Bien qu'il se soit fait très discret - pour ne pas dire invisible - sur la scène publique ces dernières années, Mithrandir était bel et bien toujours présent dans la Cité Blanche, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'avait pas chômé. Quand il ne profitait pas des instants passés en compagnie de son épouse et de son fils, c'est dans la bibliothèque de la Tour qu'il passait le plus clair de son temps, affairé à parcourir les nombreuses lignes des ouvrages et des parchemins entreposés en ce lieu.
C'est là qu'il eut vent la première fois de la
missive des érudits. Ce matin là, alors qu'il venait de sélectionner un épais volume à étudier, son attention fut détournée par l'arrivée d'un corbeau. Il lui ouvrit la fenêtre afin de le faire entrer et de récupérer la lettre qui lui avait été adressée. Assez brève, elle faisait état de l'expédition d'un pli de la plus haute importance aux dirigeants des Peuples Libres et en résumait les grandes lignes. La lecture du message ne manqua pas de l'alarmer. Après être resté un certain temps perplexe, à observer le ciel par la fenêtre, il retourna à son ouvrage.
Les mois qui suivirent rien ne changea dans la routine du Mage, si ce n'est qu'il se montra plus assidu encore à la tâche qui était la sienne. Les jours passant, les livres et parchemins à lire se firent progressivement moins nombreux, tant et si bien qu'il arriva à une conclusion : ce qu'il cherchait n'était pas là. Il avait beau disposer d'une collection assez imposante, pour un particulier, elle n'en était pas moins lacunaire, il lui faudrait donc chercher ailleurs. Après un instant de réflexion qui dura un certain temps, il réalisa qu'il y avait un endroit auquel il n'avait pas songé auparavant, à son grand dam.
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L'Université de la Cité ! Comment ai-je pu ne pas y songer avant ?!, s'exclama-t-il en tapant du poing sur le bureau auquel il s'était installé, faisant tomber au passage quelques documents qu'il avait négligemment déposés là.
Il sortit en trombe de la pièce et dévala l'escalier. Arrivé au rez-de-chaussée il croisa Milindë qui se porta à sa rencontre, interpelée par ce vacarme, le regard interrogateur. Sans vraiment y prêter attention et sans lui répondre, Mithrandir déposa un rapide baiser sur ses lèvres, ébouriffa en souriant les cheveux de son fils qui avait suivi et continua son chemin jusqu'à la porte d'entrée de la Tour. Là il se saisit de sa cape qu'il enfila prestement, se tourna en arrière et lança à la hâte :
Je file à l'Université !* * *
Alors qu'il allait bon train vers le bas de la Cité, Mithrandir ne remarqua pas les regards des gens qui croisaient sa route, du moins au début, trop occupé qu'il était à reprendre le fil de ses pensées. Ce n'est qu'après avoir manqué de heurter une jeune femme, qui lui lança un regard apeuré alors qu'il s'excusait pour son indélicatesse, qu'il réalisa que beaucoup le dévisageaient. Il faut dire que cela faisait des années qu'il n'était sorti au grand jour. Ses précédents déplacements hors de la Tour s'étaient toujours opérés de nuit, dans la plus grande des discrétions. Pour dire vrai, il ne saurait dire pourquoi il avait pris cette habitude étrange. Il ne put s'empêcher de se dire que ça n'était guère malin d'entretenir autant de mystère sur ses allers et venues. Le bon peuple de la Cité avait sans doute du s'imaginer des tas de choses au sujet des habitants de la Tour et de leurs activités...
Une fois ce constat passé, chemin faisant, son attention se porta ailleurs. Tous ceux sur qui son regard se posait semblaient inquiets, une ombre planant sur leurs cœurs, et cette fois cela n'avait rien à voir avec la stupeur de le voir ici en plein jour. C'était autre chose. Il se tramait quelque intrigue dans la Cité, et cela n'augurait rien de bon. Arrivé à la Place des Artisans, il remarqua un attroupement. Les discussions allaient bon train. Curieux il s'approcha et se fraya un chemin jusqu'à
l'affiche placardée là. Lorsqu'il l'eut parcourue intégralement, il songea qu'il était peut-être temps de mettre un peu plus le nez dans les affaires de la Cité, quelque chose ne tournait pas rond et il s'était sans doute trop intéressé à ses livres au détriment des affaires courantes à Minas Tirith. Il lui faudrait tirer ça au clair. En outre la prudence s'imposait. Vu le climat, il y avait fort à parier que les chercheurs de l'Université ne soient pas en odeur de sainteté auprès de tous. Il reprit sa route songeur.
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