Nombre de messages : 1079 Age : 25 Localisation : Temple Sharaman, Albyor Rôle : Esclave au Temple Sharaman, Agent de la Reine Lyra, Ex-Capitaine du Rohan
“Par les Valars Irül! Mais que s’est-il donc passé ?”
La Lice dévisageait le capitaine Irül d’un air inquiet, cherchant dans son regard embarrassé toutes les réponses à ses questions silencieuses. Mais il n’y voyait que la honte. La honte d’un officier devant faire le rapport d’un échec impensable à un supérieur qui lui avait accordé son entière confiance. Ils avaient lutté avec courage et abnégation, c’était indéniable; les nombreuses blessures et marques de combat sur leur armures poussiéreuses étaient présentes pour le prouver. Pourtant, et de manière inexplicable, ils avaient dû rendre les armes face à des adversaires à priori moins nombreux et bien moins équipés, et ce au sein même de leur territoire. Un scénario inimaginable pour un guerrier de la trempe d’Irül et qui expliquait sa grande déception. Les explications de celui-ci semblait d’ailleur assez confuse et lui rappelait d’une certaine manière le mutisme d’Ameno.
Comme pour le rassurer, Ansgar posa une main sur son épaule : “C’est fini mon ami. Vous vous êtes bien battus… C’est juste qu’il y a des choses à l’oeuvre ici qui nous dépassent tous, moi compris…”
Cette fois ce-fut une pointe d’inquiétude qui se refléta dans les pupilles sombres de l’officier. La Lice venait-elle de confirmer les rumeurs qui couraient sur la présence d’une sorcière et d'événements surnaturels au sein du campement de l’Isengard? Ou alors était-ce simplement un moyen de réconforter son frère d’armes en lui expliquant que sa défaite était inévitable? “Le Roi a donné ses ordres; vous rentrez au bercail.”
En effet, juste avant que le capitaine de la porte d’Isengard ne décide d’accepter l’offre du chef des Dunlendings, Filhelm était revenu de la forteresse au triple galop avec les ordres de Felarel. L’échange de prisonniers aurait bien lieu. Il avait choisi de ne pas divulguer cette information pour le moment et l’avait gardé pour lui, décidé à s’enquérir d’abord de l’état des rohirrim avant de faire une quelconque promesse. Mais au moins, Osgarsson était parti le coeur un petit plus léger, au moins n’était il plus dans le flou quant à la marche à suivre. Il avait sélectionné trois de ses hommes de confiance dont son fidèle porte-étendard et avait suivi leur “ennemi”. Ce dernier n’avait ni menti sur la longueur du trajet qui n’avait pas duré plus d’une heure, ni sur le lieu où se trouvaient les prisonniers, tous sains et saufs. Le sang de l’officier n’avait fait qu’un tour quand il avait cru être tombé dans un piège au coeur d’un défilé rocheux mais les sauvages du pays de Dun avaient retenu leurs traits.
Une fois sa conversation avec le prisonnier terminée, la Lice se redressa et s’approcha de Nuall. Il lui parla sur un ton toujours aussi implacable mais d’où avait disparu toute trace d'agressivité ou de menace et quand on connaissait l’animal on savait que cela représentait déjà beaucoup. “Je ne vous fais pas confiance mais vous avez honoré votre parole Dunlending. Et c’est quelque chose que je respecte. Le Rohan est disposé à négocier et discuter de l’échange de prisonniers. Les autorités désirent vous rencontrer devant les murs du domaine royal afin de trouver un accord.”
Sur ce plan-là la mission d’Ansgar était terminée. Bien sûr, il espérait encore jouer un rôle durant les négociations mais il n’avait plus les clefs d’une situation qui dépassait désormais le cadre militaire pour entrer dans celui de la politique. Un art auquel il n’avait pas été formé. Il monta prestement en selle en lançant à Nuall: “Hâtons-nous! Que l’on finisse tout ceci avant le crépuscule!”
Ils reprirent donc la direction d’Orthanc, la mâchoire de l’Isen dans leur dos, mais ne se doutaient pas que la monnaie d’échange du Rohan venait de se volatiliser.
Rihils observait Dairine avec tendresse. La femme ne l’attirait pas particulièrement de manière charnelle mais il y avait quelque chose en elle qui parlait à son âme. Une force insoupçonnée et surnaturelle enveloppée de mystère et surtout d’une vulnérabilité qui le poussait à vouloir protéger cet être étrange pourtant bien plus puissant que lui. L’étrangère étancher sa soif au bord du ruisseau où le guérisseur l’avait conduit; il la savait assoiffée mais pourtant elle ne s’était pas jeté près de l’eau pour y boire sauvagement comme d’autres l’auraient fait. Non, elle buvait de manière toujours aussi gracieuse et délicate; sans rien perdre de l’aura qui la caractérisait. Le charisme de certains s'évaporait dès qu’ils passaient à table; mais le sien demeurait plus que jamais intact.
L’homme serrait fermement dans son poing l’ordre de mission, signé de la main de la Lice, qui lui avait permis de libérer l’enchanteresse des cachots d’Orthanc. Rihils avait expliqué la veille au capitaine qu’il s’agissait d’une simple missive concernant l’envoi de renforts pour la Grande Estive qui avait besoin de la signature de l’officier. Celui-ci, ne sachant lire, l’avait griffonnée sans la moindre hésitation. Il se sentait légèrement coupable d’avoir ainsi abusé de la confiance de son ami mais il ne regrettait point son geste. Loin de là. Elle l’avait pourtant congédiée quelques heures plus tôt quand il était allé la voir après que l’alarme ne soit donné, lui déclarant même qu’il ne parlerait pas avant le lendemain mais le parfum de la liberté avait été plus fort. Quoique techniquement il ne s’était pas vraiment parlé depuis lors, la jeune femme se contentant de suivre son libérateur sans prononcer le moindre mot. “L’évasion” s’était déroulé sans accrocs et de manière rapide, son plan ayant fonctionné à merveille. Il en était satisfait mais se désolait d’un côté du manque de prudence de son propre peuple, en particulier quand cela concernait leurs ennemis du pays voisins qu’ils considéraient comme de simples sauvages désorganisés. Ils avaient alors quitté le campement par la porte Sud, quand toute l’attention des défenseurs du Rohan étaient focalisés sur le côté Ouest, là où les intrus s’étaient manifestés. Il l’avait ensuite conduit ici, dans un lieu considéré comme sûr par les Rohirrim et qu’il pensait donc caché aux yeux des guetteurs et peu empruntés par les patrouilles.
Le médecin avait, pour son âge, énormément voyagé ce qui lui avait permis de découvrir des peuples et philosophies dont nul ne soupçonnait l’existence dans le Riddermark. Mais il avait jusqu’ici raté ce qui se passait juste de l’autre côté de la frontière, au coeur des terres sauvages de l’Enedwaith, là où se trouvait Dairine et les siens. Celle-ci lui avait entrouvert la porte à un tout nouveau monde, à une toute nouvelle approche du monde, et cela l’avait immédiatement fasciné, lui qui se voyait comme si pragmatique et raisonné s’était laissé emporté par la magie qu’elle lui avait offerte.
Après un long moment passé en retrait, Rihils s’approcha de la fugitive et s’agenouilla à ses côtés. Il plongea ensuite délicatement ses doigts filiformes dans l’eau claire du ruisseau et parla d’un ton bien songeur. “Ainsi le cours de la vie serait comme celui d’un ruisseau. Et pour en connaître les secrets, il faudrait donc épouser son courant…”
Pour appuyer ses dires, il écarta légèrement ses doigts, laissant ainsi le liquide transparent filer entre ses mains et poursuivre sa route. Rihils sortir alors de son état méditatif et reporta son attention sur son interlocutrice. Il désigna du doigt un promontoire rocheux qui se détachait au loin: la mâchoire de l’Isen. “Vos amis, votre peuple sont venus pour vous… Et ils sont tous proches. Je vous ai redonné la liberté et je peux vous conduire à eux. Vous pouvez me faire confiance Dairine… Mais avant…”
Il extirpa sa main du cours d’eau et la posa sur le bras de la Dunlending. “Mais avant vous devez me promettre une chose. Engagez vous à m’apprendre les secrets de votre art. Alors moi, Rihils guérisseur et notable du Rohan, serai éternellement redevable à vous et votre peuple.”
Le guérisseur avait pris des risques, beaucoup de risques, au cours de la journée mais il était intimement convaincu que le jeu en valait la chandelle. Pour lui mais aussi pour son royaume.
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Elle essuya d’un revers de main élégant l’eau fraîche qui coulait encore sur son menton. Il lui semblait n’avoir jamais rien goûté d’aussi délicieux, après son séjour dans les geôles de la forteresse rohirrim. Goûter à la liberté, au soleil qui caressait sa peau pâle, à la douceur du vent dans ses cheveux… Elle se délectait de la moindre sensation, comme une aveugle retrouvant la vue, et s’enthousiasmant de chaque couleur, de chaque ombre et de chaque reflet.
La voix de Rihils vint troubler son extase, et elle se retourna délicatement vers lui, avec la grâce d’un faon :
- Oui, ils venir… Vous pas être peur ?
Elle lui jeta un regard appuyé. Elle ne parlait certes pas bien la langue du Rohan, mais elle n’était pas bête : elle savait très bien ce que le guérisseur venait de faire, et sa question ne concernait pas uniquement la présence des Dunlendings dans le Riddermark. A l’heure actuelle, Rihils était peut-être déjà activement recherché par les siens, qui voyaient en lui un traître à la couronne royal, un ennemi de la paix et une menace pour l’ensemble du royaume. Il avait contribué à l’évasion d’une prisonnière placée sous haute surveillance, pour des motifs qu’il aurait bien du mal à expliquer à ses supérieurs s’ils lui mettaient la main dessus. Comment auraient-ils pu comprendre qu’il avait agi ainsi afin de comprendre la nature et ses mystères, afin de suivre le cours de la vie qui serait « comme celui d’un ruisseau » ? On le ferait fouetter en place publique bien avant qu’il eût convaincu quiconque qu’il n’était pas fou.
Dans cette affaire, il était peut-être encore plus en danger que ne pouvait l’être Dairine.
Pourtant, il paraissait bien éloigné de ces considérations : tout ce qui lui importait, c’était de pouvoir obtenir le savoir auquel il aspirait tant. Les secrets d’un savoir ancestral, millénaire, perdu depuis longtemps, qu’il espérait glaner de la part de la jeune femme comme on cueillerait les fruits d’un arbre entretenu avec le plus grand soin. Il lui avait du soleil, il lui avait donné de l’eau, et il entendait désormais surveiller le bourgeonnement de sa connaissance de très près.
De tels secrets n’étaient en général pas transmis aux autres peuples. Les gens du Pays de Dun les gardaient jalousement, dernier bastion de leurs traditions face à l’implacable modernité des Arnoriens, et à la sauvagerie effrénée des Forgoil. Cependant, Rihils semblait différent. Elle n’était pas explicitement autorisée à le former, mais il lui était impossible de ne pas le faire. Elle ressentait en lui la même soif de savoir qui animait tous les Druwidan, et son devoir n’était-il pas après tout de se montrer en accord avec les puissances naturelles ? Si Rihils avait l’âme d’un Drughu, qui était-elle pour lui barrer la route ?
Elle se redressa, et lui tendit la main comme pour sceller un accord. Pour la première fois, ils se tenaient sur un pied d’égalité tous les deux, et elle pouvait librement consentir à accepter sa requêter :
- Je montrer les secrets des Dunlendings. Vous devenir… hm… enfant. Apprendre. Oui.
Leur accord était bien inhabituel. Une femme Dunlending, Drughu de surcroît, acceptant de s’associer avec un guérisseur Rohirrim, un des personnages les plus éminents de son royaume… Comme pour manifester le plaisir des dieux moqueurs qui les observaient depuis leur lointain fauteuil, un corbeau se mit à tourner au-dessus de leurs têtes, fixant ces deux silhouettes perdues dans les vastes plaines du Rohan.
~ ~ ~ ~
En voyant arriver son supérieur, Irül ne put s’empêcher de sentir son cœur se serrer. La capture de son unité était déjà une humiliation suffisante en soi, qu’il n’était pas près d’oublier, et qui lui serait rappelée chaque fois qu’il verrait le visage d’un de ces hommes qu’il avait sous son commandement : de jeunes garçons terrifiés, craignant d’être passés par le fil de l’épée par les sauvages Dunlendings qui les tenaient prisonniers. L’officier savait que la situation venait de s’arranger, mais il préférait ne pas crier victoire trop tôt. Le capitaine Osgarsson lui demanda des explications, mû à la fois par le reproche et par une curiosité dévorante où perçaient des accents de soulagement.
- Désolé mon capitaine… Désolé… C’est ma faute… Je… Ils étaient… Nous n’avons rien pu faire…
Des larmes d’impuissance se mirent à couler sur les joues du vétéran, que la Lice s’efforça de réconforter de son mieux en lui communiquant son soutien. C’était dans ces moments-là qu’Ansgar révélait toute sa nature d’officier de terrain : ce n’était pas un homme doué pour la politique, et il détestait la paperasse. Cependant, il était doué pour tenir le moral de ses troupes, pour les encourager à continuer même quand tout espoir semblait perdu. Irül, réconforté par la sollicitude de son officier, hocha la tête et retrouva une contenance. Il ne pouvait pas craquer. Pas maintenant. Pas alors que son éored était encore aux mains des Dunlendings.
Nuall avait observé toute la scène, légèrement en retrait, conscient que n’importe quel homme de guerre avait besoin d’un peu d’espace pour s’entretenir avec ses soldats. Il jeta néanmoins un bref regard autour de lui, pour s’assurer que les archers Dunlendings positionnés stratégiquement ne relâchaient pas leur vigilance. Il reporta son attention lorsque le fier rohirrim s’avança vers lui, et lui proposa des paroles d’apaisement :
- La parole d’un guerrier est sacrée en effet. Je suis heureux que nous ayons pu trouver un terrain d’entente, et que votre souverain se montre raisonnable et disposé à trouver un accord. Je serai le représentant de mon peuple dans cette affaire, et s’il m’est permis, j’aimerais être conduit auprès de vos chefs pour négocier au nom de tous les Dunlendings des Basses-Terres.
Cela fut entendu, et bientôt la petite compagnie reprit la route d’Orthanc, comprenant cette fois une dizaine de combattants du Pays de Dun, qui escortaient la vingtaine de prisonniers supplémentaires. Irül allait à pied, mais il se positionna aux côtés de la Lice et lui souffla :
- Mon capitaine, je dois vous dire…
Il regarda derrière lui, et capta le regard de Nuall, avant d’ajouter encore plus bas :
- Pas ici… Nous en parlerons quand nous serons en Isengard.
~ ~ ~ ~
Felarel fut le premier à voir revenir la petite compagnie menée par la Lice. Ses yeux d’aigle ne lui avaient jamais fait défaut durant sa longue carrière au sein de l’armée rohirrim, et il se vantait encore de pouvoir apercevoir n’importe quelle armée d’envahisseurs depuis le sommet de la tour d’Orthanc. Les hommes en riaient souvent, mais appréciaient la confiance de leur officier supérieur.
Hélas, cette fois, il n’avait pas pu voir venir le danger représenté par les Dunlendings.
- Escortez-moi, fit-il à l’attention de deux des gardes de sa troupe. La Lice revient avec ces vermines, et je suppose que cela ouvre les négociations. Que l’on prépare mon cheval !
On fit comme il l’ordonnait, et bientôt le capitaine de la Garde de la Maison du Roi se retrouva là, entouré de vaillants soldats qui portaient fièrement l’étendard du Rohan, juché sur le magnifique destrier qui était le sien. Son armure rutilante, sa superbe cape aux couleurs de Fendor lui-même… Oui, il était l’incarnation de la bravoure et de la fierté de son peuple. Une vision d’effroi pour les ennemis du Rohan, qui avaient eu l’audace de venir au pied d’Isengard.
En quittant l’enceinte rassurante des murs, Felarel avait conscience de porter sur ses épaules une lourde responsabilité. Celle de l’avenir du Rohan, et de ses relations avec les Dunlendings. L’Enedwaith, territoire sauvage et mal maîtrisé, peuplé de hordes barbares hostiles à toute culture et à tout raffinement, recelait son lot de dangers que le Riddermark ne pouvait pas encore affronter pour l’heure. Les cicatrices de la guerre civile étaient encore présentes, et le royaume exsangue n’aurait pas supporté une nouvelle ère de troubles. Cependant, quelque chose le préoccupait considérablement.
Depuis le départ de la Lice, le capitaine de la Maison du Roi s’inquiétait moins de la présence des Dunlendings que de la disparition aussi soudaine qu’inattendue de leur prisonnière, apparemment avec l’aide de Rihils. Felarel connaissait le guérisseur, et savait qu’il était un ami du Rohan, un de ses plus fidèles défenseurs : il ne l’imaginait pas trahir ainsi son suzerain et ses frères, pour une étrangère qu’il ne connaissait qu’à peine. Peut-être avait-il été enlevé, ou bien ensorcelé par celle que l’on disait être une magicienne dotée de terribles pouvoirs. Le capitaine n’accordait guère de crédit à cette dernière théorie, mais il devait bien reconnaître qu’il était perplexe.
Trop de choses étranges se déroulaient au même moment pour qu’on pût raisonnablement exclure l’explication mystique. Cette Dairine avait semé le chaos en Isengard depuis son arrivée, et aujourd’hui il n’était même plus possible de la faire répondre de ses crimes.
Pour Felarel, la situation était délicate.
Rihils était l’ami d’Osgarsson, qui s’approchait prudemment des murs d’Isengard, accompagné du chef dunlending. Il ne pouvait pas gérer cette affaire n’importe comment, et devait absolument s’entretenir en privé avec la Lice pour le mettre au fait des derniers développements, et l’aider à trouver une solution.
- Capitaine Osgarsson, je vois que vous revenez bien accompagné, fit Felarel sur un ton qui se voulait chaleureux en la circonstance. Le roi vous est reconnaissant de vos efforts.
Il reporta son attention sur Nuall, et reprit d’une voix glaciale :
- Quant à vous, étranger venu de loin, j’espère que vous ne ferez pas injure au capitaine Osgarsson qui vous estime assez digne de confiance pour vous permettre d’admirer les remparts d’Orthanc d’aussi près. Au moindre geste, les archers du roi n’hésiteront pas à vous faire payer d’être entré sur les terres du Riddermark.
Le Dunlending leva les yeux vers les hauts murs de pierre qui lui faisaient face, desquels dépassaient effectivement des hommes en armes qui pour l’heure ne le mettaient pas en joue, mais qui pouvaient tout aussi bien le cribler dans la seconde. Il pourrait peut-être esquiver un ou deux traits, avec de la chance, mais les autres ne manqueraient pas de le transpercer. Levant les mains pour montrer qu’il ne venait pas avec des intentions hostiles, Nuall répondit :
- Vous êtes un homme de parole, j’en suis certain. Il en est de même pour moi. Je suis persuadé que nous pouvons trouver un terrain d’entente.
Felarel hocha la tête, satisfait de voir que son interlocuteur se montrait raisonnable. Il avait craint de rencontrer un sauvage obtus seulement intéressé par le fait de faire couler le sang. Tout ceci pouvait peut-être être résolu sans violence, mais il restait encore une difficulté à surmonter. Le soldat émérite fit signe à la Lice de s’avancer, et ils s’éloignèrent légèrement pour se mettre hors de portée d’oreille.
- Nous avons un problème, Ansgar, fit Felarel de manière inhabituellement familière. La prisonnière a disparu, échappée des cachots d’Orthanc en profitant du chaos ambiant. Nous avons des raisons de croire que Rihils serait impliqué. Que pouvez-vous me dire à ce sujet ?
La question était volontairement vague. Le moindre détail, le moindre indice pouvait être utilisé pour faciliter l’appréhension des deux fugitifs. Si Rihils était véritablement sous l’emprise de la sorcière, alors il devait être sauvé quoi qu’il en coûtât. S’il était son complice, alors il s’exposait à la justice royale, qui ne voyait pas d’un œil très clément les actes séditieux. Eu égard à son statut de guérisseur, Rihils pouvait s’en tirer avec une simple disgrâce, mais s’il persistait dans son errance, il risquait ni plus ni moins que la potence. Ils devaient déjà pendre un homme aujourd’hui, et Felarel ne voulait pas voir une deuxième corde rejoindre la première.
Le moral des hommes ne s’en remettrait certainement pas.
- Ansgar, nous ferons tout pour retrouver Rihils dans les plus brefs délais : il ne doit pas être loin, et nous avons déjà des hommes qui le recherchent dans tout l’Isengard. J’ai simplement besoin de temps. Le Dunlending vous fait confiance, et je ne peux pas négocier avec lui en ayant perdu la prisonnière. Cela fragiliserait ma position, et ne ferait que renforcer leur détermination. Trouvez quelque chose, n’importe quoi. Le sort du Rohan en dépend.
Des paroles bien graves qui pourtant trahissaient bel et bien la réalité de leur situation. Ils étaient au bord de la crise, et leur seul espoir avait désormais disparu, devenant le centre de toutes les attentions. Derrière les remparts de la forteresse, des hommes s’affairaient et cherchaient la trace de Rihils et Dairine, conscients qu’elle était la clé pour libérer leurs frères d’armes emprisonnés. Felarel posa une main sur l’épaule de son compagnon, et le laissa retourner vers Nuall.
Encore une fois, la Lice devrait faire front seul.
~ ~ ~ ~
Kell, les bras croisés autour de son torse musculeux, observait la situation avec étonnement. Nuall s’en était allé avec le chef des Rohirrim, en prenant la direction de la mâchoire de l’Isen, là où ils conservaient le reste de l’éored, les prisonniers qu’ils avaient conservés en réserve. Leur précieux atout s’envolait, ce qui fragilisait d’autant plus la position des hommes de leur petite compagnie. Leur survie dépendait de leur capacité à faire pression sur leurs ennemis, pour les forcer à retenir leurs lames.
L’inquiétude passa dans les rangs, mais Kell avait foi dans son ami, et il maintint ses compagnons tranquilles.
- Nuall sait ce qu’il fait. Ayez confiance.
Le calme revint. L’autorité de Kell était totale, et les guerriers dunlendings étaient prêts à tout pour ne pas s’attirer ses foudres. Ils devaient simplement patienter, désormais, dans l’attente de la suite. Leur attention était désormais partagée en deux, entre l’Isengard qui restait la principale menace, et la mâchoire de l’Isen où étaient partis Nuall et les Rohirrim. La résolution de ce statu quo viendrait de l’une ou l’autre de ces directions, mais bien malin qui pouvait prédire laquelle. Kell, cependant, était un guerrier expérimenté, et il ne se laissait pas distraire par ce que ses yeux avaient vus. Alors que tous ses compagnons avaient le dos tourné, il observait toutes les directions, veillant à ne pas laisser échapper le moindre détail.
Il repéra bientôt un corbeau qui dessinait des cercles étranges dans le ciel.
Plissant les yeux pour mieux y voir, il fit venir l’interprète du groupe, qui lui confirma son pressentiment.
- C’est Dairine. Elle va bien, je pense. Vous voulez que j’envoie des hommes la chercher ?
- Non, répondit Kell avec un brin de soulagement. Si nous avons vu ces signes, les autres aussi à n’en pas douter. Elle connaît le plan, elle saura les retrouver.
Un hochement de tête plus tard, l’interprète avait repris position. Kell détourna le regard, s’amusant de cette situation. Il se demandait comment les Rohirrim feraient pour négocier maintenant que la jeune femme était hors les murs, et qu’elle allait à toute allure vers le Sud.
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Ce furent les seuls mots que la Lice parvint à prononcer en apprenant la terrible nouvelle. La prisonnière subitement disparue au moment où ils avaient crucialement besoin d’elle pour négocier? Et de surcroît Rihils, guérisseur de légende ainsi que son ami de toujours, serait impliqué dans cette affaire? Cele ne faisait aucun sens et si cette annonce grave n’était pas sorti de la bouche du vénérable Capitaine Felarel, il aurait forcément cru à une mauvaise blague qu’on lui faisait. Mais l’officier de la Maison du Roi n’était pas particulièrement réputé pour son sens de l’humour et tout cela semblait bien concret. Rien n’aurait pu aussi mal tourner qu’en l’état, du moins presque rien. Ansgar avait la peau et la tête dures et il avait encaissé beaucoup de chocs au cours de son impressionnante carrière mais il prit tout de même quelques secondes pour accuser le coup. C’était tout leur plan d’action qui venait d’être remis en question maintenant que Dairine était en liberté, peut-être en compagnie de Rihils. Ce dernier avait eu accès au cachot grâce à un ordre signé de la main du Capitaine de la Porte de l’Isengard ; et Felarel était logiquement en quête d’explications. “Honnêtement je..je ne comprends pas. Balbutia l’officier. Oui Rihils passait beaucoup de temps avec la captive, avec mon autorisation, mais cela était dans le seul but de lui soutirer des informations. Il semblait être le seul avec qui elle voulait discuter. C’est un homme réfléchi, pas un impulsif; je ne vois pas encore comment il aurait pu agir de la sorte. Cela ne fait aucun sens.”
Et pourtant, aussi obscure qu’elle pouvait l’être, c’était bien certainement la vérité; en agissant de la sorte le loyal guérisseur venait de placer son royaume dans une situation hautement délicate. Felarel lui indiqua qu’il avait encore besoin de temps pour retrouver les fugitifs. Qu’allait-il faire une fois qu’il les auraient trouvés? L’homme n’était pas forcément réputé pour son indulgence et la potence encore installée au centre du campement en était la preuve. Aurait-il le courage d’y conduire un homme qui avait tant donné au Rohan? Dans un autre cas de haute trahison, cela n’aurait fait aucun doute mais là... Un ami des Rois et des puissants de ce royaume? Jusqu’où pouvait bien aller l’intransigeance et la droiture de l’officier royal? “Felarel, Rihils est un homme bon. Et il a déjà maintes fois prouvé sa loyauté au Rohan. Il doit bien y avoir une explication.”
Il aurait bien évidemment souhaité que la recherche du guérisseur lui soit confié à lui tandis que Felarel s’occupait des négociations avec le Dunlending. C’était son ami, et il aurait pu lui parler, chercher à comprendre ce qui avait bu se passer dans un souci d’apaisement; il doutait fort que les cavaliers désormais à ses trousses fassent preuve d’autant de tact. Et voilà qu’il se retrouvait lui à devoir gagner du temps auprès de Nuall alors même que leur monnaies d’échange s’était volatilisée. Son seul avantage dans cette affaire était que son vis-à-vis n’était pas au courant de cette évasion fortuite et le rohirrim conservait un maigre avantage à cet égard. Mais combien de temps pouvait-il capitaliser sur du vide?
Il se tourna alors vers Filhelm, son plus fidèle soldat depuis la mort tragique de Dervenn, et lui murmura quelques ordres à l’oreille. Le cavalier acquiesça d’un signe de la tête et partit au galop vers la forteresse du Roi, en compagnie de la monture de son supérieur qui lui avait été soigneusement confiée. Puis, la Lice s’approcha du capitaine Irül, visiblement encore troublé, et l’amena un peu à l’écart, là où personne ne pouvait les entendre. Posant une main sur l’épaule de son frère d’armes, il demanda: “Irül, mon ami. Je dois faire face seul à nouveau et j’ai besoin de toutes les informations disponibles pour avancer les intérêts de notre peuple. Que vouliez-vous me dire durant le trajet?”
De toute évidence, le guerrier était réticent à tout lui révéler ici, en terrain découvert. Ansgar insista: “C’est maintenant ou jamais.”
Une fois sa conversation avec Irül achevée, la Lice reporta son attention sur Nuall. Le Chef Dunlending était demeuré parfaitement stoïque depuis leur arrivée aux abords des murs et l’intervention de la troupe de Felarel qui quittait désormais les lieux pour retourner dans leur fief. Les deux hommes étaient désormais seuls sur ce grand terrain dégagé encadré par les lisières de la forêt de Fangorn. “ Je crois que nous ne sommes pas présentés comme il se doit.”
Il tendit une main de la manière la plus chaleureuse possible. Cela n’était pas facile piur une homme qui était plus habitué à tuer des DUnlendings plutôt qu’à discuter avec eux. “Je m'appelle Ansgar Osgarsson fils de Cynbel, Chevalier de la Maison du Roi, Capitaine de la Porte d’Isengard.”
Une fois les présentations faites, le rohirrim désigna du doigt un grand rocher qui se trouvait à quelques dizaines de mètres de là, sous l’ombre d’un large chêne de la forêt. La chaleur écrasante les faisait déjà transpirer à grosses gouttes, et un peu d’air frais ne leur ferait que le plus grand bien “J’aurais bien aimé m’entretenir avec vous au sein de mes quartiers mais au vu de la situation, la Garde a choisi de boucler le secteur royal. Allons plutôt nous asseoir là-bas nous y serons plus à l’aise.”.
Les deux hommes marchèrent ainsi jusqu’à l’endroit désigné. Il déposa ses effets près de l’arbre et s’assit sur la large pierre avec un soupir de soulagement. “Eh ben quelle journée…”
Bientôt Filhelm apparut à nouveau avec de l’eau et de la nourriture qu’il déposa aux pieds des deux chefs de guerre. Ansgar se saisit du panier en osier et en sortit une grande miche de pain de seigle qu’il coupa en deux à l’aide de ses grandes mains crasseuses. Il tendit une moitié à son vis-à-vis. “Mangez. Vous êtes sûrement venu de loin.”
Ils restèrent ainsi silencieux pendant de longues minutes, à mâchonner leurs repas. On ne leur avait rien apporté de très luxueux; le panier contenant du pain, quelques lamelles de porc séché ainsi qu’un petit pot en terre cuite remplie de ragoût. En somme la nourriture de la troupe. Pas forcément savoureuse mais assez consistante pour calmer la faim.
Ce fut Ansgar qui finit par briser un silence qui devenait de plus en plus gênant. Malgré la maîtrise parfaite du Commun par Nuall, il avait toujours autant de mal à parler normalement avec un Dunlending, surtout quand ce dernier était venu ici pour les intimider. “Vous avez du cran, je dois l’admettre. Venir à nos frontières avec une poignée d’hommes, mettre en déroute une éored avant de défier les troupes du Roi en personne; un plan aussi fou que admirable. “
L’officier devait bien avouer que leurs ennemis s’étaient montré très ambitieux dans leur manoeuvre et qu’en plus, tout semblait fonctionner pour eux. Le risque avait payé. Il reconnaissait leur courage sur ce plan et ne mentait pas sur son admiration. Tout stratège ne pouvait qu’être bluffé par tant de culot. “Cependant des ombres subsistent vous concernant mon cher Nuall… Voyez-vous nous sommes disposés à discuter avec vous et même considérer vos demandes. Et nous le ferons, je suis un homme de parole. Seulement, comment pouvons nous savoir ce que ces négociations,e t donc un potentiel accord, représentent réellement. Votre peuple est divisé, éparpillé à travers le territoire, gouverné par de multiples monarques aux intérêts divergents. Que représentez vous personnellement? Votre famille ? Votre tribu? Etes-vous légitimes pour parler au nom de tous les gens du Pays de Dûn? ”
Ansgar se servit un peu d’eau. De toute évidence, il cherchait avant tout à gagner du temps avec ces questions mais celles-ci n’en devenaient pas moins pertinentes. La question de la légitimité de Nuall était centrale pour ces négociations car si ce dernier ne commandait rien de plus que la poignée d’hommes qui l’accompagnait, alors tout compromis obtenu serait certainement vain. “Car avant toute concessions de notre part nous avons besoin de garanties à votre sujet.”
Il engloutit alors le reste de son morceau de pain et adressa un sourire satisfait au Dunlending. “Je crois que le dessert est en route.”
A ce moment Filhelm revint, mais il n’était pas seul. Il chevauchait avec une silhouette encapuchonnée et aux poings liés. Arrivés à la hauteur de son supérieur il fit descendre le prisonnier sans ménagement et repartir dans l’autre sens sans prononcer un mot.
Avec un grognement, la Lice se redressa et s’approcha lentement de l’inconnu tout en reprenant la parole. “Voyez-vous mon cher Nuall. Nous avons nos différences et nos peuples respectifs se haïssent mutuellement. Mais la dernière chose dont nous avons besoin maintenant c’est d’une guerre. J’ai toute confiance en mes hommes mais j’ai le sentiment que cela ne nous apporterait rien, ni à vous ni au Rohan. Je ne nie pas que certains rohirrim ont pu se rendre, occasionnellement responsable de provocations et agressions sur vos terres; des idiots que nous sommes disposés à punir comme il se doit. Mais votre manière d’insinuer que la Couronne du Rohan est derrière totu ça n’est certainement pas digne. Comme si certains des vôtres ne se rendaient pas coupables des mêmes exactions sur d’innocents rohirrim. Je pourrai tout aussi bien vous blâmer comme vous le faîtes à mon égard. Cependant…”
Laissant sa dernière phrase en suspens, il se plaça juste derrière le captif agenouillé =; le dominant de toute son imposante stature. “Cependant je suis disposé à faire preuve de bonne foi.”
Le capitaine dévoila alors les traits de l’homme. Il s’agissait d’Eotrain, une lueur d’inquiétude accompagnée d’un sentiment d’incompréhension dans son regard. “Cet homme faisait partie de la patrouille qui a capturé Dairine. Le connaissez-vous? Avez-vous déjà croisé sa route?”
Avec la présence de l’un des hommes qui avait contribué à démarrer tout le trouble qui régnait dans la région, Ansgar prenait le risque d’envenimer une conversation qu’il était pourtant parvenu à apaiser. Mais il n’avait qu’un seul ordre: gagner du temps. Et la Lice suivait les ordres.
Sous un soleil de plomb, Rihils suivait silencieusement Dairine. De temps à autres, il jetait des regards inquiets derrière son épaule, pour s’assurer qu’aucun cavalier n’était directement à leurs trousses. Ainsi tous ces hommes pour lesquels il s’était démené pour leur sauver la vie, étaient désormais devenu ses poursuivants. Mais le guérisseur ne pouvait pas se lamenter sur son sort, il avait fait un choix et en connaissait les implications, désormais il était temps de l’assumer pleinement. Peut-être penserait-on qu’il avait trahi son peuple pour rallier l’ennemi, ou alors qu’il s’était romantiquement épris de cette belle captiv d’autres qui voulaient croire en son innocence avançaient sans doute la thèse de l’ensorcellement. Lui savait que tout cela était faux; il avait pris la décision de la libérer dans un but précis, et cela n’incluait nullement une quelconque trahison au Rohan ou un sort qu’elle lui aurait jeté. Certes, la jeune femme le fascinait comme peu d’être l’avaient fait; mais cela n’avait rien à voir avec un amour d’adolescent; il avait depuis bien longtemps arrêté d’écouter son coeur. En réalité c’était son oeil de professionnel qui était en jeu ici. Il avait développé la capacité de comprendre le psyché et les intentions des gens qu’il croisait mais là il ne parvenait à cerner ni sa personnalité ni ses pratiques occultes et cela l’intriguait. Il voulait en savoir plus. Apprendre qui elle était, apprendre ce qu’elle faisait.
Dairine avançait gracieusement sans se préoccuper aucunement du danger qu’ils couraient en avançant librement ainsi, en terrain découvert. Avait-elle un plan ou était-elle seulement inconsciente?
Dans le flou total et son destin entre les mains d’une autre pour la première fois depuis bien longtemps; il demanda. “Dairine… Où allons nous? “
The Young Cop
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Le capitaine Felarel n’était pas un homme inutilement cruel. C’était un Rohirrim, et la noblesse coulait dans ses veines autant que dans ses actions. Toutefois, il faisait partie de cette vieille garde qui considérait que la fidélité au roi était une valeur cardinale, et que la trahison pouvait conduire à la déchéance de tout un peuple. Il entendait parfaitement les arguments tout à fait rationnels de la Lice, qui essayait de défendre Rihils du mieux possible. Le guérisseur était effectivement une légende, un homme de bien qui avait œuvré pour le salut du Rohan et de ses seigneurs. Plus d’un soldat en Isengard comme ailleurs lui devait la vie. Pourtant, cela signifiait-il qu’il était au-dessus des lois ? Un tel homme pouvait-il sincèrement s’affranchir de toute morale, s’associant avec l’ennemi et mettant par là même la vie de tous ceux présents en Isengard en péril ?
Son geste était grave, et malgré toute l’admiration que Felarel pouvait entretenir pour l’homme, il n’hésiterait pas à faire appliquer la justice royale, lui-même s’il le fallait. Rihils était pour le moment considéré comme un traître et un fugitif : les hommes déployés à sa poursuite avaient ordre de le ramener vivant dans la forteresse, ce qui ne signifiait pas que le roi Fendor se montrerait aussi clément envers lui par la suite. Il avait simplement la chance de s’être enfui avec une femme d’une importance capitale… Les cavaliers étaient surtout tenus de retrouver la prisonnière à tout prix, et de la ramener en Isengard avec la plus grande discrétion et la plus grande célérité.
L’avenir du Rohan en dépendait.
Il dépendait aussi beaucoup de la capacité de la Lice à gagner du temps face à un Dunlending qui ne semblait pas né de la dernière pluie. Nuall attendait au loin, enveloppé d’une aura mystérieuse que le Rohirrim devait percer absolument afin d’avoir le plus de cartes possibles à jouer. C’était là un combat de l’esprit qui ne correspondait pas forcément aux points forts de l’officier, mais en tant que Capitaine de la Porte d’Isengard, il était certainement le mieux placé pour cela. Il fit donc venir Irül, et l’air de rien l’amena légèrement à l’écart pour discuter, sous le regard suspicieux de Nuall.
Le capitaine semblait encore un peu abasourdi par tout ce qui venait de se passer, et il mit un moment à répondre à la question de la Lice, comme s’il devait faire le tri dans ses pensées confuses :
- Euh… Oui, oui… Les Dunlendings… Ils… Il faut vous méfier, mon capitaine. Ils ne viennent pas ici en paix. Ils se sont emparés de mes hommes, vous savez ? Ils ont pris mes hommes, et ils les détiennent prisonniers !
De toute évidence, Irül était perturbé, et il fallut quelques longues secondes et les encouragements du capitaine Osgarsson pour qu’il parvînt à poursuivre sur un discours un peu moins incohérent :
- Quand ils nous capturé, et qu’ils ont ramené vers les montagnes, j’ai pu voir qu’ils étaient bien plus nombreux que je l’imaginais. Et bien organisés aussi. Ils avaient des chariots, tirés par des bœufs, comme s’ils voulaient passer l’Isen en force. J’en ai vu plusieurs centaines, peut-être des milliers, je ne sais pas.
Il y avait fort longtemps que les Dunlendings ne s’étaient pas rassemblés ainsi en masse, et le discours d’Irül ressemblait davantage aux inventions d’un esprit délirant qu’à un véritable avertissement. L’audace de la troupe de Nuall était déjà exceptionnelle, et il était certain que quelques centaines de Dunlendings ne feraient pas le poids face aux éored royales stationnées en Isengard. La cavalerie du Rohan, qui se targuait d’être la meilleure du monde, n’aurait aucun mal à piétiner une bande de sauvages venus des collines. Fallait-il pour autant négliger le rapport d’Irül ? La Lice avait besoin de de davantage d’informations pour se faire une idée, mais il n’eut pas le loisir d’interroger plus avant le capitaine désarmé.
Nuall était las d’attendre :
- Capitaine ! Allons-nous enfin négocier ?
La question était lancée sur un ton qui se voulait léger, mais qui trahissait toute la tension présente entre les deux hommes. De toute évidence, Nuall était né dans une famille aristocratique du Pays de Dun, à en juger par ses manières, son éloquence et son aisance. Il était peut-être même plus éduqué que la Lice. Il s’approcha des deux hommes, et fit un signe discret à Irül pour lui faire comprendre que sa petite conversation privée était terminée. Il avait dû donner des consignes très particulières au capitaine, en menaçant par exemple de tuer tous ses hommes s’il parlait. Le risque que venait de prendre Irül était grand, mais il avait apporté des informations précieuses à Osgarsson, même si elles n’étaient pas précises.
Les deux hommes s’éloignèrent donc quelque peu, et s’installèrent pour discuter et faire plus ample connaissance. Nuall ne s’attendait pas vraiment à ce retournement de situation, à ce changement d’attitude soudain et radical de la part de la Lice qui lui avait jusqu’à présent semblé inflexible et intraitable. L’idée même de négocier avec un Dunlending le répugnait, et voilà qu’il plaçait – enfin – le guerrier sur un plan d’égalité. Nuall lui serra la main avec énergie, et répondit :
- Enchanté, Capitaine Osgarsson. Je suis Nuall Muirchertach Ua Clairingnech.
En choisissant d’accorder à Nuall les égards de rigueur pour un dignitaire étranger – fût-il arrivé sur le sol du Rohan l’arme à la main, en tenant en otage une éored entière –, la Lice venait de poser la première pierre de son plan qui consistait à gagner un temps précieux pour la suite de leurs affaires. Le Dunlending s’assit comme l’invitait à le faire le Rohirrim, et accepta bien volontiers de partager le pain et l’eau avec lui : une forme de reconnaissance mutuelle qui impliquait un certain respect entre les deux hommes, et la promesse de négociations fructueuses. Le repas n’était pas fameux, mais pour un habitant des collines davantage habitué à la rudesse de la vie sauvage, il était tout à fait acceptable. Ils savourèrent leur plat, étanchant leur soif à l’aide de grandes rasades d’eau fraîche qui leur faisaient un bien fou sous ce soleil de plomb.
- Merci pour votre hospitalité, Capitaine. Je dois dire que je n’en attendais pas tant de la part des Rohirrim. Je crois que nos deux peuples se haïssent depuis si longtemps qu’il nous arrive d’oublier que l’autre aussi a de l’honneur et des manières.
Ils continuèrent à se sustenter, et l’estomac de Nuall apprécia ce repas bienvenu. Leurs rations avaient été bien entamées par le voyage, l’attente et leur longue marche de tout à l’heure, si bien qu’il était content de pouvoir refaire ses forces. Cela lui permettait de garder toute sa lucidité pour la négociation à venir. Ce fut d’ailleurs la Lice qui mit le sujet sur la table, amenant son reproche sous la forme d’un compliment déguisé qui n’échappa guère au Dunlending. Celui-ci eut un petit rire sec :
- Je suppose que vous auriez agi de la même façon, si un des vôtres avait été prisonnier en territoire ennemi. Nous n’avons pas vos murs de pierre, vos belles armures et vos belles épées, mais nous sommes courageux et déterminés. Nous avons seulement dû inventer un moyen de vous forcer à nous écouter.
Nuall marquait un point. Même si la tentative des Dunlendings s’apparentait à un acte de guerre, il était certain que le Rohan n’aurait jamais écouté leurs doléances dans un autre contexte. Finalement, Nuall avait agi avec les ressources à sa disposition, en transformant les hommes d’Irül en un sauf-conduit pour se rendre en Isengard et négocier. Il ne semblait animé d’aucune intention hostile, et paraissait seulement vouloir récupérer la prisonnière… Pour l’heure, la perspective de conclure cette négociation par la reddition de Dairine à son peuple le maintenait dans un état de calme tranquille. Cependant, qu’adviendrait-il s’il comprenait que le pain et l’eau étaient en réalité des distractions pour permettre aux Rohirrim de retrouver leur atout, perdu dans la nature ?
La Lice devait gagner du temps, et pour cette raison il s’efforça de piquer légèrement Nuall pour le forcer à réagir et à parler. Une stratégie habile, qui fonctionna. Le Dunlending fronça légèrement les sourcils :
- Qui je représente ? Les gens des collines, naturellement. C’est eux qui m’ont confié la charge de ramener Dairine. La femme que vous détenez est importante pour mon peuple, et la savoir entre les mains des Forgoil est une tragédie. Beaucoup des nôtres voulaient vous faire payer votre crime, mais je les ai convaincus que nous pouvions régler cette affaire différemment, sans effusion de sang. Cette idée a emporté la majorité des votes, et c’est ainsi que nous sommes arrivés là. Ne croyez pas que je sois embarqué dans une quête personnelle, capitaine Osgarsson. Je suis ici au nom des Dunlendings, des rois comme des paysans. Notre monde n’est pas comme le vôtre, vous savez. Je n’ai pas besoin de me prosterner devant un roi pour agir en son nom.
Il marqua une pause, avant d’ajouter :
- Ma parole est la seule garantie que vous aurez.
Les Dunlendings formaient une société structurée autour de plusieurs petits royaumes, ce qui signifiait qu’il n’existait pas de hiérarchie claire et définie à l’échelle de tout ce peuple. Nuall était certainement un homme important, mais il ne pouvait pas représenter une autorité qui n’existait tout simplement pas. Il se présentait à la fois comme le missionnaire des rois, tout en n’étant pas leur serviteur ; il était le représentant élu du peuple, mais son attitude le présentait surtout comme un aristocrate… Son statut intermédiaire et difficile à expliquer à un Rohirrim était très étrange, mais ne changeait rien à la réalité de la situation.
Nuall et ses guerriers.
Irül et ses prisonniers.
Finalement, peu importait l’allégeance de Nuall, peu importait quel roi lui avait donné son soutien, et lequel le lui refusait… Tout ce qui comptait, c’était qu’une centaine de Rohirrim allait mourir si les négociations n’aboutissaient pas. Cette pensée traversa l’esprit du guerrier dunlending comme une flèche sifflante perçant l’air. Il se rendit compte tout à coup que quelque chose n’allait pas. L’attitude de la Lice était celle qu’il attendait d’un négociateur poli et avisé, mais l’homme ne semblait pas être de cette trempe. Un guerrier farouche et fier, ça oui, par contre. Un de ceux qui ne s’assiéraient jamais avec l’ennemi pour discuter avec lui calmement, à moins de…
L’idée même d’avoir pu être mené en bateau le figea sur place.
Il s’apprêtait à dire quelque chose quand soudainement il y eut de l’agitation en provenance d’Isengard. Deux cavaliers quittèrent l’enceinte de la forteresse, toujours sous la protection des archers qui ne les quittaient pas des yeux. L’une des silhouettes était encapuchonnée, et Nuall bondit sur ses pieds en la voyant, convaincu qu’il s’agissait de Dairine.
Le soulagement du guerrier dunlending était sincère, attestant de l’importance de la jeune femme dans le monde d’où il venait. Il tenait véritablement à la récupérer en vie et en bonne santé, au point peut-être de mal réagir face à la supercherie qu’avait prévue le capitaine Osgarsson. C’était toutefois un risque qu’il fallait prendre : il était trop tard désormais pour faire demi-tour. Alors, la Lice vit progressivement le visage de Nuall passer de l’impatience à la perplexité, puis à une franche stupeur teintée de colère quand on lui révéla qu’il ne s’agissait pas de Dairine, mais bien d’un Rohirrim prisonnier que les hommes d’Isengard avaient capturé.
- Je… Je ne comprends pas, capitaine, grogna le vétéran en tournant son regard sombre vers Ansgar. Où voulez-vous en venir ? Où est Dairine ?
Ménageant son effet, la Lice révéla alors l’identité du malheureux qui avait été attaché et mis à genoux. C’était un gros risque, un pari fou pour gagner un temps précieux, qui devait leur permettre de mettre la main sur Dairine. Nuall se figea brusquement, en posant les yeux sur le soldat, qui lui-même parut accuser le coup. Il se tourna vers son officier supérieur, et le supplia :
- Pitié capitaine, pitié ! Ne me livrez pas à eux ! Capitaine, je vous en prie !
Ses suppliques remontèrent jusqu’aux oreilles des sentinelles d’Isengard, qui suivaient la scène avec perplexité. Eotrain se débattait comme un beau diable, comme s’il craignait particulièrement ce que les Dunlendings pouvaient lui faire. Cela signifiait-il qu’il avait quelque chose à se reprocher, ou bien avait-il patrouillé si souvent dans les collines au-delà des frontières qu’il savait quel sort on réservait aux imprudents rohirrim ? Cela était difficile à savoir. Nuall, de son côté, garda le silence. Cependant, son visage était déformé par la colère, ses yeux semblaient emplis d’une fureur que le capitaine ne lui connaissait pas encore, et son corps tout entier semblait vouloir passer à l’action et frapper d’un seul coup le premier Rohirrim qui se présenterait devant lui. Il se retourna vers la Lice et lui répondit sèchement, en serrant les mâchoires :
- Je ne connais pas cet homme. Et je ne me préoccupe pas du sort des Forgoil, ni de vos querelles intestines… Je suis ici pour récupérer Dairine, la femme que vous avez enlevée à ses proches, à sa famille et à son peuple. Cela a assez duré, capitaine. Faites-la venir immédiatement, ou considérons que ces négociations sont terminées…
Il était parfaitement sérieux, et contre toute attente, il dégageait une sérénité extrême. Il n’y avait pas en lui l’ombre d’un doute. Il savait qu’il ferait tout pour accomplir sa mission, et même alors qu’il se dressait seul face aux remparts d’Isengard garnis de soldats, il avait encore l’audace de les menacer et de les défier. L’heure n’était plus aux douces paroles et aux petits jeux désormais… Nuall avait rapproché la main de son épée, et se préparait à vendre chèrement sa vie.
Pouvait-on encore éviter que le sang ne fût versé ?
~ ~ ~ ~
Pour une étrangère, Dairine avait une connaissance remarquable du Rohan, de sa géographie et des chemins à emprunter. C’était presque comme si les choses avaient été planifiées à l’avance, et qu’elle avait défini un itinéraire très précis à suivre après avoir quitté Isengard. C’était bien entendu impossible, car comment aurait-elle pu prévoir qu’elle allait s’évader ainsi, et dans de telles conditions ?
Contrairement au bon sens, qui aurait voulu qu’elle tentât de se rapprocher des Dunlendings qui étaient venus pour la délivrer des griffes de l’Isengard, la jeune femme mit le cap vers le Sud, en prenant grand soin de se tenir éloignée des gués de l’Isen. Il était certain que si des patrouilles avaient été lancées à leur recherche, elles essaieraient de bloquer le passage vers le Dunland, afin d’empêcher Rihils et la prisonnière de disparaître pour de bon. Cependant, cela ne les aidait pas à résoudre leur principal problème : trouver où aller. Le guérisseur, qui était un homme de raison et non de foi, ne put s’empêcher de poser la question afin d’obtenir quelques éclaircissements. Dairine lui répondit sur un ton léger :
- Nous aller Sud. Montagnes. Là, abri. Oui. Personne connaître.
Elle paraissait sûre d’elle, et ne jeta pas même un regard en arrière vers la forteresse qui disparaissait, avalée par le relief. Seule la tour de garde était encore visible, mais à cette heure le regard des défenseurs était tout entier tourné vers les hommes Nuall, et étaient bien inattentifs à deux voyageurs égarés qui traversaient le Riddermark en quête d’un refuge.
Pourtant, il y avait un problème de taille dans le raisonnement de la jeune femme. Pour rallier les montagnes, il leur faudrait au moins trois jours de marche à un rythme soutenu, ce qui impliquait de manger, de dormir et de se réchauffer pour reprendre des forces. Autant de choses qui étaient impossible à l’heure actuelle. Ils n’avaient ni eau, ni vivres, ni de quoi allumer un feu – ce qui aurait en outre présenté le risque d’alerter d’éventuelles patrouilles nocturnes. A mesure que les heures défilaient dans leur long périple, la perspective d’arriver jusqu’aux montagnes qu’ils ne voyaient toujours pas poindre à l’horizon était de plus en plus mince. Dairine, toutefois, ne perdait pas courage, et elle continuait de marcher avec la même détermination, confiante dans l’avenir.
Rihils n’en comprit la raison que beaucoup plus tard.
Ils progressèrent ainsi jusqu’à la nuit tombée, essayant de mettre autant de distance que possible entre eux et Isengard, avant de monter un camp de fortune pour la nuit. Il faisait frais, mais les températures ne tarderaient pas à tomber drastiquement d’ici quelques heures, ce qui rendrait leur séjour imprévu à la belle étoile bien moins confortable qu’ils n’auraient pu l’espérer. Dairine, toutefois, semblait ne pas s’en inquiéter beaucoup. Elle parla peu, probablement à cause de la fatigue, et finit par s’allonger pour dormir sous les quelques vêtements qu’elle avait avec elle, et qui ne tenaient pas bien chaud. Rihils fut contraint de faire de même de son côté, il aurait certainement été malvenu de se rapprocher de la jeune femme dans de telles circonstances.
Fort heureusement, leur nuit ne fut pas très longue.
Rihils fut tiré de son sommeil par des bruits tout à fait inhabituels, qui semblaient provenir de toutes les directions, portés par le vent capricieux et tournoyant qui balayait la plaine comme un cheval fougueux. Ce n’était pas un cheval, toutefois, à en juger par la forme des silhouettes qui se déplaçaient dans les ténèbres. Elles étaient bipèdes, rapides et agiles, et se faufilaient jusqu’à eux avec la fluidité de l’eau glissant sur une ardoise. Qui étaient ces spectres qui se complaisaient dans les ténèbres les plus profondes ? Des traqueurs impitoyables envoyés par le roi Fendor pour le retrouver ? Des esprits maudits descendus des montagnes pour lui faire payer sa trahison ? Une simple hallucination ? Dans ces conditions, il était difficile de se faire un avis certain sur la question. Dairine, quant à elle, semblait avoir disparu et ne pouvait pas lui offrir le moindre début d’explication. Sa couverture de fortune était toujours là, mais c’était bien tout ce qui restait d’elle…
Seul et démuni, en pleine nuit, et loin de chez lui, Rihils se retrouvait aussi vulnérable qu’un enfant n’ayant même pas une épée au côté pour se défendre. Les étrangers l’entourèrent, paraissant attendre sa réaction, ou qu’il prît la parole pour dire quelque chose. Ils n’avaient eu encore aucun geste d’agressivité à son encontre, mais lui barraient clairement la route. Il pouvait en compter au moins une dizaine, et il ne parviendrait pas à tous les semer…
Il n’avait pas le choix que de se rendre ou de se battre pour sa vie.
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Les négociations menées devant les portes de l’Isengard n’était pas restée amicales bien longtemps. Et pour cause, le choix de l’état-major rohirrim de confier cette tâche à la Lice pouvait s’entendre mais restait risqué. Ce dernier était un officier émérite et reconnu pour ses talents de meneur d’hommes; mais son caractère bourru et parfois borné n’en faisait pas le meilleur des diplomates; or la situation était bien délicate et tout semblait pouvoir dégénérer au moindre mot de travers.
Selon ses ordres, Osgarsson devait avant tout gagner du temps mais il semblait bien préoccupé par d’autres considérations. Les révélations d’Irül sur la présence d’un contingent entier de Dunlendings prêts à traverser l’Isen étaient bien inquiétantes. En temps normal, l’officier supérieur aurait sûrement ressenti moins de peur et se serait contenté de renforcer les patrouilles près des passages à gué. Après tout Irül ne semblait pas être en pleine possession de ses moyens et son discours restait confus; de plus une attaque de front des Dunlendings au sein de la région qui abritait des places-fortes du roi du Rohan semblait stratégiquement incompréhensible de la part des assaillants. Mais ces derniers jours, bien trop de choses troublantes s’étaient déroulés pour qu’il puisse ignorer cet avertissement. Il se demanda si Irül avait eu la présence d’esprit de partager ces renseignements avec Felarel et les dignitaires d”Orthanc afin que ceux-ci puissent mettre en place un plan de défense. Mais même ceci n’était pas assuré, au vu de l’attitude paranoïaque de l’ancien captif qui n’avait voulu parler qu’à son ami.
La guerre était à leur porte, et il était le seul à pouvoir y faire quelque chose.
A l’arrivée d’Eotrain, qu’il prit de loin pour Dairine, Nuall perdit patience et fit preuve de son agacement tout en contenant tant bien que mal la rage qui montait en lui. Le petit stratagème de la Lice n’avait pas réellement fonctionné puisqu’il était toujours sans réponse concernant les détails de la mission menée par la fameuse patrouille qui avait capturée la sorcière; pourtant, tout ceci ne s’était pas révélé complètement inutile. La frustration grandissante de son interlocuteur représentait une opportunité pour en savoir plus. Tentant de garder son calme malgré les menaces du Dunlending, les sanglots d’Eotrain et l’anxiété qui commençait à gagner son coeur; la Lice se passa la main plusieurs fois dans sa barbe fournis, bouclant avec ses doigts ses longs poils roux. “Où je veux en venir?” fit-il en levant les yeux au ciel d’un air pensif.
Il s’agenouilla alors auprès de son subordonné qui était toujours aussi affolé, se désintéressant par la même occasion d’un Nual, ce qui ne fit qu’attiser la colère de ce dernier. Le capitaine posa sa large main sur l’épaule d’Eotrain et lui parle d’une voix assez forte pour que le Dunlending puisse l’entendre: “Ne t’en fais pas, fils du Rohan. Je ne te livrerai pas à eux. Notre royaume dispose d’une justice et tu seras jugé en conséquence de tes actes s’ils sont avérés. Nous devons tous répondre de nos crimes, même ceux fait à l’encontre des Dunlendings. C’est bien ce qui nous sépare de ces sauvages …”
Il laissa ce dernier mot en suspens dans l’air comme une provocation directe avant de se redresser le plus calmement du monde. Le temps des politesses et des formules diplomatiques était désormais officiellement passé; il était fin temps de jouer cartes sur table. Cela faisait déjà plus d’une heure que la Lice avait commencé à parlementer avec Nuall et il doutait pouvoir tenir bien plus longtemps dans ce rôle qui ne lui seyait guère. Felarel avait bien eu assez de temps pour retrouver sa proie, s’il ne l’avait pas trouvé alors il valait mieux passer à autre chose car si leurs ennemis étaient réellement si proches alors ils devraient prendre des initiatives.
Le regard de l’officier se redirigea finalement vers le Dunlending, une lueur défiante brillant au fond de ses pupilles. “Voici où je veux en venir: la parole d’un Dunlending ne représente nulle garantie à mes yeux. Quant à vos menaces, elles ne feraient pas trembler le plus fragile des nourrissons de la maison d’Eorl!”
Nuall avait cherché la confrontation verbale en proférant de telles paroles et il était tombé sur le parfait client pour lui répondre. La fierté de la Lice ne lui permettait pas de courber l’échine en essayant de tempérer les menaces de son opposant; non il fallait riposer, et plus fort. “ Quant à votre précieuse Dairine pour laquelle vous avez pris tant de risques. Figurez-vous qu’elle a été condamnée à mort. La potence dont le sommet s’élève au dessus-du muraille lui est réservée; les sorcières n’ont pas leur place au Rohan.”
Il sentit Nuall tressaillir avant de retrouver rapidement sa contenance. Il fallait dire que le rôle de cette jeune femme, que les Rohirrim n’avait absolument pas condamné à mort, était toujours aussi mystérieux. Pour quelle raison les Dunlendings étaient-ils prêts à prendre tant de risques pour une ensorceleuse, aussi puissante fût-elle? “ Repliez-vous! Vous et tous les vôtres, y compris ceux dont la présence nous est cachée. Retournez chez vous et alors la sorcière sera épargnée!”
Il s’approcha alors plus près de Nuall, le dominant de son immense silhouette. Le rohirrim avait une main sur le pommeau de sa lame et un rictus mauvais sur le visage. Il gronda: “Ou alors défiez nous et subissez le courroux des éoreds de l’Isengard! Ce serait là la dernière bêtise que vous ferez en tant que chef.”
L’affrontement n’avait jamais semblé aussi proche.
En s’étirant sur sa couche de fortune, Rihils tentait de soulager ses genoux ankylosés par les longues heures de marches menées à un rythme effréné dans le but de mettre le plus de distance possible entre eux et les cavaliers du Rohan probablement lancés à leurs trousses. Durant le trajet, Dairine et le guérisseur n’avait quasiment pas échangé, il prenait bien soin de garder son souffle pour les efforts qu’il infligeait à son corps qui n’avait pas l’habitude d’être ainsi bousculé. De toute façon, elle aurait pu lui enseigner les plus grands mystères de ce monde qu’il serait probablement trop épuisé pour y comprendre grand chose. Au moins la fatigue lui permit de s’endormir rapidement, sans qu’il ne ressasse péniblement la portée de son acte de trahison, car c’en était bien un. Pourtant lui ne le voyait pas de cette manière, il aimait son peuple et son royaume et lui avait tant donné. Seulement, sa soif de savoir était plus forte que tout. La fascination qu’il portait pour Dairine et ses arts occultes était si forte pour qu’il puisse rejeter la moindre chance de pouvoir apprendre à ses côtés. Peut-être reviendrait-il de ce périple plus puissant que jamais et alors les gens de Meduseld lui accorderait leur pardon. Peut-être deviendrait-il même autre chose qu’un simple guérisseur, quelque chose de bien plus grand. Ce fut donc sur ces fantasmes qu’il plonge dans un sommeil agité et qui se révéla être de courte durée.
Réveillé par des bruits étranges, le rohirrim se leva brusquement, tous ses sens en alerte. Dans l’obscurité ambiante il identifia des ombres qui circulaient rapidement autour de lui, l’encerclant dans une prison invisible. Il chercha des yeux Dairine mais sa couche était vide. A pleins poumons, il cria son nom. Il n’obtint aucune réponse.
Seul face à l’inconnu, Rihils ressentit pour la première fois un sentiment auquel il était peu familier. La peur. Cette peur primaire, animale et instinctive qui se saisit des entrailles de ceux qui se retrouvaient devant la Mort. Il sentait son coeur battre la chamade, comme s’il voulait sortir de corps bien trop frêle pour opposer une quelconque résistance.
Les bras levés, il tomba à genoux ; offrant sa personne aux spectres qui l’observaient dans la nuit. “Je ne suis pas de ceux qui prennent la vie. Je suis de ceux qui la préservent. Eru m’a octroyé ce don et je lui en serai éternellement reconnaissant. Quel plus beau cadeau que le pouvoir de sauver toutes formes de vies, quelles qu’elles soient?”
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Nuall paraissait sincèrement choqué. Les mots semblaient lui manquer pour qualifier l’insulte qu’il venait d’entendre dans la bouche d’un homme qu’il estimait pourtant être plus noble que la moyenne de son peuple de paysans dont l’opinion au sujet des gens du pays des collines lui importait finalement bien peu. Mais après des siècles de paix relative, et malgré la méfiance qui continuerait à exister éternellement entre Dunlendings et Rohirrim, il pensait naïvement que leurs ennemis de toujours avaient dépassé ce stade, et qu’ils avaient appris à reconnaître au moins l’humanité de leurs voisins. Certes, ils n’avaient pas de grandes cités de bois ou de pierre, certes ils ne prospéraient pas sur des terres volées à d’autres, et ils ne négociaient pas avec les puissants rois de ceux qui vivaient longtemps. Mais de là dire qu’ils n’étaient que des sauvages…
Les Dunlendings avaient été humiliés depuis des siècles par le peuple d’Eorl, qui avait déferlé sur ces terres jadis habitées par les ancêtres de Nuall, et s’en était emparé en son nom propre. Leur prétention à se reconnaître supérieurs lui donnait envie de vomir, surtout quand elles venaient d’un homme qui semblait détenir une certaine position au sein de la forteresse d’Isengard – puisqu’on l’envoyait négocier cette affaire au nom du roi. Cela en disait long sur le climat d’hostilité aux gens de l’Enedwaith, dans l’entourage même du souverain du Riddermark. Une position qui transparaissait même alors que les circonstances semblaient particulièrement tendues, et qu’elles appelaient à une certaine diplomatie. Nuall n’aurait jamais cru que les négociations prendraient une telle direction. Ou plutôt, il l’avait envisagé, mais il n’aurait jamais pensé que le guerrier du Rohan en viendrait à de telles bassesses politiques. Ces Forgoil étaient donc tous les mêmes… Le poing du Dunlending se serra de toutes ses forces, à en faire pâlir ses jointures. Ses mâchoires crispées trahissaient la puissance de ses émotions. On l’avait dupé, on l’avait méprisé… Ce n’était plus seulement une insulte contre lui, ou contre Dairine qui était encore prisonnière de ces monstres… C’était une insulte à tout un peuple, qui ne resterait pas impunie.
- Vos paroles ne seront pas oubliées, Rohirrim… Soyez-en certain.
C’était un avertissement à ne pas sous-estimer, et la tension monta d’un cran.
Les paroles de la Lice y étaient pour beaucoup, le Rohirrim ne retenait désormais plus ses coups, et de toute évidence il semblait se ficher éperdument de l’issue de leur conversation. Ajoutant l’insulte à l’insulte, le mépris au mépris, il poursuivait son entreprise de démolition sans se soucier des conséquences que pouvaient avoir ses paroles. Négociait-il seulement, ou bien se contentait-il de cracher tout son fiel à l’encontre d’un dignitaire étranger, qu’il ne reconnaissait même pas comme tel. Nuall se demanda, devant une telle violence, s’il ne s’agissait pas simplement d’une stratégie. Un officier, conscient du sort qui attendait ses hommes, pouvait-il parler ainsi sans réfléchir aux conséquences ? Comprenait-il ce qui se jouait ici ? Était un fou ou un génie ?
Le regard de Nuall se fit plus dur et plus froid.
Dans un cas comme dans l’autre, des lignes avaient été franchie, et il n’y avait pas de retour en arrière possible.
- Si mes paroles ne sont pas une garantie suffisante pour vous, dresseur de chevaux, les vôtres n’ont été que mensonges, tromperie et insultes. Vous m’avez fait miroiter le retour de Dairine, et vous voici à orchestrer quelque sombre machination. Pourquoi vouliez-vous gagner du temps ? Pourquoi cette mise en scène ?
Il aurait sans doute préféré ne pas obtenir la réponse. Les aveux de la Lice lui firent l’effet d’un coup de gourdin à l’arrière du crâne. Dairine… condamnée à mort par ces chiens ? Il se retint de sauter à la gorge du misérable, conscient que le moindre geste hostile le condamnerait immanquablement à être étrillé par les archers qui l’observaient encore depuis le sommet des remparts d’Isengard.
- Vous n’oseriez jamais…
Sa voix était une lance de menace tissée de fils de stupeur. Il ne comprenait tout simplement pas où cet officier voulait en venir. Il était certain que du point de vue des Dunlendings, la vie de Dairine valait amplement la vie de cent guerriers du Rohan. Ils avaient traversé les frontières du pays de leurs ennemis ancestraux afin de la récupérer, et n’hésiteraient pas le moins du monde à tuer leurs prisonniers sur-le-champ si cela leur permettait de récupérer leur précieuse Drughu… ou bien de venger sa mort aux mains des Rohirrim. Cependant, les hommes du Riddermark pouvaient-ils accepter cela ? Iraient-ils jusqu’à sacrifier plusieurs dizaines de leurs propres frères d’armes, simplement pour prendre la vie d’une seule femme dont ils semblaient ignorer la valeur ?
La détermination de l’officier semblait sans faille, et le défi qu’il venait de proposer à Nuall n’était pas une plaisanterie. Il paraissait prêt à la guerre, et à entraîner tout son peuple dans un nouveau cycle de sang et de vengeance…
Le Dunlending soutint son regard, refusant de baisser les yeux face à ce colosse :
- Ansgar Osgarsson, répéta-t-il, fils de Cynbel… Chevalier de la Maison du Roi… Capitaine de la Porte d’Isengard… Je me souviendrai de vous.
Une promesse pour une promesse. Les deux hommes n’en avaient pas encore fini, et il était certain que leur histoire s’achèverait les armes à la main, d’une façon ou d’une autre. C’était désormais une question d’honneur. Nuall leva la main, et fit signe à ses hommes d’approcher. L’heure était venue de mettre un terme à cette parodie de négociations. Ils n’avaient pas marché si longtemps pour échanger des banalités avec les gens du Rohan, déception permanente alors que le monde, lui, changeait et évoluait. Des forces mouvantes se déplaçaient, et ces vils paysans engoncés dans leurs traditions, caparaçonnés derrière leurs peurs puériles, ne voulaient pas voir que leur déclin était inévitable.
Les deux hommes convinrent tacitement qu’il n’était plus lieu de discuter, et ils se tournèrent vers la colonne qui approchait. Les Dunlendings menaient à la baguette les soldats du Rohan, désarmés et dépenaillés, qui semblaient exténués. Le second de Nuall, Kell menait la colonne, tenant par le col un très jeune cavalier qui ne devait pas avoir plus de dix-sept ou dix-huit ans. Il était particulièrement méfiant, et chercha le regard de son chef pour déceler quelle avait été l’issue de la négociation.
++ Alors ? ++ Lâcha le guerrier dans la rude langue des gens des collines, afin de s’assurer que la Lice n’en comprendrait pas un mot. ++ Qu’ont-ils dit ? ++
- Ils détiennent Dairine, répondit Nuall en Westron, afin quant à lui de permettre à la Lice de suivre, et ils veulent la condamner à mort pour sorcellerie. Si nous ne leur rendons pas leurs hommes, ils l’exécuteront.
Nuall se tourna vers Ansgar, et lui demanda ironiquement :
- C’est bien ça, fils de Cynbel ? Je peux au moins considérer que vous ne m’avez pas menti sur toute la ligne ?
++ Bien sûr qu’il a menti, le fils de catin ! ++ Tonna Kell sur un ton plein de colère. ++ Nous avons vu les signes, la corneille dans le ciel… Dairine est en vie, et elle est loin d’ici, Nuall. ++
Le chef dunlending demeura impassible, refusant de laisser le soulagement apparaître sur son visage. Ainsi, ce chien du Rohan lui avait menti afin de dissimuler qu’il n’avait aucun atout dans sa manche. Il avait essayé de cacher l’absence de Dairine derrière un rideau de fumée, et à présent espérait s’en tirer en récupérant ses hommes sans rien donner en échange, simplement en jouant sur la peur qu’inspirait son armée et sa grande forteresse. Nuall secoua la tête tristement.
++ Que fait-on ? ++ Répéta Kell, qui semblait tendu.
Nuall n’avait qu’une seconde.
Une seconde pour décider de la suite à donner à cette histoire. Son peuple, les Dunlendings, dansait dans la paume de sa main, et il pouvait le faire basculer du côté de la paix ou de la guerre, de la quiétude ou de la désolation. Une grande responsabilité pesait sur ses épaules, désormais, d’autant plus qu’il n’était plus contraint par sa mission première. Dairine échappée, il avait les mains libres. Ces prisonniers ne lui étaient plus d’aucune utilité.
Une seconde.
Et tout basculerait.
- Rendez les prisonniers…
Les mots quittèrent sa bouche presque malencontreusement. Il sentit le désarroi de ses hommes, qui avaient tant subi et tant souffert pour en arriver là, et qui ne comprenaient pas pourquoi ils cédaient aussi facilement. Il percevait le soulagement des hommes sur les remparts, qui comprenaient que les Dunlendings allaient rentrer chez eux. Les prisonniers manquèrent de lâcher des exclamations de joie. C’était le rêve de tout guerrier, si l’on faisait exception d’une ombre au tableau… La Lice, triomphant, satisfait de son pari audacieux. Il avait gagné en n’ayant aucun levier pour faire pression sur les Dunlendings, et s’en tirait héroïquement dans ses circonstances. Ses chefs pourraient le récompenser, le promouvoir même, et il serait célébré comme un héros.
Un héros…
Une seconde.
++ Rendez-les à leurs dieux ++
Nuall se retourna brusquement, dégainant son arme et l’abattant sur la Lice dans le même mouvement exceptionnellement fluide et rapide. Seul un combattant d’exception aurait pu y parvenir, et le capitaine de la Porte d’Isengard ne dut son salut qu’à un réflexe tout aussi extraordinaire. La lame manqua de peu de lui trancher la tête en deux dans le sens de la longueur. Au lieu de quoi, elle se contenta de le défigurer atrocement. L’acier mordit son front, ripa sur son crâne avant de descendre sous l’exercice conjugué de la puissante musculature de Nuall et de la gravité, emportant tout sur son passage. Son œil gauche fut la première victime, profondément touché au point qu’il serait pour toujours inutilisable, mais la lame ne s’arrêta pas en si bon chemin. Elle lui emporta un morceau de joue avant de venir fracturer sa mâchoire en lui brisant deux molaires.
- Œil pour œil, Rohirrim !
Ce furent les dernières paroles de Nuall Muirchertach Ua Clairingnech, alors que la Lice s’écroulait au sol, dégageant une fenêtre de tir pour tous les archers stupéfaits de l’Isengard. Les autres Dunlendings ne vivraient guère plus longtemps. A peine assez pour emporter dans leur chute autant de prisonniers que possible. Les traits mortels sifflèrent en traversant la distance qui les séparait de leurs cibles, touchant indistinctement amis et ennemis dans cette cohue incompréhensible. Le fracas des lames et des cris d’épouvante s’acheva bientôt. Pas un seul des Dunlendings ne demanda merci, pas un seul ne tenta de fuir.
Aucun ne survécut au déluge de flèches qui s’était abattu sur eux.
Nuall gisait au sol, percé de plus de traits qu’il n’en avait fallu au brave Boromir pour succomber. Son seul regret serait peut-être de ne pas avoir réussi à prendre la vie de la Lice avant de succomber lui-même. Il confiait cette tâche à d’autres que lui, des plus braves et des plus vigoureux, qui accompliraient la volonté des dieux et rendraient aux Rohirrim la monnaie de leur pièce…
~ ~ ~ ~
Prisonnier de la nuit noire qui s’était emparée du Rohan, Rihils tomba bientôt prisonnier de ces sinistres créatures nocturnes qui avaient surgi de toutes parts alors qu’il ne s’attendait pas à rencontrer quiconque. Il avait fait le choix de ne pas se battre, et de se rendre à l’évidence autant qu’à ses ennemis. Seul et à peine capable de se défendre, il ne pouvait compter que sur la clémence de plus fort que lui pour essayer de s’en sortir.
Il y eut quelques rires quand il tomba à genoux, et encore davantage quand il se mit à parler comme si sa dernière heure était arrivée. Des voix d’hommes, rauques et sauvages, qui échangèrent quelques commentaires dans une langue peu agréable à ses oreilles. Des Dunlendings, à n’en pas douter. En voilà d’autres qui avaient franchi l’Isen, et qui circulaient au Rohan à la faveur de la nuit. Leur organisation était impeccable, et cela dénotait un certain degré de préparation que le Rohan avait de toute évidence sous-estimé. Ils étaient une dizaine, sans commandant apparent, et ils mirent la main sur Rihils avec force, l’arrachant au confort de ce petit camp de fortune, et à la perspective de revoir Dairine un jour.
Cette nuit-là, il n’eut pas le choix que de suivre ses ravisseurs qui progressaient si rapidement sur leurs jambes musclées et habituées à de tels efforts, que le guérisseur était obligé de trotter pour ne pas s’attirer des regards méprisants et quelques coups dans les côtes pour l’inciter à aller plus vite. Ils ne le ménageaient pas, mais ce n’était pas par simple méchanceté. Pour beaucoup, ils semblaient avoir très peur, et ne souhaitaient pas s’éterniser à proximité de l’Isengard.
Les jours se succédèrent ainsi, se ressemblant toujours autant. La nuit, ils couraient à travers le Riddermark, plein Sud, profitant de la fraîcheur du soir et de la difficulté pour une patrouille de repérer leurs déplacements silencieux. Le jour, ils se terraient comme des rats, dans de vieilles bâtisses abandonnées, des fermes que les propriétaires avaient été contraints d’abandonner à cause du Rude Hiver, ou bien pour emmener leur bétail paître auprès des Naugrim. Le Rohan s’était vidé d’une bonne partie de ses hommes, partis avec le bétail en transhumance, ce qui laissait le champ libre à une bande de maraudeurs dunlendings.
Il leur fallut trois jours et trois nuits supplémentaires pour rallier enfin les contreforts des montagnes blanches, qui constituaient à l’évidence leur destination. Il y eut du soulagement chez les Dunlendings, qui parlaient peu, mais qui étaient paradoxalement très expressifs. En les observant au cours de leurs repos diurnes, Rihils n’avait pas pu manquer de remarquer qu’ils étaient jeunes pour la plupart, mais vigoureux. Des combattants qui allaient très peu armés et très peu vêtus, avec l’équipement minimal, mais qui paraissaient connaître les moyens d’éviter les patrouilles des Rohirrim. Chaque soir, un homme courait en arrière de la compagnie, et était chargé de couvrir leurs traces. Il revenait généralement beaucoup plus tard que les autres après avoir soigneusement dissimulé leurs empreintes sur presque une lieue – un travail de titan.
Pour Rihils, ce microcosme ne devait pas être très différent des soldats du Rohan auquel il était davantage habitué, si ce n’était qu’ils ne semblaient pas avoir de chef, et semblaient obéir à un ensemble de règles collectives tacites. Ils partageaient le pain et l’eau entre eux et avec leur prisonnier, se répartissaient aisément les tâches collectives, sans paraître douter le moins du monde de qui devait faire quoi. Ils dormaient collés les uns aux autres comme des chiots, pour se réchauffer, mais maintenaient une veille permanente sous la forme d’un ou deux gardes en faction, censés surveiller les environs et Rihils.
La communication n’était pas aisée, les Dunlendings ne parlant pas le Westron, mais il était possible de comprendre quelques bribes de leur langage à force de les côtoyer, tout comme il fut possible à Rihils de commencer à les identifier par leurs noms. Pour la plupart ils étaient difficiles à prononcer, mais il y en avait un qui semblait plus simple à prononcer que les autres : Konhor. C’était un jeune homme aux cheveux très noirs, et à la barbe naissante. Il était fin, mais endurant et bon coureur. C’était souvent lui qui était affecté à la surveillance de Rihils, ce qui devait être une corvée qu’on laissait au moins expérimenté. Il ne parlait pas bien le Westron, mais était vif d’esprit et capable d’interagir. Il fut un précieux allié du guérisseur dans leur course effrénée, s’efforçant de lui expliquer par gestes et par d’amusants dessins sur le sol ce qu’ils faisaient.
Arrivant devant les montagnes immenses, il les pointa du doigt pour Rihils :
- Nous…
Il mima avec ses mains un homme qui marchait en s’élevant dans les montagnes.
- Oui, oui…
Ses mains jointes allèrent se glisser sous sa tête, et il se mit à ronfler pour signifier qu’ils allaient – enfin – pouvoir se reposer. Enchaînant par quelques phrases dans sa propre langue, il finit par lâcher un mot qui ne put échapper au guérisseur.
« Dairine ».
Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop
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Learamn Agent de Rhûn - Banni du Rohan
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Autour de la Lice, tout n’était plus qu’ombre. Il entendit, dans le lointain, le sifflement des flèches et les gémissements des hommes; mais n’y prêta guère attention. Couché au sol et incapable du moindre geste; il se battait pour ne pas sombrer dans les ténèbres. Il ne ressentait plus que le goût du sang et l’appel strident de la mort. L’attaque de Nuall s’était passée si rapidement. Le capitaine n’avait la vie sauve que grâce à son instinct qui l’avait fait reculer de quelques centimètres au tout dernier moment avant l’impact. Puis il s’était retrouvé au sol. Il avait vu comme un éclair blanc qui l’éblouit pendant une fraction de seconde avant qu’un voile noire accompagnée d’une douleur insoutenable ne vint l’accabler. Il aurait bien voulu crier pour extérioriser la souffrance qu’il endurait, mais cela lui aurait fait bien trop mal. Peu à peu, il se remit à distinguer le bleu profond du ciel au-dessus de-lui ainsi que les silhouettes floues des charognards ailées qui se préparaient au festin. Il entendit quelque chose sur sa gauche mais, inexplicablement, il ne parvint pas à tourner son regard vers cette direction. Impossible également de tourner la tête, chaque mouvement du visage ne faisait qu'accroître sa peine. Trop confus et perclus de douleur pour comprendre ce qu’il se passait autour de lui; le rohirrim referma son oeil valide, cherchant refuge dans l’obscurité.
Il entendit une voix familière au-dessus de lui: “Capitaine! Tenez bon Ansgar!”
Il entrouvrit l’oeil pour ne voir qu’une longue chevelure blonde qui se penchait sur lui. Puis ce fut le noir à nouveau. La Lice avait sombré dans l’inconscience.
Felarel qui s’était immédiatement précipité sur “le champ de bataille” une fois les Dunlendings neutralisés par les archers d’Isengard ordonna que l’on ramène une civière pour l’officier blessé au plus vite. Le Capitaine de la Maison du Roi n’avait que peu de compétence en matière de médecine mais il avait assez d’expérience de la guerre pour savoir que ce genre de plaies devait être traitée au plus vite. On s’occupa ensuite des quelques autres survivants de l’éored d’Irül. Malheureusement, dans leur chute, leurs ravisseurs avaient eu le temps d’en égorger la majorité. D’autres avaient été mortellement transpercés par les traits rohirrim qui n’avaient pas fait la différence entre frères et ennemis. Eotrain faisait partie des victimes, son corps reposait au loin; une flèche fixée dans le crâne.
De la fameuse patrouille à l’origine de tous ces troubles ne restait plus qu’Ameno, dans le couloir de la mort, et le sergent Eadric. Avec ces morts et la disparition de Dairine, la lumière serait-elle jamais faite sur les dessous de ce sombre épisode pour le Royaume de la Marche. L’officier supérieur avisa la dépouille de Nuall et de ses sbires; ces hommes avaient eu bien du courage pour venir défier les forces du Roi devant leur bastion. Un acte qui semblait désintéressé et ne visait visiblement bien qu’à faire libérer la belle captive. Que représentait-on donc cette fragile créature pour que tout son peuple prenne de tels risques pour elle? Malheureusement, avec le concours du guérisseur, elle s’était volatilisée et les cavaliers de l’Isengard n’aurait probablement jamais la réponse.
Les rohirrims avaient temporairement éliminé la menace qui s’était présenté devant sa porte mais, avec cette désastreuse victoire, ils avaient peut-être perdu bien plus.
On avait déposé Ansgar Osgarsson sur l’une des couches de fortunes qui peuplaient l’infirmerie précaire du campement de l’Isengard. Sûrement aurait-il eu le droit d’être soigné par les guérisseurs de Sa Majesté au sein de la tour d’Orthanc s’il en avait fait la demande. Ce privilège était réservé aux hommes de la Garde de la Maison du Roi mais une exception aurait pu être faite pour le Capitaine de la Porte d’Isengard. Mais ce dernier avait, lors de l’un de ses rares moments de pleine conscience, catégoriquement refusé. Son histoire c’était celle de la troupe; il était homme du peuple qui avait mis un point d’honneur à ne jamais oublier ses origines au cours de sa brillante carrière. Il était né avec les gens d’en bas; il mourrait avec les gens d’en bas.
Dame Méronne avait pris en charge l’officier meurtri et distribuait ses instructions avec sa poigne légendaire. Elle n’était ni la plus talentueuse ou la plus délicate des guérisseuses, mais elle restait une femme extrêmement respectée en Isengard. Sa grande expérience et son fort caractère en avait fait une figure incontournable des infirmeries de la garnison; et en l’absence de Rihils, elle était certainement la plus qualifiée pour s’acquitter de cette tâche.
Celle que le troupe surnommait, avec plus ou moins d’affection, “ Mère Torture” s’appliquait à panser les plaies du grand blessé après les avoir nettoyées. Ce dernier, qu’elle croyait totalement inconscient, la surprit en saisissant fermement son avant-bras comme pour la stopper dans sa tâche. Cet homme était tout de même coriace. Ansgar implora dans un grognement : “Non.. Rihils… Lui seul peut me sauver… Mon ami Rihils…”
Visiblement contrariée, Dame Méronne fronça des sourcils et se défit vigoureusement de la poigne du capitaine. Elle lui répondit sèchement: “Eh bien votre cher Rihils nous a tous laissé en plan! Vous compris Capitaine! Pouf il s’est envolé. Disparu le vaurien! Alors si vous voulez passer la nuit il va falloir me laisser travailler.”
Trop faible pour contester ou continuer la conversation, la Lice laissa mollement retomber son bras sur sa couche avant de tomber à nouveau dans l’inconscience. Le vaillant cavalier pouvait-il survivre à l’absence de son ami de longue date qui avait trompé sa confiance avant de fuir avec l’ennemi? Au fond, la trahison de Rihils n’était-elle pas blessure plus profonde que celle qui marquait son visage mutilé ?
Les jours passaient sans véritablement se ressembler pour la Lice. Certaines fois il les traversait comme un fantôme, inconscient sur son lit et inconscient du temps qui s’écoulait. Parfois il s’éveillait pendant de longues heures et se tordait de douleur. Dame Méronne s'évertuait alors à lui faire ingérer diverses sortes de calmants assez inefficaces.
La cinquième nuit après les tristes évènements qui s’étaient déroulés devant les murs d’Isengard. Ansgar, hanté par ses cauchemars, s’éveilla en sursaut. Son oeil valide, mit quelques secondes à s’habituer à l’obscurité ambiante de la petite pièce séparée du reste de l’infirmerie dans lequel on l’avait placé. Il mit donc un certain temps pour constater qu’il n’était pas seul. Et la silhouette imposante qui lui faisait face, adossée contre le mur, n’était définitivement pas celle de Mère Torture. Le visage de l’inconnu était plongé dans l’ombre. “ Ah! Enfin le réveil du guerrier...” commenta le visiteur inattendu avec une voix rocailleuse.
Ansgar se redressa autant qu’il le put à l’aide de ses coudes, en état d’alerte. Il tentait de rassembler les maigres force qu’il avait repris, mais savait pertinemment que si l’homme décidait de s’en prendre à lui, il ne pourrait rien faire pour se défendre. “Qui êtes vous? Déclinez votre identité! -Mon nom importe peu. -C’est un ordre! tonna l’officier. -Je crains n’avoir aucun ordre à recevoir de vous”.
L’homme avança alors de quelque pas et la petite lampe à huile qui brûlait sur la table de chevet éclaira faiblement l’individu. Mais son visage était toujours invisible; il était caché sous un masque caractéristique de l’Ordre des Lames.
“Et que vient donc faire une Lame à mon chevet? Je doute que vous soyez là pour me souhaiter un prompt rétablissement....” Demanda Ansgar d’un ton méfiant. “Votre ami Rihils … Ne vous a-t-il pas fait part de ses envies d’ailleurs? Vers où aurait-il pu suivre la sorcière?”
Pour toute réponse l’inconnu n’obtint qu’un crachat au sol de la part de son interlocuteur qui n’avait rien perdu de son légendaire caractère. “Allez au diable! Les Lames ne me feront subir aucun interrogatoire!”
Pas de réaction. Plusieurs secondes s’écoulèrent dans un silence pesant avant que l’homme masqué ne change de sujet. “Je pourrai vous en obtenir un… Un masque, pour dissimuler vos blessures.”
Ansgar fut alors secoué par un petit rire moqueur qui n’eut pour effet que d’amplifier la douleur qui le martyrisait. “Les stigmates de la guerre n’ont pas à être cachés par un Cavalier du Rohan. Au contraire, il doit les arborer avec fierté. Pourquoi cacherais-je mes blessures? Je n’ai aucune honte d’avoir souffert en défendant mon royaume.”
L’inconnu au masque trembla alors de manière presque impercetible; comme si lui aussi, derrière son voile de mystère, cachait de profondes meurtrissures sur son visage. Il reprit finalement ses esprit et rétorqua: “Ce royaume vaut-il encore la peine d’être défendue? Ce pays n’est plus reconnaissable; avec un gamin manipulé sur le trône et un dirigeant parvenu qui ne fait que trahir sa parole… -Le Rohan restera mon pays et je serais toujours prêt à mourir pour lui. -Alors vous mourrez bien assez tôt Capitaine Osgarsson. Parfois il est préférable de tout détruire pour repartir de rien plutôt que de soutenir un édifice aux fondations branlantes.”
L’homme fit alors volte -face et se dirigea vers la sortie: “Attendez! Où allez-vous? “lui demanda la Lice.
L’homme masqué s’arrêta un moment, réfléchit quelques secondes et répondit sans prendre la peine de tourner la tête en direction du blessé. “Répandre le chaos.”
Rihils était épuisé. Le rythme de la marche forcée - pour ne pas dire la course- imposée par les Dunlendings était de plus en plus compliqué à suivre pour les fines jambes du guérisseur, peu habitué à se déplacer ainsi à pied sur des lieux et pendant des journées entières. Passé l’effroi évident qui avait suivi sa capture par les Dunlendings, ce fut ensuite la lassitude qui s’était emparé de son esprit. Ils ne faisaient que courir, des heures durant, à travers les plaines jaunies du Rohan et il lui était même impossible de communiquer avec ses “compagnons de voyage” en quête de distraction. Enfin, vers le milieu du deuxième jour, ce fut la fatigue qui se fit la plus prégnante en écrasant tout autre sentiment. En journée il s’efforça de ne pas être totalement à bout de souffle et allait puiser au bout de ses forces mentales pour faire une foulée de plus. Le soir venu, quand le temps d’un court repos était arrivé; il s’endormait quasiment immédiatement avant d’être réveillé bien trop tôt par Konhor. Les hommes du pays de Dûn ne le maltraitaient pas pour autant; ils suivaient le même rythme de marche ( bien qu’ils soient entraînés pour supporter ce genre d’effort) et se contentaient des mêmes conditions de voyages spartiates. Lorsqu’il partageait le pain, Rihils recevait une part égal à celle des autres; une faveur bien inhabituelle pour un captif. Finalement seule la surveillance constante dont il faisait l’objet témoignait de son statut de prisonnier.
Arrivé au pied des montagnes, le guérisseur du Rohan avisa les pentes escarpées et la hauteur du col et ne put réprimer un soupir. L’annonce de l'ascension de ces massifs était loin d’être une bonne nouvelle pour et il se demandait sérieusement si son corps pourrait tenir telle escalade. Il était un expert du corps humain et il avait bien conscience que le sien était déjà presque à bout. Pourtant la moindre chute liée à l’épuisement pouvait avoir des conséquences fatales en haut de ces imposants sommets.
Le repos annoncé et finalement bienvenu serait sans aucun doute de trop courte durée pour récupérer suffisamment.
Pourtant il fallut d’un seul mot pour que la douleur qui accablait le rohirrim ne semble disparaître soudainement. “Dairine?” demanda-t-il avec une note d’espoir dans la voix.
La jeune femme ne l’avait pas complètement abandonnée. Si vraiment elle se trouvait là-haut, alors il n’y avait pas une seule seconde à perdre; il y avait tant de choses à apprendre.
Revigoré d’un coup; le guérisseur voulut prendre les devants et tenta de faire comprendre, à renforts de grands gestes, à son garde personnel qu’il désirait entamer l’ascension immédiatement.
Le corps humain était définitivement une formidable construction au fonctionnement parfois irrationnel.
The Young Cop
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