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 Le Chaud et le Froid

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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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Le Chaud et le Froid EmptySam 22 Fév 2020 - 21:50
Le Chaud et le Froid Idril10   Le Chaud et le Froid Mephis10

#Idril                                   #Mephisto

- Non, non, non, non, non, je sais parfaitement ce que j'ai entendu ! Les rumeurs ne sont que des rumeurs, mais cette histoire de meurtre… même les gardes les plus zélés de Tar-Mephisto, Haut-Roy du Royaume Réunifié, trouvent que c'est un peu trop ! Même moi je trouve que c'est trop !

Depuis quelques temps, il n'était pas inhabituel d'entendre des vociférations provenant des appartements royaux. Cependant, c'était bien la première fois que la voix de la reine du Gondor, Idril Maennova, se brisait ainsi. Cette dernière phrase s'était muée en un sanglot déchirant, ce qui sembla porter un coup décisif à Mephisto qui n'arrivait pas à formuler une pensée cohérente.

- J'aurais pensé que tu aurais au moins un peu de respect pour ta femme, pour ton fils… Tu penses que tu vas réussir à oublier Aleth en allant te… consoler… dans les bras de la première venue !? Tu penses que c'est le genre de père que voudrait notre dernier enfant ?

La tempête qui semblait s'être calmée redoubla soudainement d'intensité, alors que Mephisto se mettait à gronder :

- Ne prononce pas le nom de mon fils !

- De notre fils, Mephisto !

Le roi poussa un rugissement, en se levant brusquement. Sa poitrine se soulevait à un rythme anormalement élevé, alors qu'il faisait les cent pas dans la pièce, cherchant à éviter le regard de la reine qui oscillait entre la colère et la tristesse. Il passa une main sur son visage chagriné, et revint à la charge :

- Et qui est le garde qui t'a dit ça, hein ? Lequel s'amuse à colporter de telles choses jusqu'à l'oreille de ma propre femme !? C'est Vimes, c'est ça ?

- Ce n'est pas ce qui importe ! Ce qui importe c'est que tu passes tes nuits à batifoler avec les filles de rues, que tu ignores ta femme, que tu ignores ton fils, tes devoirs de souverain et tes obligations envers le peuple du Gondor !

Elle pointa un doigt accusateur vers lui, le faisant vaciller une seconde fois. Cependant, le roi du Gondor n'était pas homme à se laisser déstabiliser aussi facilement. Il avait triomphé de maints ennemis, terrassé parmi les plus grands champions des forces obscures, et il s'était dressé vaillamment face aux plus terribles créatures que le monde connu abritait. Bien que la tristesse de sa femme l'atteignît, il puisait dans sa propre peine sans fond une énergie insoupçonnée. Il riposta furieusement :

- J'ai le droit de savoir ! Si les hommes qui m'entourent mentent à mon sujet, et racontent que je… fais je ne sais quoi avec je ne sais qui…

- Mephisto !

Les murs semblèrent trembler, alors que la Reine bondissait sur ses pieds, les yeux à la fois enflammés par la colère et inondés de larmes. Elle était aussi terrible que le tonnerre, aussi furieuse que la mer déchaînée quand de l'Ouest venaient les bourrasques hivernales. Si le Haut-Roy était un homme à ne pas prendre à la légère, son épouse n'était pas en reste. Elle appartenait à un peuple ancien et révéré, et elle portait dans ses veines l'héritage des plus valeureux héros de la Terre du Milieu. Elle n'avait jamais terrassé de dragon, elle n'avait jamais pourfendu de Balrog, elle ne s'était jamais tenue contre Melkor lui-même, mais dans son regard il ne faisait aucun doute qu'elle aurait affronté courageusement ces ennemis du monde, tout comme elle affrontait aujourd'hui la faiblesse de son mari.

- Arrête tes mensonges, tes dérobades ! Cria-t-elle sans prendre la peine d'essuyer les larmes qui coulaient le long de ses joues. Qui ne sait pas, à Minas Tirith, que tu couches avec toutes les filles du royaume sauf ta propre épouse !?

- Toutes les filles ? Ha, la belle affaire ! Tu es totalement irrationnelle, Idril, tu cèdes à tes émotions et tu te laisses aveugler. Un de mes gardes vient te raconter je ne sais quelles horreurs, et voilà que tu fais de moi un monstre de mari…

La reine s'assit sur son lit, les mains jointes devant son noble visage. Mephisto n'avait jamais fui devant ses responsabilités, et encore moins par des arguments si vils et puérils. Elle comprit à cet instant précis qu'il avait sombré bien plus bas qu'elle ne pouvait le concevoir, enveloppé qu'il était dans une souffrance si grande qu'elle menaçait de lui faire perdre la raison. D'une voix glaciale, où ne transparaissait aucune émotion, elle demanda :

- Est-ce que tu as couché avec cette fille ?

Elle n'était pas sûre de vouloir la réponse, mais pour une raison qui lui échappait elle avait besoin de l'entendre de la voix même de son mari. Mephisto était un piètre menteur, et un mauvais manipulateur. Il pouvait se défendre, contourner le problème, mais il ne savait jamais quoi dire quand il était exposé et en pleine lumière. Le soupir qui s'échappa de sa poitrine était une réponse suffisante, et il ajouta :

- Idril, je… j'ai fait une erreur, et je la regrette. J'ai le sang d'une innocente sur les mains, et crois-moi quand je te dis que si je pouvais tout effacer, je le ferais.

La reine se prit la tête entre les mains, frappée par sa propre imagination qui lui renvoyait le visage de Mephisto dans les bras d'une autre. Elle sentait un étau se resserrer autour de sa poitrine, l'empêchant de respirer :

- Mephisto, j'ai tout donné pour toi… J'ai quitté ma famille, mon peuple, tout ce que je connaissais. J'ai renoncé à mon immortalité par amour… Est-ce que tu comprends ce que cela signifie ?

Elle se mit à trembler, essayant de contrôler l'intensité des émotions qui s'emparaient d'elle. Le poids de la trahison était si lourd qu'elle avait le sentiment d'être écrasée, concassée. Broyée. Pouvait-elle décemment continuer à vivre avec un tel fardeau qui lui alourdissait le cœur ?

- Idril, fit Mephisto d'une voix coupable. Idril, j'ai mes défauts, mais tu sais que je n'ai jamais pensé à te faire du mal. J'ai été égoïste, et stupide, mais je ne voulais…

- « Égoïste et stupide », c'est exactement ça ! « Égoïste et stupide », comme seuls les Hommes peuvent l'être. Dúnedain, Númenóréens ou Edain, vous avez tous le cœur faible et l'âme malade. Vos engagements ne durent pas plus d'un battement de cil face à vos pulsions. J'ai vu de mes yeux les Hommes s'effondrer, se déchirer, et je croyais que la lignée d'Elessar saurait se distinguer des autres… s'élever au-dessus de sa condition et donner une nouvelle noblesse aux Hommes… Quelle noblesse y a-t-il dans ton cœur, Mephisto, si tu ne peux même pas résister à ce qui pend entre tes cuisses ?

Le dégoût dans sa voix était bel et bien présent, sans qu'il fût très clair si elle le réservait à son époux infidèle, ou bien à tous les Hommes. Dans ce dernier cas, elle se montrerait bien injuste, car elle avait pu voir de ses yeux le courage des mortels, qui n'hésitaient pas à donner leur vie fragile pour des causes nobles et justes, là où les Eldar préféraient souvent demeurer terrés dans leurs nobles cités. A quoi bon vivre pour l'éternité, si c'était pour ne rien accomplir ? A l'heure actuelle, pourtant, elle ne se souvenait que du pire dans la race des Hommes, et sa déception envers Mephisto n'en était que plus grande.

- Et tu crois que ça a été facile pour moi ? Répliqua l'homme, blessé par ces paroles qui s'insinuaient en lui comme du poison. Tu crois que je me suis senti soutenu, à travers toutes ces épreuves, quand tu t'es refermée sur toi-même pour vivre ton chagrin ?

Idril sentit l'aiguillon de la vérité se glisser insidieusement sous sa garde. C'était mesquin de la part de son propre mari de lui dire ces mots cruels alors qu'elle était convaincue d'être dans son droit, mais au fond elle savait qu'il n'était pas totalement dans le faux. Elle avait eu besoin de se recentrer, de faire son deuil, et de gérer cette étape qu'était la mort humaine. C'était le premier proche qu'elle perdait véritablement, et elle n'avait aucune expérience en la matière. Mephisto n'avait pas su le comprendre, et elle n'avait pas su voir qu'il avait besoin d'elle. La colère prit cependant le dessus sur la compassion, et elle jeta à travers la pièce une statue hors de prix qui lui avait été offerte lors de son mariage. L'objet alla se briser contre le mur et retomba en mille morceaux, les laissant dans un silence choqué. Sa réaction la surprenait elle-même.

Alors que seul le bruit de leurs respirations parvenait à leurs oreilles, quelqu'un frappa délicatement à la porte, et une voix s'éleva de l'autre côté de l'huis, leur rappelant qu'ils n'étaient jamais vraiment seuls dans le Palais de Minas Tirith.

- Tout va bien, messire ?

- Ça va, ça va, gronda Mephisto, tandis qu'Idril allait s'asseoir sur son lit, éplorée. Occupez-vous d'autre chose.

De nouvelles rumeurs circuleraient demain. Ce ne serait pas la première fois. Ce petit intermède avait cependant suffi à faire retomber la tension, et Mephisto alla s'asseoir aux côtés d'Idril, qui avait enfoui la tête dans ses mains :

- Tu sais, fit-elle, j'ai toujours cru que je pourrais endurer la situation, et te laisser le temps de retrouver tes forces, ta vigueur. La vérité, c'est que je n'arrive plus à supporter de te voir comme ça. C'est trop dur…

- J'ai fait des erreurs, Idril, et je me déteste pour ça. Je ne suis pas le père que je voudrais être, ni le mari que je voudrais être, ni le roi que je voudrais être. J'ai l'impression de trahir tous ceux qui m'ont fait confiance, toi la première. Je suis désolé…

Elle hocha la tête, les yeux dans le vague :

- J'ai l'impression, pour la première fois, que je ne peux plus te faire confiance.

Mephisto sembla accuser le coup. Ce n'était certainement pas ce qu'il avait besoin d'entendre à l'heure actuelle, mais il ne pouvait pas reprocher à sa femme d'exprimer ce qu'elle ressentait. Les mots étaient violents, mais sincères. Le roi, qui n'était finalement qu'un homme, sentit ses épaules s'affaisser :

- Je comprends… Je ferai ce qu'il faut pour regagner ce que j'ai perdu, et pour mériter ce que j'ai cru acquis.

De bien nobles paroles, qui n'atteignirent pas la reine. Celle-ci se dégagea avec une grâce toute elfique de l'étreinte chaleureuse que tentait de lui offrir son époux :

- J'ai besoin d'être seule quelques temps… de réfléchir…

Elle se dirigea vers la porte, et s'immobilisa un instant comme si elle s'apprêtait à dire quelque chose. Finalement, elle se ravisa, et quitta la chambre conjugale sans un mot, laissant Mephisto seul avec ses pensées. Il s'allongea sur le dos, le regard dans le vague.

Tout à coup, les draps lui semblèrent glacés.


Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop

"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
Le Chaud et le Froid Signry10
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