ici, et souhaiterait rejoindre son compagnon dans les terres immortelles de Valinor. C'était ce qu'il ressentait chez Lithildren. Une partie d'elle-même était ailleurs, auprès de cet être aimé.

Elle était comme perdue, en manque d'amour, et elle cherchait en lui quelque chose qu'il ne pouvait pas lui donner.

Il n'était pas un Elfe. Il n'était pas un être immortel traversant les âges et oubliant grâce à la magie du temps les souffrances de la jeunesse. Lithildren, peu importe l'âge qu'elle pouvait avoir aujourd'hui, continuerait d'exister jusqu'à la fin des temps. Lui, simple soldat, disparaîtrait bientôt dans l'oubli. Sa vie était un battement de cil à l'échelle de celle de l'Elfe, et elle cherchait dans ce battement de cil à remplacer un amour éternel et inébranlable… Mevan savait ne pas être à la hauteur de la tâche, et s'il avait cédé à la tentation, au désir qu'il ressentait, il serait devenu une épine de plus dans la chair de l'Elfe qu'il entendait protéger. En lui donnant un amour d'Homme, il aurait blessé son cœur elfique, et il ne le souhaitait pour rien au monde.

Cependant, s'il ne pouvait pas lui donner l'amour dont l'absence lui pesait, il pouvait au moins partager la chaleur de son corps et de son âme. Il la serrait contre lui comme pour la protéger de tous les tourmenteurs du monde, et lui faire oublier l'espace d'une nuit la guerre, la mort, la violence et la vengeance.

- Demain viendra bien assez tôt, murmura-t-il à son oreille. Dormez, ayez confiance. Je veille.

Et, comme pour appuyez ses propos, il alla déposer un ultime baiser sur les lèvres de la guerrière.

Une promesse.


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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyMar 4 Sep 2018 - 16:54
Oropher... Oropher... Oropher...

Le nom et visage de son seul et véritable amour la frappait mentalement tant qu'elle embrassait Mevan avec certaine passion, un élan de solitude et de frustration. Son corps réclamait cette affection mais son esprit la retenait de se donner. Elle avait toujours cru que l'attachement unique des Elfes à une personne n'était qu'une légende mais elle voyait et savait que c'était faux. Les Elfes n'étaient capables d'amour qu'une fois. Était-elle donc maudite à n'avoir qu'Oropher à l'esprit sans pouvoir profiter des occasions qu'elle avait d'assouvir des besoins purement et bassement physiques et moraux ? Non pas Mevan n'était que cela à ses yeux, mais c'était une chose parmi d'autres qui l'amenaient à ça.

Qui l'amenaient à se presser contre le Commandant, presque allongée sur lui. Elle frémissait, tremblait presque. Il rompit cet élan de cœur et de corps. Elle sut qu'il avait comprit. Elle resta immobile, le front contre le sien et les yeux clos, sans rien dire. Elle profitait seulement de sa présence, de cet instant. Elle avait autant envie que besoin de cette affection, de cette tendresse, de ce moment tout simplement.

- Vous aimez quelqu'un d'autre…


Oropher... Oropher... Oropher...

Elle ne put retenir les larmes qui coulèrent sur ses joues. Oui. Mais il était probablement mort et elle n'avait pour but que de tuer celui qui l'avait faite tant souffrir. Et qui continuait de la faire souffrir même en cet instant. Chance le savait, le sentait et elle se sentait honteuse, désolée, seule. Terriblement seule. Elle voulait s'excuser, platement. Mais elle se lova contre lui à la place pour pleurer.

Si Oropher et elle étaient liés par les souvenirs et la race, Chance et elle avaient en commun leur passé. Un passé douloureux qui avait porté ses marques sur le corps en plus de l'esprit. Elle se maudit intérieurement de ne pouvoir donner son cœur à un autre qu'Oropher. Elle maudit Oropher, Geraïhn, ses parents, sa race. Ses pleurs étaient l'évacuation de sa solitude, détresse, tristesse et de sa rage contre le monde. Elle n'était pas Humaine mais n'avait plus rien d'une Elfe à part l'apparence, les dons guerriers et une pseudo-sagesse. Elle aurait voulu être humaine, ou ne jamais avoir aimé Oropher. Même dans l'absence il était omniprésent.

Mevan ne la lâcha pas pour autant. Il la garda contre elle, la laissant soulager son cœur par de longs sanglots dont seul lui était le témoin. Elle ne parvenait pas à formuler un seul mot mais ses pleurs ne durèrent pas plus longtemps. Elle se calma presque aussi rapidement qu'elle avait craqué et se blottit comme une petite fille apeurée contre lui. Elle glissa doucement sur le côté et vint coller son dos contre le buste, allongée sur le flanc.

- Demain viendra bien assez tôt. Dormez, ayez confiance. Je veille.

Elle répondit brièvement au dernier baiser qu'il lui offrit et elle attendit. Elle fit semblant de dormir et patienta, écoutant la respiration de Mevan se ralentir, s'approfondir. Elle attendit longtemps avant qu'il ne s'endorme.

Honte à toi...

Elle se dégagea des bras protecteurs de Mevan sans un bruit et se faufila sans le toucher hors de la couche. Elle enfila le pantalon et les bottes qu'on lui avait apporté et prit son épée après avoir serré la tunique avec sa ceinture. Elle empoigna son arc et son carquois afin de porter son arsenal sur elle. Sans un bruit hormis le bruissement de ses pas sur le sol, l'Elfe s'éclipsa de la chaleur de la tente, arc à la main avant de le mettre dans son dos dans un geste agile.

Menteuse...

Elle marcha quelques minutes en solitaire dans la nuit fraîche. Elle inspira longuement cette bouffée d'air frais et marcha entre les tentes, surveillée par les soldats veillant sur le mur pendant la nuit. Ses yeux perçaient l'obscurité de meilleure manière que ceux des humains. Lithildren fit ainsi le tour sans but, épée à la ceinture et arc dans le dos. Elle cherchait en réalité son cheval et le trouva par hasard en faisant le tour. Il avait été prit en charge par quiconque en était capable, nettoyé, nourrit et abreuvé de manière grossière mais suffisante. Lithildren posa une main sur le chanfrein de l'équidé et lui demanda en elfique de la porter encore une fois. Le cheval renâcla, dans une communication mystique dont les Elfes seuls avaient le secret. Le destrier suivit la guerrière sur quelques pas et la laissa monter.

Traîtresse...

Elle chevaucha dans la nuit, seule et armée, sous le regard inquisiteur des hommes postés sur le mur. Elle ne s'éloignait pas mais parcourait la zone au petit galop. Dès qu'elle ne voyait plus de tentes, elle faisait demi-tour et parcourait le campement du mur en sens inverse. Lithildren tâchait de se vider la tête mais elle était obnubilée par Mevan et Oropher. Elle aurait préféré savoir son aimé mort plutôt que faire face au doute. Elle se savait capable, comme les Hommes, de passer à autre chose. C'était parce qu'elle avait oublié Geraïhn qu'elle s'était rendue compte de son amour profond pour Oropher. Mais si celui-ci venait à disparaître, serait-elle capable d'aimer un autre homme ?

Tu m'as oublié...

Elle fronça les sourcils. Elle ne voulait pas que la mort d'Oropher l'empêche de vivre. Elle voulait vivre, avec ou sans lui. Ce n'était pas juste qu'elle ne puisse aimer qu'un seul être d'un amour si fort que les âmes se retrouvaient dans les Terres Immortelles. Elle voulait aimer et être aimée sans condition. Elle voulut hurler sa rage et son désespoir. Était-elle donc condamnée à la solitude pour l'éternité ? La haine qui l'anima fut si violente que même son nouveau cheval fit des pas de côté.

Tu m'as abandonné...

Elle continuerait de chercher Oropher. Elle voulait s'assurer de son état. Mais s'il était vivant, serait-elle capable d'abandonner Mevan à son triste sort, délaissé par un cœur elfique en peine ? Et s'il était mort, que ferait Mevan, ou que ferait-elle ? Elle s'en voulut et fixa l'horizon à la recherche d'une réponse. Mais seul le vide obscur de la nuit lui répondit, accompagné de la caresse du vent.

Seul par ta faute...

- Que les Valar me pardonnent... Je n'ai pas été à la hauteur... J'ai abandonné les miens, j'ai trahi la confiance de mon seigneur... Je ne suis plus une Elfe depuis bien longtemps et j'ai cru pouvoir redorer mon nom que j'ai sali en agissant par intérêt... J'ai cru que je pouvais faire face seule mais je ne suis pas capable d'être une Elfe... Elle secoua la tête, coupant son monologue au ciel. Si depuis les cieux vous Valar m'entendez, je vous en supplie, dites-moi quelle voie prendre, où aller... Pitié...
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptySam 8 Sep 2018 - 0:14

Les larmes de Lithildren étaient sincères.

D'une sincérité désarmante pour le Commandant, qui ne savait plus que dire. La tenir dans ses bras ainsi, l'écouter sangloter, tout celui lui brisait le cœur. Il aurait tant voulu pouvoir combler le vide qu'il sentait dans la poitrine de la guerrière, mais il se savait incapable d'y parvenir. Et en retour, il avait l'impression qu'elle venait de lui enlever quelque chose, de capturer une partie de ses espoirs et de les emporter avec elle. Il ne pleurerait pas. Ses dernières larmes avaient été pour son père, et depuis la source s'était tarie. Pourtant il se sentit secoué par une vague de tristesse, et pendant un temps ils restèrent là tous les deux, conscients de la présence de l'autre… Conscients de leur absence l'un pour l'autre également. Un drôle de sentiment. Doux amer.

Terrassé par la fatigue, Mevan sombra dans un sommeil bien mérité après sa longue journée. Il était las, et fatigué, mais il avait réussi à tenir jusqu'à sentir la respiration de l'Elfe s'apaiser, devenir plus régulière, plus profonde. Il avait cru naïvement qu'elle s'était assoupie, et bientôt il avait basculé lui aussi. Ses rêveries furent peuplées de visions fantomatiques trop familières. Des visages déformés par la rage, des couleurs psychédéliques qui jaillissaient dans toutes les directions en lui soufflant au visage des odeurs âcres et putrides. Il entendit des voix moqueuses lui crier des choses qu'il ne comprenait pas. Des mots hachés, saccadés, martyrisés. Et toujours elles s'éloignaient en riant quand il tentait de s'en approcher, d'en comprendre le sens.

Il s'éveilla malgré lui au cours de la nuit, comme bien souvent ces derniers temps. Ses cauchemars ne le quittaient pas, et tiraient sur son sommeil déjà naturellement agité par toutes les contrariétés qu'il devait gérer au quotidien. Pendant un temps, il resta à fixer le plafond, derrière lequel il distinguait le halo pâle de la lune et des étoiles. Puis il se rendit compte que Lithildren n'était pas là. Elle s'était évanouie aussi rapidement qu'elle était entrée dans son existence, disparaissant grâce à la magie des Elfes. Un rêve, sans aucun doute, et demain matin personne dans le camp ne se souviendrait qu'elle avait jamais existé. Une création de son esprit, une chimère envoyée pour le perturber, le distraire de sa tâche.

Vraiment ?

Il sentait encore l'odeur de ses cheveux sur l'oreille, et voyait la trace de son corps svelte dans les draps. Pendant un instant, il se sentit bête. Bête de n'avoir pas cédé à la tentation, bête d'avoir cru dans ses principes et d'avoir défendu l'honneur de cette femme alors qu'elle était prête à s'ouvrir à lui. Bête également car il savait que ses désirs ne trouveraient jamais leur accomplissement auprès d'une femme qui continuerait à exister bien après qu'il eût disparu sous la terre. Il se sentit tout à coup faible et inutile, ridicule presque. Que faisait-il là, à Minas Tirith, à attendre un ennemi qui demeurait sagement tapi dans l'ombre de Cair Andros ? Chaque seconde qui passait était une goutte de son existence qui se perdait dans l'infini… A quoi bon ?

Il se rendormit malgré lui avec ces pensées tourbillonnant dans son esprit, et cette question qui ne voulait plus le quitter : « à quoi bon ? ». Son sommeil fut interrompu une nouvelle fois cette nuit-là pas le froissement des draps alors qu'une silhouette familière prenait place près de lui. Lithildren était revenue. De manière inexplicable, cela lui procura un sentiment de réconfort, et il ne parvint même pas à cacher qu'il s'était réveillé, se contentant d'ouvrir des yeux ensommeillés et de murmurer :

- Vous êtes là…

Un simple constat, dans lequel on sentait poindre des accents soulagés. Il l'avait pensée perdue à jamais, galopant vers l'horizon sans se retourner. Pour une raison qui lui échappait, elle avait choisi de faire demi-tour, et de revenir auprès de lui. La nuit portait conseil, disait-on, et Lithildren semblait avoir puisé dans l'air nocturne les réponses qu'elle cherchait. Elle avait l'air… différente. En quoi ? Il n'aurait su le dire, car après tout il ne la connaissait que depuis très peu de temps. Mais l'abattement qu'il avait lu son visage s'en était allé, remplacé par quelque chose d'autre. Était-ce de la détermination ? Ou bien de la résignation ? Avait-elle trouvé une nouvelle foi pour affronter les ténèbres qui s'abattaient sur la Terre du Milieu, ou bien acceptait-elle avec plus de sérénité la nature d'un combat inéluctable ? Elle ressemblait à ces guerriers avant une grande bataille. Mevan en avait déjà vu beaucoup, et il savait reconnaître ces yeux. Ces yeux qui disaient « peu importe la fin », comme un défi à la vie, un renoncement aussi.

Les Elfes fonctionnaient-ils ainsi également ?

Lithildren vint se blottir contre lui, et ils s'endormirent bientôt l'un contre l'autre. Deux âmes si différentes, ballottées par les tempêtes de l'existence, et qui puisaient dans leur présence réciproque un semblant d'espoir. Un pieux mensonge qui s'évanouirait avec les premiers rayons du soleil, quand la chaleur de l'été remplacerait cette de leurs corps enlacés. Mevan se laissa engloutir par les dernières heures de la nuit, conscient que le matin arriverait bien trop vite. Comme toujours.


~ ~ ~ ~


Probablement épuisée après avoir chevauché longtemps, Lithildren avait besoin de refaire ses forces. Le Commandant s'éveilla avant elle, et profita de ce qu'elle dormait pour l'observer un instant. Elle avait les traits apaisés, innocents. Pour une fois, il ne voyait plus le souci barrer son front d'un pli anxieux, ni ses iris traduire la profonde lassitude qui gagnait son cœur. Il n'y avait qu'elle, et sa respiration profonde, régulière. Ses yeux légèrement entrouverts le surprirent de prime abord, mais il comprit bien rapidement qu'elle ne le voyait pas plus qu'elle ne l'entendait. Elle était plongée dans une forme de méditation profonde, mais puisque le danger était loin, elle n'avait aucune raison de s'agiter. Il ne la dérangea pas davantage, et se leva tranquillement pour faire une toilette rapide, et s'habiller.

Mevan était un homme matinal, qui s'éveillait souvent aux premières lueurs du jour pour accomplir toutes les tâches qu'il se fixait pour la journée. Ce n'était pas un bureaucrate, et il ne supportait pas de passer ses journées dans un bureau. Au lieu de quoi, il s'attachait à garder les pieds sur le terrain, auprès de ses hommes. Certains, en le voyant passer, lui adressèrent des signes chaleureux de la main. D'autres, qui le connaissaient un peu mieux, quelques sourires entendus. La présence d'une Elfe au sein du camp n'avait pas tardé à circuler, et avec elle les rumeurs sur l'endroit où elle avait passé la nuit. Il capta même un soldat qui lâcha « le chanceux » sur son passage. Ce n'était guère méchant, et cela ne nuisait pas vraiment à sa réputation, pas davantage qu'à celle de Lithildren d'ailleurs. Les racontars de soldats étaient ce qu'ils étaient, et les hommes se fichaient en définitive de savoir qui partageait la couche de qui. Tout ce qui leur importait était d'avoir un sujet léger dont ils pouvaient discuter avant d'affronter les difficiles réalités de leur quotidien.

Le Commandant s'attela donc à ses obligations qui, comme tous les matins, consistaient à aller saluer les hommes qui assuraient la garde de nuit du mur, pour leur demander des nouvelles. Et comme d'habitude, leurs réponses furent désespérantes. Ils n'avaient pas vu trace de mouvement ennemi, et ils s'étaient ennuyés à mourir. Mevan essaya de les garder alertes en leur disant qu'ils n'avaient pas encore reçu l'ordre de baisser leur vigilance, et qu'ils devaient se montrer prudents. « C'est toujours quand on s'y attend le moins que l'ennemi frappe », leur avait-il dit, en espérant les convaincre. Cela faisait des jours et des jours qu'il leur servait le même discours, et il commençait à être à court d'arguments. Ayant vérifié que tout le monde était à son poste, qu'il n'y avait pas eu de brèche dans leurs défenses, et qu'aucun espion ennemi n'avait été pris, le militaire prit la direction des cuisines où il récupéra un petit déjeuner préparé spécialement par des cuisiniers venus de Minas Tirith. C'étaient pour la plupart des volontaires qui venaient prêter main-forte aux soldats en leur préparant des repas un peu plus élaborés que ceux dont ils se nourrissaient ordinairement en campagne. C'était une véritable aubaine que de pouvoir avoir du pain frais et des légumes à se mettre sous la dent, au lieu des biscuits secs auxquels ils étaient habitués. Mevan se fit servir deux généreuses portions, auxquelles il ajouta – privilège lié à son grade – deux pièces de jambon qui lui permettraient de commencer la journée du bon pied. Deux assiettes pour lui et Lithildren, naturellement, qu'il ramena donc dans sa tente.

Il ne prit pas la peine de s'annoncer, pensant que l'Elfe dormirait encore, mais en réalité elle était déjà réveillée et il la trouva en train de s'habiller. Rosissant jusqu'aux oreilles, il s'excusa maladroitement avant de se souvenir que les courbes élégantes des hanches qu'il essayait de ne pas voir aujourd'hui s'étaient retrouvées sous ses doigts la veille. Sa pudibonderie le quitta alors qu'il endossait de nouveau son rôle de Commandant. Posant l'assiette de Lithildren sur la table, invitant cette dernière à s'asseoir, il sortit de sa poche un courrier qu'il n'avait encore montré à personne, et qu'il n'avait pas décacheté :

- J'ai reçu la réponse du Capitaine Erelas, il a dû prendre en compte l'urgence de votre demande, et faire parvenir sa missive dans les plus brefs délais. Mais je vous en prie, commencez, je vais voir ce qu'il dit.

Le caractère potentiellement confidentiel de cette lettre impliquait qu'il ne pouvait pas laisser l'Elfe en prendre connaissance avant lui. Il parcourut le pli soigneusement, mais à mi-chemin ses sourcils se froncèrent, et il afficha une moue d'abord perplexe, avant d'être totalement décontenancé. Levant les yeux vers Lithildren, il souffla :

- Votre contact… Nallus c'est bien ça ? Nallus de la Société des Chercheurs ?

L'approbation de l'Elfe était bien inutile : il n'y en avait pas deux dans la Cité Blanche. Ce fut peut-être pourquoi les mots de Mevan parurent aussi solennels :

- Il a été emprisonné il y a quelques jours, sur ordre direct du Général Cartogan… Apparemment, ils auraient retenu des charges de trahison et de complot contre lui…

Le Commandant ne trouva rien à ajouter, et son regard désemparé plongea dans celui de Lithildren.


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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptySam 8 Sep 2018 - 9:49
La patience.

La brise nocturne souffla doucement dans ses cheveux, caressa sa peau comme une mère aimante. Elle n'eut que le mot "Patience" à l'esprit alors qu'elle regardait la ciel étoilé. Elle sentit tout d'un coup ses peurs, ses doutes, son fardeau s'alléger. Comme si les Valar avaient répondu et qu'elle devait comprendre cette réponse à travers le vent, les étoiles, les sons de la nuit et la solitude, dans le souffle de son cheval, le battement de son cœur...


- Les Valar ne répondent jamais à nos prières, Lithildren. Ils ne nous font que voir et c'est à nous de traduire leur volonté. C'est à nous de comprendre notre dessein à travers la brise, les animaux, tout ce qui nous entoure. C'est cela, la réponse des Valar à nos prières et questions.


Quelqu'un lui avait dit cela un jour. Lithildren regarda autour d'elle et ne vit rien. Que la douceur de la nuit, son silence, son calme. Elle eut un léger sourire. Elle devait attendre les événements prochains et cesser de s'alourdir le cœur avec des questions qui demeureraient sans réponse avant un long, très long moment. Oropher était-il en vie ? Pourrait-elle aimer Mevan ? Ce n'était que des futilités pour l'heure. La compagnie du Commandant lui était fortement agréable et elle ne voulait pas le quitter, mais le reste était futile. Un encombrement qui l'empêcherait d'accomplir son devoir.

Apaisée par une réponse qu'elle pensait avoir, Lithildren tourna bride et fit galoper son cheval jusqu'à la tente du Commandant. Elle le laissa là et, sans faire le moindre bruit, déposa ses armes, ses bottes et son pantalon pour revenir se glisser dans la chaleur du lit et des bras de Chance. Elle aimait cette sensation d'avoir quelqu'un avec qui passer ses nuits, un point de chaleur et de douceur dans un monde froid et cruel. Il lui plaisait et elle le désirait avec honte. Mais cela attendrait. Les attraits de la chair pouvait être une faiblesse que Gier n'hésiterait pas à exploiter. Un jour, elle savait qu'elle ferait face à un choix : Oropher ou Mevan. Et d'une manière ou d'une autre, l'un des deux ne se relèverait pas de ce choix.

- Vous êtes là...

Elle sursauta légèrement et esquissa un tendre sourire.

- Je suis là... Je reste là...

Elle vint se blottir contre lui et s'endormit dans ses bras avec la merveilleuse sensation de se sentir protégée, loin des conflits, du malheur, loin de tout. Et cela lui avait manqué.


¤ ¤ ¤ ¤


Ce furent les rayons du soleil qui réveillèrent l'Elfe endormie. Elle mit un temps avant de reconnaître le plafond feuillu que le soleil tentait de percer avec ses rayons. Elle sentit l'herbe lui chatouiller sa peau nue et sa robe posée délicatement sur elle. Elle perçut un mouvement à ses côtés et sentit le bras qui l'enlaçait. Elle regarda et vit Oropher lui sourire avec tendresse.

Lithildren se leva brutalement et se retrouva dans un environnement entièrement noir. Elle portait sa première tenue de voyage alors qu'elle fuyait le Rhûn et ses cages. Elle regarda autour d'elle, inquiète, mais bientôt une chaleur l'envahit. Une chaleur douce, tendre... Et l'endroit ressembla à une chambre elfique.

- Je pensais que jamais tu ne reviendrais.

Lithildren se retourna et vit Geraïhn avec une grande perfection. Pour une fois, son visage n'était pas flou. Elle avait oublié son visage avec le temps et cela la choqua de le voir ainsi.

- Je sais. Mais ne t'en fais pas, tout va bien. Tu n'as rien à craindre ici. Je savais depuis le début que tu aimais Oropher.
- Où est-il ?
- Je l'ignore. J'aimerais pouvoir te le dire, vraiment. Ton cœur lui a toujours appartenu.
- Je ne veux plus avoir à choisir, Geraïhn. Je veux être libre d'aimer qui je le souhaite sans avoir à penser constamment à lui.
- Je sais. Mais je n'y peux rien, nous sommes ainsi.
- Non. Vous l'êtes. Vous êtes persuadés de ne jamais pouvoir changer, d'être figés dans une seule vie. Un seul caractère, un seul être. Mais nous changeons tous, à un moment ou à un autre. Et pour préserver cette perfection, jamais vous ne levez le petit doigt alors même que le monde a besoin des Elfes. De nos talents, de notre sagesse, de notre mémoire. De notre passé et de notre présent !
- Est-ce pour cela que tu as tout quitté ? Pour vivre comme une baroudeuse, un assassin, une traîtresse ?
- Non. Pour faire ce qui est juste. Et je vaincrai parce que c'est ainsi que cela va se terminer.

L'image de Geraïhn disparut tout comme l'endroit...



¤ ¤ ¤ ¤

... et elle se réveilla. Mais elle n'était pas agitée. Lithildren se sentait sereine, en paix. Elle n'aurait jamais pu aimer Geraïhn. Pas après ce qu'elle avait vu, vécut, traversé. Non, elle était faite pour voyager, se battre, se donner à fond pour accomplir ce qu'elle pouvait accomplir. Elle était faite pour sa mission.

Une nouvelle vague de détermination dans le cœur et de soulagement, elle se leva pour s'habiller. Ca n'est qu'au moment où elle enfilait son pantalon que Chance entra avec deux assiettes. Il s'empourpra tout comme elle et reprit son sérieux après avoir... inspecté timidement et honteusement les courbes de la guerrière. Elle s'en sentit flattée et amusée à la fois et termina de s'habiller. Il posa les assiettes sur la table avec tout le sérieux que son rang exigeait et ils s'installèrent.

- J'ai reçu la réponse du Capitaine Erelas, il a dû prendre en compte l'urgence de votre demande, et faire parvenir sa missive dans les plus brefs délais. Mais je vous en prie, commencez, je vais voir ce qu'il dit.

Elle ne se fit pas prier et commença à manger avec appétit. Mais bientôt son élan se coupa quand elle vit la tête de son nouvel ami changer plusieurs fois de manière... peu satisfaisante pour Lithildren.

- Votre contact… Nallus c'est bien ça ? Nallus de la Société des Chercheurs ?

Oh non, ça ne sentait pas bon du tout. Le ton de Chance, pas la nourriture. Bonne nourriture quoique frugale, cela dit.

- Il a été emprisonné il y a quelques jours, sur ordre direct du Général Cartogan… Apparemment, ils auraient retenu des charges de trahison et de complot contre lui…

Il la regarda d'un air désemparé. Gil ne pouvait pas le savoir, évidemment. Elle afficha un air soudainement rageur et se leva en frappant la table du poing. Le coup fut si fort que la moitié de ce qui est sur ladite table se renversa. A part les assiettes.

- Et merde ! cria-t-elle pour évacuer sa colère.

Comment ? Pourquoi ? Elle se mit à faire les cent pas, sourcils froncés et l'air fixe. Une ombre rageuse passa dans son regard alors qu'elle tournait en rond. Tout cela n'avait aucun sens. Mais soit. Cela ne devait pas l'empêcher d'accomplir sa mission. Elle retourna face à Chance et plaqua ses mains sur la table. Son regard était brillant d'une détermination à en faire flancher le cœur d'un simple soldat, ponctué d'une colère sourde contre les obstacles qui se dressaient sur son chemin. Elle fixa Chance ainsi, ferma les yeux une seconde et chassa la colère en elle dans son regard avant de rouvrir les yeux sur lui.

- Je dois voir Nallus. Peu importe qu'il soit en prison, je dois le voir immédiatement avant qu'il ne soit exécuté ou je-ne-sais-quoi. Et si on me refuse l'accès aux prisons pour cela, crois-moi Chance que je ne reculerai devant rien pour le voir, même si je dois devenir la pire des criminelles de Minas Tirith en m'infiltrant dans la prison.

Elle se redressa pour laisser à Chance le temps de digérer sa... détermination.

- Je sais que tu veux m'aider. Que tu voudrais m'accompagner, ajouta-t-elle en s'adoucissant presque aussi vite qu'elle s'était énervée. Mais il s'agit de mon devoir. Ton expertise militaire et tes compétences pourraient être utiles, certes, mais... Je refuse qu'il t'arrive quoi que ce soit. Si tu veux m'aider, déjà aide-moi à voir Nallus en prison. Il me dira ce que je dois faire, où aller. Tant que je suis à Minas Tirith je te demande humblement ton aide. Je ne connais pas la ville et, en plus d'être d'agréable compagnie, tu es un haut gradé. Et cela va m'aider à mieux agir au sein de la Cité.

Elle lui sourit avec une grande tendresse. Puis avec tristesse.

- Mais dès que je partirai, je devrais te laisser derrière. Cette mission est trop dangereuse pour toi. Je survivrai, parce que Gier le veut bien et qu'Oropher m'a sauvée la vie. Et je refuse d'avoir à faire un quelconque nouveau sacrifice au nom de la paix. Tu comprends ?

Il devait comprendre.
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptySam 8 Sep 2018 - 12:55

La réaction de Lithildren fut à la fois inattendue et parfaitement compréhensible. La colère. Un sentiment qui semblait animer toutes les créatures d'Arda, même les Elfes immortels qui se targuaient d'avoir dompté leurs émotions. Mevan cligna des yeux, laissant son étonnement de côté pour se concentrer pleinement sur ce qu'il avait à faire. Dans un premier temps, cela consistait à calmer la guerrière qui paraissait prête à mettre Minas Tirith sens dessus dessous pour retrouver l'homme de la Société des Chercheurs. Elle paraissait ne pas se rappeler qu'elle parlait à un officier de l'armée du Gondor, un homme qui avait prêté serment de défendre ses lois et son suzerain. Un homme qui ne pourrait pas la laisser devenir la « pire des criminelles » de la Cité Blanche. S'il se parjurait pour elle, il en viendrait à renier tout ce qu'il était pour une personne qu'il ne connaissait que depuis quelques heures. Son désir de l'aider était grand, mais il ne dépassait pas ses engagements auprès de sa famille, de ses hommes et de ses supérieurs. D'une voix où perçaient des accents de fermeté, sans méchanceté aucune, il rappela Lithildren à l'ordre :

- Peu importe ce que ce Nallus détient comme informations, cela ne peut justifier de s'écarter de la loi. Tu ferais beaucoup de vagues, et cela ne servirait ni ton ami, ni ta cause. Et puis on n'entre pas facilement dans les prisons de Minas Tirith…

C'était vrai. Avec toutes les menaces qui planaient sur le Gondor et la main ferme du Général Cartogan, il n'était pas aisé de s'introduire dans les prisons. Il faudrait être fou pour essayer de s'y introduire par la force, et à la connaissance de Chance il n'existait pas de moyen de s'y infiltrer par la ruse. Il n'était pas originaire de Minas Tirith, cela dit, mais à elle seule Lithildren ne pouvait pas venir à bout de la garnison de la capitale des Hommes. La bonne volonté ne bloquait pas les lames et les flèches.

Elle se reprit bientôt, et lui parla sur un ton un peu plus apaisé, où on devinait tout de même son désir d'agir vite et avec efficacité. Nallus représentait pour elle un élément important de son voyage, un individu crucial dans sa lutte contre l'homme qui l'avait torturée, blessée, et qui lui avait pris son meilleur ami. Elle ne pouvait pas simplement passer à côté, et Mevan le comprenait bien. Lithildren lui demanda dans détour de l'aider à rencontrer Nallus, ce qui fit froncer les sourcils du Commandant alors qu'il réfléchissait à la meilleure manière d'y parvenir. Mais ce furent les mots qu'elle prononça ensuite qui le clouèrent sur place, le laissant à la fois blessé et désabusé.

Le « laisser derrière » ? Une mission « trop dangereuse » ?

Les mots se fichèrent en lui comme des poignards, et il détourna le regard un instant, prenant appui sur la table pour ne pas flancher. Malgré toute l'aide qu'il pouvait vouloir lui apporter, malgré tout le soutien qu'il se proposait de lui offrir, elle n'envisageait pas de se reposer sur lui, et de lui faire confiance. Elle lui demandait de s'opposer à sa hiérarchie, de lutter contre les ordres, mais en retour elle ne voulait pas l'impliquer plus avant. Il dévisagea Lithildren un instant, perplexe. Puis, jugeant que le combat qu'elle menait primait sur ses sentiments personnels, il répondit avec un professionnalisme qui cachait mal sa meurtrissure :

- J'ai bien peur qu'atteindre Nallus soit impossible, et que mon rang n'y change rien… Cartogan est le Général de Minas Tirith, le représentant militaire du Haut-Roy Mephisto auprès de l'armée de Gondor. Il est au sommet de la hiérarchie, et j'ai bien peur que seul Sa Majesté puisse contourner son autorité. Mais ce n'est pas une chose envisageable : le Haut-Roy s'est retiré des affaires du royaume, et les imbroglios administratifs pour obtenir une audience auprès de lui seraient trop complexes.

Il essaya d'apporter un peu de réconfort à l'Elfe en lui proposant une solution alternative :

- Le Capitaine Erelas me touchait quelques mots de cette Société des Chercheurs dans son courrier. Apparemment elle siégerait à l'Université de Minas Tirith, et Nallus y avait ses quartiers avant d'y être arrêté par la garde. Je présume que nous pouvons commencer par là, et essayer de rassembler des informations auprès des gens qui le côtoyaient. Si ton ami a bel et bien été convaincu de trahison, alors il n'y aura rien à faire d'autre qu'attendre son jugement. En revanche, si nous pouvons montrer qu'il n'existe pas de preuves sérieuses, j'essaierai de peser de tout mon poids pour qu'il soit remis en liberté… ou au moins que tu puisses avoir une entrevue avec lui.

C'était ce qu'il pouvait proposer de mieux à Lithildren. User des voies légales, et essayer de faire fléchir le Général Cartogan grâce à des éléments tangibles et factuels qu'il ne pourrait pas contester. Mais cela impliquait au préalable de comprendre la nature exacte de ce qui était reproché à Nallus, afin de mieux le défendre. L'Elfe parut accepter, mais pendant un instant Chance se demanda si elle se rangeait derrière son idée parce qu'elle la trouvait sincèrement bonne, ou seulement parce qu'elle envisageait de le doubler plus tard, quand il lui aurait permis de s'introduire à Minas Tirith. Il espérait qu'elle ne tenterait rien de la sorte, car si le châtiment pour les criminels était exemplaire depuis que Cartogan avait été nommé, la punition pour leurs complices n'était pas moins douloureuse. En tant que membre de l'armée, cela signifierait dans le meilleur des cas la dégradation au rang de simple soldat, l'humiliation publique, et s'il était mis au rang des traîtres : un procès auprès des plus hautes instances de l'armée, et une exécution devant son régiment, afin de rappeler le sort des traîtres. Il avait beaucoup plus à perdre dans cette affaire que l'Elfe, mais il choisit de ne pas le lui révéler, et de garder un œil sur elle à la place.

Chance et Lithildren terminèrent de manger, puis le Commandant invita la guerrière à le suivre. Ils se mirent en selle, et prirent la direction de Minas Tirith. La cité semblait gonfler à mesure qu'ils en approchaient, les écrasant de toute sa hauteur. Les remparts du premier cercle, qui semblaient si petits avec la distance, étaient en réalité gigantesques, plusieurs fois la taille d'un homme. Ils étaient noirs, faits d'une pierre que l'on disait indestructible, surmontés de tours de garde où l'on voyait circuler des silhouettes menaçantes. Il y eut quelques cris au sommet de la Grande Porte quand les deux cavaliers arrivèrent, probablement des ordres braillés ici et là pour entretenir la discipline et répéter les manœuvres. Chance ne s'inquiétait pas particulièrement de recevoir une flèche mortelle – même si un incident récent avec entaché la réputation des hommes d'Osgiliath précisément dans cette situation –, mais il s'agaça de voir qu'aucun émissaire ne venait à leur rencontre. Il finit par s'exclamer d'une voix puissante :

- Hommes de la garde, je suis le Commandant Mevan de Pelargir. Je demande à parler à votre supérieur, et à entrer à Minas Tirith en compagnie de Dame Lithildren, une noble Elfe en visite au Gondor.

Il jeta un regard à l'Elfe. Révéler son identité n'était peut-être pas à son goût, mais il avait décidé de faire les choses honnêtement. Si elle n'avait rien à cacher, elle ne verrait aucun inconvénient à se voir nommée. Avant d'avoir pu capter sa réaction, il tourna la tête vers le haut mur pour écouter ce que lui lançait un soldat :

- Commandant, toutes mes excuses. Nos ordres sont stricts, nous ne devons laisser entrer personne, pas même les plus hauts dignitaires de l'armée. Le Capitaine de la Grande Porte est… il est absent pour le moment.

- Soldat, je viens ici pour une affaire d'importance. Votre officier supérieur étant absent, je vous charge d'aller trouver le Capitaine Erelas, et de le faire venir séance tenante.

L'homme accepta la directive, et s'éloigna d'un pas leste. La porte de Minas Tirith, quant à elle, demeurait close devant les deux visiteurs. Mevan fit signe à Lithildren de s'éloigner quelque peu : il n'aimait pas se trouver ainsi dans l'ombre d'un tel édifice, il se sentait à la merci des hommes qui les observaient depuis le haut des remparts, avec l'impression désagréable d'être considéré comme un étranger dans son propre pays.

- La guerre est une chose, mais pourquoi nous refuser l'accès à la Cité Blanche ? Lança Mevan à haute voix. C'est comme s'ils voulaient nous cacher quelque chose.

Il n'était pas complotiste, mais il avait entendu ses hommes souscrire à plusieurs théories, et il commençait lui-même à leur donner un certain crédit. La volonté affichée de la garde de Minas Tirith de les conserver à l'extérieur des murs n'était pas normale… Chance n'ajouta rien, laissant ses doutes se dissoudre dans les airs, emportés par la petite brise qui apportait une fraîcheur bienvenue face aux rayons du soleil. Il allait encore faire très chaud aujourd'hui. Ils attendirent ainsi pendant un moment, bavardant de choses et d'autres, avant qu'une poterne ne s'ouvrît doucement, laissant passer un cavalier solitaire. Alors qu'il approchait, Mevan reconnut Erelas, et il fit aller sa monture à sa rencontre, suivi de près par l'Elfe.


Erelas était un officier plus âgé que Chance, qui avait l'air de disposer d'une solide expérience acquise dans un bureau. Il était propre sur lui, bien habillé, et il faisait partie de cette aristocratie militaire qui acquérait ses lettres de noblesse loin des champs de bataille. Cela ne changeait rien au fait qu'il avait l'air assez sympathique, malgré sa mine sérieuse et fatiguée. Epuisée, même. On aurait dit qu'il n'avait dormi de la nuit.

- Commandant Mevan, fit-il d'une voix lasse, heureux de vous voir. Je pensais bien que vous viendriez après avoir reçu mon message. Madame… Je suppose que vous êtes l'amie de monsieur Nallus, n'est-ce pas ?

Il s'était tourné vers Lithildren, et lui avait adressé un signe courtois de la tête. Les politesses laissées de côté, Chance entra immédiatement dans le vif du sujet :

- Capitaine, Dame Lithildren souhaiterait entrer en contact avec monsieur Nallus. J'ai bien peur que ce soit impossible à l'heure actuelle, mais peut-être pourrez-vous répondre à ses autres questions. Lithildren ?

Laissant la parole à l'Elfe, il choisit de lui permettre de parler directement à Erelas. Elle seule pouvait choisir quelles étaient ses priorités à cet instant précis.


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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptySam 8 Sep 2018 - 14:56
Elle l'avait blessé.

Elle le vit dans ses yeux et ça la figea. Elle s'était tant emportée qu'elle l'avait mis sur la défensive. Elle l'avait presque engueulé, comme si c'était sa faute. Elle s'en voulut immédiatement lorsqu'il fronça légèrement les sourcils et durcit ses traits. Elle voulut s'excuser mais il répondit plus vite qu'elle ne l'espérait.

- Peu importe ce que ce Nallus détient comme informations, cela ne peut justifier de s'écarter de la loi. Tu ferais beaucoup de vagues, et cela ne servirait ni ton ami, ni ta cause. Et puis on n'entre pas facilement dans les prisons de Minas Tirith…

Elle le savait. Mais elle ne voulait pas montrer sa carte-mère. Seul Cartogan devait voir la figurine d'un précieux extrême si la situation l'exigeait. Elle baissa les épaules et resta debout devant lui, dans une posture offensive, prête à partir. Elle s'en voulait, profondément, de lui avoir mal parlé. Il répondit, la voix tremblant de ce malaise et de cette blessure :

- J'ai bien peur qu'atteindre Nallus soit impossible, et que mon rang n'y change rien… Cartogan est le Général de Minas Tirith, le représentant militaire du Haut-Roy Mephisto auprès de l'armée de Gondor. Il est au sommet de la hiérarchie, et j'ai bien peur que seul Sa Majesté puisse contourner son autorité. Mais ce n'est pas une chose envisageable : le Haut-Roy s'est retiré des affaires du royaume, et les imbroglios administratifs pour obtenir une audience auprès de lui seraient trop complexes. Il fit une courte pause alors qu'elle soupirait de résignation. Le Capitaine Erelas me touchait quelques mots de cette Société des Chercheurs dans son courrier. Apparemment elle siégerait à l'Université de Minas Tirith, et Nallus y avait ses quartiers avant d'y être arrêté par la garde. Je présume que nous pouvons commencer par là, et essayer de rassembler des informations auprès des gens qui le côtoyaient. Si ton ami a bel et bien été convaincu de trahison, alors il n'y aura rien à faire d'autre qu'attendre son jugement. En revanche, si nous pouvons montrer qu'il n'existe pas de preuves sérieuses, j'essaierai de peser de tout mon poids pour qu'il soit remis en liberté… ou au moins que tu puisses avoir une entrevue avec lui.

Elle le regarda et se rapprocha de lui en contournant la table. Elle vint lui effleurer la joue.

- Très bien. Nous ferons à ta manière. Je te suis. Nous essaierons de prouver l'innocence de Nallus à nous deux, si tant est que ça soit possible. Cela me fait penser néanmoins que les autorités ont dû saisir des preuves, des documents, peut-être même qu'ils ont pu les archiver ou les brûler. Ca va être compliqué de trouver quelque chose qu'ils n'aient pas déjà fouillé mais nous ferons de notre mieux, argua-t-elle d'une voix douce.

Elle se détourna de lui et lui lança un regard sans pour autant rien dire. Mais elle doutait. Elle avait avec elle un objet qui pouvait tout changer. Mais si Cartogan était aussi méfiant que les événements le suggéraient, elle pouvait être traitée comme une voleuse, une menteuse, une traîtresse ou pire. Les objets comme les siens étaient, comme Gil l'avait prévenue, l'objet de convoitises, jalousies, complots. Si elle le montrait, il n'était pas impossible qu'on tente de le lui dérober, voire qu'on la tue pour ça. Elle devait être prudente et ne l'utiliser qu'en cas d'extrême urgence.

Le Commandant et elle finirent le repas. Ils ne se parlèrent guère plus ni se regardèrent. Elle avait honte. Honte d'elle et de son attitude hautaine, virulente. Après cela, ils chevauchèrent ensemble jusqu'à la Cité. Sur le chemin, Lithildren en profita pour briser le silence.

- Je te demande pardon. Je n'aurais pas dû te parler ainsi. C'est juste que le temps presse et plus il passe, plus Gier rassemble ses pouvoirs, troupes ou je ne sais pas quoi encore. J'ai peur que ça ne finisse par être trop tard pour changer le cours des choses, que tout ce que j'ai fais, ce que nous faisons et ce qu'il adviendra ne soit que vain et poussière au vent. Et je veux en finir au plus vite avec cette histoire.

Elle aurait voulu terminer sa phrase mais elle ne voulait, ne pouvait pas révéler son statut exacte elfique à Chance. Elle était une criminelle chez les siens, une paria, une exilée. Elle ne voulait pas qu'il le sache maintenant. Plus tard sans doute. Elle avait l'avantage d'être une Elfe et de jouir des courbettes et des honneurs pour cela. Mais elle devrait être honnête un jour avec Chance et lui avouer la vérité de ce qu'elle était à l'heure actuelle.

Ils arrivèrent bientôt devant les immenses portes de Minas Tirith. Lithildren se sentait minuscule, insignifiante et c'était sûrement l'effet recherché sur tous les gens qui entraient. Se sentir moindre et humble dans les murs antiques et puissants d'une cité de grande renommée. Une invitation à la paix sans doute.

- Hommes de la garde, je suis le Commandant Mevan de Pelargir. Je demande à parler à votre supérieur, et à entrer à Minas Tirith en compagnie de Dame Lithildren, une noble Elfe en visite au Gondor.

Elle serra les mâchoires et déglutit discrètement. Normalement, son statut était resté chez les siens. Elle espérait que ça soit encore le cas. Mais s'il était divulgué qu'une Elfe avait aidé un ancien de l'Ordre de la Couronne de Fer à s'évader... Ca serait la fin pour elle.

- Commandant, toutes mes excuses. Nos ordres sont stricts, nous ne devons laisser entrer personne, pas même les plus hauts dignitaires de l'armée. Le Capitaine de la Grande Porte est… il est absent pour le moment.
- Soldat, je viens ici pour une affaire d'importance. Votre officier supérieur étant absent, je vous charge d'aller trouver le Capitaine Erelas, et de le faire venir séance tenante.

Chance fit signe à Lithildren de reculer. Le malaise de l'Elfe était palpable mais il était impossible pour le Commandant d'en connaître la raison. Elle sentait une goutte de sueur couler sur sa tempe, son estomac se serrait. Lithildren n'était pas à son aise et chaque minute n'arrangeait rien. Elle était nerveuse et son cheval s'agitait un peu.

- La guerre est une chose, mais pourquoi nous refuser l'accès à la Cité Blanche ? C'est comme s'ils voulaient nous cacher quelque chose.

Ils n'étaient pas les seuls. Tout le monde a des secrets, pensa-t-elle. Certains plus lourds que d'autres.

Erelas fit bientôt son apparition. Fatigué mais bien sur lui, il avait indéniablement moins de charme que Chance. Mais le même charisme militaire, la même prestance, le même port de tête.

- Commandant Mevan, heureux de vous voir. Je pensais bien que vous viendriez après avoir reçu mon message. Madame… Je suppose que vous êtes l'amie de monsieur Nallus, n'est-ce pas ?
- Capitaine, Dame Lithildren souhaiterait entrer en contact avec monsieur Nallus. J'ai bien peur que ce soit impossible à l'heure actuelle, mais peut-être pourrez-vous répondre à ses autres questions. Lithildren ?

Elle ne sut quoi dire dans la minute qui suivit. Elle était mal à l'aise. Heureusement elle avait réussit à surmonter son agitation et s'était forcée à rester calme. Il était absolument improbable que quiconque sache qui elle était. Lithildren inspira, tout de même nerveuse. On aurait pu comprendre cela comme l'imposante forteresse pesant sur elle ou la présence de gradés. Ou son empressement.

- Capitaine, monsieur Nallus est un ami, en réalité l'ami d'un ami. J'ai seulement des questions à lui poser à propos de cette... accusation qui pèse sur lui, à la demande de son ami. Il m'a été dit que Nallus était un fervent serviteur de la Couronne et qu'il n'a jamais œuvré pour autre chose que servir le Haut-Roi. Et comme son ami est malade et trop faible pour faire le déplacement, il m'a demandée de le faire à sa place. Voilà la raison pour laquelle je souhaite ardemment lui rendre visite.

Lithildren avait gardé un ton calme et imperturbable. Elle tâchait d'être convaincante, soucieuse de la situation d'un ami ou d'un proche. Chance apprécierait sans doute, rassuré qu'elle penche pour une histoire entre amis plutôt que vouloir sauver le monde. Avec une telle demande, peut-être que cela serait plus facile ? Elle l'ignorait. Mais elle espérait que le Capitaine accepterait d'au moins essayer.
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Ryad Assad
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyLun 17 Sep 2018 - 1:26

Mevan ne pipa mot en voyant l'Elfe s'adoucir subitement.

Il trouvait son comportement étrange, à la fois proche de ce qu'il imaginait d'une représentante du beau peuple, mais également très éloigné de l'image qu'il avait pu s'en faire. Il la trouvait curieusement fébrile, prompte à s'emporter et à se calmer dans l'instant, sujette à ses émotions comme si le mal pernicieux dont elle disait vouloir tous les protéger se trouvait juste là, juste à côté. L'imminence de la situation ne lui avait pas sauté aux yeux, et bien qu'il voulût aider Lithildren de son mieux, le Commandant avait beaucoup de mal à comprendre ses sautes d'humeur, qu'il aurait trouvées curieuses même chez une femme de son propre peuple. Mais il ne connaissait pas suffisamment les coutumes des Elfes pour se faire un jugement définitif, et il préféra en rester là, acceptant les excuses de la guerrière avec un haussement d'épaules, et la maigre sagesse qu'il avait acquise au cours de ses années dans la garde de Pelargir :

- Les problèmes difficiles ne peuvent pas se résoudre rapidement, en règle générale. L'empressement est la promesse de l'échec.

La promesse de l'échec.

S'il se fiait à ce que lui disait Lithildren au sujet de ce Gier, ils n'avaient pas le droit d'échouer dans leur mission. Pourtant, alors que leur ennemi semblait perdu dans la nature, ils en étaient rendus à attendre patiemment devant une porte close pour obtenir des informations. Remonter la trace de cet homme demanderait de la patience et de la persévérance, car à moins que l'Elfe lui eût caché des choses – ce qui était fort possible, après tout – elle semblait n'avoir aucune idée de l'endroit où le trouver, ni de comment le vaincre. Peut-être aurait-elle un jour besoin de bras vaillants pour l'emporter dans une bataille contre lui. Peut-être se souviendrait-elle alors du Commandant de Pelargir, qui avait proposé de lui offrir son assistance. L'amertume de Chance reflua légèrement, alors qu'il voyait approcher le vétéran Erelas.

Paradoxalement, alors que le militaire se détendait, Lithildren semblait gagner en nervosité. Elle avait l'air curieusement mal à l'aise, comme si tout à coup elle quittait ses habits d'aventurière désireuse de sauver le monde pour devenir une vulgaire vagabonde soucieuse d'être rossée par un représentant de l'armée royale. Mevan lui jeta un regard en coin, sans cacher sa surprise, pour ne pas dire son inquiétude.

Était-ce Erelas qui l'effrayait ainsi ? Ou bien ce qu'il représentait ? Savait-elle des choses qu'il ignorait ?

Il n'eut pas le temps de pousser ses questionnements plus avant, car déjà le Capitaine du Premier Cercle approchait.

Il écouta attentivement l'Elfe, essayant de réorganiser les éléments dans son esprit pour se faire un tableau fiable et précis de la situation. Il y avait beaucoup de paramètres à considérer de toute évidence, notamment le fait que Lithildren, malgré son éloquente présentation, s'était soigneusement abstenue de préciser l'identité de qui l'envoyait. Mevan nota également, mais il fut bien le seul dans ce cas, que la guerrière avait largement modifié son histoire pour adopter un récit qui mettait de côté les ambitions de sauver le monde et les ennemis des Peuples Libres. Pendant une seconde il se demanda pourquoi elle avait décidé de lui confier la vérité à lui, mais pas au Capitaine Erelas. Puis il prolongea son raisonnement, et se demanda finalement si la « vérité » qu'il croyait détenir n'était pas en définitive un autre mensonge destiné à lui garantir l'accès à la Cité Blanche… Était-elle fine au point de pouvoir le manipuler de la sorte, jouer sur sa bienveillance et son désir de protéger la Terre du Milieu pour le mettre dans sa poche ?

Il n'en croyait pas l'Elfe capable, mais que connaissait-il d'elle, finalement ?

Erelas ne sembla pas remarquer le trouble de Mevan, tout occupé qu'il était à faire le point, et il finit par répondre :

- Le fameux ami dont vous parlez… de qui s'agit-il ?

La question pouvait paraître innocente, mais elle ne l'était pas du tout en réalité. Erelas n'était pas un novice de la rhétorique et de la politique. Il connaissait beaucoup de monde dans la Cité Blanche, et ses connexions familiales faisaient de lui un personnage relativement influent à Minas Tirith, même s'il était affecté à l'heure actuelle à la défense du Premier Cercle – loin des affaires du palais, donc. Connaissait-il suffisamment bien Nallus et les gens qui fréquentaient l'Université de Minas Tirith pour distinguer un vrai nom d'un faux ? Difficile à dire, mais il avait des yeux de renard qu'il gardait braqués sur Lithildren, comme s'il attendait un faux-pas de sa part. Il laissa l'Elfe répondre dans un premier temps, avant d'enchaîner :

- Voyez-vous, monsieur Nallus a été inculpé pour des faits particulièrement graves, bien que je ne connaisse pas le détail de la procédure d'enquête à son encontre. J'ai bien peur qu'il faille d'excellentes raisons pour obtenir de pouvoir le voir. Pour l'heure, il n'a vu que ses gardes et son avocat, lequel a démissionné hier d'ailleurs. A part cela, toute visite est interdite. Vous comprendrez qu'on ne peut voir facilement un homme accusé de conspiration et de trahison… qui sait ce qu'il pourrait dire à un éventuel complice ? A moins qu'on ne vienne pour le faire taire définitivement s'il en savait davantage au sujet d'une quelconque conjuration.

Les accusations implicites d'Erelas étaient cinglantes, mais elles ne visaient pas spécifiquement Lithildren. Il ne connaissait pas l'Elfe, et il n'avait aucun grief personnel contre elle. Il se contentait de lui exposer les faits, et de lui rappeler que son insistance pouvait être mal perçue dans un contexte assez tendu au sein de la Cité Blanche.

- Le Général Cartogan tient l'armée sous son contrôle, et veille avec un zèle que je qualifierais d'excessif à ce que la sécurité et l'ordre règnent dans la cité. Comprenez bien qu'après tout ce que nous avons vécu, le Gondor ne puisse pas prendre à légère des accusations de complot.

Il faisait bien entendu référence à l'assassinat du prince en plein cœur du palais royal à Minas Tirith. L'affaire avait bouleversé le royaume de Gondor, et avait eu des conséquences politiques considérables sur toute la Terre du Milieu par la suite. Personne ne souhaitait revivre un tel événement… Erelas, qui s'en tenait à la même ligne que Mevan, essaya toutefois de se montrer conciliant :

- Si vous me disiez quel était le motif précis de votre visite, je pourrais faire remonter votre demande auprès de mes supérieurs, et essayer d'obtenir de leur part une autorisation de visite… Je ne peux rien vous garantir, cependant.

Le Capitaine ne lâchait pas Lithildren du regard, comme s'il se demandait si elle allait lui révéler les secrets qu'elle cachait à l'évidence. Il avait l'air de vouloir en savoir davantage au sujet des raisons qui l'amenaient dans la Cité Blanche, et qui la poussaient à voir Nallus. Était-il bien prudent pour l'Elfe de se confier à un homme dont elle ignorait tout ?


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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyLun 17 Sep 2018 - 20:08
Elle s'agitait. La nervosité était palpable chez elle jusqu'à ce qu'Erelas ne se montre. Elle avait tâché d'être convaincante mais son petit tour de pauvre Elfe ne fonctionnait guère sur les as de la politique. Elle tâtait le terrain de la manipulation et du mensonge, deux notions étrangères aux Elfes. Elle jouait bien évidemment, dans une certaine mesure, de ses attributs et de son statut elfique, peut-être de son charme mais elle devait s'attendre à ce que cela ne marche pas à chaque fois.

En face du Capitaine Erelas, l'Elfe était parfaitement droite et imperturbable. Elle ne laissait voir que ce qu'elle voulait qu'il voit. Mais elle sentait à force de parler que cela ne suffirait pas. Erelas était méfiant, évidemment, et il ne laisserait pas la Dame Lithildren entrer dans la Cité Blanche si aisément.

- Le fameux ami dont vous parlez… de qui s'agit-il ?

Au lieu de bien agir elle avait mit Gil en position délicate. Quoique... Le sage lui avait dit que la couverture du mendiant était un filtre lui permettant de ne pas dévoiler plus. Un subterfuge. Pouvait-elle alors se permettre de dire le nom de Gil ? Elle fit mine de réfléchir, comme si elle ne connaissait pas le nom de ce fameux ami. Puis elle inspira comme si elle l'avait sur le bout de la langue, le cherchant dans sa mémoire.

Lithildren pouvait user dès lors de sa statuette. Elle essayait de ne pas songer à l'effet que cela pouvait avoir. Elle ignorait les conséquences que cela pouvait avoir. Non. Elle ne devait l'user qu'en cas d'extrême urgence, pas comme un passe-passe ou une solution facile. Sans compter qu'elle avait aussi la vie de Mevan et sa propre vie dans cet objet si elle le montrait ici et maintenant. Elle ne devait surtout pas retourner sa carte maîtresse sous peine d'être mise à jour et de devoir craindre encore plus pour sa vie. La sagesse lui intima de ne pas céder à la tentation facile.

- Gui... Guile...? Peut-être Jill ? Un nom comme ça, je ne l'ai entendu que trop peu pour le restituer de manière exacte.

La réponse pouvait être convaincante. Elle avait l'air de vraiment chercher le nom, concentrée, mais haussait les épaules en donnant des possibilités. Si Erelas connaissait Gil, ce qui était peu probable, il le trouverait. Ou pas. Au moins ça lui laissait une légère marge, même s'il était probable que cela ne lui attire que des ennuis. Le coeur de la belle Elfe battait à tout rompre mais aucun signe externe ne montrait sa nervosité. Elle voulait en finir, elle avait hâte d'entrer, se reposer et achever sa quête. Tout ceci était si long, futile, inutile.

- Voyez-vous, monsieur Nallus a été inculpé pour des faits particulièrement graves, bien que je ne connaisse pas le détail de la procédure d'enquête à son encontre. J'ai bien peur qu'il faille d'excellentes raisons pour obtenir de pouvoir le voir. Pour l'heure, il n'a vu que ses gardes et son avocat, lequel a démissionné hier d'ailleurs. A part cela, toute visite est interdite. Vous comprendrez qu'on ne peut voir facilement un homme accusé de conspiration et de trahison… qui sait ce qu'il pourrait dire à un éventuel complice ? A moins qu'on ne vienne pour le faire taire définitivement s'il en savait davantage au sujet d'une quelconque conjuration.

Elle hocha doucement la tête, signe qu'elle comprenait tout à fait. Elle ne le prenait pas mal, elle réagirait de la même façon en d'autres circonstances. C'était l'évidence même, elle le comprenait très bien et ne fit que le montrer. Elle ne pipa cependant pas mot, pour laisser le Capitaine finir.

- Le Général Cartogan tient l'armée sous son contrôle, et veille avec un zèle que je qualifierais d'excessif à ce que la sécurité et l'ordre règnent dans la cité. Comprenez bien qu'après tout ce que nous avons vécu, le Gondor ne puisse pas prendre à légère des accusations de complot.

Elle ne savait pas de quoi il parlait. Ou peut-être l'avait-elle oublié ? Après tout les événements depuis son emprisonnement au Rhûn lui étaient inconnus et elle nageait en pleine découverte politique.

- Si vous me disiez quel était le motif précis de votre visite, je pourrais faire remonter votre demande auprès de mes supérieurs, et essayer d'obtenir de leur part une autorisation de visite… Je ne peux rien vous garantir, cependant.

Lithildren inspira et talonna son cheval pour approcher du Capitaine. Il fit montre de prudence mais elle reste bien droite et posta son destrier près d'Erelas pour pouvoir lui parler à voix basse. Seul lui pouvait entendre ce qu'elle disait, alors même que Mevan n'était pas si loin il n'entendrait qu'un vague murmure incompréhensible, sans consistance.

- Ecoutez, Capitaine... Je n'ai pas été très... franche pour des raisons évidentes. Elle fit un léger signe très discret vers Mevan. A vous, je puis dire que c'est lui qui m'a conviée dans un courrier il y a de cela plus d'un mois. Il était sur la piste de quelqu'un qui travaillerait pour une organisation aussi mauvaise voire pire que l'Ordre de la Couronne de Fer. Et j'ai croisé cette personne, qui a tué des paysans et fermiers arnoriens ainsi que mon compagnon, et je suis la seule survivante d'un massacre de dizaines de personnes dont il en est le responsable. Je ne m'attends pas à ce que vous me croyiez mais c'est pour cela que je suis là : retrouver un assassin et un homme aux intentions malveillantes qui, si mon expérience est juste, va sûrement s'en prendre à Minas Tirith. Nallus est la seule personne qui peut aider à le trouver.

Elle regardait le Capitaine droit dans les yeux. Son regard argenté était planté dans celui d'Erelas, et dans ce regard il pouvait y voir la rage, la détermination, la franchise et la douleur insupportable que l'Elfe portait en son cœur. Elle devait voir Nallus. Et si on le lui interdisait, alors seulement montrerait-elle le bout de bois précieux qu'elle gardait avec elle...
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyMar 18 Sep 2018 - 18:50

Mevan regarda successivement Lithildren puis Erelas. Elle avait semblé hésitante au moment de donner le nom de l'homme qui l'avait envoyée ici, à Minas Tirith, ce qui pouvait paraître suspect. Le commandant de Pelargir ne savait pas si la mémoire lui faisait sincèrement défaut, ou si elle essayait de dissimuler l'identité de l'intéressé. Erelas fixa l'Elfe pendant un instant sans rien répondre, comme s'il la jaugeait. Il était difficile de savoir ce qu'il pensait de sa réponse, mais il se fendit d'un commentaire aussi laconique que frustrant :

- Je vois.

Et il n'ajouta rien, passant immédiatement au sujet qui les intéressait. Mevan espérait que cela ne poserait aucun problème, car il avait le sentiment qu'Erelas en savait davantage qu'il ne voulait bien l'admettre. Ils jouaient tous les trois un jeu de dupes, et se cachaient des choses les uns aux autres au lieu de parler franchement. En étaient-ils réduits à cela ? A ne plus savoir accorder leur confiance à quelqu'un qui se présentait pourtant comme un allié ? Les épaules du Commandant s'affaissèrent. Il trouvait cette situation désolante.

Alors qu'il était plongé dans ses réflexions, il vit Lithildren s'approcher d'Erelas pour lui glisser quelques mots à l'oreille. Quelques mots qui, de toute évidence, ne lui étaient pas destinés. Il fronça les sourcils malgré lui, surpris et quelque peu outré d'être traité ainsi. N'avait-il pas tendu la main à l'Elfe quand elle en avait eu besoin ? Il avait offert de l'aider dans la quête qu'elle s'était fixée, et elle avait paru rassurée d'avoir trouvé quelqu'un comme lui… quelqu'un d'honnête et de courageux. Mais désormais qu'elle avait en face d'elle Erelas, elle le tenait à l'écart plutôt que de parler franchement. Il fut bien incapable de cacher son désarroi, qui n'était pas de la colère mais simplement l'expression de sa profonde confusion. Lithildren lui avait paru si sincère, si perdue, si vulnérable… et aujourd'hui elle se comportait comme s'il ne valait pas mieux qu'un vulgaire brigand. Insaisissable et difficile à cerner, elle lui parut tout à coup tellement éloignée de lui-même. Cette Elfe le percevait sans doute comme un insecte à la vie éphémère qui n'était pas digne de son attention. Que valaient ses sentiments personnels et ses états d'âme face aux impératifs du monde. Elle existait dans un autre univers que le sien, et il avait été stupide d'imaginer… de croire que…

Il n'avait jamais eu aucune chance.


Erelas s'était étonné de la réaction de Lithildren. Pendant un instant, il avait cru qu'elle et Mevan allaient essayer de le convaincre de les laisser entrer au sein de la Cité Blanche, mais il semblait que les deux ne s'entendaient pas si bien que ça. Tout du moins, l'Elfe paraissait animée d'une volonté inébranlable, et elle ne s'arrêterait pour personne. Mevan, derrière elle, paraissait mal à l'aise d'être ainsi laissé de côté sans le moindre ménagement. Mais ce qu'elle lui glissa à l'oreille avait de quoi faire peur, et expliquer sa réaction empressée.

Une organisation pire que l'Ordre de la Couronne de Fer ? Un meurtrier en liberté ?

Voilà des mots qui agitaient forcément un militaire, et qui poussèrent Erelas à accorder une attention toute particulière à Lithildren. Aurait-elle été une simple humaine, une vagabonde sans nom et sans histoire qu'il ne lui aurait pas accordé la moindre attention et serait retourné derrière les épais murs de la cité sans tarder. Mais elle était une Elfe, et il accordait un certain crédit aux paroles du beau peuple. Il lui répondit sur le même ton de conspirateur :

- Tout ceci est très inquiétant, j'en ai peur… Vos intentions semblent pures, mais je n'ai pas le pouvoir de vous permettre d'accéder à Nallus. Il faudra que vous trouviez des raisons plus solides pour convaincre le général Cartogan. Des preuves tangibles. Nallus avait peut-être laissé quelque chose derrière lui qui pourrait vous aider.

Il marqua une pause lourde de sens. Ce n'était qu'une hypothèse, mais c'était bien leur meilleure chance car ils ne pouvaient pas défier frontalement l'autorité de Cartogan. Pas sans avoir derrière eux la force du droit et de la justice. Erelas ajouta :

- J'ai entendu des choses troublantes au sujet d'une organisation qui pourrait correspondre à celle dont vous m'entretenez. Une fraternité… Je pensais qu'il ne s'agissait que d'une lubie… Si c'est cela dont vous parlez, il est peut-être nécessaire que vous enquêtiez sur l'affaire sans tarder, d'ici à ce que vous puissiez entrer en contact avec monsieur Nallus.

Nouvelle pause. Cette fois, il jeta un regard à Mevan qui se trouvait derrière l'Elfe. Le commandant avait les mâchoires serrées, crispées, mais il s'efforçait de maintenir une attitude respectueuse. Il était théoriquement supérieur en grade à Erelas, mais les officiers de Minas Tirith jouissaient d'un grand prestige, et Erelas était un noble de haute lignée alors qu'il était de notoriété publique que Mevan n'était qu'un roturier.

- Ce n'est pas dans mes consignes, mais je peux négocier pour vous faire entrer à Minas Tirith si vous le souhaitez. A partir de là, je pourrai vous orienter vers l'université, où travaillait monsieur Nallus. Mais le commandant Mevan devra rester derrière, je n'ai pas l'autorisation de le faire entrer au sein de la cité. Vous devez aussi vous engager à ne pas parler de ce que vous verrez derrière les murs. Pas même au commandant.

Il examina soigneusement Lithildren, comme s'il voulait voir si sa résolution était si grande qu'elle était prête à entrer dans la ville en laissant derrière elle son meilleur allié :

- Si cela vous convient, je vous laisse expliquer la situation au commandant. Prenez le temps de réfléchir.

Sans attendre, il fit tourner sa monture et l'éloigna de quelques mètres, suffisamment pour laisser à Mevan et Lithildren l'espace de parler tranquillement. Le commandant s'approcha de l'Elfe, la curiosité ayant tout à coup remplacé la déception dans ses yeux innocents. Il fit mine de ne pas avoir été blessé par ces paroles murmurées loin de son oreille, et demanda avec un sourire de circonstance :

- Alors ? Qu'a-t-il dit ?


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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptyMar 18 Sep 2018 - 19:42
- Tout ceci est très inquiétant, j'en ai peur… Vos intentions semblent pures, mais je n'ai pas le pouvoir de vous permettre d'accéder à Nallus. Il faudra que vous trouviez des raisons plus solides pour convaincre le général Cartogan. Des preuves tangibles. Nallus avait peut-être laissé quelque chose derrière lui qui pourrait vous aider.

Elle les trouverait, elle le devait. Sans ça, pas de Nallus, pas de suite à sa mission. Rien n'était possible sans Nallus.

- J'ai entendu des choses troublantes au sujet d'une organisation qui pourrait correspondre à celle dont vous m'entretenez. Une fraternité… Je pensais qu'il ne s'agissait que d'une lubie… Si c'est cela dont vous parlez, il est peut-être nécessaire que vous enquêtiez sur l'affaire sans tarder, d'ici à ce que vous puissiez entrer en contact avec monsieur Nallus.
- La Fraternité de Yavannamirë. Il ne s'agit pas d'une lubie, elle existe et "Il" en fait partie. C'est d'ailleurs à leur nom qu'il a agit comme ceci.

Il marqua une pause, le temps d'assimiler les informations. Lithildren faisait preuve d'une détermination sans faille, imperturbable. Elle donnait l'impression d'être prête à tout - ce qui était le cas - et qu'elle laisserait volontiers Mevan derrière pour ses propres intérêts. Devenait-elle bon au jeu des apparences à ce point ? Elle ne saurait le dire mais elle devait jouer pour gagner.

- Ce n'est pas dans mes consignes, mais je peux négocier pour vous faire entrer à Minas Tirith si vous le souhaitez. A partir de là, je pourrai vous orienter vers l'université, où travaillait monsieur Nallus. Mais le commandant Mevan devra rester derrière, je n'ai pas l'autorisation de le faire entrer au sein de la cité. Vous devez aussi vous engager à ne pas parler de ce que vous verrez derrière les murs. Pas même au commandant.

Elle ne montra aucune émotion à cette nouvelle. Erelas désobéissait donc aux ordres en négociant l'entrée dans la ville à l'Elfe ? Mais elle fut surprise de savoir que le Commandant n'avait pas le droit d'entrer dans la ville et qu'elle avait encore moins le droit de parler avec lui de ce qu'elle verrait. Pourquoi isoler un Commandant ainsi de sa propre cité ? Quels secrets sombres renfermait Minas Tirith ?

- Si cela vous convient, je vous laisse expliquer la situation au commandant. Prenez le temps de réfléchir.

Elle hocha doucement la tête en signe qu'elle y réfléchirait et il recula. Lithildren fit se retourner son cheval et afficha en face de Mevan un air... défait. Elle soupira discrètement alors qu'il s'approchait en même temps qu'elle avançait à lui, dos à Erelas.

- Alors ? Qu'a-t-il dit ?

Elle leva les yeux vers Chance, les ferma une seconde et soupira à nouveau par le nez. Puis, à voix basse audible par lui seul, elle expliqua.

- Je lui ai parlé de la même chose qu'à toi, mais je devais lui faire croire que vous avez deux versions différentes. Il était nécessaire qu'Erelas pense avoir la version officielle mais que tu ne saches qu'un récit de pauvre Elfe en détresse, puisque tu n'as pas le pouvoir de me faire entrer. Donc il sait ce que tu sais. Elle marqua une pause, léger sourire aux lèvres, puis reprit avec sérieux et toujours à voix basse. Il peut me négocier l'entrée dans Minas Tirith, ce qui est contraire à ses ordres, mais cela veut dire que je dois te laisser derrière. Il t'es interdit d'entrer à Minas Tirith, j'ignore pourquoi mais ça me paraît trop louche pour être normal. Je vais essayer de négocier ce point ou d'en savoir plus, je me refuse à te laisser derrière ainsi. Elle fit une autre pause. Ceci dit, si je n'ai pas un accès pour toi, tu ne devras pas montrer quoique ce soit qui pourrait te mettre dans une situation délicate ou faire penser que nous avons un quelconque lien affectif. Nous devons passer pour deux étrangers l'un pour l'autre, presque tu devras faire croire que tu te sens trahi.

Elle se passa une main sur le visage, soupirant longuement. Elle devait penser à tout pour ne pas trahir un quelconque lien avec qui que ce soit, se montrer à la fois forte et vulnérable, faire croire qu'on pouvait la soumettre ou la balader tranquillement. Elle devrait manipuler et mentir.

- Et si j'entre, je n'ai le droit de parler à personne de ce que j'aurais vu derrière les murs. Pas même à toi. Je ne comprends pas, toi et tes hommes êtes tenus volontairement à l'écart de la Cité. Cartogan est visiblement très stricte, bien plus que de raison si je comprends bien : quelque chose se trame dans la ville qu'ils ne veulent pas que l'extérieur voit. Ce n'est pas normal.

Lithildren regarda Chance. Elle avait les yeux soudainement humides et seul lui vit la détresse dans son regard. Sa voix resta inchangée, aussi basse, mais un peu tremblante.

- J'ai peur, Chance. Je n'ai pas envie de te laisser derrière, j'ai besoin de toi. Je n'y arriverai pas seule. Et toute cette ville me fait peur, je me sens enfermée dans une cage rien que d'être ici. J'aimerais tellement ne pas vivre cet enfer seule... Je n'y arriverais pas. J'ai trop peur de mourir s'ils croient que je vais parler hors des murs, trop peur de rester enfermée dans la ville sans échappatoire. Elle fit une pause pour déglutir. Mais Chance... Je ne t'ai pas menti. Je ne sais pas mentir, mon peuple ne sait pas mentir. Je ne fais qu'apprendre ce que c'est... Il y a des choses nécessaires, dans le monde des Hommes, comme faire croire que l'autre à le pouvoir et le savoir, ou mentir... Mais à toi je mentirais jamais. Je serais sincère et transparente. Tu peux me faire confiance autant que je te ferais confiance.

Mais à quoi bon lui dire ça ? Le rassurer ? Se rassurer ? Elle était honnête, elle l'avait toujours été ces quatre siècles derniers. Elle se résuma la situation dans l'esprit :

- Erelas croyait être le seul à avoir la raison véritable de la venue de Lithildren à Minas Tirith. Il pensait que Chance était laisser derrière volontiers
- Chance savait la vraie raison mais devait faire croire qu'il ne la savait pas et qu'une tension résidait entre Lithildren et lui.
- Lithildren mentait et manipulait pour avoir ce qu'elle désirait : voir Nallus et arrêter Gier.

L'Elfe se sentait affreusement seule. Elle ne savait pas quoi faire, ni quoi dire, ni comment agir, où aller. Elle était perdue, brisée, à devoir assumer une charge trop lourde pour elle. Elle se refusait à laisser Mevan derrière elle alors qu'il voulait l'aider. Lithildren avait envie de se blottir dans ses bras et de sentir à nouveau son cœur battre, sa respiration, sa musculature, sa peau... Avec lui elle se sentait protégée de tous les dangers, loin des problèmes et même de la réalité. Elle aimait cette sensation et voulait la ressentir encore, et encore, et encore, et à jamais. La belle aux cheveux de jais se forçait de ne pas penser à la nuit dernière, ni à laisser transparaître qu'elle y pensait.

Mais elle voulait garder Chance auprès d'elle.

Pour toujours.
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptySam 22 Sep 2018 - 13:32

Même s'il avait très envie de croire aux paroles de l'Elfe, le commandant de Pelargir se montra relativement méfiant vis-à-vis de la version qu'elle lui offrit. Il aurait aimé être mis au courant de son plan avant qu'elle se lançât dans un double jeu qui lui donnait le sentiment d'avoir été mis à l'écart. Sa mine peu rassurée ne trompait pas, mais il préféra ne faire aucun commentaire, trop curieux de savoir quelle avait été la teneur de l'échange avec Erelas. Ou tout du moins, ce qu'elle lui rapporterait de cet échange. Il ne savait plus très bien à quel point elle était sincère avec lui, et il avait l'impression qu'elle le manipulait sans la moindre difficulté pour arriver à ses fins. Et les paroles que l'Elfe prononça ne firent que confirmer son impression. Elle avait l'intention d'entrer à Minas Tirith, mais de le laisser derrière. Et elle osait lui demander de garder son sang-froid ? Il répondit sur un ton sec :

- Je pensais que nous étions ensemble dans cette affaire…

Il y avait de la déception chez lui, mais il ne laissa pas vraiment à Lithildren le temps de réagir à ce sentiment qui s'effaça de ses yeux rapidement, remplacé par un profond désarroi. Il y avait beaucoup de secrets et de mystères, des négociations et des mensonges… tant de choses que le commandant ne maîtrisait pas. Il était un homme d'action, connu et reconnu pour sa franchise. Il ne savait pas comment évoluer dans cet univers complexe et politique… il n'avait même pas envie d'apprendre les règles d'un jeu qu'il trouvait aussi méprisable que futile. C'était peut-être cela qu'il avait dans son regard quand il observait Lithildren désormais. Il était persuadé qu'elle lui avait dit la vérité au sujet de cette fraternité, de cet homme qui l'avait violentée… Toutefois il n'approuvait pas ses méthodes, et il lui semblait qu'en s'engageant sur la voie de la tromperie et du mensonge elle s'éloignait des valeurs qu'elle disait défendre, et se rapprochait de l'homme qu'elle traquait.

- Soit, je ferai comme tu veux. Je ne protesterai pas et je te laisserai mener ton enquête sans moi. Je peux même jouer la comédie, si cela peut t'aider à convaincre Erelas.

C'était un renoncement pour le commandant. Un renoncement à beaucoup de choses. Il tournait le dos à sa cité et à ses principes, d'abord. Mais aussi à Lithildren dans une certaine mesure, et à la quête de cette dernière. Elle avait ses combats à mener, et il le comprenait fort bien, mais lui aussi avait des responsabilités. Il devait veiller sur près de deux mille pères de famille, frères, fils ou cousins, qui attendaient avec impatience et anxiété le moment où la guerre déferlerait sur eux. Il devait s'assurer qu'ils seraient bien traités, et qu'il en ramènerait autant que possible à la maison. Ce n'était peut-être pas aussi noble que de sauver la Terre du Milieu d'un grand danger, mais c'était son devoir, et il le prenait à cœur. Lithildren comprit peut-être que quelque chose s'était cassé chez Mevan, car elle enchaîna immédiatement sur la question de Minas Tirith et de son étrange fermeture, regagnant instantanément son intérêt :

- Erelas t'a dit de ne rien me dire ? Je ne comprends pas… Tu as raison, ce n'est pas normal. Mais je ne peux rien faire en tant que simple officier.

Plusieurs hypothèses défilèrent dans son esprit, mais il préférait ne pas y accorder de crédit. Elles étaient trop folles pour être considérées à la légère, et il n'était pas homme à se laisser aller à la paranoïa. Cependant, toute cette situation semblait avoir pris des proportions gigantesques, qui les dépassaient tous les deux. Et cela l'effrayait. Le royaume qu'il avait toujours servi fidèlement, et pour lequel il avait une admiration sans bornes, s'était-il transformé en un repaire de conspirateurs et de manipulateurs ? La confiance et l'amitié étaient-elles des valeurs devenues obsolètes à Minas Tirith ? Il commençait à le croire, et à se méfier de cette noblesse qui se plaisait à garder la roture dans l'ignorance. Lithildren semblait craindre également, et tout à coup elle redevint l'Elfe perdue et fragile qu'il avait vue la veille au soir.

Soudainement, tombant les masques maintenant qu'Erelas était au loin, elle lui parla à cœur ouvert de ses craintes, de ses appréhensions, et de son désir de ne pas affronter cette situation toute seule. Pendant un instant, Mevan se demanda si elle ne faisait pas cela juste pour l'amadouer, mais il devina la sincérité derrière ses paroles, et il la comprenait. La glorieuse forteresse des descendants d'Elessar était devenue un nid à serpents, et elle devait abandonner la seule personne prête à la soutenir pour s'engouffrer dans ce qui ressemblait à s'y méprendre à un piège. Il soupira profondément lorsqu'elle lui confia qu'elle ne lui mentirait jamais, et qu'elle méritait sa confiance. Il aurait voulu pouvoir le croire absolument, mais une part de lui demeurait sur le qui-vive. Elle n'avait pas su le rassurer entièrement, et il s'en voulait de ne pas pouvoir lui accorder le même crédit que quelques heures plus tôt. Il avait été blessé, meurtri, et elle l'avait utilisé comme un pion pour ses desseins plus grands. Même s'il acceptait d'être une modeste pièce sur l'échiquier – n'était-il pas soldat après tout ? –, il avait pensé qu'elle montrerait davantage de considération pour lui.

Peu désireux de lui infliger ce qu'elle lui avait infligé, il s'appliqua à lui montrer qu'il restait encore de l'honneur chez les Hommes, et répondit :

- Tu vas y arriver, Lithildren. Si ce que tu m'as dit est vrai, alors tu n'as pas le choix. La peur ne doit pas t'arrêter. Mais pour ne plus être seule, tu devras simplement apprendre à te reposer sur les gens. J'étais prêt à t'aider, Lithildren…

Il aurait voulu poser une main sur la sienne, mais il savait qu'il devait entretenir l'illusion. L'Elfe lui avait bien dit qu'il devait faire comme s'il se sentait trahi, et les démonstrations d'affection n'étaient plus de mise. Il inspira profondément, et souffla :

- C'est l'heure pour nous de nous séparer. Puisses-tu réussir dans ton entreprise, et sauver ce monde qui nous est cher. Quant à moi, je m'en retourne auprès de mes hommes. Ils ont besoin de moi.

Son regard était au moins aussi déterminé que celui de la guerrière. Il n'était peut-être qu'un grain de sable dans le vaste monde, mais il était résolu à faire ce qu'il croyait juste, et à vivre son existence éphémère en restant fidèle à ses valeurs et à ses principes. C'était peut-être stupide du point de vue d'une créature immortelle, mais il s'accrochait à cela pour donner un sens aux années qu'il avait à passer en Arda.

- Peut-être que nous reverrons-nous quand tout ceci sera terminé. Si la guerre ne m'emporte pas avant.

Sans laisser le temps à Lithildren de répondre, il fit faire volte-face à sa monture, et l'éloigna au galop vers Rammas Echor. Il ne se retourna pas, feignant de se désintéresser totalement de l'Elfe. Il eut l'impression qu'elle lui lança quelque chose, mais les mots furent balayés par le vent qui lui fouettait le visage. Digne et fier, incarnation du modèle gondorien, il disparut bientôt de la vision de l'Elfe, fondu dans la masse grouillante des soldats, caché derrière les tentes innombrables qui parcouraient le Pelennor.

La guerrière était désormais face à son destin, avec pour seul horizon les immenses portes de mithril de Minas Tirith, et pour seul guide le capitaine Erelas : un homme dont elle ignorait à peu près tout. Il avait assisté à la scène de loin, et avait vu Mevan disparaître sans se retourner, vexé croyait-il d'avoir été tenu à l'écart de la situation à l'intérieur des murs. Il était désormais prêt à faire entrer l'Elfe, et attendait qu'elle le rejoignît. Pour Lithildren, c'était un nouveau cap à franchir, un nouveau défi, une nouvelle mission. Mais était-elle vraiment prête et armée ? Pourrait-elle faire face aux intrigues et aux faux-semblants ?

Que découvrirait-elle dans l'ombre de la Cité Blanche ?


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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptySam 22 Sep 2018 - 16:20
- Je pensais que nous étions ensemble dans cette affaire…

Lithildren n'eut même pas le temps de répondre que l'expression de Mevan avait changé du tout au tout. C'était l'inverse ! Elle allait négocier avec Erelas pour qu'il entre aussi, n'avait-il donc pas entendu ? Le regard de Mevan la glaça. Il n'approuvait pas ses manières, ses actions. Mais elle n'avait pas le choix... Elle devait agir ainsi, car sinon pour qui passerait-elle ? Mevan ne savait rien d'elle : il ne savait pas qui elle était. Mais d'un certain côté, elle savait qu'il venait de comprendre qu'elle n'était en rien une Elfe sage et vertueuse. C'était même l'inverse.

- Soit, je ferai comme tu veux. Je ne protesterai pas et je te laisserai mener ton enquête sans moi. Je peux même jouer la comédie, si cela peut t'aider à convaincre Erelas.

Elle ne répondit pas, les mâchoires serrées. Elle n'avait pas encore terminé de lui expliquer qu'elle voulait tout arrêter. Rebrousser chemin, tout repousser loin derrière elle. Elle se sentait de plus en plus seule à mesure qu'elle sentait Mevan lui échapper doucement. Il s'éloignait alors que ni l'un ni l'autre ne bougeaient. En réalité, il se fermait de plus en plus à la guerrière elfique et elle comprenait bien qu'elle en développa une souffrance étrange.

- Erelas t'a dit de ne rien me dire ? Je ne comprends pas… Tu as raison, ce n'est pas normal. Mais je ne peux rien faire en tant que simple officier.

Elle termina son discours d'une traite, sans discontinuer sa parole.

- Tu vas y arriver, Lithildren. Si ce que tu m'as dit est vrai, alors tu n'as pas le choix. La peur ne doit pas t'arrêter. Mais pour ne plus être seule, tu devras simplement apprendre à te reposer sur les gens. J'étais prêt à t'aider, Lithildren…

Elle serra le poing et laissa une larme rouler sur sa joue de satin. Elle osait à peine regarder le Commandant, gardant la tête baissée à fixer le pommeau de sa selle. Elle voulait fuir et ne jamais revenir. Fuir ses responsabilités, sa mission, tout abandonner. Ne ferait-elle donc jamais le bon choix ? Etait-elle condamnée à abandonner tous ceux qu'elle croisait sur son chemin, alors même qu'elle les vouait auprès d'elle ? Lithildren sentit son corps et son coeur se vider de toute substance et elle fut prise d'un léger vertige. Elle savait ce qui allait suivre et elle n'était pas prête du tout.

- C'est l'heure pour nous de nous séparer. Puisses-tu réussir dans ton entreprise, et sauver ce monde qui nous est cher. Quant à moi, je m'en retourne auprès de mes hommes. Ils ont besoin de moi.

Elle ne dit rien, honteuse et fébrile. Elle paraissait minuscule, tremblante une poupée de porcelaine trop fine pour être bougée et qui se briserait au moindre geste. Elle ne se sentait pas la trempe d'accomplir son "devoir". Lithildren n'arrivait même plus à parler, ni à bouger et peinait à déglutir. Encore une fois, elle avait abandonné sans le vouloir un homme qui était prêt à l'aider, à l'accompagner. Mais elle avait trahit Chance et le remord la prit à la gorge. Elle voulait pleurer, éclater en sanglots amers mais se retenait.

- Peut-être que nous reverrons-nous quand tout ceci sera terminé. Si la guerre ne m'emporte pas avant.

Elle voulut lui répondre mais il s'en était allé aussi vite que souffle le vent. Lithildren fixa la silhouette du Commandant partir jusqu'à ne plus le voir. Elle resta immobile là, effroyablement seule. Tout son être semblait trop faible pour bouger, trop vide pour le vouloir, trop lourd pour y arriver. Elle avait encore une chance de s'enfuir : il lui suffisait de lancer son cheval sur la route et de ne jamais se retourner. Elle pourrait faire cela et passer son existence dans les cellules elfiques où elle devait passer le reste de son immortelle existence à se laisser mourir petit à petit.

Etait-ce cela son destin ? Mourir à petit feu, perdre d'elle-même à chaque choix et finir par être une coquille vide de sens, de but et de volonté ? Elle avait déjà vu bien plus que certains des siens, bien trop peut-être. Elle n'avait plus la force de continuer, plus le courage de poursuivre ni la volonté d'aboutir. La belle aux cheveux de jais pressa ses talons contre les flancs de sa monture, qui fit quelques pas en avant. Elle mourait d'envie de partir.

Mais était-ce le bon choix ? Elle tira sur les rênes pour stopper sa monture. Si elle abandonnait maintenant, qu'était-elle ? Une lâche, une moins-que-rien, une traîtresse ? Elle était déjà ces trois choses, une fois de plus ne changerait rien. Une part d'elle-même, le semblant d'honneur qu'il lui restait, eut la voix la plus forte et elle se retourna vers Minas Tirith. Lithildren affichait une mine si neutre qu'elle passait presque pour imperturbable. Ou morte. Son regard ne laissait paraître aucune émotion, son visage s'était figé sur une expression traduisible par de la détermination ou la résignation. Il était difficile de savoir.

Le coeur lourd et sans aucune envie, l'Elfe retourna vers Erelas. Il attendait patiemment et semblait presque satisfait que Mevan soit parti. Lithildren voulut tuer le Capitaine pour cela.

- Allons-y, dit-elle d'un ton las et affreusement monotone.

Il n'était pas commun pour les Elfes de se comporter ni de parler ainsi. Mais Lithildren avait quitté les rangs depuis très très longtemps. Elle ignorait ce qu'elle trouverait dans la Cité. Une part d'elle espérait y mourir et enfin quitter cette vie qui ne lui avait rien apporté de bon qu'elle ait été capable de faire durer. Une autre part d'elle était optimiste et voulait en finir au plus vite, espérant trouver les réponses qu'elle cherchait.

Qu'elle que fut l'issue, Lithildren savait qu'en entrant dans la Cité, elle laisserait une nouvelle part d'elle et ne la retrouverait jamais. Serait-ce son humanité ? Fortement probable. Elle espérait quelque part en elle que Mevan accepterait de la revoir quand elle en aurait finit. Mais surtout, elle priait les Valar pour qu'il soit encore en vie. Si il venait à mourir, elle ignorait si elle aurait la force de continuer.
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Dans l'Ombre de la Cité Blanche EmptySam 22 Sep 2018 - 23:17
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Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop

"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
Dans l'Ombre de la Cité Blanche Signry10
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