Nathanael Espion de l'Arbre Blanc
Nombre de messages : 1025 Age : 35 Localisation : Pelargir Rôle : Espion
~ GRIMOIRE ~ -: Humain -: 34 ans -:
| Dim 7 Fév 2021 - 15:10 | | La terre s’agitait encore sous ses pieds. Le sol piétiné des quais lui avait paru moins ferme que la mer houleuse des jours précédents. Ses jambes manquaient de le trahir à chaque nouvelle foulée. Il détestait cette impression. Anarion, qui l’accompagnait, l’évita aussi souvent qu’il le put et se mit à traîner loin derrière lui pour ne pas souffrir de son irascibilité. Le Navigateur s’arrêta au pied des hautes Tours Blanches. Il plissa les yeux pour scruter le sommet d’Elostirion et porta sa main en visière, aveuglé par le soleil de fin d’été qui embrasait les murs de l’édifice. Ses ancêtres s’étaient tenus là. La pierre de vision aussi. Il se retourna et fit un signe à l’enfant pour qu’il approche. — Que sais-tu de ces tours et des terres au-delà ?Anarion haussa les épaules. — Où sommes-nous ? demanda-t-il. Ils avaient poursuivi un navire venu du sud pendant de longues semaines. Le Navigateur était resté longtemps à la proue de son navire, pensif. Il avait harcelé Anarion à propos des histoires que son oncle lui avait apprises. Mais il ne semblait jamais satisfait par les réponses offertes. Les Portes de la Nuit n’étaient qu’une vieille légende à propos d’un monde au-delà des mers et Anarion n’y avait jamais prêté aucune valeur concrète. Mais le Navigateur s’acharnait à en trouver les clefs pour franchir les esprits ne savaient quelle frontière et gagner des terres immortelles. — Ce sont les collines des Tours. Les elfes les appellent Emyn Baraid. Plus loin, à l’est, se trouve un pays de petites gens. Les Periannath. — Ce sont eux qui vendent le tabac qui coûte cher ?Le Navigateur lui fit signe que oui. Son oncle s’en était fourni une fois. Il avait humé le petit paquet à plusieurs reprises. Il l’avait gardé précieusement au fond de sa poche pendant plusieurs jours avant d’oser en bourrer sa pipe. Anarion ne lui avait rien trouvé de particulier, à ce tabac. La fumée lui avait piqué les yeux comme n’importe quelle autre plante qui brûle. — Ils connaissent aussi beaucoup d’histoires, il paraît. J’ai entendu quelqu’un dire à leur sujet qu’ils gardaient toutes sortes de choses dans des trous, comme des caves. Pour les tours, je n’en sais rien, dit Anarion. Mon oncle ne m’en a jamais parlé. Mais il y avait souvent des yeux dans les tours à l’époque. — Continue. — Il y a une histoire, à propos des elfes et de vieux hommes. Ils pouvaient voir loin et entendre des choses qui n’étaient pas encore ou qui n’étaient plus. Mon père me parlait parfois d’eux, car ils pouvaient voir même au-delà des mers avec leurs yeux. Mais ils sont devenus aveugles avec le temps. Et ceux qui voient loin sont morts depuis longtemps. — Ce n’était pas des yeux, dit Le Navigateur, mais des pierres qui avaient ce pouvoir. — Pourquoi est-ce qu’on cherche des cailloux et des portes ? demanda Anarion. Je croyais que les capitaines de bateaux aimaient juste s’enrichir, boire de l’alcool et enfouir leur tête dans les seins des femmes. Vous n’êtes pas comme les autres.Il s’était reculé tout en disant cela, de peur de fâcher son maître. Mais Le Navigateur sourit. L’enfant ne se souvenait pas toujours de ce dont il avait besoin, mais il était une source d’informations importantes et il prenait du caractère à force de frotter les planches du pont. Quelque part, il l’aimait bien. — Il y a de vieilles choses qui ne doivent pas tomber entre n’importe quelles mains. Il faut les protéger, les mettre en sûreté. — Contre qui ? demanda Anarion. Et pourquoi ? Est-ce que les guerriers et les rois ne nous protègent pas contre ça ? — Les rois ne te protègent pas contre la misère et le froid. Crois-tu qu’ils lèveront le petit doigt pour secourir ta mère si de puissantes armées venaient de la mer pour envahir de lointaines côtes dont ils se souviennent à peine du nom ? — Est-ce que c’est ce qu’il va se passer ? — Non, bougre d’idiot. Mais si un homme voit ce que les autres ne peuvent voir, et sait ce que les autres ne savent pas, alors il peut faire des choses que les autres sont incapables de faire. — Alors c’est ça, dit Anarion, vous voulez faire ce que les autres ne sont pas capables de faire. Comme les hommes de l’autre bateau ? — Exactement.
Le Navigateur s’avança au milieu de l’herbe sèche et laissa Anarion à ses pensées. Ils avaient amarré le Brise-Lame au port des Havres Gris au côté d’un étrange navire à la coque fuselée et aux longs mats. Sous la brise marine, l’Églantier d’Argent étirait ses ramures de lumière. |
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