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Qui se fait brebis le loup le mangeLeif ouvrit un œil. Son corps le brûlait. La faible lueur suffisait à l'éblouir. Il scruta le plafond au-dessus de sa tête. Le silence l'entourait. La peur, elle, avait décidé de s'éloigner quelque temps. Le petit guerrier tendit son bras tremblant devant son regard. Le sang séché parsemait ses doigts, au même titre que son visage et ses vêtements. Ou plutôt les haillons qui lui restaient sur la peau. Au prix d'un gros effort, il s'assit sur la planche de bois qui lui servait de couchette.
Les dernières heures n'étaient que brouillard et douleur pour le rhûnien. Il tenta de se remémorer. Une migraine frappa à la porte de son esprit blessé. La tête entre ses mains, Leif contint la douleur en fermant les yeux comme pour empêcher sa souffrance de croître. En vain. Il bloqua sa respiration avant de cracher à plein poumon, à bout de souffle. La situation avait eu raison de son flegme habituel. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas reçu pareille correction. Il repensa à son père, au tison et au visage de sa petite sœur cachée dans le placard.
- À lui, allez.La serrure chanta et la porte de sa cellule s'ouvrit soudain. Deux ombres apparurent dans l'encadrement.
- Alors pépé, toujours pas remis ?Les deux hommes ricanèrent avant de se saisir de Leif, sans ménagement qui n'opposa aucune résistance. On le traîna à travers des couloirs sans fin, durant de longues minutes. Bientôt, des voix se firent entendre. Le bruit du métal, ça et là. Leif se laissa porter tout le long du chemin, ses pieds râclant la terre battue, les bras ballants soutenus par les colosses lui servant d'escorte. Il sombra plusieurs fois, sous le coup de la douleur continue qui s'abattait sur son corps meurtri. Une vive brûlure au bas ventre lui rappela le coup de poing dévastateur qu'il avait encaissé quelques heures auparavant. Son foie déjà attaqué par l'alcool l'avait subi de plein fouet.
- Emmenez-le à Riga. Il a besoin d'être recousu ce machin.Quelques minutes plus tard, Leif fut amené dans une petite pièce où l'odeur ambiante n'avait rien d'agréable pour les sens. Un faisceau de lumière émergeait d'un coin du plafond pour éclairer une table au centre de l'endroit. Ses guides le soulevèrent pour l'allonger sans retenue sur la table.
- On t'en amène un autre.
- J'espère qu'il sera moins récalcitrant.Une femme apparut de la pénombre. Leif eut toutes les peines du monde à poser le regard sur elle. Allongé, ébloui et migraineux, ça n'était pas sa meilleure entrée en matière avec une femme. Loin de là.
- Tiens, un modèle réduit, fit-elle.
Merci messieurs, je vous appelle quand j'ai fini.Riga s'approcha de la table. Elle souleva les lambeaux de tissus ça et là pour examiner l'ampleur des dégâts.
- Ma question te semblera peut-être sarcastique mais, où as-tu mal ?En son for intérieur, Leif avait presque envie de rire. Mais son corps tout entier lui semblait en miettes.
- Je peux... je peux vous dire où je n'ai pas mal.- Ce sera un début, grimaça la femme.
Vous êtes déjà plus loquace que le précédent. Un colosse sans cervelle, aussi poilu qu'un warg. Et aussi mauvais qu'un warg, soit dit en passant.Druss. Impossible. Leif n'en crut pas ses oreilles. Il était donc encore en vie.
- Une vraie saloperie. Mais un sacré dur à cuire. Il risque de faire sensation ici.
- Il est en vie ?Riga releva la tête.
- Il semblerait que vous vous soyez frottés aux mauvaises personnes. Mais oui, il est encore de ce monde. Pour l'instant. Mais si j'étais vous, je penserais à ma propre survie.Soudain, Leif réalisa. Il n'avait pas la moindre idée de l'endroit où il se trouvait. La seule chose dont il était certain c'est que l'endroit puait la mort et la crasse. Et au milieu de cet enfer, Riga -à travers cette bribe d'échange verbal- semblait être la seule personne le rattachant à la vie. Et à un espoir.
- Où on est ?La femme se saisit d'un scalpel. Le regard de Leif se fixa sur l'outil.
- N'aie crainte. Tu as besoin d'être rafistolé. Et crois-moi d'ici quelques jours, tu regretteras que je ne t'ai pas égorgé avec cette lame.Leif déglutit. Tout son corps se mit soudain à suer. La peur avait finalement décidé de revenir le visiter.
- Tu es à Kryam. Et son arène sera ta tombe.