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{Forteresse des Ombres} L'épreuve (épilogue) | |
| Issam Ibn Al Layl Assassin du Harad
Nombre de messages : 56 Age : 48 Localisation : Dans les ombres Rôle : Assassin
~ GRIMOIRE ~ -: Humain (Haradrim) -: 21 ans -:
| Jeu 23 Mai 2024 - 18:51 | | Le navire se rapprocha du Harondor quelques jours plus tard. Issam, accoudé au bastingage et profitant de l’air marin qui lui fouettait le visage, contemplait les formes des architectures de Al’Tyr qui se dessinaient au loin, apparaissant pour l’instant minuscules. Il était de retour chez lui, enfin. Il lui semblait être parti depuis une éternité, alors que son périple n’avait duré que quelques semaines. Mais il s’était passé tellement de choses là-bas, à Umbar, que cela lui paraissait avoir été la durée d’une vie. Une sorte d’excitation commença à brûler en lui. Le jeune homme comprit le sentiment que l’on ressentait en rentrant chez soi après un long ou court voyage. Son œil affûté perçu les formes du phare de la Forteresse des Ombres, son lieu de destination. C’est là que ses pas allaient le mener, là où tout avait commencé. C’est là qu’il allait faire part du succès de sa mission et évoluer dans la hiérarchie de la confrérie. L’Apprenti Issam Ibn Djamal allait laisser place à l’Assassin Issam Ibn Djamal.
Il sortit de sa poche le précieux document contenant les noms et les signatures de chaque commanditaire du contrat passé avec la confrérie. Les noms de Miridas, Vulnir et bien d’autres étaient inscrits sur le parchemin, sans oublier celui de Shahib, le Requin. Cette signature avait été la plus difficile à obtenir. Elle était tel le sceau apposé sur une lettre. Il chercha l’éventuelle signature de Uerton Khaan. Il paraissait peu probable qu’elle y figure, Khaan n’ayant pas assez d’envergure, mais dans le cas contraire, cela aurait été à la fois amusant et ironique. Imaginer le Serpent avoir validé le succès de son propre bourreau avant de mourir de sa lame arracha un léger sourire à Issam. Ce dernier rangea le document dans sa poche avant de descendre dans sa cabine pour rassembler ses affaires.
Presque une heure plus tard, le navire marchand accosta au port de Al‘Tyr. Son sac à dos accroché à l’épaule, ses armes et autres affaires bien rangées sur lui, Issam débarqua et se dirigea sans attendre vers la Forteresse des Ombres. Arrivé devant la grande porte qui permettait d’entrer dans l’enceinte par l'intermédiaire de la cour intérieure, le jeune homme fut pris d’un sentiment mêlant doute et appréhension. Et si, d’une manière comme une autre, les Maîtres Assassins avaient été informés des événements s’étant déroulés à Umbar ? Si sa trahison envers ses commanditaires était arrivée à leur oreilles, quelle serait la suite ? Une mort certaine sans doute, aussi rapide et impitoyable que celle qu’il avait infligée à Nacer et sa bande. Ces pensées lui firent hésiter un moment avant d’ouvrir la porte. Il fut tenté de tourner les talons et fuir, mais il avait appris une chose : nul n’échappait à la Confrérie des Ombres lorsque cette dernière prenait quelqu’un pour cible.
Après un long soupire, Issam frappa à la porte, il serait très vite fixé. Il s’annonça à l’Assassin derrière qui lui parlait au travers d’une trappe ouverte à même la porte, récita le code des assassins pour prouver son identité et s'introduisit dans l’enceinte une fois qu’on lui eut autorisé le passage.
La cour intérieur était déjà très fréquentée par divers groupes de novices et d'apprentis, occupés à s’entraîner à diverses disciplines sous l’encadrement d’instructeurs. Certains regards croisèrent celui de Issam, sans plus. Pour le moment, tout semblait bien se passer. Rien ne semblait avoir changé depuis son départ. Tout en prenant garde de ne pas gêner les pratiquants ni les instructeurs, il se dirigea vers le bâtiment principal, puis vers la salle commune après s’être annoncé et avoir informé de son retour de mission. Cette fois, il y avait plus de monde dans l’immense pièce que le jour où il avait reçu sa mission de la part d’un Maître Assassin. Là encore, des regards se levèrent vers lui à son entrée, avant de se concentrer à nouveau sur la tâche que chacun accomplissait.
Comme pour boucler la boucle, Issam se dirigea vers la même fenêtre et s’y tint debout, les mains dans le dos, exactement comme le jour de son départ pour Umbar. Mais cette fois, il était moins présentable, sa tenue déchirée par endroits et maculée de sang séché ayant perdu de sa superbe.
Debout, silencieux, fixant l’horizon, il attendait. #Issam
Dernière édition par Issam Ibn Al Layl le Dim 3 Nov 2024 - 13:07, édité 1 fois |
| | | Ryad Assad Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Nombre de messages : 2514 Age : 32 Localisation : Pelargir Rôle : Humaniste
~ GRIMOIRE ~ -: Humain -: 36 ans -:
| Mer 29 Mai 2024 - 17:36 | | Un vent frais caressait le visage du jeune apprenti, tandis que les bruits autour l’enveloppaient doucement, mélodie étrange et familière qui lui rappelait les jours d’antan. Le phare des Ombres fourmillait d’une intense activité. On s’entraînait, on se préparait, on s’affairait. Des hommes et des femmes, issus de toutes les régions de la Terre du Milieu, abandonnaient sciemment leur identité et leurs allégeances pour être reforgés, et entrer au service du maître de la Confrérie, le Hîr-Dae Hasharin. Ces tueurs affûtés, rompus aux arts guerriers, formaient une large et belle compagnie qui tenait Al’Tyr d’une main de fer. Toutefois, derrière l’apparente sérénité des Ombres, derrière leur fière allure et la beauté des tentures, quelques fissures apparaissaient. Beaucoup trop d’apprentis par rapport au nombre de maîtres. Des recrues qui semblaient moins talentueuses, moins disciplinées… La guerre contre le Harondor avait prélevé son dû, même dans la cité portuaire, et les Ombres avaient connu quelques revers récemment. L’ambiance étrange qui régnait ici n’était pas aussi apaisée et sereine que lorsque Issam s’en était allé. Un drôle de parfum flottait dans l’air, sans que nul ne pût dire s’il charriait les effluves de la pourriture, ou les fragrances d’une prochaine victoire. Tous attendaient de voir de quel côté la pièce allait tomber. Issam attendit davantage qu’il aurait pu l’espérer. Les Ombres avaient perçu son arrivée, indéniablement, mais n’avaient pas jugé utile ou nécessaire de faire passer le retour d’un de leurs apprentis en priorité. De longues minutes s’égrenèrent, rythmées par le cri des mouettes qui tourbillonnaient autour du phare, riant des efforts des Hommes cherchant à dompter la mort. Puis vint un novice, encore adolescent, qui semblait intimidé par la présence d’Issam. D’une voix douce et fort mélodieuse, il souffla : - Les Maîtres ont été informés de votre retour… Maître Krel vous fait mander, il souhaiterait vous parler. Suivez-moi.Issam n’eut qu’à suivre le jeune homme, qui le conduisit dans les recoins sombres et frais du Phare, avant de l’abandonner devant le bureau de Yarvag Krel, un des assassins les plus effrayants d’Al’Tyr… le même qui avait confié à Issam sa mission à Umbar, et qui souhaitait aujourd’hui contempler de ses propres yeux comment avait évolué son protégé. La réputation de Krel le précédait… C’était un homme d’action, avide de sang et de violence, qui avait particulièrement brillé durant la campagne des Seigneurs Pirates au Harondor. Avec d’autres assassins envoyés à Dur’Zork, la capitale de l’Émirat, il avait semé la zizanie et procédé à l’élimination de plusieurs hauts dignitaires, perturbant ainsi grandement la défense de la cité. Toutefois, on racontait qu’il avait également commis des exactions qui n’étaient pas en phase avec le code de la confrérie, sans que quiconque eût de preuves à ce sujet. On murmurait dans les couloirs qu’il avait tué une autre Ombre dans un moment de colère, ou encore qu’il avait massacré des innocents sans la moindre pitié… Depuis, Krel avait été cantonné à Al’Tyr. Il était chargé de veiller sur les apprentis en mission, et de déterminer s’ils avaient suffisamment fait leurs preuves pour être proposés au conseil, qui seul pouvait valider leur accession au rang d’Assassin. Il était craint et redouté par les novices, qui subissaient régulièrement ses accès de colère. La frustration transpirait de chacune des pores de sa peau, tandis qu’il semblait se languir du jour où il pourrait retrouver les missions et la perspective de donner la mort. Issam attendit patiemment une nouvelle fois, jusqu’à ce que la porte s’ouvrît pour laisser passer non pas la silhouette du Maître Assassin, mais celle d’une jeune femme, de toute évidence folle de rage. Une voix tonna depuis l’intérieur : - Reviens ici, Apprentie ! Je ne t’ai pas donné la permission de partir !La jeune femme se retourna, ses yeux incandescents soulignés par les tatouages qui parsemaient son visage jetant des éclairs meurtriers. Aussi tempétueuse qu’audacieuse, elle se retourna vers Maître Krel et lui cria : - C’est tout comme ! Vous me refusez le titre d’Assassin, alors que je suis meilleure que tous ces abrutis que vous recrutez ! Pourquoi ? Pourquoi me faire ça ?- Parce que tu n’es pas prête. Tu manques de discipline, de contrôle. Si tu franchis le seuil de cette porte, tu ne deviendras jamais une Ombre, et tu sais quel sort est réservé à ceux qui essaient de trahir la confrérie. Referme cette porte, et soumets-toi !La scène de ménage était d’une rare violence, et la tueuse semblait se ficher des normes et des convenances, des grades et des révérences. Fière, sûre d’elle, et terriblement arrogante, elle brûlait d’un feu intérieur si puissant que rien ne semblait capable de la contenir. Elle ouvrit la bouche pour répondre avec acidité, mais en fut empêchée par une simple voix : - Aoro, assez !Elle se figea, tout comme Issam. La voix suave et délicate avait surgi immédiatement derrière l’apprenti, en même temps qu’une main ferme venait se poser sur son épaule pour l’empêcher de paniquer et de se retourner saisi par la surprise. La femme féline qui avait réussi à tromper sa vigilance appartenait également au cercle des maîtres, mais pour beaucoup elle ne constituait pas un visage familier à Al’Tyr. On avait cru Maître Zeyan morte depuis des années, jusqu’à sa réapparition récente dans la Cité des Ombres, où elle avait brigué le rang de maître sans difficulté, en s’appuyant à la fois sur ses talents indéniables, mais également sur la puissance financière qu’elle avait réussi à construire dans l’Extrême-Harad depuis des années. Sa voix et sa présence singulières suffirent à calmer l’apprentie, qui se confondit en excuses. - Pardonnez-moi, maître… Je…- Assez, j’ai dit ! Présente tes excuses à maître Krel.La jeune femme bouillonnait de colère, mais elle s’exécuta malgré tout. - Toutes mes excuses, maître Krel. Je n’aurais pas dû vous parler ainsi. J’ai cédé à la colère.Zeyan eut un sourire entendu envers Issam, et ajouta : - Présente également tes excuses à notre jeune ami ici présent. Ton comportement n’est pas digne d’une Ombre, et il n’est pas convenable que tu te donnes ainsi en spectacle.Aoro, puisque c’était son nom, se mordit l’intérieur des joues pour ne pas hurler. S’avilir devant un maître, pourquoi pas, mais présenter des excuses à un homme qu’elle n’identifiait pas comme un Assassin ou un Maître… Quelle humiliation ? Elle choisit néanmoins d’obéir, sans se départir de son regard enflammé : - Pardonne-moi… Je regrette que tu aies dû être témoin de tout ceci.Maître Zeyan, s’estimant satisfaite, présenta à son tour des excuses à Yarvag Krel qui les accepta sans difficulté. L’homme était peut-être un sadique et un psychopathe, mais il savait aussi reconnaître le talent chez les autres, et il n’estimait pas nécessaire de faire de cette nouvelle arrivante une ennemie. Cette dernière prit congé, non sans adresser un dernier mot à l’apprenti : - À très bientôt, Issam. Bon retour chez toi.Il n’était pas arrivé au Phare depuis une heure. Il n’avait parlé qu’au seul garde en faction. Et pourtant, cette femme le connaissait par son prénom. Elle s’éloigna sans rien ajouter, flanquée d’Aoro qui se retourna pour adresser une œillade mauvaise à l’apprenti. Une œillade envieuse, peut-être ? Dès qu’elles se furent éloignées, Krel invita Issam à entrer, et à fermer la porte derrière lui. Il termina d’écrire un bref message qu’il garda dans un coin, puis déposa sa plume, croisa les mains, et leva les yeux vers le nouvel arrivant. Il prit un instant pour le jauger des pieds à la tête, s’attardant particulièrement sur les traits tirés de son visage, sur la dureté de ce regard éprouvé par la bataille, et sur ces vêtements qui semblaient avoir souffert sous les coups et les lames. - Issam, finit-il par lâcher. Tu es rentré en vie.Il ne se fendit d’aucun commentaire, mais il était évident qu’il essayait encore de contrôler la colère ressentie à l’endroit de sa précédente visiteuse. - Tu as sans doute sur toi la reconnaissance de dette de tes employeurs, n’est-ce pas ?Lorsque Issam lui tendit le document, il s’en empara et le posa sur la table sans même y jeter un œil. Toute son attention était focalisée sur le visage de l’Assassin, comme s’il cherchait à y déceler quelque chose. Puis, au bout de quelques secondes, il s’appuya confortablement contre le dossier de son fauteuil, et fit un geste évasif de la main : - Eh bien vas-y… Fais-moi ton compte-rendu. Raconte-moi comment s’est déroulée cette première mission à Umbar, qui s’est de toute évidence soldée par un succès absolu…Il croisa les bras, s’enfermant dans un silence qui permettrait à Issam de raconter tout ce qu’il avait vécu… Qu’apprendrait-il de nouveau ce faisant ? Cela dépendrait de l’Apprenti, qui se rêvait Assassin, mais qui devrait affronter cette nouvelle épreuve pour espérer y parvenir un jour. #KrelMembre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
Bourse : 3.500£ - Salaire : 3.000£
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| | | Issam Ibn Al Layl Assassin du Harad
Nombre de messages : 56 Age : 48 Localisation : Dans les ombres Rôle : Assassin
~ GRIMOIRE ~ -: Humain (Haradrim) -: 21 ans -:
| Dim 2 Juin 2024 - 18:51 | | Issam attendit ce qui lui sembla être une éternité, mais il ne s’en inquiéta pas. Les Maîtres avaient sans doute bien des affaires à régler avant de le recevoir. Il ne savait pas ce qui se tramait pour qu’il règne une telle agitation au sein de la forteresse. Il n’était pourtant parti que quelques semaines, rien de plus, mais c’est comme si de grands troubles étaient survenus pendant ce laps de temps, comme si quelque chose de grande envergure se tramait. En tout cas, Issam avait l’intuition qu’il serait très bientôt mis à contribution, si tout se passait bien, bien sûr. Pas de repos pour les braves, disait-on.
Il fut tiré de ses pensées par l’arrivée d’un novice venu l'informer qu’il était attendu par Maître Krel. Issam suivit sans discuter le jeune novice jusqu’à la porte du bureau du maître, puis le salua lorsqu’il prit congé pour retourner vaquer à quelque tâche ou s’entraîner.
Yarvag Krel, tout le monde ici ne le connaissait que trop bien. Cet homme qui tenait plus du guerrier sanguinaire et du bourreau psychopathe que de l’assassin, était quand même l’un des meilleurs instructeurs au sein de la Forteresse des Ombres. Redouté, respecté, admiré et craint, telles étaient entre autres les impressions qu’il dégageait, sans compter les funestes rumeurs qui circulaient à son sujet. Comme la plupart des novices et des apprentis, Issam avait eu l’honneur et le privilège, mais aussi la malchance de l’avoir pour instructeur en plus de bien d’autres. Dans le premier cas, c’était grâce à ses enseignements qu’il avait appris à manier les lames en combat au corps à corps avec dextérité et rapidité, que son corps avait été forgé par l’entraînement physique pour devenir une arme sachant manier des armes. Dans le deuxième cas, le jeune homme avait pu constater la rudesse et le manque total de compassion de Krel à chaque fois qu’il avait attiré sur lui son mécontentement, subissant brimades et coup lorsqu’il ne se montrait pas à la hauteur des exigences de l’instructeur durant ses entraînements, ou si les tâches qu’on lui avait confiées n’avaient pas été menées à bien ou mal menées selon lui. Dans ces moments-là, Yarvag Krel avait rappelé au jeune Issam le bienfait qui lui avait été fait d’être recueilli par la Confrérie des Ombres qui l’avait arraché à un destin misérable d’esclave et que la moindre des considérations eut été de montrer toute l’étendue de sa gratitude en donnant le meilleur de lui-même pour devenir encore meilleur et repousser ses limites. Issam lui devait d’ailleurs ses premières cicatrices corporelles. Comme beaucoup, malgré les années, malgré les rudes épreuves qu’il avait traversé, il craignait encore Yarvag Krel, mais il lui était reconnaissant d’avoir été l’un de ceux qui avaient fait de lui ce qu’il était aujourd’hui. Hormis les accès d’humeur du Maître Assassin dont il avait fait les frais, sa vie au sein de la confrérie avait été bien meilleure que ce à quoi il avait été destiné en étant capturé puis vendu sur une estrade au marché aux esclaves de Al’Tyr.
Issam resta quelques secondes à fixer la porte, sa poitrine se serrant, comme à chaque fois qu’il devait se retrouver en compagnie de Krel. C’est lui qui lui avait donné cette mission à Umbar, il était donc logique qu’il soit celui qui la validerait ou non. Mais cela n’empêchait pas Issam d’être quelque peu nerveux et inquiet. Comme tant d’autres ici, il n’était pas encore totalement libéré de l’emprise que le Maître des Ombres avait sur lui.
L’Apprenti se demandait s’il devait simplement attendre qu’on lui ouvre ou frapper à la porte, lorsqu’un jeune femme recouverte de tatouages faciaux sortit comme une furie du bureau de Maître Krel, libérant par la même Issam de son dilemme. A première vue, elle semblait être dans la même tranche d’âge que lui. Il ne pouvait donc pas s’agir d’un Maître Assassin car beaucoup trop jeune, ni d’une novice car trop âgée. Une apprentie ou un assassin confirmé, sans doute. La première option fut confirmée par la voix familière de Yarvag Krel qui lui intima l’ordre de retourner sur ses pas. Sa voix claquait comme un coup de tonnerre. Et malgré cela, la jeune Apprentie lui tenait tête. Issam n’avait jamais vu une chose pareille. Bien qu’il gardait extérieurement la tête froide, ne montrant pas ses émotions, intérieurement, il n’en revenait pas. Était-elle folle, stupide, ignorante de qui elle avait à faire ou extrêmement confiante dans ses capacités pour oser faire une chose pareille ? Ou peut-être tout cela à la fois ? En tout les cas, elle était culottée. Par ailleurs, Issam n’apprécia pas qu’elle se permette de dénigrer les autres. Bien évidemment, il le prit également pour lui. Qui donc était-elle pour se croire meilleure que ses pairs ? De quel droit se permettait-elle d’insulter les autres ? Elle était aussi colérique et impulsive que Krel et semblait avoir du courage, mais ça n’en faisait pas ce qu’elle prétendait être. En tout cas, elle n’était pas familière à Issam qui ne se souvenait pas l’avoir déjà vu durant sa jeunesse passée au sein de la forteresse.
Son animosité contenue pour la jeune femme arrogante et irrespectueuse fut éteinte lorsqu’une main ferme se posa sur son épaule, accompagnée d’une voix féminine venant de derrière lui. Il ne reconnu pas la femme à la peau d’ébène qui venait calmer le feu de la colère de la dénommée Aoro, mais il su d’instinct qu’il avait affaire à quelqu’un d’au moins d’aussi grande envergure que Yarvag Krel. Très protocolaire dans l’âme, Issam inclina la tête en guise de salutation respectueuse, mais sa bouche resta scellée. Il fit un léger pas de côté pour laisser libre court à l’échange entre les deux interlocutrices. En tout cas, la simple présence de la femme noire calma tout de suite Aoro qui par ses paroles, confirma qu’il s’agissait bien d’un Maître au sein des Ombres. Mais Issam ne se souvenait pas l’avoir déjà croisé un jour dans la forteresse. Sans doute venait-elle d’une autre cellule.
Issam rendit son sourire à la femme en lui en adressant un plus furtif et plus léger, mais non moins courtois ni respectueux, avant d’acquiescer aux plates excuses de Aoro à son encontre, toujours dans un silence de mort.
Après que la dame se fut excusée elle aussi auprès de Krel, bien qu’elle semblait ne rien à voir dans cette histoire, elle se retira, non sans s’adresser une dernière fois à Issam. Bien qu’il fut surprenant qu’elle connaisse son nom, ça ne l’était pas tant que ça. Après tout, les Assassins les plus aguerris de la Confrérie des Ombres possédaient bien des capacités et avaient des yeux et des oreilles partout. Il ne paraissait pas difficile pour un Maître Assassin, même extérieur à la forteresse de Al’Tyr, de savoir exactement à qui elle s’adressait.
Issam ne lâcha pas du regard Aoro lorsque celle-ci le toisa d’un œil mauvais. Son regard à lui était plutôt neutre, n’affichant aucune émotion particulière. Il ne la craignait ni ne la sous-estimait, car s’il avait bien appris une chose, c’était de toujours se méfier de quiconque et considérer autrui comme une menace sérieuse afin de ne pas baisser sa garde. Cela dit, si cette Aoro le cherchait, elle allait le trouver et il lui montrerait de quoi il était fait. Il était cela dit dommage qu’il se soit fait une potentielle ennemie à peine rentré de mission. Après tout, il n’était pas responsable de l’échec de la jeune femme et n’avait pas à s’excuser pour ça.
- Entre, claqua la voix de Krel depuis son bureau, ramenant Issam à ses priorités.
Le jeune homme ne se fit pas attendre et pénétra dans la pièce avant de refermer la porte derrière lui. Il resta debout, immobile et silencieux, n’attendant de parler que lorsque Krel s’adresserait à lui.
- Issam… Tu es rentré en vie.
En vie oui, mais dans quel état ? Le Maître des Ombres pu constater de ses yeux l’allure pitoyable de son apprenti qui en avait vu des vertes et des pas mûres à Umbar.
- Oui Maître, se contenta de répondre Issam.
- Tu as sans doute sur toi la reconnaissance de dette de tes employeurs, n’est-ce pas ?
- Oui Maître, la voici.
Disant ça, Issam sortit de sous sa tenue déchirée le précieux document et le tendit à Krel qui le saisit sans vraiment s’y intéresser.
Les émotions qui tourbillonnaient dans la poitrine de l’aspirant assassin étaient un mélange d’espoir, celui d’être enfin validé et pouvoir véritablement commencer à travailler au sein de la confrérie, mais aussi d’inquiétude devant l’attitude quelque peu énigmatique de son interlocuteur qui le fixait sans même chercher à savoir si le document posé sur son bureau était aussi authentique que complet.
Et c’est là que les choses se corsèrent.
- Eh bien vas-y… Fais-moi ton compte-rendu. Raconte-moi comment s’est déroulée cette première mission à Umbar, qui s’est de toute évidence soldée par un succès absolu…
Cette question, Issam l’avait redouté depuis longtemps, autant qu’il avait caressé l’espoir que Krel ne se donnerait pas la peine de lui demander comment ça s’était passé vu qu’il avait devant lui la preuve que son protégé avait fait ce qu’il était censé faire.
Que dire, que faire ? Krel donnait l’impression qu’il savait déjà tout du déroulement de la mission de l’Ombre et qu’il ne faisait que tester son apprenti pour voir s’il aurait le courage de dire la vérité… Mais d’un autre côté, Issam n’était pas certain que le Maître Assassin ait eu quelconque connaissance des faits. Tout cela n’était peut-être que du bluff, à moins qu’il attendait que le jeune homme lui confirme ce qu’il savait déjà pour justifier une punition.
- Eh bien Issam, aurais-tu perdu ta langue ? J’attends !
Le jeune homme déglutit avant de serrer la mâchoire, puis se lança.
- Non Maître, j’essayais juste de trouver les bons mots pour rendre cela intéressant, mais je crains d’être un piètre narrateur alors je vais être le plus direct possible. Ce fut une mission difficile. C’est la première fois que je devais approcher une cible non pas pour la tuer, mais pour la tromper. J’ai réussi à sympathiser avec Lucinia Nakâda pour gagner sa confiance et œuvrer à sa chute. Finalement, c’est ce que j’ai réussi à faire, mais ça n’a pas été simple. Il semblerait que certains des alliés de nos commanditaires n’étaient pas au fait de qui j’étais et ont tenté de me tuer, il a fallu que je fasse couler du sang. Mais Nakâda a tout perdu, jusqu’à son manoir et son titre de marchande. Elle n’était plus rien et ne pouvait plus faire ombrage à nos commanditaires.
Issam s’interrompit, se contentant de fixer froidement Yarvag Krel, bien que cette froideur dissimulait crainte, inquiétude et appréhension. Il s’était montré le plus évasif possible en n’omettant pas les détails qui ne pouvaient être éludés.
Toujours immobile et fixant son interlocuteur, Issam attendait silencieusement la réaction de ce dernier suite à ce court récit qui n’était pas totalement mensonger.
Dernière édition par Issam Ibn Djamal le Sam 15 Juin 2024 - 20:09, édité 1 fois |
| | | Ryad Assad Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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~ GRIMOIRE ~ -: Humain -: 36 ans -:
| Ven 14 Juin 2024 - 23:12 | | Krel ne lâchait pas Issam du regard. Il avait des yeux malveillants, sournois, qui semblaient capables de sonder l’âme des vivants et de percer à jour les mensonges d’un Apprenti encore bien jeune et bien inexpérimenté. Chaque mot prononcé était soupesé, analysé, évalué. Le contenu de l’échange serait ensuite passé au crible par les Maîtres Assassins, qui détermineraient collectivement si leur jeune élève avait fait ses preuves, et s’il méritait enfin de franchir un cap au sein de la Confrérie, ou s’il devait poursuivre sa formation. Le refus, Issam en avait été témoin personnellement, était de l’ordre du possible. Aujourd’hui, rien ne garantissait qu’il parviendrait à obtenir le rang d’Assassin… Ni même que les Ombres accepteraient de continuer à le former. Et pourtant, il avait encore tant de choses à apprendre… Le Maître Assassin garda le silence, laissant Issam aller au bout de son récit, sans jamais marquer le moindre signe d’étonnement ou de contrariété. Il le laissa expliquer sobrement les difficultés qu’il avait pu rencontrer au cours de son périple à Umbar, mais également ce qui pouvait justifier de la réussite de sa mission, et enfin conclure par le sort de Lucinia Nakâda, sa cible principale. Les efforts qu’il fit pour garder son sang-froid en abordant des épisodes pourtant difficiles – voire douloureux – de sa mission étaient admirables. Lorsque l’Apprenti conclut son intervention, Krel resta muet un instant, avant de lâcher un profond soupir. - La Cité du Destin est un endroit bien curieux, n’est-ce pas… ?Il se leva, et s’approcha de la fenêtre de son bureau, qui jetait une belle lumière à l’intérieur de la pièce. Ses yeux s’égarèrent un instant sur le ciel azuré, parsemé de quelques nuages. Il semblait voir quelque chose qui échappait aux yeux d’Issam. Nouveau soupir. - Certains y font fortune, contre toute attente. Certains y trouvent tout bonnement la mort, au hasard d’une ruelle mal famée. Certains retrouvent des parties d’eux-mêmes, perdues depuis fort longtemps… D’autres au contraire s’y égarent, s’éloignent de leur voie et de leurs serments… C’est vraiment un endroit tout à fait étonnant, dont on revient rarement inchangé. As-tu changé, Issam ?La question, au détour d’une phrase anodine, était destinée à déstabiliser le jeune Apprenti. A le faire douter… mais également à le faire réfléchir sur le sens profond de son périple et de sa mission. Nul ne revenait véritablement indemne d’une première mission en solitaire… a fortiori quand elle présentait autant de difficultés que celle d’Issam. Krel – et sans doute le conseil – était sincèrement curieux de savoir en quoi le jeune assassin avait vacillé, les doutes qu’il avait pu rencontrer. L’heure était au bilan. Devant la brève hésitation de son élève, le Maître Assassin précisa : - À part cette entêtée d’Aoro, dont la fierté mal placée mériterait un bon coup de pied au cul si tu veux mon avis, tout le monde change… Celui qui te dira qu’il ne change pas est un menteur, ou un fou. Ou une petite écervelée qui pense n’avoir rien à apprendre de personne… Mais j’ai bon espoir que tu comprennes, toi.Il n’ajouta rien, mais l’insinuation était claire. Krel avait choisi son poulain parmi les Apprentis qui aspiraient à obtenir le rang d’Assassin, et il comptait bien davantage sur la rigueur et la droiture morale d’Issam que sur la fougue et le caractère flamboyant d’Aoro. Pourtant, les rumeurs qui couraient sur lui laissaient deviner une facette plus sombre, et on disait de Yarvag Krel que la colère était sa plus fidèle conseillère. Pourquoi, dès lors, appuyer un jeune homme qui semblait aux antipodes de cette façon de fonctionner ? A moins qu’il eût repéré chez Issam quelque chose de familier, dans lequel il plaçait sa confiance… voire dans lequel il se reconnaissait ? Un Maître Assassin tel que Krel pouvait-il être trompé ? Ou bien voyait-il des choses qu’Issam ne décelait pas encore chez lui ? Seul l’avenir le dirait. ~ ~ ~ ~ Aoro fulminait de rage, les poings serrés, la mine renfrognée. Elle s’efforça de ne pas dire mot, cependant. Maître Zeyan n’était pas satisfaite, de toute évidence, il valait mieux ne pas s’attirer ses foudres. L’Apprentie l’avait appris à ses dépens. Elles gravirent les marches qui menaient aux parties communes, là où les Apprentis se restauraient après une longue journée d’entraînement, et s’installèrent face à face dans un silence de mort. La colère d’Aoro retomba… et se mua en crainte. Maître Zeyan se servit un verre de vin, et le sirota avec un détachement feint qui terrifia la jeune fille. - Maître, je…- Silence, Aoro.Elle s’exécuta, baissant la tête honteusement. Zeyan s’accorda encore de longues minutes, au cours desquelles elle jaugea avec soin les paroles qu’elle allait prononcer. Elle savait qu’elles seraient lourdes de conséquence, et elle préférait ne pas se tromper quant à la meilleure manière d’amener les choses. Finalement, elle choisit l’option directe, et lâcha brutalement : - Tu ne deviendras jamais une Ombre, Aoro.Stupeur. - Le Conseil reconnaît tes talents… Tu es une des élèves les plus prometteuses qu’on ait vu passer entre ces murs depuis fort longtemps. Tu es redoutable, et fière, et belle… Mais tu es aussi dangereuse pour tes ennemis que pour tes frères et sœurs de la Guilde. Tu ferais une tueuse merveilleuse… mais pas une Ombre parmi les Ombres.Les larmes ne coulèrent pas sur le visage juvénile de l’Apprentie, mais une lueur meurtrie passa dans son regard. C’était la pire de toutes les trahisons, le plus violent de tous les abandons… Elle qui avait cru pouvoir trouver une famille au sein de la Confrérie, elle qui avait cru pouvoir enfin exister aux yeux de quelqu’un, être reconnue… Être aimée… Tout cela s’effondrait. - Maître, je vous en prie… Je vous en supplie…Elle tomba à genoux, mains jointes, comme une esclave quémandant la pitié de son propriétaire. La gifle qu’elle reçut claqua dans l’air de manière cinglante. Zeyan la regardait avec mépris : - Relève-toi, idiote ! Je n’ai pas vu en toi une femme servile et pleutre, lorsque je t’ai sortie de la boue et de la misère… Comment oses-tu trahir ainsi mes enseignements ?Une main sur la joue, comme une enfant se faisant réprimander par sa mère, Aoro se redressa et prit de nouveau place en face de Zeyan. Elle ne savait pas quoi faire. Ses yeux trahissaient son incompréhension, son doute, son désespoir. Elle balbutia : - S-Si je ne deviens pas une Ombre… Que m’arrivera-t-il ?- La Guilde te tuera. Discrètement. Tu en sais beaucoup trop au sujet de nos activités. Le Conseil jugera qu’il est dangereux de te laisser vivre et arpenter seule le monde. Ils te laisseront une journée d’avance… puis ils lanceront quelqu’un à tes trousses… Il se peut que tu l’aies déjà rencontré, d’ailleurs.Cette description pétrifia la jeune fille sur place. - Maître… Dites-moi quoi faire pour prouver au Conseil que je suis digne… Je vous en p… S’il-vous-plaît.Zeyan croisa les mains devant son visage. - Il y a peut-être un moyen…~ ~ ~ ~ Krel avait écouté avec grande attention la réponse d’Issam. Il avait laissé l’Apprenti aller chercher profondément dans ses souvenirs, se laisser de nouveau imprégner par les émotions qu’il avait pu ressentir, par les questionnements qui avaient pu le traverser, et qui contribueraient à faire de lui un Assassin plus complet. Il se montra attentif à tout, au moindre détail, au moindre silence, à la moindre inflexion de voix. La vérité se cachait bien souvent dans ce qu’on ne disait pas. Puis, ayant laissé Issam parler un moment, il reprit sur son ton neutre : - Cette Lucinia Nakâda a visiblement de la ressource. Cette mission était sans doute plus difficile que nous l’avions anticipé au départ, et je peux imaginer que tu as dû rencontrer nombre d’obstacles, même si tu as réussi à mener à bien ta mission. Nos informateurs ont effectivement rapporté que son empire avait été dépecé, incendié par un « tueur » inconnu. Sans doute l’œuvre d’un fils de la Confrérie.Krel était loin de la vérité. L’épisode traumatique avait au contraire rapproché Lucinia et Issam, qui avaient dû travailler ensemble pour échapper aux sicaires envoyés à leurs trousses. L’incendie de sa demeure avait bien failli coûter la vie à l’Apprenti, qui avait dû son salut à la réactivité de la jeune femme. Sans elle, il aurait probablement fini brûlé vif aux ordres de ses commanditaires. Krel sourit pour lui-même, avant de se retourner. - Tu seras sans doute étonné d’apprendre que Nakâda s’est relevée de ce revers. Elle a non seulement réussi à se venger de ceux qui ont souhaité sa chute, mais surtout elle a réussi à retrouver son titre de Grande Marchande, et elle est désormais à la tête d’un empire plus grand encore que celui dont elle disposait avant ton intervention. Ironique.Son regard ne cillait pas. - On dit même qu’elle a trouvé l’appui d’un assassin, dans son entreprise…L’atmosphère dans la pièce devint glaciale subitement. Krel savait exactement ce qu’il faisait, et il avait choisi ses paroles avec grand soin pour jauger les réactions d’Issam et mieux déterminer quel sort lui serait réservé par la suite. Il ne fut pas difficile pour l’homme expérimenté qu’il était de déceler le trouble chez l’Apprenti, sans qu’il en comprît la profondeur. - Cet assassin répond au nom de Za’Shin… C’est un homme difficile à approcher, mais qui intéresse particulièrement la Confrérie. Que sais-tu à son sujet ?La question, telle qu’elle était posée, ne laissait guère de marge de manœuvre à Issam. Ce dernier ignorait encore ce que Krel connaissait ou non de son périple à Umbar, et il n’était pas encore tout à fait tiré d’affaire. La ligne qui séparait un mensonge salvateur d’une vérité coupable s’amincissait à vue d’œil, et l’obligeait à réfléchir vite à ce qu’il allait dire, tout en laissant transparaître le moins de choses possible sur son visage… Mais cela suffirait-il à abuser un Maître Assassin de la Guilde des Ombres ? Rien n’était moins sûr. Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
Bourse : 3.500£ - Salaire : 3.000£
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| | | Issam Ibn Al Layl Assassin du Harad
Nombre de messages : 56 Age : 48 Localisation : Dans les ombres Rôle : Assassin
~ GRIMOIRE ~ -: Humain (Haradrim) -: 21 ans -:
| Sam 15 Juin 2024 - 21:27 | | - La Cité du Destin est un endroit bien curieux, n’est-ce pas… ?
Issam ne su pas quoi répondre tout de suite, se contentant de suivre Yarvag Krel du regard lorsque ce dernier quitta sa chaise pour perdre son regard au travers de l’unique fenêtre de son bureau. Cette réaction de la part du vieil homme lui paraissait bien étrange, comme s’il n’avait cure de tout ce que l’apprenti venait de lui raconter. Et puis, pour quelqu’un comme Issam qui avait passé la majorité de sa jeune vie à Al’Tyr, tout autre endroit paraissait curieux.
Le jeune homme n’eut pas le temps de répondre, car son interlocuteur reprit :
- Certains y font fortune, contre toute attente. Certains y trouvent tout bonnement la mort, au hasard d’une ruelle mal famée. Certains retrouvent des parties d’eux-mêmes, perdues depuis fort longtemps… D’autres au contraire s’y égarent, s’éloignent de leur voie et de leurs serments… C’est vraiment un endroit tout à fait étonnant, dont on revient rarement inchangé. As-tu changé, Issam ?
Les paroles de Krel frappèrent le cœur du jeune homme tels de puissants coups de marteau. Par cette déclaration, il venait de résumer toute la mission de l’Apprenti… C’était comme s’il savait exactement tout ce qui s’était passé là-bas, comme s’il y avait assisté lui-même… Comme si… Comme si Krel voulait faire comprendre à Issam qu’il connaissait la vérité que ce dernier s’évertuait à dissimuler. Comment réagir, que faire, quoi faire, que dire, que répondre ?
Il eut à nouveau un court répit lorsque le Maître Assassin poursuivit :
- À part cette entêtée d’Aoro, dont la fierté mal placée mériterait un bon coup de pied au cul si tu veux mon avis, tout le monde change… Celui qui te dira qu’il ne change pas est un menteur, ou un fou. Ou une petite écervelée qui pense n’avoir rien à apprendre de personne… Mais j’ai bon espoir que tu comprennes, toi.
Issam repensa à ce fameux moment où; après avoir été tabassé par Makhtar et retenu en otage par Lucinia, des mercenaires étaient venus les attaquer. Il avait dû se défendre, en tuer bon nombre tout en protégeant la marchande qui lui avait sauvé la vie lorsqu’elle avait planté une lame dans le dos du dernier agresseur contre lequel il était à ce moment là en bien mauvaise posture. Puis peu de temps après, cet incendie qui réduisait le domaine des Nakâda en cendre, cette fumée étouffante brûlant les poumons, arrachant des quintes de toux. Tout cela ne paraissait rien comparé à se retrouver seul en compagnie de Yarvag Krel, à devoir peser chaque mot pour éviter de terminer la gorge tranchée. Quitte à choisir, Issam aurait préféré revivre mille fois ces pénibles moments à Umbar plutôt que d’être là, avec cette impression d’être pris au piège dans la toile d’une araignée géante et démoniaque.
Mais il n’avait pas le choix. Il devait affronter son mentor et passer cette ultime épreuve afin de poursuivre sa route et gravir les échelons de la Confrérie… Ou échouer et mourir misérablement. Il n’y avait pas de demie mesure ici, c’était quitte ou double. Alors il fallait répondre quelque chose, chercher au plus profond de lui-même tout ce qu’il avait pu ressentir là-bas, essayer de donner du contenu à Krel tout en ne se trahissant pas lui-même.
- J’ai… Ressenti beaucoup de choses durant mon périple, Maître. J’ai été émerveillé par le paysage marin qui s’offrait à mes yeux durant mon voyage vers Umbar. J’ai été sidéré par la taille de Umbar et le nombre de ses habitants. Je me sentais presque écrasé dans cette masse grouillante que je n’avais jamais vu auparavant, même ici à Al’Tyr. J’ai vu une ville séduisante, belle, merveilleuse, mais aussi dangereuse et impitoyable. Je me ;suis pris d’affection et de compassion pour un pauvre gamin des rues, j’ai eu des doutes quant à ma capacité à mener ma tâche à bien et même à en sortir en vie. J’ai ressenti de l’amertume et de la colère envers… Certaines injustices dont j’ai été témoin...
Issam s’arrêta. Il venait de réaliser qu’il s’était plongé dans ses souvenirs au point d’en perdre son flegme. Son ton s’était avéré passionné et non monocorde. Il venait peut-être de commettre une faute aux yeux de Krel en perdant ainsi son flegme. Pire, il avait failli révéler son courroux contre ses commanditaires et sa trahison envers ces derniers. Mais après tout, n’était-ce pas eux qui l’avaient trahis en premier ? Qui l’avaient poussé à rompre son engagement pour s’allier avec sa cible afin d’exercer sur eux sa vengeance ? Si, c’était eux les responsables de tout ça. Ils n’avaient pas respecté leur part du contrat, la réponse de Issam lui avait semblé appropriée après tout.
Le jeune homme inspira et expira le plus discrètement possible pour chasser ses pensées et ses émotions afin de retrouver son flegme. Toujours droit comme un “i”, il fixa Yarvag Krel, attendant la réaction de ce dernier… Qui ne se fit pas attendre.
- Cette Lucinia Nakâda a visiblement de la ressource. Cette mission était sans doute plus difficile que nous l’avions anticipé au départ, et je peux imaginer que tu as dû rencontrer nombre d’obstacles, même si tu as réussi à mener à bien ta mission. Nos informateurs ont effectivement rapporté que son empire avait été dépecé, incendié par un « tueur » inconnu. Sans doute l’œuvre d’un fils de la Confrérie.
Les dires du Maître-Assassin confirmèrent les soupçons de Issam. Son interlocuteur avait bien des yeux et des oreilles qui avaient surveillé la progression de l’Apprenti à Umbar. Cela dit, la version n’était pas tout à fait exacte. Était-ce vraiment ça qu’on lui avait rapporté ou s’agissait-il d’une manœuvre, d’un mensonge visant à jauger la réaction du jeune homme ? Encore une fois, Issam ne savait pas trop comment réagir. Il songea à lui avouer que l’incendie n’était pas de son fait, mais il se tût, craignant que cette révélation amène de nouvelles questions encore plus embarrassantes et déstabilisantes.
- Tu seras sans doute étonné d’apprendre que Nakâda s’est relevée de ce revers. Elle a non seulement réussi à se venger de ceux qui ont souhaité sa chute, mais surtout elle a réussi à retrouver son titre de Grande Marchande, et elle est désormais à la tête d’un empire plus grand encore que celui dont elle disposait avant ton intervention. Ironique.
Par cette révélation, Krel montra à Issam qu’il savait bien plus de choses que le jeune homme ne l’espérait. Si l’Apprenti s’était contenté de faire ce qu’on lui avait dit, s’il n’y avait pas eu d’écart, il aurait été heureux de constater jusqu’à quel point on ne pouvait rien cacher à la confrérie. Mais dans le cas présent, c’était fâcheux… De son point de vue.
- Je vois, se contenta-t-il de répondre laconiquement.
- On dit même qu’elle a trouvé l’appui d’un assassin, dans son entreprise…
A cette information, Issam déglutit nerveusement tout en s’efforçant de garder bonne figure. Il continuait de fixer Yarvag Krel, mais il commençait sérieusement à douter de ressortir en vie du bureau.
- Il s’agit d’un certain Tarik, un jeune homme qui te ressemble trait pour trait… Étrange, n’est-ce pas.
La voix de Krel résonnait dans sa tête, tout comme il voyait le vieil homme le toiser d’un regard aussi glacial qu’inquisiteur.
Voilà la courte scène qui s’était matérialisée dans l’imaginaire de Issam, le fruit de son angoisse. Mais elle fut aussitôt étouffée tel un feu privé d’oxygène par Krel qui poursuivit, réellement cette fois.
- Cet assassin répond au nom de Za’Shin… C’est un homme difficile à approcher, mais qui intéresse particulièrement la Confrérie. Que sais-tu à son sujet ?
Issam ne s’attendait vraiment pas à ça. Za’Shin, ce vieil homme, un assassin !? Une éventuelle cible pour la confrérie qui plus est !? Comment était-ce possible ? Il n’avait pas été très actif durant “l’assaut” dans le bureau de Shahib le Requin. Il cachait sans doute bien son jeu, Nesrine servant à attirer l’attention pour lui assurer plus de discrétion. Mais cela voulait aussi dire que Krel savait quelque chose sur la relation entre eux et Issam. Il ne mentionnait d’ailleurs pas Nesrine, pourquoi ? Qui lui avait raconté tout ça ? Qui lui avait menti ? Ou peut-être était-ce encore lui qui mentait pour tester Issam. Mais il savait forcément quelque chose, sans quoi il ne passerait pas son temps à manoeuvrer pour pousser le jeune homme à la faute.
Il fallait se l’avouer, il se sentait acculé. Il fut tenté de dire toute la vérité, se confesser en espérant que cela lui soit favorable, mais il craignait beaucoup trop la psycho rigidité de la plupart des membres de la confrérie pour qui Issam aurait trahi son serment, ni plus ni moins, mais surtout, il craignait que cela n’attire sur lui rien d’autre que le courroux vengeur, impitoyable et violent de Yarvag Krel. Encore une fois, il fallait bien répondre quelque chose. La seule arme qu’il lui restait, en dehors de l’honnêteté, était le bluff.
- Les seuls assassins que je connais sont mes frères et sœurs de la Confrérie des Ombres, Maître… Et encore, je ne les connais pas tous. En tout cas, je ne connais aucun assassin du nom de Za’Shin.
D’un certain point de vue, c’était vrai. Issam avait connu un vieil homme, mais non un assassin du nom de Za’Shin… Pas officiellement en tout cas.
- Il appartient à la Confrérie ? Et pourquoi aurait-il aidé Nakâda ? Avait-il un intérêt à le faire où a-t-elle fait appel à la Confrérie des Ombres pour l’aider à se venger ?
Par ces questions, Issam jouait la carte de l’audace, cherchant lui aussi à savoir ce que Krel semblait s’évertuer à dissimuler. Encore une fois, c’était quitte ou double. Il allait être bientôt fixé, mais s’il faisait appel à toute son autodiscipline pour afficher une apparence calme et assurée, à l’intérieur, il bouillonnait d’angoisse.
Dernière édition par Issam Ibn Djamal le Mar 18 Juin 2024 - 9:04, édité 1 fois |
| | | Ryad Assad Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Nombre de messages : 2514 Age : 32 Localisation : Pelargir Rôle : Humaniste
~ GRIMOIRE ~ -: Humain -: 36 ans -:
| Lun 17 Juin 2024 - 13:28 | | Krel écouta le récit de son jeune Apprenti avec beaucoup d’attention. Les descriptions d’Umbar et de ses charmes firent remonter d’étranges souvenirs dans son esprit. La ville gigantesque, bouillonnant de vie et d’énergie, était un repaire idéal pour tous les brigands et les forbans de la Terre du Milieu. Un lieu idoine pour un assassin. Il y avait lui-même fait ses armes, et avait impressionné ses maîtres de l’époque grâce à son zèle destructeur… Il connaissait bien la ville, ses ruelles tortueuses, ses gens bigarrés, ses coutumes étranges. Cette effervescence permanente, décuplée depuis l’invasion du Harondor par les troupes de Taorin, lui manquait.
En comparaison, Al’Tyr était bien calme… et bien plus exposée.
Il y régnait une atmosphère étrange, un flottement désagréable qui ne seyait guère à l’homme d’action et de terrain qu’il était toujours au fond. Ses entraînements quotidiens et intensifs ne suffisaient pas à maintenir ses sens pleinement en éveil. Il avait besoin de cette excitation du combat, de ce frisson de la mort imminente… Cloîtré ici, il dépérissait.
- Ah l’affection… La compassion… De nobles sentiments…
Il imaginait fort bien Issam entrer en contact avec la misère et la pauvreté qui régnaient dans les rues de toute grande ville en Terre du Milieu, et s’étonner de cette situation. Après tout, le Code des Ombres insistait sur le partage et sur la reconnaissance de chacun selon son rang. Du Hîr-Dae au novice, il n’y avait pas autant de différence qu’entre un nobliau de bas étage et un mendiant. Le premier, tout bouffi d’orgueil et de suffisance, se complaisait dans le prestige que lui conférait son nom, heureux d’avoir eu une mère prête à ouvrir les cuisses à un sang bleu sans doute trop pauvre pour conclure une meilleure alliance… Quant au second, comment ne pas prendre en pitié l’enfant qu’Issam aurait pu devenir, si les circonstances avaient été différentes ?
- Ce monde est injuste. Tu t’en rendras compte lors de chacune de tes missions… Notre métier nous amène à évoluer entre deux royaumes : celui des pauvres et des miséreux, qui rampent dans les ombres où nous avons élu domicile. Et celui des riches et des puissants, qui nous paient et nous commandent de délivrer la mort. Il te faudra trouver comment avancer sur le fil d’une lame, en équilibre précaire, sans basculer totalement d’un côté, ou totalement de l’autre.
Il soupira.
- Certains ici te diraient qu’il est dangereux d’éprouver des sentiments. Que la colère est mauvaise conseillère. Elle peut l’être, parfois… Elle est une maîtresse terrible, pour qui ne sait pas la dominer. Crois-moi. Mais cela signifie-t-il que nous devons oublier qui nous sommes ? Que vaudrait une Ombre incapable de distinguer le vrai du faux, le Bien du Mal ? Il y a de la fougue en toi, Issam, et comme je te l’ai dit, tu marches aujourd’hui sur le fil d’une lame. Garde bien cette image à l’esprit, lorsque tu prendras une vie à l’avenir. Le fil d’une lame. Voici ce qui sépare l’Assassin du boucher ou du justicier.
Yarvag Krel était un homme troublant. Cette confession, qui ressemblait à un conseil avisé de la part d’un membre éminent de la Confrérie, avait également des accents de mise en garde. Un avertissement que d’aucuns auraient pu percevoir comme une menace, mais ce n’était pas ce qui ressortait de son ton apaisé. Au contraire… c’était comme s’il prévenait Issam de quelque chose de plus grand, de plus dangereux encore. Lui aussi évoluait sur un fil, entre sa loyauté aux Ombres, et ses propres convictions qu’il transmettait à son Apprenti.
Issam devrait se faire son propre avis entre ces deux visions, qui craquelaient la vision lisse qu’il avait pu entretenir des Ombres.
Comme toute société, la Confrérie était traversée par ses propres divisions, ses propres lignes de fracture.
Lorsque la conversation bifurqua brutalement sur le sujet de Za’Shin, Krel se montra particulièrement attentif aux réactions d’Issam. Il ne put manquer de remarquer un léger trouble chez ce dernier, mais il était difficile de l’interpréter véritablement. Après tout, le jeune assassin pouvait légitimement plonger à la recherche d’un souvenir qui lui échappait, et s’égarer en chemin en cherchant à se souvenir d’un visage ou d’un nom. La réponse qu’il donna au Maître, toutefois, laissa ce dernier perplexe. Ses yeux s’étrécirent légèrement, comme s’il sondait le cœur de son élève à la recherche de la vérité… L’examen ne dura pas plus de quelques secondes, et il s’acheva sur un sourire entendu, qui incita Issam à poser quelques questions tout à fait justifiées en la circonstance.
Une défense habile.
- Za’Shin… Commença-t-il, avant de s’interrompre.
Il soupira.
- Za’Shin a fait partie de la Confrérie, jadis… Il fut, pour un temps du moins, mon élève, avant que des… divergences… ne le poussent à quitter les Ombres. Une décision qui ne peut rester impunie, évidemment.
Il ne racontait à Issam qu’une partie de l’histoire, pour lui épargner un récit long et fastidieux. En réalité, Za’Shin avait été bien davantage qu’un Apprenti en quête de gloire. Il avait fait partie de cette génération dorée d’Assassins du Harad qui avaient accepté de rejoindre les rangs des Ombres, et avait failli occuper le rang de Maître lui-même. Il avait joué un rôle dans la prise d’Al’Tyr, et avait obtenu la totale confiance de la Guilde. Toutefois, il avait toujours été prompt à questionner les ordres, à remettre en cause le bien-fondé d’un contrat, et à se laisser envahir par des préoccupations morales. Sa noblesse d’âme ne lui avait pas permis de supporter les dérives de la Confrérie, notamment quand elle avait commencé à jouer un rôle plus politique. Il avait eu une franche dispute avec le Conseil au sujet de l’association avec certaines des grandes fortunes du Harad et d’Umbar, dont il disait qu’ils utilisaient la Confrérie pour étendre leur pouvoir, écraser leurs opposants, et faire régner la terreur.
- Je ne crois pas que Nakâda l’ait recruté directement… Encore une fois, il est difficile de l’approcher. Je crois plutôt qu’il y a vu une opportunité de mettre à mort le Grand Marchand Shahib… Mais pourquoi prendre le risque de s’exposer ainsi pour tuer un seul homme ? Cela, je l’ignore.
De toute évidence, Krel était sincère sur ce dernier point.
Il reprit :
- Ce n’est pas une mission qui te sera confiée, rassure-toi. Quand il a quitté les Ombres, le Conseil a envoyé plusieurs Ombres pour le ramener au Phare et le juger selon nos lois. Cinq Assassins, très bien entraînés, se sont succédé à sa poursuite. Aucun n’est revenu. Tu as encore beaucoup à apprendre avant de pouvoir te confronter à un tel individu.
Yarvag Krel sourit légèrement à Issam. Il savait que cette petite provocation ne manquerait pas de lui donner le sursaut d’énergie dont il aurait besoin pour s’entraîner encore plus dur, et ne pas se reposer sur ses lauriers. Toutes les Ombres avaient leur fierté, et tous souhaitaient entrer dans la légende. En plaçant la barre haut, le Maître avait bon espoir de voir son Apprenti développer ses compétences, et se hisser au niveau des meilleurs de sa génération… C’était lui, comme bien d’autres, qui incarnait le futur de la Confrérie, et il était essentiel qu’il se montrât à la hauteur de cet héritage. Les membres du Conseil n’étaient plus tout jeunes, et les Novices se montraient dans l’ensemble décevants, incapables d’assimiler les préceptes et la rigueur nécessaires pour devenir des Ombres à part entière. Krel les trouvait tendres, émotifs, indisciplinés, arrogants… Ils ne comprenaient pas que la relative bienveillance dont faisaient preuve les Maîtres à leur endroit était liée au fait que beaucoup d’Assassins avaient trouvé la mort durant la campagne des Seigneurs Pirates, et qu’il fallait regarnir les rangs.
Nouveau soupir.
Issam était encore trop jeune pour entendre ce genre de choses. Il vivait avec l’idée que les Ombres étaient une force inarrêtable, crainte et respectée en Terre du Milieu. Tant mieux. Il ne valait mieux pas le détourner de ses illusions, et le laisser croire aveuglément dans le discours savamment travaillé qui permettait à la Guilde de prospérer. Il comprendrait bien assez tôt que la puissance de la Confrérie reposait au moins autant sur sa réputation que sur le talent intrinsèque de ses membres, et que les intérêts politiques gouvernaient le Conseil au moins aussi sûrement que le Code.
Ces leçons seraient pour un autre jour, cependant.
- Revenons à des choses plus intéressantes, Issam. En ce qui me concerne, j’ai le sentiment que tu as accompli ta mission de manière tout à fait satisfaisante. Je transmettrai mon rapport au Conseil, qui te convoquera pour déterminer si tu as mérité d’accéder au rang d’Assassin. Nous procéderons à la cérémonie demain, au coucher du soleil. D’ici là, prends le temps de te reposer, de méditer sur ton parcours jusqu’ici… et de trouver des vêtements propres. Bienvenue chez toi, Apprenti.
Cette ultime phrase marqua la fin de leur échange.
Pour Issam, c’était le début d’une très longue attente, mais pour la première fois depuis bien longtemps, il était libre d’occuper son temps comme il le souhaitait. Nul besoin de regarder par-dessus son épaule, ou d’obéir aux ordres d’un commanditaire mal intentionné. Nul besoin de courber l’échine devant les directives d’un Maître exigeant et tyrannique. Il savait que ce soir, il aurait le droit à un lit confortable, à un repas chaud, et à la compagnie discrète d’hommes et de femmes devant qui il pouvait en partie tomber les masques.
Cette soirée de liberté était la sienne.
La dernière, peut-être. Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
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| | | Issam Ibn Al Layl Assassin du Harad
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~ GRIMOIRE ~ -: Humain (Haradrim) -: 21 ans -:
| Mar 18 Juin 2024 - 16:21 | | Jusqu’à présent, Issam semblait avoir bien manœuvré. Chaque réponse de Yarvag Krel aux dires du jeune homme nourrissait en ce dernier l’espoir d’un avenir concret au sein de la Confrérie des Ombres, bien que le Maître-Assassin s’évertuait à tenter de le déstabiliser en cherchant à démêler le vrai du faux… Ou à obliger son interlocuteur à révéler ce qu’il savait déjà. Le jeune homme ne cessait de fixer son mentor avec une attention religieuse, buvant ses paroles lorsque celui-ci joua les pédagogues, tel un père préparant son jeune fils aux dures épreuves de la vie. Bien qu’encore très novice, Issam ne pouvait qu’approuver. Le portrait que dépeignait Krel était réaliste. Tout n’était pas blanc ou noir, mais plutôt gris avec des nuances, allant du clair au foncé. Avant sa mission à Umbar, le jeune homme avait une vision bien plus biaisée de la réalité. Il avait toujours eu la conviction qu’un assassin ne restait rien d’autre qu’une arme entre les mains de celui qui l’employait, une lame n’existant que pour trancher le fil de la vie d’une cible désignée, encore et encore, jusqu’à ce qu’elle s’émousse et soit remplacée par une autre plus affûtée. Ne plus oublier sa part d’humanité, cela faisait étrangement écho aux rappelles de Za’Shin et Nesrine avant que leurs chemins ne se séparent : “n’oublie pas qui tu es”. Za’Shin, justement. Lorsqu’Issam déclara ne pas le connaître, il espéra que Krel s’y laisserait prendre, ce qui sembla être le cas, en apparence du moins. La réponse du Maître-Assassin ne manqua pas de surprendre l’Apprenti. Za’Shin, une ancienne Ombre ? Ce vieil homme aux allures de vieux cheval rentrant à l’écurie aurait donc été une lame parmi les lames ? A première vue, cela semblait improbable, mais après tout, le subterfuge n’était-il pas l’une des armes les plus efficaces d’un homme de l’ombre ? Quel meilleur assassin pouvait-il y avoir que celui qui donnait l’image de ne pas en être un ? Et Nesrine, était-elle au fait de la vraie nature de son compagnon de route ? Tant de questions tourbillonnaient silencieusement dans l’esprit de Issam, mais il préféra garder les lèvres closes, attentif aux révélations de Krel. - Je ne crois pas que Nakâda l’ait recruté directement… Encore une fois, il est difficile de l’approcher. Je crois plutôt qu’il y a vu une opportunité de mettre à mort le Grand Marchand Shahib… Mais pourquoi prendre le risque de s’exposer ainsi pour tuer un seul homme ? Cela, je l’ignore.La seule chose que Issam savait était que c’était Nesrine qui désirait plus que tout la mort du Requin. Za’Shin avait semblé n’être rien d’autre qu’un soutient à la fougueuse guerrière voilée dans son entreprise vengeresse. Cela dit, le vieil homme avait peut-être lui aussi une raison de souhaiter la mort de l’impitoyable marchand, le jeune guerrière n’étant qu’une arme visant à servir ses desseins. Une question traversa soudain l’esprit de Issam. Pourquoi Yarvag Krel s’attardait-il sur le sujet de Za’Shin ? Était-ce pour annoncer au jeune homme l’objet de sa prochaine mission ou encore une fois pour le déstabiliser et le mettre en porte-à-faux ? Dans le premier cas, cela s’avérerait fâcheux. Bien qu’ils n’aient pas fait cela de manière tout à fait altruiste envers Issam et Lucinia, Za’Shin et Nesrine s’étaient montrés d’une grande aide, sans compter la sympathie qui s’était éveillée dans le cœur de l’assassin à l’égard du vieil homme… Et de l’attirance à l’égard de sa féline de compagne de route. Être envoyé au trousses du duo afin de tuer celui qui avait contribué à la réussite de sa mission paraissait aussi fâcheux que déloyal, mais s’il avait effectivement commis un acte de trahison envers la confrérie, il était logique que les Maîtres-Assassins réclament son sang… Mais par pitié, qu’on envoie quelqu’un d’autre. Comme si Yarvag Krel avait lu dans les pensées de son interlocuteur, il poursuivit : - Ce n’est pas une mission qui te sera confiée, rassure-toi. Quand il a quitté les Ombres, le Conseil a envoyé plusieurs Ombres pour le ramener au Phare et le juger selon nos lois. Cinq Assassins, très bien entraînés, se sont succédé à sa poursuite. Aucun n’est revenu. Tu as encore beaucoup à apprendre avant de pouvoir te confronter à un tel individu.Issam fut en effet soulagé de ne pas se voir confier cette mission. Avant Umbar, toutes les cibles qu’il avait dû éliminer n’étaient rien d’autre que des contrats. Il était plus facile de tuer quelqu’un envers qui il n’y avait aucun attachement, mais cela risquait d’être différent dans le cas inverse ; Issam souhaitait ne jamais se trouver dans cette situation. En tout cas, cinq assassins surentraînés avaient échoué à la tâche. Za’Shin devait être redoutable, à moins que ça ne soit Nesrine qui se fut chargée d’éliminer la menace qu’ils représentaient. Tous deux formaient un duo implacable. Le jeune homme nourrissait l’espoir de les revoir un jour, mais pas en tant qu’adversaire. Mais les déclarations de Krel eurent également pour effet de plonger son interlocuteur dans la confusion. Pourquoi lui dire tout cela au sujet du vieil homme si ce n’était pas pour l’envoyer le capturer ? La conviction que Krel savait en réalité tout ce que le jeune homme lui dissimulait ne faisait que se renforcer dans l’esprit de ce dernier. Si tel était le cas, le Maître-Assassin savait donc que Issam avait trahi son serment, même si la situation l’avait exigé à l’époque. Pourquoi continuer de faire semblant dans ce cas, pourquoi ne pas lui révéler qu’il savait tout et le châtier ensuite, pourquoi ? - Revenons à des choses plus intéressantes, Issam. En ce qui me concerne, j’ai le sentiment que tu as accompli ta mission de manière tout à fait satisfaisante. Je transmettrai mon rapport au Conseil, qui te convoquera pour déterminer si tu as mérité d’accéder au rang d’Assassin. Nous procéderons à la cérémonie demain, au coucher du soleil. D’ici là, prends le temps de te reposer, de méditer sur ton parcours jusqu’ici… et de trouver des vêtements propres. Bienvenue chez toi, Apprenti.La dernière réponse de Yarvag Krel eut à nouveau l’effet d’un coup de marteau dans le cœur de Issam, mais cette fois, d’une manière différente. Les craintes et les doutes du jeune homme furent tout d’un coup balayés, remplacés par une joie dissimulée et l’espoir de voir ses rêves s’accomplir, même s’ils étaient modestes. La réaction apparente de l’Apprenti fut néanmoins sobre. - Bien, Maître… Merci, Maître.Il était vrai qu’après toutes ses péripéties, Issam avait bien besoin de repos et surtout, de redorer son apparence. Il était hors de question de se présenter devant le Conseil et de poursuivre sa carrière avec les lambeaux qui furent autrefois sa tenue. Soulagé de la conclusion que prit l’entretien avec Yarvag Krel, Issam le salua solennellement et respectueusement, puis quitta le bureau du Maître-Assassin. Sa priorité fut de se rendre à l’intendance pour y récupérer une tenue décente. Alors qu’il commença à marcher dans le couloir, son regard se posa sur Arriandalazar, l’épée familiale des Nakâda, offerte par Lucinia, qui pendait à sa ceinture. Il était impossible que Krel n’ait pas remarqué l’arme et pourtant, il n’y avait fait aucune allusion. Sans doute se disait-il qu’il s’agissait là d’une prise personnelle de Issam durant sa mission, un butin qu’il méritait de conserver, ou bien savait-il tout encore une fois, ce que cette arme était et comment il l’avait obtenue. Peut-être gardait-il cet atout dans sa manche pour le moment où Issam serait confronté au Conseil. Le jeune homme secoua la tête pour chasser toute sa paranoïa. Il réfléchissait trop, mais n’était-ce finalement pas naturel pour un homme de sa profession d’envisager le pire afin de s’y préparer ? Pour l’heure, bien qu’il ne put s'empêcher de rester sur ses gardes, il chassa de son esprit toutes ses mauvaises pensées, puis se dirigea vers l’intendance. Son chemin l'obligea à quitter le bâtiment principal pour rejoindre la grande cour, passage obligé vers le bâtiment qui servait d’intendance. Il y régnait encore une forte activité, de nombreux groupes de novices et d’apprentis étudiant et s’entraînant sous la tutelle d’assassins expérimentés et aptes à enseigner le savoir des Ombres. Il n’y a pas si longtemps, Issam lui-même faisait partie de l’un de ces groupes et nul doute que s’il passait son épreuve devant le Conseil, il y retournerait pour se perfectionner, encore et encore, car il ne fallait jamais se contenter de ses acquis. Il reconnut quelques visages parmi les apprentis, des frères et des sœurs avec qui il s’était entraîné, avait noué des liens plus ou moins profonds, voire des rivalités. Il ne les salua pas... Eux non plus. Il s’agissait de ne pas perturber leur séance d’entraînement, mais le cœur y était. Issam se perdit à nouveau dans ses souvenirs alors qu’il fixait une zone précise de la grande cour. A cet endroit, il avait commencé à apprendre à manier l’épée et la dague, sous la houlette d’un assassin expérimenté nommé sobrement Zulah. A l’époque, ce dernier était un homme d’environ la trentaine passée, grand, athlétique, faisant plus penser à un puissant guerrier qu’à un assassin. Il était vêtu d’une tenue grise foncée agrémentée de pièces d’armure de cuir brun. Sa peau était noire comme la nuit, contrastant avec ses yeux marrons très clairs, à la limite du doré. Son regard semblait vide mais perçant et son expression faciale était constamment neutre, n’affichant aucune émotion. Bien que Zulah ne fut pas son seul instructeur de combat, il était l’un de ceux en dehors de Yarvag Krel qui avaient le plus marqué Issam, bien que les deux étaient totalement différents. L’homme à la peau d’ébène affichait une personnalité à la fois douce, bienveillante, patiente, mais aussi ferme, résolue et inflexible. L’Assassin s’était toujours montré compréhensif et pédagogue, parfois paternel et protecteur à l'égard des élèves qu’il avait eut sous sa tutelle, tout en n’oubliant pas que le but était de former des armes vivantes au service de la Confrérie et non des enfants de chœur. Mais c’est sans doute parce que Zulah avait été celui qui avait accompagné Issam lors de sa toute première sortie sur le terrain ici, à Al’Tyr, qui consistait à assassiner le fameux marchand dénommé Kareem Abu Kais, le seul dont il n’oublierait jamais le nom du fait qu’il fut sa première victime et l’acteur malgré lui d’un changement dans le moi le plus profond du jeune novice de l’époque. Zulah le ramenait inévitablement à cette fameuse nuit durant laquelle Issam fixait les yeux exorbités le regard de Abu Kais qui s’était malheureusement réveillé trop tôt, générant chez le jeune adolescent une terreur sans nom qui engendra un déchaînement de rage qu’il manifesta par un massacre à coups de couteaux répétés, plutôt qu’une exécution en finesse. C’était il y a sept ans, alors que Issam n’avait que quatorze ans, l’âge auquel il était devenu un meurtrier durant cette fameuse nuit, un événement marquant, mais ô combien nécessaire pour devenir un digne représentant de la Confrérie des Ombres. Aujourd’hui, il y repensait avec beaucoup de détachement, Abu Kareem n’ayant été rien de plus que la première cible d’une longue série passée et peut-être à venir, s’il tant est qu’il y eut un avenir pour Issam aux yeux de qui rien n’était encore gagné. Mais c’est avec une certaine tristesse qu’il repensait à Zulah qu’il admirait et affectionnait comme un père de substitution. L’assassin était en effet parti en mission environ deux ans après ces événements… Et n’était jamais revenu. Il n’avait pas déserté la Confrérie, Issam en était persuadé. La seule explication logique était qu’il avait failli à sa tâche en trouvant la mort. En tout cas, c’est ce dont il était persuadé. Le Créateur seul savait, car aucun corps ne fut ramené à la confrérie. Issam se mit à imaginer que Zulah avait été l’un des Assassins envoyés aux trousses de Za’Shin, dont aucun n’était revenu. Si c’était le cas, cela voulait dire que le vieil homme était extrêmement redoutable pour parvenir à éliminer un individu du niveau de Zulah. Là encore, ce n’était qu’un scénario issu de l’esprit de l’Apprenti. Était-ce le bon ? Impossible à savoir pour le moment et peut-être ne le saurait-il jamais. Issam entra peu de temps après dans le grand bâtiment que formait l’intendance. C’est là qu’étaient stockées d’innombrables piles de vêtements et d’armures faits de textiles, de peaux et de cuir, de besaces et autres éléments d’équipements utilitaires, à l’exception des armes et des armures faites de métaux que l'on pouvait acquérir à la forge de la Forteresse des Ombres. Le jeune homme ne prit pas la peine de prendre le temps de voir tout ce que l’intendance avait à proposer. N’étant pas encore officiellement Assassin tant qu’il ne serait pas validé par le Conseil, il voulait une tenue reflétant sa condition actuelle de simple Apprenti, une tenue sobre, similaire à la sienne, mais en, bon état. Il ressortit quelques minutes plus tard, vêtu d’une tenue en tissu renforcé de couleur grise, similaire à la tenue bleue qu’il avait abandonné à l’Intendant qui saurait à coup sûr la recycler pour lui redonner une autre vie. Il avait fixé ses armes à leur place habituelle, ses deux dagues étant accrochées à sa ceinture, cohabitant avec Arriandalazar, la nouvelle venue dans son arsenal, et ses deux épées courtes dans son dos. Il regagna le bâtiment principal, évitant cette fois de se perdre dans ses souvenirs. Une fois à l’intérieur, il se dirigea vers sa cellule pour y faire un peu de rangement et la préparer pour la nuit à venir. Il prit quelques minutes pour s’y reposer, méditer et remettre un peu d’ordre dans ses pensées, au bout de quoi il quitta son petit sanctuaire pour aller en direction de la salle commune, cette immense salle dans laquelle les habitants de la forteresse venaient s’y restaurer, lire, étudier ou se retrouver avec certains de leurs frères et sœurs. Issam s’offrit le luxe d’un généreux repas fait de viande, de fruits et de légumes, accompagné d’une grande carafe remplie d’eau fraîche. Ce soir, pas question d’être raisonnable. De toute façon, le jeune homme projetait de s’entraîner le lendemain matin afin de maintenir ses capacités et brûler les calories gagnées lors de ce copieux repas ; il n’aurait pas à se préoccuper de sa ligne. Une fois son plateau en main, Issam parti s’assoir à une table, s’isolant de ses camarades. Il parcouru brièvement la salle du regard, dévisageant quelques-uns des occupants, avant de commencer à manger et boire. |
| | | Ryad Assad Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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~ GRIMOIRE ~ -: Humain -: 36 ans -:
| Mer 19 Juin 2024 - 10:31 | | Négligemment installé dans un fauteuil de cuir, tenant un verre de vin fin dans une main, et une missive dépliée dans l’autre, Yarvag Krel ne prit pas la peine de se lever lorsque les deux hommes encapuchonnés firent leur apparition dans la bibliothèque où il avait trouvé refuge. Ils s’assirent à leur tour aux places laissées vacantes à leur intention, prenant soin de ne pas toucher aux verres d’eau et à la carafe argentée disposée sur la table. - Alors ? Fit le Premier, en lissant les plis de sa tunique. Krel but une gorgée. Le vin était délicieux. - Alors il a dit qu’il ne connaissait pas Za’Shin. Il a semblé étonné.Silence. - Et donc ? Pressa le Second. Le Maître Assassin soupira, et jeta la lettre au milieu de la table. - Et donc il a menti. Ou alors notre informateur se trompe, ce dont je doute fort… Issam n’est pas un mauvais bougre, c’est un loyaliste fidèle à la cause des Ombres, et je ne doute aucunement de sa rectitude morale. Nous avons peut-être fait une erreur en l’envoyant seul à Umbar…Ces regrets de façade ne trompaient personne. Krel n’était pas réputé pour être un sentimental, et ceux qui l’entouraient savaient à quel point il aimait pousser ses élèves dans leurs extrêmes limites. La mission à Umbar, il l’avait choisie personnellement pour Issam, car il savait très bien que le jeune homme y rencontrerait des difficultés, et qu’il devrait apprendre à naviguer dans la zone grise qui faisait les meilleurs assassins. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il avait chargé un espion de surveiller le jeune homme. Un espion dont le rapport élogieux – qui occupait désormais les mains gantées du Premier – comportait un blanc de plusieurs jours au cours duquel Issam s’était tout simplement « évanoui ». Évanoui, pour être revu aux côtés de Za’Shin l’assassin. L’espion n’avait pas eu le temps d’en voir beaucoup. Son rapport ne comportait que quelques lignes laconiques, au sujet desquelles Yarvag Krel nourrissait de profondes interrogations. Le document mentionnait simplement : « Retour capturé par Za’Shin. Prisonnier Shahib ? Situation inconnue ». Une description succincte, envoyée en urgence au Phare, et qui avait laissé Krel sur sa faim. En effet, l’espion en question avait tout bonnement disparu sans laisser de traces : il n’avait plus donné signe de vie depuis qu’il avait mentionné Za’Shin dans sa dernière missive, et le Maître Assassin soupçonnait qu’il n’en donnerait plus jamais. Ses deux invités semblaient perplexes. Le Premier reprit la parole. - Vous pensez que…- Je n’en sais rien, l’interrompit le Maître. Je ne pense pas qu’Issam ait trahi la Guilde. Je ne l’espère pas… Mais je ne comprends pas pourquoi Za’Shin l’aurait laissé en vie. Il lui aurait été facile de se débarrasser d’un Apprenti s’il l’avait voulu. Issam reste une piste pour remonter jusqu’à lui : c’est un risque qu’il n’a jamais pris auparavant. Pourquoi maintenant ?- Peut-être est-ce une erreur ? Ou peut-être que cet Apprenti n’est pas aussi loyal que vous le pensez.Krel écarta ces deux hypothèses d’un revers de la main. Les deux lui semblaient totalement incongrues. Za’Shin n’avait pas commis d’erreurs auparavant, il n’avait aucune raison d’en commettre maintenant. Quant à Issam… il était beaucoup de choses, mais il n’était pas fou. Il savait que la Guilde le tuerait s’il voulait trahir son serment, et ce point avait été souligné avec soin lors de leur dernier entretien. - Pourquoi le laisser en vie ? Demanda le Second. Pourquoi prendre ce risque ?- Une intuition… Souffla Krel. Peu importe pourquoi Issam est en vie aujourd’hui, et pourquoi il a décidé de revenir vers nous… Je suis prêt à parier que son chemin l’amènera un jour à recroiser celui de Za’Shin. Et ce jour-là… Vous serez là tous les deux pour clore ce sinistre chapitre de notre histoire. Est-ce clair ?- Oui maître ! Répondirent-ils à l’unisson. Ils n’attendirent pas d’être congédiés pour s’éclipser, lestes comme des ombres. Le Premier, et le Second. Deux assassins que Krel avait formés personnellement, et en qui il avait une confiance absolue. Deux tueurs exceptionnels, au profil singulier parmi la Confrérie. On les appelait les Ordinaux. Ils étaient chargés de traquer et de mettre à mort tous ceux qui décidaient de quitter le Phare et de tourner le dos aux Ombres. Leur existence n’avait rien d’officiel – si un tel mot pouvait avoir un sens pour les assassins d’Al’Tyr – mais on racontait des rumeurs à leur sujet. Certains disaient que les Novices qui n’étaient pas jugés dignes d’accéder au statut d’Apprenti, mais qui en savaient trop, rencontraient parfois un homme encapuchonné au détour d’une ruelle, ou bien dans une taverne. Une vision fugace, suivie d’une mort rapide. Du poison, le plus souvent. Krel n’avait jamais confirmé ou infirmé ces rumeurs. Leurs vertus pédagogiques n’étaient plus à démontrer, et ses élèves travaillaient toujours plus dur après lui avoir posé la question, et avoir reçu un sourire inquiétant en retour. Depuis des années cependant, la mission principale du Premier et du Second était la traque de Za’Shin. Ils stationnaient à Al’Tyr la plupart du temps, mais se rendaient en urgence sur tous les lieux où un homme correspondant à son signalement était aperçu. Aujourd’hui, leur piste commençait avec Issam Ibn Djamal, Apprenti de la Guilde des Ombres. ~ ~ ~ ~ Pour Issam, retrouver le Phare ressemblait à s’y méprendre à une renaissance. En revenant sur les lieux où il avait passé les années les plus importantes de sa jeune vie d’assassin, il avait retrouvé le souvenir de visages familiers, et certains émotions perdues au long du chemin. Le temps semblait s’étirer, pour ceux qui avaient l’honneur de quitter la quiétude du Phare d’Al’Tyr, pour aller exercer la volonté du Hîr-Dae à travers le monde. Les longues journées sur les routes, les nuits interminables qui brisaient le corps et l’esprit plus sûrement que les coups et les cris d’un professeur sadique. Le climat impitoyable du Harad, son soleil écrasant, ses vents tourbillonnants, et cette brise marine dont le sel brûlait la peau mal protégée. Revenir, c’était – pour un temps du moins – laisser tout cela de côté. Prendre plaisir à enfiler des vêtements propres et doux. Savourer un repas infiniment meilleur que les infâmes rations de voyage dont les voyageurs bourraient leurs sacs. Boire une eau claire et pure, qui n’avait rien de comparable avec celle terreuse et amère que l’on trouvait fréquemment dans certains points d’eau stagnante… rares opportunités de se désaltérer le long de routes où les rivières se tarissaient sitôt la saison chaude arrivée. Tout cela, Issam pouvait le savourer allègrement. Il avait bien mérité de pouvoir reprendre des forces, avant d’affronter sa rencontre avec le Conseil. Sa soirée fut aussi reposante que sa nuit. Son sommeil ne fut guère troublé que par le ricanement de quelques mouettes qui avaient élu domicile sur un toit voisin. Un détail. La journée du lendemain fut consacrée à la préparation de la cérémonie. Elle commença par l’entraînement rigoureux auquel le jeune homme souhaitait se soumettre, et se poursuivit par une entrevue avec un Assassin confirmé qui répondait au nom de Bayn, qui expliqua à l’Apprenti ce qui serait attendu de lui. L’homme, qui ne devait pas avoir plus d’une trentaine d’années, parlait de cette cérémonie avec une dévotion presque excessive. - Les cérémonies sont toujours un moment important, expliqua-t-il. Un moment unique, dans la vie d’une Ombre. Les membres du Conseil, dont la sagesse nous guide, sont appelés par des responsabilités qui nous dépassent tous, mais ils s’efforcent d’être le plus nombreux possible pour célébrer l’avènement d’un nouvel Assassin. Ne te formalise pas s’il y a quelques absences, cependant. Les impératifs de nos Maîtres prennent naturellement le pas sur ce que nous souhaiterions… Mais la cérémonie reste un moment extraordinaire.S’en suivit une longue explication sur les serments qu’il fallait prêter, et sur les phrases qu’il était bon de prononcer. De manière générale, il ne s’agissait que de répéter les paroles du maître de cérémonie, ou de répondre « oui, maître » aux questions posées. Mais l’Ombre aimait se donner une importance : - La prestation de serment est vraiment le moment clé de la cérémonie. « Par le sang versé, nous sommes liés ». Voici la phrase que le Maître attendra. Retiens-la bien. Par le sang versé, nous sommes liés. En devenant une Ombre, ce ne sont plus tes origines qui compteront. Tu ne seras plus Issam, fils de Djamal. Tu seras Issam, fils de la Nuit, enfant des Ombres. Tu n’auras plus qu’une seule famille. Une seule allégeance. Un seul credo. Tu devras oublier qui tu étais.L’Assassin sourit. Combien de personnes avaient l’opportunité de mourir et de renaître en ayant un but, une mission suprême, un destin ? Les membres de la confrérie étaient arrachés à leur condition, à leur souffrance, à leur misère. Ils devenaient l’instrument de la volonté supérieure de l’Hîr-Dae, et abandonnaient ainsi tout ce qui avait constitué leur ancienne personnalité. Si on le lui avait ordonné, il était certain que Bayn aurait tué sans remords tous ceux qu’il avait pu connaître dans sa vie antérieure. Cela semblait le réjouir. Une fois cette instruction théorique – et fastidieuse – achevée, Issam fut invité à se purifier spirituellement et intellectuellement. Il eut le choix entre plusieurs options, que la Guilde lui offrit selon les coutumes dans lesquelles il croyait. La Confrérie s’adaptait remarquablement bien aux nombreuses coutumes dont elle était constituée. On lui offrit par exemple de procéder à des ablutions rituelles qui consistaient à se laver intégralement le corps avec le sable du désert, pour purger symboliquement d’éventuels maléfices. On lui proposa également de se purifier par la vapeur d’eau, dans une pièce étouffante, sorte de hammam plus petit. Enfin, parmi les diverses propositions qu’on lui fit, la plus originale fut sans doute d’être enfermé dans une sorte de sarcophage si épais que nul son extérieur ne parvenait à y pénétrer. On racontait qu’il permettait d’entrer plus facilement en méditation, mais aucun Apprenti ne s’y était aventuré. Ce temps personnel, Issam l’utilisa pour mettre de l’ordre dans ses pensées. La méditation aidait à se recentrer. A distinguer l’essentiel du superflu. Puis vint l’heure de se présenter devant la salle du conseil. Issam avait été prévenu que les cérémonies, pour des raisons pratiques, pouvaient être collectives. Les dirigeants des Ombres ne pouvaient pas démultiplier de telles cérémonies, au risque de voir leur emploi du temps se résumer à ce genre d’événements. Toutefois, le jeune assassin ne s’attendait peut-être pas à voir surgir à l’orée du couloir une silhouette si familière. Aoro. Elle marchait d’un pas décidé, son corps ondulant dans la magnifique tenue d’un noir profond qu’elle arborait pour l’occasion. La chemise matelassée accueillait joliment une cuirasse remarquablement fine, protégeant son buste et ses flancs. Par-dessus, elle avait enfilé un pourpoint au col montant qui lui donnait fière allure. Ses cheveux attachés derrière sa tête accompagnaient ses pas énergiques. Elle s’arrêta devant Issam, qu’elle salua d’un signe de tête. Même si elle cachait bien son jeu, il était évident qu’elle était nerveuse. Effrayée, même. Ils restèrent ainsi un moment, partageant un silence qui s’éternisa au-delà du raisonnable, forçant la jeune femme à se vendre d’un commentaire destiné à briser la gêne entre eux. - Je m’appelle Aoro. C’est quoi, ton nom ?Elle continuait de regarder devant elle, fixant la porte qui devait s’ouvrir et sceller leur destin. Toute son énergie était concentrée sur le fait de ne pas laisser exploser ses émotions, et de ne pas passer pour une tueuse incontrôlable dont les Ombres auraient tôt fait de se débarrasser. - Ça va bien se passer, lâcha-t-elle presque pour elle-même. La pression monta encore d’un cran lorsqu’on vint les chercher. Aoro passa la première, offrant à celui qui la suivait une vue imprenable sur ses épaules tendues, sur sa nuque raidie, sur ses mains qui semblaient trembler de manière incontrôlable. Cette Apprentie au caractère enflammé était sur le point de perdre ses moyens, et elle avait assez d’aplomb pour défier l’entièreté du Conseil si la décision de celui-ci ne lui plaisait guère. Issam et elle furent introduits dans une pièce circulaire, où ils prirent place au milieu des membres les plus éminents de la Guilde. Comme souvent ces derniers temps, c’était Maître Danakil qui officierait. Frère de l’Hîr-Dae, sa légitimité était incontestée, et en l’absence de Hasharin et de Dalamyr, il était celui qui incarnait le mieux le visage de la Confrérie. Un rôle qui commençait à peser à cet homme d’action. - Bienvenue, lança Danakil. Bienvenue à tous les deux. Issam. Aoro. Bienvenue.Ils se prosternèrent. - Ce soir, le conseil doit décider de votre avenir au sein de la Confrérie. Nous sommes ici pour juger de votre valeur. De vos talents. De votre détermination. De votre loyauté, également. Intégrer la Guilde des Ombres est un immense honneur, vous le savez.Son discours était soigneusement préparé, mais il y rajoutait toujours quelques inflexions personnelles. Il savait que les Apprentis avaient au moins autant besoin d’être inspirés que d’être accompagnés. Pour certains, la Guilde représentait toute leur vie, et il était essentiel de leur montrer à quel point cette famille choisie pouvait les aider à s’épanouir. - Vous avez tous les deux survécu au noviciat, et avez fait vos preuves pour mériter le titre d’Apprenti. Vos noms ont été recommandés par vos maîtres, car ils vous pensaient prêts à affronter le jugement du Conseil. C’est une marque de confiance dont, j’espère, vous saurez vous montrer dignes. Mais c’est au Conseil qu’il appartient de décider de votre sort. Au Conseil, et à lui seul.Son regard glissa lourdement vers Issam, puis vers Aoro. Le message était parfaitement clair. - Issam, nous commencerons par toi. Tu as mené une carrière exemplaire parmi nous. Le Conseil a étudié avec une très grande attention ton parcours, de ton premier assassinat au service de la Confrérie, jusqu’à ta dernière et délicate mission à Umbar. Maître Krel nous a informés que tu avais rencontré une résistance… inattendue. Ta survie doit beaucoup à ton ingéniosité, à ta vivacité d’esprit, et au respect scrupuleux des codes auxquels nous nous soumettons. Il a été porté à l’attention du Conseil que ta loyauté vis-à-vis des Ombres était intacte, même si tes convictions ont pu vaciller à Umbar. L’entraînement, la discipline et la dévotion à notre cause te permettront de rester sur le droit chemin. Ne t’en détourne jamais… Assassin.Danakil eut un demi-sourire, en voyant la réaction surprise d’Issam. Oui. Aussi simplement que ça, il venait de l’élever parmi l’élite des tueurs du Harad, mettant ainsi un point final à un pan entier de la vie du jeune homme, pour ouvrir un nouveau chapitre sanglant qu’il devrait écrire à la pointe de l’épée qu’il portait au côté. Le Maître d’Al’Tyr tendit la main, et un Assassin quitta les ombres pour lui remettre un poignard ouvragé : le symbole de son nouveau rang. L’arme était superbe, très légèrement incurvée, au manche soigneusement travaillé. Le pommeau avait la forme curieuse du dard d’un scorpion, le tout se dévissant pour abriter une petite cavité pouvant contenir du poison ou un document de petite taille. Quant à la lame, Issam devrait patienter avant de la découvrir. Il n’était pas acceptable de se tenir l’arme au clair face aux éminents maîtres de la Confrérie. Le Maître attendit que le nouveau venu posât un genou au sol pour la lui remettre. - Voici la Lame de la Guilde, symbole de notre confrérie. Répète après moi : par le sang versé, nous sommes liés.Les paroles rituelles. Un lien indéfectible, alors qu’il entrait pleinement dans sa nouvelle famille. Ces hommes et ces femmes rassemblés là l’accueillaient en leur sein, lui offraient une place dorée, un avenir radieux, et la perspective de s’élever loin au-delà de ce que sa condition de naissance lui aurait permis d’obtenir. Comment ne pas éprouver une gratitude éternelle et absolue envers ces individus ? - Assassin. Tu appartiens désormais pleinement à la Confrérie. Fais-tu serment de respecter son code, ses lois, et d’obéir toujours à la volonté du Hîr-Dae et du conseil ?Les Ombres dans la pièce ne quittaient pas Issam des yeux. Ce dernier pouvait même sentir le regard d’Aoro, qui se tenait quelques mètres derrière lui. Il n’y avait rien de plus inconfortable pour un tueur de la Guilde que de se retrouver subitement au centre de l’attention. Cette question était cependant attendue, et posée à tous les Apprentis, qui prêtaient d’ailleurs un vœu assez similaire au moment de quitter le noviciat. Il ne s’agissait que d’une confirmation. - Fais-tu serment de ne jamais reculer devant une mission, et de toujours accomplir ton devoir avec fidélité et loyauté ?Cette question demeurait classique, mais Danakil insista lourdement sur notion de loyauté, comme s’il lisait lui aussi dans le cœur d’Issam… A moins qu’il ne s’agît d’une simple illusion, projection des peurs qui pouvaient légitimement habiter l’Assassin. - Fais-tu serment de garder toujours l’existence de la Guilde secrète, et de t’opposer de toutes tes forces à ceux qui menacent et menaceront ce secret ?Danakil ne cillait pas. Les membres de l’assistance semblaient avoir retenu leur souffle. Les mots que l’on attendait de lui n’étaient pas qu’une simple formalité symbolique : ils étaient un contrat que le jeune homme engageait sur sa vie. Un contrat dont il ne pourrait jamais se défaire, et dont les clauses étaient parfaitement claires depuis sa conversation avec Yarvag Krel. Obéir ou trahir… Servir, ou mourir. Les Ombres ne laissaient que bien peu de place aux sentiments personnels, et aux états d’âme. Elles n’avaient pas besoin de ses émotions, de ses questionnements, de son ambition, de son esprit chevaleresque. Elles avaient besoin d’une arme. D’un poignard, comme celui qu’on venait de lui remettre. L’ironie de la situation ne pouvait échapper plus longtemps au jeune assassin. S’il brandissait la Lame de la Guilde contre ses ennemis, le telson du scorpion demeurait invariablement pointé vers lui. Si l’acier reculait, le dard se rapprochait de son propre corps. Une relation à double-sens, dont il ne mesurait pas encore pleinement la profondeur, mais qui donnait assurément le vertige. Et pendant ce temps, les Ombres attendaient sa réponse. Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
Bourse : 3.500£ - Salaire : 3.000£
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| | | Issam Ibn Al Layl Assassin du Harad
Nombre de messages : 56 Age : 48 Localisation : Dans les ombres Rôle : Assassin
~ GRIMOIRE ~ -: Humain (Haradrim) -: 21 ans -:
| Mer 26 Juin 2024 - 13:18 | | Ignorant ce qui se tramait à son sujet, Issam savourait son repas. Isolé dans son coin, sans être dérangé. De toute façon, il ne ressentait pas spécialement l’envie de partager une quelconque conversation car il sentait le poids de la fatigue lui peser sur les épaules. Le brouhaha qui régnait dans l’immense salle commune, dûe à la présence de ses innombrables occupants, avait quelque chose d’apaisant, voire de relaxant. S’il s’était écouté, il se serait laissé bercer par le bruit ambiant pour s’abandonner à une torpeur bienvenue, mais ce n’était guère le moment, encore moins le lieu pour ça. Tout cela était familier pour lui. Des repas dans la salle commune, il en avait prit bien plus qu’il ne pouvait s’en rappeler… Et pourtant, il ressentait quelque chose de différent ; il se sentait étranger, comme s’il n’était plus vraiment à sa place ici, au sein des Ombres. Il était possible que son périple à Umbar l’avait changé bien plus qu’il ne le croyait. Avant la Cité du Destin, c’était un autre Issam qui fréquentait la salle commune, qui s’entraînait, qui arpentait les couloirs de la Forteresse des Ombres et qui vaquait à diverses tâches avec assiduité. Un Issam qui, semblait-il, avait laissé place à un autre empli de certitudes et de doutes, de loyauté et de culpabilité, ainsi que d’autres contradictions. Inutile de se demander la raison de cet état d’esprit, il la connaissait très bien. Cela dit, tout ça était peut-être dû à la fatigue qui faisait naître en lui des humeurs ainsi que des pensées indésirables. Le jeune homme termina rapidement son repas puis quitta la salle commune pour se diriger vers sa cellule afin d’y goûter un repos bien mérité. Malgré que tout semblait bien se passer pour lui, Issam ne dormit pas totalement serein, restant vigilant à tout mouvement ou bruit suspect. Il s’attendait plusieurs fois à entendre la porte de sa cellule se faire crocheter pour laisser entrer un assassin chargé de le tuer, sur ordre de Yarvag Krel. Si ce dernier avait en apparence validé la version de l’Apprenti, peut-être qu’en vérité il n’en était rien. Après tout, la tromperie pour endormir la méfiance d’une cible faisait partie de l’arsenal de la confrérie. Outre cette éventualité, il y avait toutes les interrogations et les remises en questions sur lui-même qui tourbillonnaient dans son esprit. Il se demandait qui il était vraiment, si la voie des assassins était vraiment faite pour lui et que désirait-il pour son avenir. Il possédait toujours cette loyauté envers la Confrérie des Ombres, tout comme la gratitude qu’il ressentait à l’égard de ses membres pour avoir fait de lui ce qu’il était, mais il voulait plus que devenir un instrument servant la volonté de ses maîtres. Une part de lui-même s’était éveillée à Umbar, une part qui avait aimé lutter pour une cause qui lui avait semblée juste lorsqu’il s’était rangé aux côté de Lucinia Nakâda, même si cela l’avait forcé à trahir ses commanditaires, et lorsqu’il avait vengé le petit Sufyan en exécutant ses meurtriers. “ Ce monde est injuste”, lui avait déclaré Krel quelques heures plus tôt. C’était une vérité qu’Issam avait découvert bien trop tôt dans sa vie lorsque Malja Alsahra’, son village natal, avait été réduit en cendres, ses habitants tués, dont ses parents, ou capturés comme lui pour y être vendus comme esclaves. Il n’avait à l’époque que cinq ans, mais il s’en souvenait encore, bien qu’il ne parvenait pas à se remémorer les visages de la bande de brigands, brigands ou autre chose d’ailleurs, ni de leur chef, qui avait commis cet odieux massacre. La seule chose dont il se souvenait était qu’ils étaient nombreux, un bien maigre indice pour les retrouver, si tant est qu’ils étaient encore en vie. Car oui, depuis qu’il avait vu Nesrine se venger de Shahib pour tout le mal qu’il lui avait causé, le jeune homme s’était mis à nourrir l’espoir qu’il pourrait en faire de même contre ces criminels alors qu’auparavant, il ne l’avait jamais envisagé. Toutes ces années avant Umbar, il s’était persuadé qu’il était impossible de faire justice aux habitants de Malja Alsahra’, d’une part car il n’avait aucune certitude que ces mécréants soient encore en vie, d’autre part car encore une fois, il n’avait pas assez d’indices pour les retrouver et les tuer. Il avait fini par accepter cette fatalité.. Jusqu’à présent. Mais pourquoi ne pas essayer de le faire ? Les siens ne méritaient-ils pas que justice leur soit rendue, même après tant d’années ? Ne méritaient-ils pas mieux que les atrocités dont ils avaient été victimes restent impunies et tombent dans l’oubli ? “ Ce monde est injuste”. Les paroles de Yarvag Krel résonnaient encore dans l’esprit d’Issam, telles une vérité inéluctable et éternelle. Mais pourquoi l’était-il ? C’était sans doute la question la plus pertinente à se poser. L’était-il parce que cela ne faisait que refléter la nature profonde des mortels ou l’était-il à cause de l’inaction et la résignation des gens de bien face aux actes injustes des mauvaises personnes ? N’y avait-il donc personne pour se dresser et lutter contre ça afin de briser ce cycle infernal et rendre le monde un peu meilleur ? L’alliance improbable d’une Ombre acculée et tiraillée entre son devoir et ses sentiments personnels, d’une marchande qui avait tout perdu, d’un vieil homme énigmatique et d’une guerrière implacable au visage dissimulé sous un voile avait prouvé le contraire. Malgré la puissance et le sentiment d’impunité ressenti par le Requin et ses larbins, ces quatre-là avaient prouvé que tout était possible. Il suffisait juste de réellement le vouloir. Alors pourquoi ne pas continuer de le faire tout en accomplissant son devoir envers la confrérie ? Pourquoi ne pas essayer de rendre ce monde meilleur tout en ne trahissant pas son serment ? Essayer de concilier son devoir avec ses nouveaux idéaux, voilà un défi qui semblait aussi intéressant qu’excitant, mais pas impossible. Fort de son nouveau but, Issam vida petit à petit son esprit afin de ne plus penser à rien et trouver un peu de repos, tout en ne dormant que d’un œil. Avant de penser à ses projets, il devait encore passer une épreuve et rester en vie. Il se méfiait désormais de ses propres congénères, à juste titre. ~ ~ ~ ~ Le lendemain, malgré une nuit passée à ne dormir que d’un œil, Issam était reposé, frais et dispo. Lors de sa formation, il avait appris à gérer ce genre de phase de repos, à savoir reprendre des forces tout en ne cédant pas totalement au sommeil afin de ne pas s’exposer au danger. Il se dirigea vers les bains afin d’y faire sa toilette, puis vers la salle commune afin d’y prendre un maigre petit déjeuner. Il préférait en effet ne pas alourdir son corps avec un excès de nourriture car pour la matinée, il projetait de se consacrer à l’entraînement. D’ailleurs, il savait exactement quel genre d'entraînement il voulait pratiquer. Sa mission à Umbar lui avait fait prendre conscience des lacunes qu’il devait combler afin d’être le meilleur et le plus polyvalent possible et parmi elles, le combat à mains nues. En affrontant Makhtar, il avait compris qu’il avait besoin de se perfectionner dans cette discipline. Il lui fallait donc trouver un instructeur compétent dans ce domaine. C’est pourquoi après avoir terminé de manger et de boire, Issam sortit dans la grande cour où régnait déjà de l’activité. Les membres de la Confrérie des Ombres n’avaient pas de temps à perdre. Le jeune homme se souvint d’un assassin qui avait fait partie de ses instructeurs durant sa jeunesse. La confrérie accueillait volontiers tout natif du Harad et du Harondor, mais également tout étranger issu des quatre coins de la Terre du Milieu, quelle que soit son espèce, son sexe ou sa couleur de peau. Et parmi eux, il y en avait un, très atypique, faisant de lui un être exotique ici, qui venait d’une lointaine contrée à l’Est du Rhûn. Sa peau était d’un pâle doré, ses yeux bridés d’un noir profond, tout comme sa longue chevelure épaisse. L’homme était de taille moyenne, arborant une musculature sèche et nerveuse, un visage anguleux et glabre, orné uniquement d’un bouc fin et taillé entourant sa bouche et couvrant son menton. Il possédait une épée ouvragée à lame droite dont la facture n’avait rien de commun, encore moins de connu, avec tout ce qui se faisait en Terre du Milieu. Cette arme à double tranchant était sans doute de la même origine que son porteur. En dehors de ça, il était vêtu d’une tenue noire d’assassin, comparable avec tout ce qu’on pouvait trouver ici à la confrérie. Il était fort probable qu’il avait troqué sa tenue d’origine pour celle-ci quand il avait rejoint la confrérie. Mais ce qui démarquait l’homme des autres membres était son style de combat aussi bien à mains nues qu’avec son épée exotique. Il était souple, agile, rapide, véloce et précis. Il savait aussi bien se servir de ses poings et de ses pieds que d’autres parties de son corps. A chaque démonstration qu’il faisait de ses talents martiaux, ceux qui l’observaient assistaient à une chorégraphie aussi gracieuse que meurtrière, formée d'enchaînements d’attaques explosives et parfois interminables, quand ils parvenaient à suivre ses mouvements dont la vitesse d’exécution était impressionnante. Et ceux qui l’affrontaient n’en ressortaient jamais sans quelques contusions et hématomes. Étant le seul de sa contrée présent ici à Al’Tyr, il était impossible de savoir si ses congénères étaient tous comme lui et aussi talentueux, voire plus que lui, mais si c’était le cas, nul doute que l’armée à laquelle ils appartenaient devait être particulièrement implacable. Le nom de cet homme était Sun Liang. Ce dernier était tout à fait disposé à partager et enseigner son savoir martial aux autres membres de la confrérie possédant les dispositions physiques pour. Il fallait en effet être particulièrement agile pour pouvoir apprendre l’art martial qu’il maîtrisait. C’est pourquoi la plupart de ses élèves étaient des enfants car plus ils étaient jeunes, plus il leur était facile de développer les critères physiques nécessaires à la pratique et la maîtrise de ce style de combat très particulier ici, en Harondor. Sun Liang Issam avait eu l’honneur d’être l’un des élèves de Sun Liang. Il lui avait fallu plusieurs années pour apprendre la plupart des techniques qui composaient la forme de combat enseignée par l’Assassin instructeur, promu entre-temps au rang de Maître-Assassin. Puis il avait petit à petit délaissé cette discipline pour privilégier le maniement des lames, jugeant qu’il avait suffisamment d’acquis à mains nues, mais surtout que le maniement des armes était plus important… Il en avait durement payé le prix face à Makhtar. Si son niveau actuel avait suffit pour corriger les Hyènes Sauvages, empêcher Etan Vulnir de frapper Lucinia ou encore assommer un simple jeune berger dans les terres sauvages du Harad, il n’avait en revanche pas servi à grand-chose contre un pugiliste confirmé habitué à se battre fréquemment avec ses poings. La sanction avait été douloureuse, très douloureuse. La seule chose qui lui avait permis de s’en sortir avait été la stupidité et l’excès de confiance de Makhtar qui avait pensé à ce moment-là que son adversaire ne pouvait plus représenter la moindre menace. Cela ne devait plus arriver. Avec ou sans armes, Issam devait être capable de gérer n’importe quelle situation en combat, quel que soit le nombre et le type d’adversaire. C’est pour ça qu’il arpenta la cour, en quête de Sun Liang qu’il savait pouvoir trouver rapidement. Le Maître-Assassin ne faisait que très peu de sorties, préférant rester au sein de la Forteresse des Ombres pour enseigner ce qu’il savait, mettant un point d’honneur à le faire, comme si c’était vital pour lui. Issam ne savait que très peu de choses à son sujet. Que faisait-il si loin de sa contrée, pourquoi l’avait-il quitté et pourquoi n’y retournait-il pas et surtout, pourquoi avoir intégré la Confrérie des Ombres ? Une aura de mystère entourait l’instructeur, mais la confrérie semblait s’en accommoder. Jusqu’à présent, les Ombres n’avaient jamais eu à regretter de l’avoir accepté parmi elles, encore moins de lui avoir permis de grimper quelques échelons hiérarchiques.. Issam n’eut aucun mal à retrouver Sun Liang. Ce dernier n’avait pas beaucoup changé au fil des années, son équipement et son allure restant les mêmes. Aussi longtemps que le jeune Apprenti s’en souvienne, le Maître-Assassin avait toujours été là, à la Forteresse des Ombres. Il ne devait pas être tout jeune malgré que son apparence ne semblait pâs trahir pas son âge, quoique vu que son visage était dissimulé sous sa capuche et une étoffe de tissu noir couvrant son nez et sa bouche, il était difficile de savoir s’il était toujours aussi bien préservé par le temps ou non. Sun Liang était déjà en train d’enseigner les arts martiaux à un petit groupe des jeunes novices dont le plus âgé d’entre eux devait avoir à peine une douzaine d’années. Il était aidé dans sa tâche par un Assassin adulte, aussi noir vêtu et masqué que le Maître-Assassin aux origines exotiques. Tout en se rapprochant d’eux, Issam détailla l’aide instructeur. Bien que légèrement ample, sa tenue d’assassin ne cachait en aucun cas qu’il s’agissait d’une femme. Elle avait une silhouette svelte ainsi que des proportions harmonieuses, trahissant un corps bien entraîné et sculpté. La seule parcelle visible de son corps était la partie supérieure de son visage qui affichait une peau très claire, quelque peu teintée par le climat du Harondor, contrastant avec la noirceur profonde de sa tenue. A première vue, elle était jeune car aucune ride ne semblait creuser sa peau. Ses yeux d’un bleu-vert surnaturel étaient aussi perçants que la pointe d’une dague. Des mèches de cheveux blonds pâles, à la limite du blanc argenté, tombaient de sa capuche. Deux longues dagues effilées pendaient à sa ceinture sur ses flancs. Silencieuse, elle aidait religieusement Sun Liang dans sa tâche, aidant les jeunes novices à corriger leurs postures et exécuter les bons mouvements d’attaque et de défense. Issam resta à bonne distance du groupe afin de ne pas perturber l’entraînement des novices, mais lorsqu'ils remarquèrent sa présence, ces derniers ainsi que la jeune femme interrompirent l’entraînement pour saluer respectueusement et humblement le nouvel arrivant en inclinant le buste vers lui. Sun Liang le salua d’un léger inclinement de tête avant de s’adresser à lui de sa voix calme et légèrement rauque. - Salutations, Issam, il y a bien longtemps que tu n’es pas venu me voir. Que puis-je faire pour toi ? Le jeune homme salua d’abord la jeune femme et les novice avant de saluer Sun Liang à son tour et de lui répondre. - Salutations, Maître… Il est vrai, je le reconnais. J’étais venu pour quérir votre aide, mais cela peut attendre, je ne tiens pas à vous déranger dans votre tâche…- Tu ne perturbes rien du tout !Sun Liang se tourna vers son aide instructrice. - Liatris, remplace moi !Liatris - Oui Maître, répondit-elle sobrement d’une voix belle et douce. Pendant que la jeune femme prit la place de Sun Liang pour poursuivre l’enseignement du groupe de novices, ce dernier s’éloigna de quelques pas avec Issam. - Liatris, l’une de mes meilleures élèves parmi tous ceux que j’ai eu et aussi mon apprentie. Le niveau qu’elle a acquis l’a rendue apte à m’assister, voire de me remplacer au besoin lorsque je donne des cours.- Je vois… Je ne crois pas l’avoir déjà rencontré.- C’est une jeune femme Elfe. Elle a rejoint la confrérie il y a un peu moins de dix ans, mais elle ne s’est pas intéressée à ce que j’avais à enseigner tout de suite. Tu m’avais déjà snobé depuis plusieurs mois lorsqu'elle a voulu apprendre mes arts martiaux. Peut-être que si tu t’étais montré moins négligeant en restant à mes côtés pour parfaire ta maîtrise, tu l’aurais croisé.Cette pique mit quelque peu Issam dans l’embarras. - Je suis désolé, Maître. N’y voyez aucune offense, j’avais pensé… Il hésita. Il cherchait les bons mots pour ne pas froisser son interlocuteur, mais ce dernier répondit à sa place. - ... Que tu n’avais plus besoin de mes services, n’est-ce pas ? Après tout, quelle utilité y a-t-il à apprendre à se battre à mains nues quand on possède des armes et qu’en plus de ça, on risque de rencontrer plus fréquemment des adversaires armés que des adeptes du coup de poing ?Issam ne su quoi répondre. Sun Liang venait de déclarer tout haut ce qu’il pensait tout bas. - Bah, ne t’inquiètes pas, je ne m’en formalise pas, je voulais juste te taquiner un peu. Ici, les assassins choisissent ce qu’ils désirent apprendre. La seule exigence est que le savoir qu’ils parviennent à acquérir les rendent polyvalents, capables et efficaces. Comme tu le sais, il n’y a pas de place pour les bons à rien à la Confrérie des Ombres.- Oui, Maître.- Hmm hmm, hocha-t-il de la tête. Je manque à tout mes devoirs, bon retour chez toi, Issam, j’ai cru comprendre que ta mission avait été un succès ? - Merci, Maître… Oui, Maître.Issam fixait Sun Liang, cherchant à savoir si ce dernier était sincère dans ses paroles ou manoeuvrait comme il soupçonnait Yarvag Krel de le faire à son égard. - En quoi puis-je t’aider ? - J’aimerais avoir le privilège de reprendre auprès de vous ma formation à votre art de combat, là où je l’avais arrêté…L’Ombre expliqua les raisons de sa demande en narrant sans omettre de détail l’épisode du bureau de Uerton Khaan et de sa confrontation contre Makhtar aux docs d’Umbar. - … S’il n’avait pas détourné son attention de moi durant ces quelques secondes, j’imagine que je serais mort à l’heure qu’il est. Et c’est bien armé et non à mains nues que j’ai pu le vaincre. Il me faut être capable de tenir tête à n’importe quel adversaire, aussi bien armé que désarmé, je ne veux plus jamais que ce genre de chose m’arrive. Sun Liang avait écouté son interlocuteur avec une grande attention, acquiesçant de la tête à chacune de ses remarques. - Tu ne pourras jamais empêcher que ça ne se reproduise. Il vient toujours un moment où l’on tombe sur meilleur que soi. Mais il est également vrai que plus on s’améliore, plus les chances de se faire sévèrement rosser comme tu l’as été s’amenuisent, sans pour autant disparaître complètement. Si tu avais continué de forger ton corps aux arts martiaux, tu te serais débarrassé de ce Makhtar et ressorti de ce combat la tête haute. Au moins, tu as compris la leçon.- En effet, Maître. M’enseignerez-vous à nouveau ?- Ce n’est pas le nombre de techniques que tu apprends qui compte, mais la maîtrise que tu en acquiers. Il ne sert à rien de posséder un large éventail de mouvements s’ils sont mal exécutés. Et puis, tu connais déjà tout ce que je maîtrise, le problème est que tu ne les pratique pas avec l’assiduité que cela exige. Tu dois apprendre à les maîtriser, à devenir aussi rapide, précis et imprévisible en attaque que réactif et vigilant en défense. Tu dois apprendre à anticiper les mouvements de ton adversaire. Tout ça, tu sembles être capable de le faire les armes en main, alors pourquoi n’y arrives-tu pas lorsque tu combats sans armes ? Inutile de répondre, je le sais, c’est parce que tu ne t’entraînes plus assez depuis longtemps. Tu as délaissé mes enseignements pour d’autres que tu trouvais plus utiles. Je ne t’en blâme pas. Mais maintenant, tu as appris à tes dépends que ce que j’ai à offrir est tout autant utile que ce qu’enseignent les autres instructeurs.Issam approuva d’un signe de tête. - Voyons donc ce qu’il te reste de tout ce que je t’ai appris… Liatris, interpella Sun Liang en se tournant vers le groupe de novices tout en frappant plusieurs fois dans ses mains pour attirer leur attention. L’Apprentie et les novices interrompirent leur entraînement pour fixer le Maître-Assassin. - Viens, ordonna-t-il à la jeune Elfe. - Oui Maître.La jeune Apprentie s’exécuta pour rejoindre Sun Liang et Issam dans une démarche gracieuse et féline. Sa voix douce et son attitude glaciale contrastaient avec celles de Nesrine, mais la grâce de ses mouvements était la même, tout comme la forte aura guerrière qui émanait d’elle. - Asseyez-vous et observez, jeunes gens, ordonna-t-il aux novices. - Oui Maître, répondirent-ils à l’unisson avant de s'asseoir au sol, se disposant de sorte que les plus grands se placent derrière les plus petits afin que tout le monde puisse voir ce qui allait se passer. Issam restait impassible, mais il n’était pas particulièrement enchanté d’affronter Liatris. Car il était évident que c'était de ça qu’il s’agissait. - Sans vouloir vous manquer de respect, Maître, je doute d’être de taille à affronter votre apprentie à mains nues. Et je ne suis pas persuadé qu’il me soit utile de me faire ridiculiser devant les novices.- Est-ce de la peur que je crois interpréter dans tes paroles, Issam Ibn Djamal ?- Non Maître, je vous fais simplement part…- Il suffit, l’interrompit Sun Liang d’un geste de la main. Oublie tes doutes et concentre-toi. En place, tous les deux.Sans mot dire, Liatris s’exécuta immédiatement puis fit face à Issam, droite comme un “i”. Ce dernier, voyant qu’il était aussi inutile que chronophage de tergiverser, se résigna et fit face à son tour à la jeune Elfe, aussi droit qu’elle, se préparant à l’affronter. - N’oubliez pas qu’il ne s’agit rien de plus que d’une exhibition… Commencez !Issam ne s’attendait pas à ce que l’ordre d’entamer les hostilités soit donné si vite. Il avait l’habitude que le Maître-Assassin ordonne d’abord aux adversaires de se saluer, puis de se mettre en garde avant le début du combat. Mais là, il désirait clairement tester la réactivité des deux jeunes combattants. Liatris, particulièrement prompte, bondit sur Issam pour l’attaquer afin de le surprendre à peine Sun Liang eut-il terminé son injonction. Elle le frappa par cinq fois avant qu’il n’ait le temps de réagir à ce court enchaînement fait de deux vifs jabs directs du poing droit au visage, d’un coup direct du poing gauche en pleine poitrine, d’un coup du revers du poing droit sur sa pommette et d’un coup de pied fouetté de la jambe droite en plein sur le côté de sa tête. Issam ne s’attendait pas à une telle dérouillée dès le début du combat. Il recula en chancelant, mais fit bonne figure en faisant en sorte de ne pas tomber. Mais Liatris ne comptait pas en rester là. Avec tout le pragmatisme et la détermination dont elle était capable de faire preuve, elle profita de son avantage pour se jeter sur lui, exécutant une prise qui le jeta au sol lorsqu’elle plaça une jambe derrière celle de son adversaire et plaquant sa main sur sa poitrine pour le pousser. Issam se retrouva les quatre fers en l’air. Si le combat avait été réel, Liatris aurait profité de sa position dominante pour asséner le coup de grâce, mais elle ne désirait pas humilier son adversaire plus qu’il ne l’était déjà, encore moins le blesser vu que ce n’était pas le but. Par contre, elle n’avait pas l’intention de se priver de lui faire quelques bleus. Voyant ça, Sun Liang fut partagé entre la fierté qu’il éprouvait pour son Apprentie et la consternation qu’il ressentait envers Issam qui s’était si facilement fait corriger en quelques secondes. Il ne put s'empêcher de baisser et secouer légèrement la tête de gauche à droite en signe de dépit. Suite à son coup d’éclat, Liatris resta debout, se contentant de fixer Issam sans l’attaquer. Elle bougeait de gauche à droite tel un félin, tout en ne quittant pas sa proie des yeux. Issam, quant à lui, haletait et clignait des yeux pour reprendre ses esprits. Il resta au sol quelques secondes, tenté de déclarer forfait. De toute façon, il était clair qu’il n’était pas du tout du même niveau que son adversaire qui s’était entraînée aux arts martiaux avec une assiduité extrême. Il commençait à regretter d’être venu quérir l’aide de Sun Liang. Il aurait sans doute mieux valu recourir aux services d’un autre assassin instructeur, un spécialiste en pugilat, par exemple, mais le résultat aurait été sans doute le même. Peut-être que finalement, il aurait mieux fait de s’abstenir tout court de vouloir s’entraîner au combat sans armes et remettre ça à une autre fois. Il fixa tour à tour Liatris en qui il ne parvint pas à lire quoi que ce soit, Sun Liang dans les yeux de qui il lisait un mélange de déception, de consternation et de reproche à son égard pour s’être montré aussi mauvais et indigne de ses enseignements, et les jeunes novices qui restaient silencieux, mais ne cachaient pas leur surprise, leur émerveillement envers Liatris et leur déception pour certains, leur compassion pour d’autres envers lui. Tout cela ne faisait que le décourager à reprendre le combat. C’était un jour important pour lui, aujourd’hui, il n’avait pas envie de le gâcher par une humiliation publique, alors autant renoncer… Non… Il n’avait pas le droit de faire ça. Par respect pour Sun Liang et tout le temps qu’il lui avait consacré pour lui prodiguer son savoir pendant toutes ces lointaines années, par respect pour la Confrérie des Ombres et ses membres, du simple novice à l’Hîr-Dae, par respect pour les jeunes novices qui assistaient au combat, pour Liatris, même s’il ne la connaissait pas encore et enfin par respect pour lui-même, pour qui il était et ce qu’il était… Pour tout ça, il n’avait pas le droit d’abandonner aussi rapidement et se couvrir de honte. Faisant appel à sa détermination et sa rage de vaincre, Issam se releva d’un mouvement souple en balançant ses jambes dans une sorte de ruade agile pour se retrouver sur ses pieds après un petit saut. Il se mit aussitôt en posture de combat et fixa Liatris sans ciller. Sa tenue fraîchement acquise était déjà couverte par endroit de terre sèche, sa lèvre légèrement ouverte laissait couler un mince filet pourpre au goût métallique. Devant le regain de fougue guerrière d’Issam, Sun Liang et Liatris hochèrent de concert de la tête à son attention. Les Novices semblèrent heureux de le voir reprendre le combat, mais ne se perdirent pas en effusion, restant silencieux de crainte de se faire réprimander par un Sun Jiang très à cheval sur la bonne conduite pendant ses cours. Issam et Liatris se tournèrent autour en ne se lâchant pas du regard, tels deux tigres se disputant un territoire. Quelque secondes plus tard, les deux s’attaquèrent de concert. Pendant quelques dizaines de secondes, les deux combattants alternèrent mouvements d’attaques divers et variés avec leurs poings, leurs pieds ainsi que d’autres parties de leurs corps, ciblant diverses zones de frappes, et mouvements de parades et d’esquives, mettant chaque attaque en échec. Pendant ce court laps de temps, aucun des deux ne semblait parvenir à prendre l’avantage sur l’autre. Issam sembla remonter dans l’estime de Sun Liang, des Novices et des quelques membres de la confrérie ayant rejoint entre-temps les spectateurs pour assister à la confrontation. Mais des deux adversaires, Liatris restait celle qui maîtrisait le mieux le style martial de Sun Liang. Ne relâchant pas ses efforts, elle imposait son rythme à Issam qui reculait petit à petit sous les assauts de la jeune Elfe, avant de ne plus parvenir à se défendre efficacement. Il fut à nouveau sanctionné par quelques coups bien placés, l’enchaînement étant ponctué par une nouvelle prise, différente de la première, qui eut l’effet similaire de l’envoyer au sol, à plat ventre cette fois. Suite à ça, Liatris se contenta à nouveau d’observer stoïquement son malheureux opposant. Issam fut à nouveau parasité par l’hésitation et la tentation d’abandonner, mais encore une fois, il se reprit. Il valait mieux que ça. Voyant qu’il ne pouvait pas espérer grand-chose contre une artiste martiale du niveau de Liatris, il décida d’employer toutes les armes dont il pouvait disposer, à l’exception de ses lames dont l’utilisation était interdite par Sun Liang dans ce combat. Après tout, la fourberie était naturelle chez les assassins. Il prit en main une bonne poignée de terre, puis se releva d’un bond en jetant dans le même mouvement au visage de la jeune Elfe ce qu’il avait en main. Mais elle était aussi réactive qu’un chat. Elle détourna la tête tout en protégeant ses yeux avec son avant bras, mettant en échec la manœuvre perfide d’Issam. Elle punit immédiatement la fourberie de ce dernier par un coup du revers de son pied, giflant la joue du jeune homme avec sa semelle… Puis elle se baissa vivement avant de tourner sur elle-même, une jambe tendue qui lui servit à balayer celles de Issam qui se retrouva à nouveau à terre. Elle se releva et le fixa à nouveau, imperturbable qu’elle était. Issam ne mit pas autant de temps à se relever cette fois-ci. Perdu pour perdu, autant que ce soit avec honneur et la satisfaction d’avoir fait preuve de détermination jusqu’au bout en donnant tout ce qu’il avait. Il bondit sur Liatris en la harcelant de coups de poings et de pieds, avant d’employer l’une de ses techniques préférées, le fameux enchaînement de coups de poings directs rapides et nombreux, ciblant le visage et le haut du torse de son adversaire. Chaque coup était exécuté à une cadence particulièrement rapide, sans temps mort. Mais Liatris para chacune des attaques en formant un bouclier protecteur avec ses avants-bras, ne donnant même pas à Issam le privilège de réussir à en porter une seule. - Tu te débrouilles bien, tu es rapide, mais pas assez, déclara-t-elle de sa voix mélodieuse et douce. Était-ce de la provocation de sa part ? Il semblait que oui, car tout en mettant en échec les tentatives d’Issam pour la frapper, elle poursuivit : - Ce n’est pas vraiment comme ça qu’on fait, mais plutôt comme ça… Disant ça, sa dernière parade créa une ouverture lorsqu’elle dévia l’attaque du jeune homme. Une ouverture qu’elle exploita pour lui asséner une pique des doigts à la gorge, lui coupant le souffle. - Gkkk…Comme si ça ne suffisait pas, elle le frappa de la paume de sa main en plein sur le plexus. Sans temps mort, elle saisit brutalement des deux mains les côtés de son visage en les claquant contre celui-ci, en profita pour enfoncer ses pouces dans ses yeux, mais pas trop profondément afin de simplement l’aveugler temporairement et non de les lui crever pour éviter de le rendre définitivement infirme, ce qui n’était pas le but, puis elle exécuta le même enchaînement de coups de poings rapides et nombreux que lui, frappant son visage et son torse, chaque coup trouvant sa cible en frappant violemment. Liatris montra ainsi qu’elle maîtrisait toutes les techniques qu’elle employait bien mieux que son adversaire. Enfin, elle le mit à nouveau au sol, mais cette fois, elle l’immobilisa en lui faisant une clé de jambe autour du cou tout en saisissant de ses deux mains son bras pour exécuter une torsion douloureuse dessus. Privé d’air, le cou écrasé entre la cuisse et le mollet de Liatris et le bras torturé par cette dernière au point de sentir ses tendons et ses muscles à la limite de se déchirer, Issam était totalement dépassé. Il ne pouvait que reconnaître sa défaite. De sa main libre, il tapota plusieurs fois la jambe de le jeune Elfe en signe d’abandon. Cette dernière n’insista pas et relâcha sa prise, libérant Issam de son étreinte. Elle se releva pendant que le jeune homme récupérait petit à petit son souffle en toussant. Bien que la confrontation fut aussi intéressante que spectaculaire, bien qu’Issam avait réalisé une bien piètre prestation, l’ambiance n’était pas à la moquerie. Les spectateurs, adultes comme enfants, affichaient une expression grave, n‘enviant visiblement pas le sort de leur congénère, mais félicitèrent d’un signe de tête Liatris qui s’était montrée aussi compétente et impitoyable qu’on pouvait l’espérer de la part d’une Ombre. Sun Liang s’approcha des deux combattants alors qu’Issam commençait enfin à pouvoir respirer normalement. - Ce fut… Intéressant.Le Maître Assassin se tourna vers les Ombres venues assister au combat. - Merci de l’intérêt que vous avez accordé à ce duel d’exhibition, mais à présent, retournez vaquer à vos occupations.Sitôt l’ordre donné, les ombres acquièscèrent, saluèrent Sun Liang, Issam et Liatris d’un signe de tête puis se dispersèrent. - Allez, debout, jeunes Novices, il est temps de reprendre l’entraînement… Liatris !- Oui, Maître !Avec une obéissance à la limite de la dévotion envers son mentor, la jeune Elfe retourna superviser l’entraînement des Novices après avoir courtoisement salué Issam d’un signe de tête. Depuis sa position au sol, il lui rendit la politesse, même si son ego venait d’en prendre un sacré coup. - Debout, Issam, il ne sied guère à une Ombre de ramper au sol !Plus un encouragement qu’un ordre, l’injonction de Sun Liang donnèrent la force au jeune homme de se remettre debout. De ses mains, il épousseta sa tenue du mieux qu’il le pouvait. - C’est pire que ce que je pensais, Issam. Le manque de pratique t’as fait perdre beaucoup.- Oui, j’en ai bien conscience, Maître.Il fixa brièvement Liatris occupée avec les Novices, puis reporta à nouveau son attention vers Sun Liang. - Vous l’avez bien formé. Elle est la digne héritière de votre savoir. - Elle n’est pas la seule. Beaucoup d’Ombres qui sont passées entre mes mains ont travaillé dur pour atteindre un tel niveau de maîtrise, comme Liatris. Si tu avais persévéré au lieu de te détourner, tu l’aurais égalée aujourd’hui, peut-être même dépassée et jamais tu n’aurais subi une telle correction. Comment as-tu pu oser me déshonorer de la sorte en te montrant aussi médiocre que ridicule, issam ?- Je suis sincèrement désolé Maître, pour ce bien piètre spectacle que je vous ai imposé à tous.Sun Liang marqua une pause, voyant la honte que ressentait Issam envers lui-même. Il n’y avait aucune colère dans sa voix, mais il ne cachait pas sa profonde déception. Cela dit, il ne désirait pas non plus enfoncer le couteau dans la plaie. Le jeune homme avait déjà été bien assez puni comme ça. - Mais je te félicite et je te suis reconnaissant d’être allé jusqu’au bout. Tu t’es relevé à chaque fois que tu es tombé. Ca n’a pas suffit à te donner la victoire, mais tu as montré que tu possèdes un esprit combatif. - Merci Maître. Vos paroles me réconfortent et m’apaisent.- Elles sont sincères… Mais puisque tu désires tant combler tes lacunes à mains nues, et il est clair que tu en as, je consens à répondre à ta requête. Dorénavant, chaque fois que tu séjourneras ici, à la Forteresse des Ombres, viens me voir et sois prêt à me consacrer autant de tems que je le jugerai nécessaire… - Bien Maître.- Et chaque fois que tu quitteras la forteresse, entraînes toi assidûment, affine ta maîtrise, devient plus fort, plus rapide, plus adroit, plus résistant… Et plus vigilant. Ne te contentes pas de tes acquis, aussi bien dans ce que je t'enseigne que dans ce que tu as acquis auprès des autres.- Oui Maître- Tu es voué à devenir une lame. Et une lame se doit d’être toujours affûtée. Une lame émoussée ne sert à rien, ne l’oublie jamais. Bon, je ne te retiens pas plus longtemps. Vas donc te faire soigner et remettre de l’ordre dans ta tenue. Tu vas passer devant le Conseil, ce soir, tu te dois d’être présentable.- Oui Maître, merci Maître.Après un salut sobre et respectueux, Issam se dirigea chez l’apothicaire de la confrérie afin d’y faire soigner ses plaies et camoufler le mieux possible ses hématomes. L’apothicaire essuya le sang sur son visage, le nettoya, puis appliqua un baume médicinal qui apaisait la douleur et empêchait le sang de couler. Il en appliqua également sur ses bleus afin de les atténuer, ce qui se ferait au bout de quelques heures. Issam quitta ensuite le cabinet de l’apothicaire, puis s’attela à la tâche de nettoyer sa tenue pour la remettre à neuf. ~ ~ ~ ~ A présent, il était temps de se préparer à la cérémonie à venir. Issam avait encore le reste de la journée pour ça. Et quel meilleur moyen d’en savoir plus si ce n’était de discuter avec un Assassin confirmé qui était déjà passé par cette étape ? Le dénommé Bayn qui avait daigné lui accorder du temps pour lui en expliquer les tenants et les aboutissants ne fut pas avare en détails. - Les cérémonies sont toujours un moment important. Un moment unique, dans la vie d’une Ombre. Les membres du Conseil, dont la sagesse nous guide, sont appelés par des responsabilités qui nous dépassent tous, mais ils s’efforcent d’être les plus nombreux possible pour célébrer l’avènement d’un nouvel Assassin. Ne te formalise pas s’il y a quelques absences, cependant. Les impératifs de nos Maîtres prennent naturellement le pas sur ce que nous souhaiterions… Mais la cérémonie reste un moment extraordinaire.Issam acquiesça. Il ne pouvait qu’approuver les révélations de Bayn. Bien que membres du Conseils, les Ombres qui le composaient restaient avant tout au service de la Confrérie des Ombres et ne pouvaient déroger à leurs tâches plus que de raison. Le jeune aspirant ne se montrerait donc pas outré s’il venait à manquer quelques membres pour l’adouber au rang supérieur de la confrérie. Bayn entra ensuite dans le vif du sujet en expliquant à Issam tout ce qu’il avait besoin de savoir pour que la cérémonie se passe bien pour lui. - ... Il s'agira pour toi de répéter les paroles du Maître de Cérémonie quand il te l'ordonnera ou de simplement répondre "oui, Maître". aux questions qui te seront posées. La prestation de serment est vraiment le moment clé de la cérémonie. « Par le sang versé, nous sommes liés ». Voici la phrase que le Maître attendra. Retiens-la bien. Par le sang versé, nous sommes liés. En devenant une Ombre, ce ne sont plus tes origines qui compteront. Tu ne seras plus Issam, fils de Djamal. Tu seras Issam, fils de la Nuit, enfant des Ombres. Tu n’auras plus qu’une seule famille. Une seule allégeance. Un seul credo. Tu devras oublier qui tu étais.Issam acquiesça sans interrompre son interlocuteur. “Issam, Fils de la Nuit”, “Issam Ibn Al Layl”, ça sonnait plutôt bien. C’est ce que la Confrérie des Ombres avait fait de lui, un rejeton de l’obscurité. Mais tout cela n’était qu’apparence. Si le jeune homme était officiellement disposé à adopter un nouveau patronyme et prétendre tirer un trait sur son passé, il était hors de question qu’il oublie ses racines, encore moins qui il était ni d’où il venait. Il était Issam, fils de Djamal et de Yasmina, tous trois natifs de Malja Alsahra’, un village détruit, ses habitants tués ou capturés par une bande de lâches sans scrupules. Il était tout ce qu’il restait d’eux, il était le seul espoir de rendre justice aux siens, afin que les crimes dont ils avaient été victimes il y a seize ans ne restent pas impunis. Si Issam Ibn Al Layl était sur le point de naître, Issam Ibn Djamal Ibn Yasmina continuerait de vivre à travers lui, dans le secret le plus absolu. Il devait au moins ça aux siens. Issam remercia Bayn, dont la lueur fanatique qui brillait dans ses yeux le rendait quelque peu mal à l’aise. L’étape suivante consistait à se purifier autant de corps que d’esprit. Parmi toutes les options proposées pour le faire, celle du sarcophage piqua sa curiosité. Bien que cela sonnait comme un piège dans sa situation, de son point de vue du moins, il était tenté par cet exercice. Aucun Apprenti n’avait trouvé le courage de le faire, hein ? Et bien, il allait être le premier. il saurait très rapidement s’il avait fait le bon choix ou non. La vue du sarcophage, même grand ouvert, était quelque peu intimidante. Il était sur le point de s’allonger dans un espace très étroit pour y être enfermé plusieurs heures durant, isolé de tout et de tous. Il fallait espérer qu’il n’allait pas suffoquer et mourir étouffé. Son esprit fut une nouvelle fois envahi par l’hésitation et le doute. Il fut tenté de faire marche arrière et de choisir une option moins effrayante, mais cela sonnerait comme un aveu de faiblesse. Encore une fois, il n’était pas question de reculer. Après une profonde inspiration, comme s’il constituait sa propre réserve d’air de crainte d’en manquer une fois enfermé, il s’allongea dans le sarcophage, dont l’espace lui sembla encore plus exigu que lors de sa découverte il y avait quelques secondes de ça. Deux assassins présents refermèrent le couvercle dans un claquement sec, avant de le verrouiller. Les dés étaient jetés. Issam était enfermé, isolé, vulnérable et impuissant. Il commença à inspirer et expirer rapidement en tentant d’endiguer la peur panique qui commençait à le submerger. A cet instant, il n’était pas du tout dans les bonnes conditions pour s’abandonner à la méditation et la purification. Il lui fallait d’abord dompter son environnement. Et dire que c’était dans ce genre de réceptacle que tout être était voué à aller à sa mort. C’était horrible. Il était impossible de bouger là-dedans, encore moins de crier à l’aide vu que personne ne l’entendrait. Il devait traverser et surmonter cette épreuve seul et en sortir plus fort. Au moins, il ne manquait pas d’oxygène, contrairement à ce qu’il craignait. Mais il y faisait chaud. Il sentait des gouttes de sueur couler sur son visage et commencer à tremper ses vêtements. Issam puisa dans toute sa force d’âme pour se calmer et s’atteler à faire ce pour quoi il était enfermé dans le sarcophage. Il laissa son esprit vagabonder dans ses pensées, autant ses objectifs que ses souvenirs. Il ne put déterminer depuis combien de temps il était à l’intérieur, ni combien il lui en fallut pour apaiser son esprit, mais tout cela lui avait semblé durer une éternité. Une autre éternité plus tard, il avait enfin presque réussi à s’adapter à son nouvel environnement, qui était censé n’être que temporaire. Il commença à s’atteler à vider son esprit, relâcher son corps et entrer en méditation. Mais le souvenir de Malja Alsahra’, de sa famille et des autres habitants qui y avaient vécu continuait de le hanter. Plutôt que de lutter contre pour essayer de le balayer, il s’y plongea pleinement, fouillant dans sa mémoire pour tenter de retrouver quelques détails, quelques bribes d'indices sur l’allure de la horde qui les avait attaqués. Mais il ne voyait rien d’autre que des silhouettes et du sable soulevé par les sabots de leurs chevaux au galop, rien qui ne puisse lui permettre de les identifier, surtout bien des années après. En désespoir de cause, il fit ce qu’il n’avait jamais fait auparavant. Il commença à prier, à implorer, à quérir l’aide divine. - Quel que soit le dieu qui m’entendra, Melkor ou n’importe qui d’autre… Toi qui m’écoute, montre moi les visages de ceux qui ont attaqué et détruit Malja Alsahra’, mon village natal, tué ou capturé ses habitants, massacré ma famille et m’ont emmené ici, à Al’Tyr. S’ils sont encore en vie, préserve-les et guide mes pas jusqu’à eux afin que je puisse les punir moi-même pour leurs crimes. Guide mes lames vers leurs cœurs et leurs gorges et ôte de moi toute hésitation et toute pitié dans l’accomplissement de ma vengeance. Toi qui m’écoutes, qui que tu sois, ne reste pas indifférent à mes prières et fais de moi l’instrument d’une justice implacable à l’encontre de ces lâches.Sans savoir si ses prières avaient été entendues par une quelconque divinité, encore moins si elles seraient exaucées un jour, Issam chercha un apaisement qu’il finit enfin par trouver, parvenant enfin à vider son esprit de tout ce qui pouvait parasiter sa quiétude difficilement acquise. Il relâcha complètement son corps et son esprit. Sans s’en rendre compte, il sombra petit à petit dans une douce torpeur. Sans se souvenir tout de suite s’il avait rêvé, encore moins de quoi, une sensation de fraîcheur le tira de son sommeil lorsque les deux ombres ouvrirent le couvercle du sarcophage pour le laisser sortir. Ils l’informèrent qu’il lui restait environ deux heures avant le début de la cérémonie. Mal à l’aise dans ses vêtements trempés de sueur et clairement pas en état de se présenter devant le Conseil, Issam retourna à l’intendance pour y quérir une nouvelle tenue, similaire à celle qu’il portait, mais d’un gris bien plus sombre. Il se dirigea ensuite vers les bains pour s’y rafraîchir et surtout se laver, puis, une fois propre et sec, enfila sa nouvelle tenue avant de retourner une dernière fois, pour la soirée du moins, à l'intendance y déposer la tenue grise trempée de sueur afin de la faire laver et qu’elle puisse être remise en état dans les stocks disposés sur les étagères. L’Ombre passa ensuite le peu de temps qu’il lui restait à se préparer pour ce moment fatidique, allant boire un peu d’eau pour s’hydrater, profiter de la fraîcheur offerte par le crépuscule et méditer à nouveau afin de parachever sa préparation mentale à ce qui l’attendait. Il se remémora les instructions de Bayn afin de ne pas commettre d’erreur durant la cérémonie. Quelques minutes plus tard, un Assassin vint à sa rencontre pour l’inviter à le suivre sur un ton sobre mais ferme. En chemin, il informa Issam qu’il était possible qu’un ou plusieurs autres aspirants participent à la cérémonie, afin de permettre de gagner du temps et éviter d’accaparer les membres du Conseil plus que de raison. Cela dit, il fut surpris de voir Aoro arriver à sa rencontre devant la porte de la Salle du Conseil où il venait d’arriver quelques instants plus tôt. Il était curieux de savoir ce qu’elle faisait là alors que Yarvag Krel lui avait clairement signifié son échec à devenir Assassin. Mais le jeune homme n’osait prononcer la moindre parole… Pas ici, pas dans un lieu aussi important au sein de la Forteresse des Ombres. Les questions viendraient plus tard. Issam pouvait presque sentir la tension qui émanait de la jeune femme, à la limite du palpable. Il fallait avouer que le jeune homme n’en menait pas spécialement large non plus, surtout avec les craintes qu’il nourrissait de voir la vérité sur ce qu’il s’était passé à Umbar éclater et lui exploser à la figure. La présence de Aoro n’était pas faite pour le rassurer. Normalement, elle n’avait rien à faire là alors pourquoi se présentait-elle devant le Conseil pour participer à la cérémonie en sa compagnie ? Ça paraissait bien louche aux yeux d’Issam qui fut soudainement assailli par un mauvais pressentiment… Qui fut dissipé lorsqu’Aoro brisa le silence pesant qui régnait entre eux. - Je m’appelle Aoro. C’est quoi, ton nom ?- Issam… Enchanté de faire ta connaissance, Aoro. Il détailla la tenue de la jeune femme. Elle n’avait pas lésiné sur les soins apportés à son allure. Avec sa tenue d’Apprenti sobre et grise sombre, Issam faisait pâle figure comparé à elle, mais était-ce important aux yeux du Conseil ? Le principal était avant tout d’être propre et soigné, ce qu’il était malgré la simplicité de son accoutrement qui n’affichait aucune fioriture. - Ça va bien se passer - Oui, c’est un grand moment pour nous. C’était censé être en effet un grand moment. La concrétisation de tous les efforts fournis depuis leur entrée au sein de la Confrérie des Ombres, que ce soit autant dans les épreuves et les entraînements que dans leurs sorties sur le terrain. La porte s’ouvrit sur un individu leur intimant d’entrer. Plus prompte à réagir qu’Issam, Aoro entra la première, le jeune homme se contentant de la suivre. La jeune femme et la raison de se présence malgré ce qu’il savait, ne faisaient déjà plus partie de ses préoccupations. Toute son attention était focalisée sur ce qui allait se passer à partir de maintenant. Les pas des deux jeunes gens les menèrent au centre d’une pièce sombre, cernés par des ombres dont les visages de la plupart leur semblaient inconnus : Les membres du Conseil. Issam reconnu néanmoins Danakil pour l’avoir aperçu en de très brèves et encore plus rares occasions durant ses années de formation au sein de la forteresse. Apparemment, c’était lui qui allait superviser le déroulement de la cérémonie. - Bienvenue... Bienvenue à tous les deux. Issam. Aoro. Bienvenue.En réponse à Danakil, Issam et Aoro ployèrent le genou à l’unisson, dans le silence le plus respectueux et le plus absolu. - Ce soir, le conseil doit décider de votre avenir au sein de la Confrérie. Nous sommes ici pour juger de votre valeur. De vos talents. De votre détermination. De votre loyauté, également. Intégrer la Guilde des Ombres est un immense honneur, vous le savez.- Oui, Maître., répondirent simplement Issam et Aoro d’une seule voix. - Vous avez tous les deux survécu au noviciat, et avez fait vos preuves pour mériter le titre d’Apprenti. Vos noms ont été recommandés par vos maîtres, car ils vous pensaient prêts à affronter le jugement du Conseil. C’est une marque de confiance dont, j’espère, vous saurez vous montrer dignes. Mais c’est au Conseil qu’il appartient de décider de votre sort. Au Conseil, et à lui seul.- Oui, Maître., répondirent-ils encore à l’unisson. Les paroles de Danakil sonnaient autant comme une lueur d’espoir dans les ténèbres de doutes et de craintes qui tourbillonnaient incessamment dans l’esprit d’Issam, que comme une mise en garde et un rappel que rien n’était encore acquis malgré le chemin parcouru. La tension était presque palpable tant Issam et Aoro craignaient d’échouer si près du but, mais tous deux nourrissaient l’espoir de ressortir de la pièce victorieux et récompensés par le titre d’Assassin qu’ils espéraient obtenir. Leurs têtes humblement inclinées, les deux jeunes gens ne purent croiser le regard de Danakil qui les fixa tour à tour avant de poursuivre son monologue. - Issam, nous commencerons par toi. Tu as mené une carrière exemplaire parmi nous. Le Conseil a étudié avec une très grande attention ton parcours, de ton premier assassinat au service de la Confrérie, jusqu’à ta dernière et délicate mission à Umbar. Maître Krel nous a informés que tu avais rencontré une résistance… inattendue. Ta survie doit beaucoup à ton ingéniosité, à ta vivacité d’esprit, et au respect scrupuleux des codes auxquels nous nous soumettons. Il a été porté à l’attention du Conseil que ta loyauté vis-à-vis des Ombres était intacte, même si tes convictions ont pu vaciller à Umbar. L’entraînement, la discipline et la dévotion à notre cause te permettront de rester sur le droit chemin. Ne t’en détourne jamais… Assassin.Au fur et à mesure que les mots quittaient les lèvres de Danakil, Issam se sentait galvanisé. Apparemment, cela se confirmait que Krel avait validé la version de son Apprenti quant au rapport oral qu’il lui avait fait sur sa mission à Umbar. Ses craintes commencèrent à se dissiper peu à peu, jusqu’à disparaître complètement lorsque le titre fut prononcé, tel un sceau apposé sur un document. “ Assassin”. Cette fois, le doute n’était plus permis. Il n’y avait aucune perfidie dissimulée dans les cœurs des membres du Conseil, aucune intention malveillante à l’égard de leur jeune interlocuteur. Au contraire, il venait enfin de gagner son titre tant convoité. Plus qu’un simple titre, c’était l’assurance que sa carrière allait se poursuivre au sein des Ombres, en même temps que sa vie. - Oui, Maître., répondit-il, seul cette fois. Sa voix était toujours sobre et discrète, mais intérieurement, il exultait. Il ne put totalement contenir sa surprise du fait de la facilité à laquelle il venait d’être adoubé. Issam osa lever quelque peu le regard, assistant à la remise d’une dague dans la main de Danakil, offerte par un Assassin qui ploya aussitôt après le genoux devant lui. Danakil tendit ensuite l’arme à l’Ombre qui ne la détailla que très brièvement. L’arme était ouvragée et connotait parfaitement avec l’activité de la confrérie, surtout avec la présence de ce dard de scorpion sculpté sur le pommeau. L’Assassin fraîchement nommé se contenta de garder l’arme en main, fixant à nouveau Danakil. Il aurait tout le temps d’examiner plus en détail la dague lorsque le moment s’y prêterait car il était hors de question d’offenser les membres du Conseil en la libérant de son fourreau devant eux. - Voici la Lame de la Guilde, symbole de notre confrérie. Répète après moi : par le sang versé, nous sommes liés. - par le sang versé, nous sommes liés, répéta Issam, conformément aux instructions de Bayn quelques heures plus tôt. A cet instant, plus rien ne semblait avoir d’importance, pas même ses vœux personnels qui tenaient pourtant une grande place dans son cœur il y avait encore quelques minutes seulement. Issam n’y avait bien sûr pas renoncé, mais pour l’instant, il les avait relégué au second plan. Pour l’heure, c’était son adoubement qui comptait. Réussir à obtenir un rang hiérarchique supérieur au sein de la confrérie, quel que soit son importance, était autant considéré comme un grand honneur que comme une récompense. - Assassin. Tu appartiens désormais pleinement à la Confrérie. Fais-tu serment de respecter son code, ses lois, et d’obéir toujours à la volonté du Hîr-Dae et du Conseil ?- Oui, Maître., répondit Issam en inclinant la tête en signe d’acceptation. Tant que cela n’entrerait pas en contradiction avec ses objectifs personnels, le jeune homme était prêt à se plier aux exigences du Conseil. Dans le cas contraire, il aviserait en fonction de la situation. - Fais-tu serment de ne jamais reculer devant une mission, et de toujours accomplir ton devoir avec fidélité et loyauté ? - Oui, Maître.Là encore, il espéra ne jamais avoir à choisir entre son devoir envers les Ombres et ses aspirations personnelles, désirant trouver le moyen de concilier les deux. - Fais-tu serment de garder toujours l’existence de la Guilde secrète, et de t’opposer de toutes tes forces à ceux qui menacent et menaceront ce secret ?Le souvenir de Za’Shin se matérialisa aussitôt dans l’esprit d’Issam lorsque cette question lui fut posée, comme s’il s’agissait à la fois d’un test sur sa détermination à accomplir cette tâche, quelle que soit la situation, que d’une façon détournée de lui annoncer qu’il allait devoir s’occuper du cas du vieil homme lui-même… Un vieil homme pas aussi vulnérable ni ordinaire qu’il en avait l’air, de ce qu’il savait depuis son dernier entretien avec Yarvag Krel. - Oui, Maître, j’en fais le serment, répondit Issam en relevant la tête, la flamme d’un apparent fanatisme brillant dans ses yeux. Une flamme autant mensongère que véridique. S’il y avait une part de lui prête à continuer de servir avec dévotion la Confrérie des Ombres, son autre part était en dormance, discrète, furtive, invisible tant qu’il le faudrait… Mais bien présente et prête à dicter ses actes au moment où il le faudrait. |
| | | Ryad Assad Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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~ GRIMOIRE ~ -: Humain -: 36 ans -:
| Dim 30 Juin 2024 - 14:28 | | Issam était un Assassin. La Confrérie des Ombres avait tranché, et le jeune homme plein d’ambition venait d’être enfin accepté dans le cercle des tueurs les plus redoutés de tout le Harad, et peut-être même de toute la Terre du Milieu. Il n’y avait pas de plus grand honneur, ni de plus grande récompense pour tout le travail qu’il avait accompli au cours de sa vie, et pourtant… La prestation de serment avait mis ses convictions à rude épreuve, et l’avait forcé à s’engager sur une voie de laquelle il ne pourrait jamais se détourner sans avoir à en affronter les conséquences. Des conséquences funestes et violentes, si l’on en croyait l’opinion de Krel, qui s’était efforcé de se montrer parfaitement clair. « J’en fais le serment », avait-il répondu à Maître Danakil. Par ces mots, simples en apparence, il avait irrémédiablement lié son destin à celui de la Confrérie. Il était désormais un membre à part entière des Ombres, mais puisque c’était parmi elles qu’il devrait évoluer, il renonçait à toute opportunité de revoir un jour la lumière. La lueur de dévotion que les maîtres décelèrent dans son regard était la seule chose qu’il était autorisé à conserver pour guider son chemin dans les ténèbres dont il s’entourait désormais. L’Assassin nouvellement nommé fut autorisé à se redresser, et il regagna prudemment sa place, savourant enfin son passage dans ce nouveau monde. A ses côtés, il percevait distinctement les tremblements d’Aoro, qui s’efforçait de maîtriser sa nervosité. Elle lui jeta un regard indéchiffrable. - Aoro, fit Danakil, en la surprenant dans ses pensées. À ton tour.Elle s’avança. Son attitude contrastait violemment avec celle de la veille. La jeune femme enflammée, audacieuse et intrépide avait cédé la place à une âme effrayée, entièrement soumise à la décision du Conseil. Ses grands yeux trahissaient soudainement la jeunesse que ses exceptionnelles qualités martiales et son caractère bien trempé cachaient par ailleurs. Elle s’inclina respectueusement devant Danakil, qui reprit : - Le Conseil a suivi tes progrès avec beaucoup d’intérêt. Tu as fait forte impression à Maître Liang, et Maître Zeyan ne tarit pas d’éloges sur toi. Tes premières missions à Urlok et à Djahar’Mok ont été couronnées de succès, et tu as pendant longtemps été considérée comme une des lames les plus prometteuses de la Confrérie. Cependant…Aoro retint son souffle : - Il a été porté à notre attention que ton attitude n’était pas conforme à celle que nous attendons de la part de nos frères et sœurs. Le talent ne fait pas tout, Aoro. Il ne suffit pas à devenir une Ombre. Nous exigeons une loyauté indéfectible, une discipline de fer, une rigueur morale exceptionnelle. Nous avions tous perçu ton potentiel s’agissant d’ôter la vie. Nous attendions de constater des progrès sur le plan du comportement, de l’attitude… Sur ce plan, ton parcours est une déception. Nous attendions mieux de toi, Apprentie.Les paroles de Danakil étaient aussi dures que définitives. Aoro sentit son cœur se serrer en même temps que ses poings, mais sa rage se liquéfia devant l’ampleur de son échec, et se mit à couler le long de ses joues. Elle n’émit pas le moindre son, et demeura parfaitement immobile, terrassée par la nouvelle. Le Maître qui se tenait en face d’elle la toisait sans malice, compatissant sincèrement à sa réaction. Le débat avait été animé entre les différents membres du Conseil, certains avançant des arguments plaidant en faveur de la jeune femme, d’autres préférant respecter les traditions, et inculquer à cette écervelée arrogante que le respect de la hiérarchie et des ordres était une condition absolue pour intégrer la Confrérie. Les discussion avaient fini par aboutir à un accord original. - Cependant, reprit Danakil, nous reconnaissons tes efforts. A ton arrivée ici, tu étais… inconstante, immature et rustre. Nous avons réussi à polir ces aspects de ta personnalité, et quoique tu ne sois pas prête à devenir un Assassin à part entière… Le Conseil a estimé que tu méritais une autre chance. C’est une opportunité exceptionnelle, tu en as conscience ?- Oui, maître ! Répondit-elle avec une énergie retrouvée. Elle avait levé les yeux, le regard empli d’un fol espoir auquel elle était prête à s’accrocher de toutes ses forces. Peu importe ce qu’il lui demanderait, peu importe ce qu’il exigerait d’elle, elle était prête à le lui donner sans réserve pour avoir une chance de faire partie des seuls individus qu’elle considérait comme sa famille, même si ce concept lui demandait encore de gros efforts d’assimilation. - Tu seras donc Apprentie, jusqu’à ce que ton instructeur juge que tu en seras digne.En disant cela, il avait levé le bras droit en direction de la porte, comme pour congédier la jeune femme. Elle eut un moment d’hésitation, avant de se retourner, et d’ouvrir des yeux ronds à mesure que son cerveau comprenait. - L-Lui ? M-Mais…Il ne l’écoutait pas : - Issam. Assassin. Le Conseil te charge de cette mission honorifique. C’est une immense marque de confiance, mais également un moyen de t’aider à parfaire ton éducation. A renforcer tes convictions. On ne peut transmettre que ce que l’on est, et Aoro a besoin d’apprendre auprès de toi les valeurs de loyauté, de rigueur, d’humilité. Tâche de te montrer digne.- Maîtr… Essaya Aoro, en vain. Danakil écarta les bras, et dans un bel ensemble tous les membres du Conseil se levèrent, glissant silencieusement sur le sol jusque vers Issam. L’un après l’autre, ils vinrent lui poser une main chaleureuse sur l’épaule, lui glissant parfois quelques mots d’encouragement, ou des « bienvenue » sincères. Aucun d’entre eux ne prit la peine de toucher, ou ne fût-ce que d’adresser la parole à Aoro. Elle n’était encore qu’une Apprentie, après tout… Ils quittèrent la pièce les uns après les autres, à l’exception du maître de cérémonie qui les invita à le suivre. Ils quittèrent la pièce principale, et longèrent couloir modeste qui les mena vers un bureau confortable. Sans doute le bureau du Maître en personne. Danakil était une figure bien connue à Al’Tyr, mais rares étaient les Ombres à pouvoir pénétrer dans son réduit personnel, où se trouvaient de nombreux livres, quelques trophées de ses précédentes missions, et surtout une pile de documents à lire et à traiter qui ne donnait certainement pas envie d’occuper des fonctions aussi importantes. Il s’assit confortablement dans son fauteuil, et invita Aoro et Issam à faire de même. Dans ce cadre plus informel, il pouvait répondre à leurs questions : - Le Conseil n’a pas pris cette décision à la légère, croyez-moi. Aoro, il semblerait que Maître Zeyan se soit prise d’affection pour toi… assez pour infléchir une décision qui t’était clairement défavorable. Ton esclandre contre Krel était inacceptable, et ne devra plus se reproduire. Plus jamais.- Très bien, maître.Il sourit. - Bien. Tu n’es pas une mauvaise fille. Tu as simplement besoin d’être guidée. Issam est un de nos meilleurs éléments. Il n’est peut-être pas le meilleur combattant parmi les Ombres, mais il a grandement impressionné Maître Krel par ses qualités morales. Tu seras son Apprentie, et tu obéiras à toutes ses directives. Sans poser la moindre question. Est-ce entendu ?- Oui, maître.Aoro lança un regard en coin à Issam. Un regard qui n’était plus chargé de méfiance et d’hostilité, mais qui oscillait entre l’incompréhension et l’espoir. Il représentait à ce stade sa seule chance de demeurer au sein de la Confrérie et, si elle se fiait à ce que Maître Zeyan lui avait dit, sa seule chance de survivre, tout simplement. Danakil tourna la tête vers l’Assassin. - Quant à toi Issam, félicitations… Cette promotion est amplement méritée, nous sommes très fiers de toi. La mission qui t’es confiée est originale, mais elle est d’une importance capitale pour nous. Le Conseil a jugé que tu ferais un bon formateur, et nous ne doutons pas de tes capacités à lui inculquer tout ce que tu as appris durant ta mission à Umbar. Je comprendrais que cela puisse t’inquiéter, mais garde confiance en toi, et en notre enseignement. Si tu as des questions, c’est le moment de les poser. Ensuite, je devrai me rendre ailleurs, je suis attendu.Il croisa les doigts au-dessus de son bureau, curieux de savoir ce que le jeune Assassin pourrait bien lui demander. ~ ~ ~ ~ - Ce n’est pas ce que j’avais en tête ! Je n’apprécie pas que vous utilisiez Aoro ainsi !- Kin… Calme-toi. Ton attachement envers cette gamine obscurcit ton jugement. Notre devoir est à la Confrérie, et nous devons avant tout prendre des décisions pour la défendre.Elle laissa un peu retomber sa colère. Ce n’était pas le moment d’avoir une parole déplacée. La moitié du Conseil avait fait le déplacement pour discuter de cette soirée avec elle – y compris Maître Danakil – ainsi que Yarvag Krel qui avait rejoint la conversation un peu plus tard, sitôt qu’il avait pu se libérer. La tueuse de l’Extrême-Harad inspira profondément par le nez, et reprit plus doucement : - Ce n’était pas ce que nous avions convenu, Danakil… Aoro devait continuer sa formation d’Apprentie auprès de moi. Pas d’un Assassin sans expérience. Pourquoi l’avoir choisi, lui ? A-t-on déjà vu un Assassin fraîchement promu être chargé de l’instruction d’un Apprenti ?- Non, c’est une première… Mais nous avons nos raisons. Aoro a besoin d’apprendre l’humilité, et elle ne le fera pas auprès de quelqu’un qu’elle admire plus que tout au monde. Tu l’as sauvée, Kin. Tu lui as donné une nouvelle chance, une nouvelle vie… Le respect qu’elle te porte ne disparaîtra jamais, mais cela ne signifie pas qu’elle parviendra à incliner la tête devant autrui. En la plaçant sous la tutelle d’un simple Assassin, nous la renvoyons presque au noviciat. Cela lui fera mal, indéniablement. Mais elle a besoin de souffrir pour comprendre.Les arguments du Maître étaient convaincants. Danakil avait vu passer plusieurs générations d’Apprentis devant lui, et il commençait à deviner ce dont ils avaient besoin avant même qu’ils ne le sussent eux-mêmes. Ceux qui n’avaient connu que la violence ne comprenaient pas d’autre langage, et ils avaient besoin d’être humiliés pour découvrir l’humilité. Ce n’était pas plus compliqué que cela. Et si la décision du Conseil ne lui convenait pas, elle était libre de refuser, et d’en assumer pleinement les conséquences. - Mais pourquoi Issam ? Yarvag… Tu dis justement que tu as des doutes concernant sa loyauté. Pourquoi le choisir lui ?Krel sortit de sa réserve. Il ne faisait pas partie du Conseil, mais il connaissait si bien les Novices et les Apprentis que son avis était souvent pris en compte dans les décisions. Son passé trouble ne remettait en cause ni ses compétences, ni sa clairvoyance. Ni son franc-parler. Il eut un sourire provocateur : - Pardonne mon avis un peu tranché, Kin, mais Aoro est une petite conne immature et arrogante. Cependant, elle aime sincèrement la Confrérie, et elle fera tout pour la servir. Si les doutes d’Issam venaient à prendre le pas sur son bon sens et son esprit d’auto-préservation, je suis certain qu’elle saurait quoi faire. Ses défauts pourraient alors se transformer en une qualité inestimable pour nous.- Elle n’est donc qu’un outil à vos yeux… Le lui avez-vous dit ?Danakil intervint : - Non. Nous préférons ne pas l’influencer. Son véritable test sera le plus ardu. Apprendre à obéir sans réserve à un homme qu’elle n’estime pas… et apprendre à désobéir à ce même homme si d’aventure elle estime qu’il est une menace pour les Ombres.Kin Zeyan serra les mâchoires. Aoro était prise dans un jeu malsain, guidée par un Conseil qui ne voyait en elle qu’une opportunité de contrôler Issam, et de l’empêcher de basculer. Se fichaient-ils de son potentiel ? De la loyauté qu’ils soulignaient pourtant ? Ignoraient-ils tout ce qu’elle pouvait apporter à la Confrérie, alors qu’elle était encore si jeune et si perfectible ? Avec un meilleur maître… avec un peu plus de temps… Les espoirs de la tueuse furent balayés lorsque Danakil convoqua la fin de la réunion. Elle resta seule avec ses pensées, en se demandant si sa protégée saurait se montrer à la hauteur… et si elle survivrait à la tâche impossible que lui confiaient ses Maîtres. ~ ~ ~ ~ Une brise légère au parfum iodé caressa les cheveux d’Aoro. La jeune femme n’avait pas ouvert la bouche de toute la réunion, se contentant d’écouter l’échange entre Danakil et Issam. Ses pensées étaient confuses, bousculées par les nouvelles auxquelles elle avait dû faire face successivement. Le refus du Conseil lui avait fait l’effet d’un coup de poing en pleine poitrine. Elle qui avait fait tant d’efforts, qui s’était tant battue, qui avait tant rêvé de ce jour triomphal… Elle était littéralement tombée des nues, et elle tombait encore, attendant patiemment le choc mortel qui la ramènerait à la réalité, ou la plongerait dans la nuit éternelle. Mais rien. Elle était toujours vivante, et de toute évidence ce monde était bel et bien réel, une prison dont elle ne pouvait pas s’échapper. Les murs du Phare ne lui avaient jamais semblé si proches, si hauts, si menaçants. Les silhouettes de ses frères et sœurs de la Confrérie n’avaient jamais paru si froides et étrangères. Elle inspira profondément. La présence d’Issam à ses côtés lui renvoyait des sentiments conflictuels. Elle le jalousait du plus profond de son être, et aurait tout donné pour que leurs rôles fussent inversés. Lui, et sa rigidité presque comique, son idéalisme pathétique, son zèle si exemplaire et si prompt à convaincre les membres du Conseil… Elle le voyait comme un homme lisse, sans aspérités, sans la moindre émotion… Elle savait que la Confrérie appréciait ce genre de profils, celui de personnes ne posant pas la moindre question, ne remettant jamais en doute le système : des fanatiques endoctrinés, qui ne savaient penser par eux-mêmes. C’était lui, entre tous, qu’ils avaient choisi pour lui servir de guide. Elle le détestait. Sans le connaître, elle le détestait tout entier. Lui, et tout ce qu’il symbolisait. Tout ce qu’il représentait, et qu’elle n’avait pas. Elle le détestait parce qu’au fond, elle aurait peut être aimé être comme lui… Elle le détestait car elle s’en voulait terriblement de n’avoir pas su garder le silence face à Krel, de n’avoir pas su courber l’échine quand il le fallait, afin d’obtenir ce qu’elle souhaitait. Elle avait été idiote, et elle en payait désormais le prix. Un prix qui aurait sans doute pu être bien plus élevé, elle le devinait sans mal, sans l’intercession discrète de Maître Zeyan pour la sauver d’un sort funeste. Les larmes montèrent une nouvelle fois à ses yeux. Elle se contint, par la seule force de sa volonté, et n’en laissa couler aucune. - Je…Elle ne savait pas quoi lui dire. Elle ne savait pas quoi lui demander. Maître Zeyan avait été son guide dans la tempête depuis tellement d’années qu’elles avaient développé une forme de communication fluide. Aoro se rendit compte qu’elle ignorait comment s’adresser à Issam… Quel degré de révérence utiliser, ou même si elle pouvait s’adresser à lui sans y avoir été invitée. Pouvait-elle librement prendre congé de lui, ou devait-elle lui en demander la permission ? Devait-elle parler en s’inclinant ? En se prosternant ? En se vautrant par terre pour lui montrer à quel point elle n’était rien face à lui et son nouveau statut ? Son regard, qui se durcit brièvement, se fit soudainement très triste. - Dois-je vous appeler « maître » ?La question lui avait paru naturelle, car la réponse ne l’était pas. Les « maîtres », au sein de la Confrérie, étaient ceux qui avaient été choisis personnellement par le Hîr-Dae pour endosser cette responsabilité, et former des élèves. Isssam venait à peine d’obtenir le titre d’Assassin et les véritables Maîtres n’auraient certainement pas apprécié d’entendre qu’il se faisait appeler ainsi, mais dans les faits rien ne l’empêchait de demander à Aoro de s’adresser à lui par ce titre en privé, ou à l’extérieur du Phare. La jeune femme ne connaissait guère Issam, et elle se rendit compte que la réponse à cette question lui en apprendrait beaucoup sur cet homme qu’elle pensait par ailleurs avoir cerné. Elle choisit donc de baisser les yeux, et d’adopter la posture qu’elle moquait souvent chez les autres Apprentis. La servilité. La dévotion. Le respect. C’étaient les premières heures de sa dernière chance, et elle ne souhaitait pas les gâcher. Pour rien au monde. #DanakilMembre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
Bourse : 3.500£ - Salaire : 3.000£
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| | | Issam Ibn Al Layl Assassin du Harad
Nombre de messages : 56 Age : 48 Localisation : Dans les ombres Rôle : Assassin
~ GRIMOIRE ~ -: Humain (Haradrim) -: 21 ans -:
| Mar 2 Juil 2024 - 11:44 | | Le serment oral d’Issam apposa le dernier sceau de la validation de son nouveau titre au sein de la Confrérie des Ombres. Un objectif vieux de plusieurs années venait enfin de s’accomplir. Autrefois, le jeune Novice Issam Ibn Djamal avait cessé d’être pour devenir l’Apprenti Issam Ibn Djamal. Aujourd’hui, ce nouvel avatar cédait sa place à l’Assassin Issam Ibn Al Layl, un nouveau lien de parenté qu’il acceptait, mais qui devrait secrètement cohabiter avec son ancienne identité qui ne devait pas mourir. Il n’en démordrait pas. La seule difficulté était de parvenir à concilier les deux sans que cela ne passe pour une trahison auprès de la Confrérie des Ombres à laquelle, il en avait pleinement conscience, il devait tout. Même promu, il restait pour l’heure une Ombre de petite envergure au sein des Ombres plus expérimentées et c’était un avantage. Parfois, les petites choses pouvaient se mouvoir et agir sans qu’on le remarque. Et il comptait bien profiter de cet avantage. Fort de sa réussite et de ses convictions, Issam se mit en retrait lorsqu’il fut autorisé à se relever, pour laisser place à Aoro. Les interrogations qu’il avait eu au sujet de la jeune femme au moment où elle l’avait rejoint devant la porte de la salle du conseil lui revinrent en tête. Que faisait-elle là, sur le point d’être adoubée alors que Yarvag Krel avait été très clair à ce sujet ? Comment le conseil allait-il justifier une telle validation ? Pourquoi aller à l’encontre de la décision de Krel si ce dernier avait les arguments valables pour justifier de s’opposer à la montée hiérarchique d’Aoro ? Bien évidemment, les membres du Conseil avaient tout à fait le droit de ne pas tenir compte de l’avis d’un Maître-Assassin, ils avaient le dernier mot après tout. A moins que… Et si le piège qu’Issam s’était imaginé se construire et se resserrer petit à petit sur lui était en fait destinée à elle et non à lui depuis le début ? Si elle n’avait été convoquée ici que pour être mise face à son échec et les conséquences que cela entraînait, c’est-à-dire, la mort ? Cette option paraissait la plus logique dans l’esprit de l’Assassin fraîchement nommé, mais comment la sentence allait-elle être appliquée ? Qui se verrait chargé de couper le fil qui maintenait Aoro en vie ? Lui peut-être ? Se verrait-il ordonner cette tâche afin que les membres du Conseil soient certains qu’il ne faillirait pas, que sa loyauté était inébranlable ? Possible… Ou pas. Issam chassa toutes ces pensées de son esprit, pour suivre avec attention ce qui allait suivre. Il fixait tour à tour Danakil et Aoro. Bien que cette dernière lui tournait le dos, Issam pouvait aisément ressentir le stress qui assaillait la jeune Ombre. - Le Conseil a suivi tes progrès avec beaucoup d’intérêt. Tu as fait forte impression à Maître Liang...Maître Liang. L’évocation du Maître-Assassin le plus mystérieux et exotique de la Confrérie des Ombres de Al’Tyr rappela à Issam la dérouillée qu’il avait subi tôt ce matin par Liatris. Si Aoro avait fait bonne impression à l’Instructeur, le jeune homme ne pouvait malheureusement pas en dire autant et rien que d’y penser, il en était encore autant désolé que frustré. Mais il comptait bien changer ça. S’entraîner avec acharnement pour devenir aussi bon, voire meilleur que Liatris faisait partie de ses objectifs personnels. Même si cela devrait prendre des semaines, voire des mois pour être plus réaliste, ou même des années, il y parviendrait, il s’en fit le serment à lui-même, un serment aussi passionné et solide que celui qu’il venait de faire à Danakil quelques minutes plus tôt. - ...et Maître Zeyan ne tarit pas d’éloges sur toi...Maître Zeyan. Il ne l’avait jamais connue de toute sa vie passée à la Forteresse des Ombres, ne l’ayant rencontré qu’hier soir lorsqu’elle était intervenue pour calmer les ardeurs d’une Aoro en furie d’apprendre de la bouche de Yarvag Krel qu’elle ne deviendrait jamais Assassin. Et pourtant elle connaissait son nom, l’ayant clairement appelé Issam lorsqu’elle lui avait souhaité bon retour à la Forteresse. Cela dit, comme il s’en était déjà fait la réflexion, il n’y avait rien de si déroutant que ça pour un Maître-Assassin de connaître le nom de l’une des Ombres même sans jamais l’avoir rencontré. En tout cas, Zeyan avait fait bonne impression à Issam. Elle lui rappelait un peu Zulah, cet assassin de grand talent qui avait tout le potentiel pour devenir Maître-Assassin… Mais qui visiblement n’en avait pas eu le temps car disparu en mission. - ...Tes premières missions à Urlok et à Djahar’Mok ont été couronnées de succès, et tu as pendant longtemps été considérée comme une des lames les plus prometteuses de la Confrérie...Danakil ne tarissait pas d’éloges au sujet d’Aoro. Et s’il le disait, c’est que c’était mérité. Les prétentions de la jeune femme à se prétendre meilleure que ses pairs étaient sans doute un peu trop exagérées, mais elle semblait réellement capable. Il était dommage qu’elle se soit donnée ainsi en spectacle devant Krel et s’être par extension tiré un carreau dans le pied. - ...Cependant… A propos de ça, Danakil allait à présent aborder le sujet qui faisait mal et qui sonnerait sans doute irrémédiablement la fin des espoirs d’Aoro. Issam resta attentif aux paroles du Maître. - Il a été porté à notre attention que ton attitude n’était pas conforme à celle que nous attendons de la part de nos frères et sœurs. Le talent ne fait pas tout, Aoro. Il ne suffit pas à devenir une Ombre. Nous exigeons une loyauté indéfectible, une discipline de fer, une rigueur morale exceptionnelle. Nous avions tous perçu ton potentiel s’agissant d’ôter la vie. Nous attendions de constater des progrès sur le plan du comportement, de l’attitude… Sur ce plan, ton parcours est une déception. Nous attendions mieux de toi, Apprentie. Issam lui-même en eut la poitrine serrée lorsque Danakil prononça ces paroles. Bien qu’elles ne lui étaient pas adressées et bien qu’il ne connaissait pas Aoro, il ne put s'empêcher de pincer les lèvres et les humidifier avec sa langue tout en déglutissant. Il remercia des divinités auxquelles il ne croyait pas, à qui il avait pourtant imploré l’aide plus tôt, enfermé dans un sarcophage, de ne pas être à la place de la jeune Apprentie. Il se mit soudain à imaginer la suite. Il était clair que Aoro ne deviendrait pas Assassin… Et qu’elle en savait trop sur la Confrérie des Ombres pour qu’on lui permette de vivre. Comment allait-elle mourir, qui allait s’occuper d’elle ? Issam n'avait jamais de sa vie eu pour cible l’un ni l’une de ses pairs. Et si c’était à lui qu’on ordonnait de le faire ? Comment allait-il s’y prendre ? Quelle arme allait-il employer pour faire en sorte que sa mort soit la plus rapide possible ? Et surtout, serait-il capable de tuer une Ombre sans hésitation autant qu’il s’en était montré lorsqu’il avait dû tuer toutes ses cibles par le passé ? Ses questions furent heureusement balayées par Danakil qui prononça une sentence assez inattendue. Aoro se voyait offrir un privilège encore jamais vu à la connaissance d’Issam. Elle ne deviendrait pas Assassin, mais elle bénéficierait d’une nouvelle chance pour le devenir. Le jeune homme fut surpris, mais conserva une attitude neutre. Surpris… Et content pour elle. Même si elle ne lui avait pas fait bonne impression lors de leur première rencontre, même si l’envie de lui rabaisser le caquet l’avait traversé à ce moment-là, il n’avait rien contre elle. S’il avait été à sa place, il aurait aimé qu’on lui accorde la même faveur. Mais le plus inattendu fut lorsque Danakil leva le bras vers Issam pour désigner le nouveau maître d’Aoro. Le jeune homme cru d’abord avoir mal compris les paroles et les intentions du Maître de Cérémonie, puis cru à une mauvaise farce avant de ne plus savoir du tout quoi croire. Si Aoro n’en revenait pas, lui non plus. Lui, avoir une Apprentie alors qu'il venait à peine de concrétiser son initiation au sein des Ombres ? Qu’est ce que tout ça signifiait ? S’il était encore besoin de confirmer que Danakil avait été très clair, cela se fit immédiatement lorsque ce dernier reprit : - Issam. Assassin. Le Conseil te charge de cette mission honorifique. C’est une immense marque de confiance, mais également un moyen de t’aider à parfaire ton éducation. A renforcer tes convictions. On ne peut transmettre que ce que l’on est, et Aoro a besoin d’apprendre auprès de toi les valeurs de loyauté, de rigueur, d’humilité. Tâche de te montrer digne.- Oui, Maître, s’entendit simplement dire Issam, ne sachant comment réagir, encore moins quoi dire d’autre. Tout de suite après, il fut félicité et encouragé chaleureusement par les membres du Conseil et tous ceux présents dans la salle, à l’exception d’Aoro et de Danakil qui restèrent à leur place. La tournure que ça prenait était de plus en plus étrange. Une petite voix intérieure lui murmurait qu’on lui faisait un cadeau empoisonné, si tant est que c’était un cadeau. Ce n’était pas normal et même s’il comptait faire son devoir, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il y avait de la part des hautes autorités de la confrérie, des intentions plus obscures que les raisons qu’ils avaient énoncées à leur décision de confier une Ombre à une autre Ombre aussi inexpérimentée qu’Issam pour parfaire sa formation. Issam suivit Danakil sans broncher jusqu'à son bureau personnel. C’est là que se poursuivit la discussion entre les trois protagonistes. L’Assassin nouvellement adoubé resta silencieux, le temps que le Maître de Cérémonie s’entretienne avec Aoro. - Le Conseil n’a pas pris cette décision à la légère, croyez-moi. Aoro, il semblerait que Maître Zeyan se soit prise d’affection pour toi…Il ne fut pas étonné d’apprendre que c’était Zeyan qui avait influencé le Conseil pour laisser une seconde chance à la jeune femme. - ...assez pour infléchir une décision qui t’était clairement défavorable. Ton esclandre contre Krel était inacceptable, et ne devra plus se reproduire. Plus jamais.Et dire que c'était à lui de faire en sorte que cela n’arrive plus. Si Aoro avait été capable de se montrer aussi insolente et outrancière envers un Maître-Assassin, comment Issam allait-il devoir s’y prendre pour parvenir à se faire respecter ? - Bien. Tu n’es pas une mauvaise fille. Tu as simplement besoin d’être guidée. Issam est un de nos meilleurs éléments. Il n’est peut-être pas le meilleur combattant parmi les Ombres, mais il a grandement impressionné Maître Krel par ses qualités morales.“Pas le meilleur combattant”. La formulation n’était pas très flatteuse pour le jeune homme, bien qu’elle était vraie. Mais il comptait bien changer ça. Et Maître Liang était disposé à rendre ça possible. Cela dit, il remercia Danakil pour les éloges qu’il venait de lui adresser. - Merci, Maître.- Tu seras son Apprentie, et tu obéiras à toutes ses directives. Sans poser la moindre question. Est-ce entendu ?- Oui, MaîtreLa réponse d’Aoro ne suffit pas à le convaincre. Beaucoup de travail l’attendait avec elle et surtout, de beaucoup de patience il allait devoir faire preuve. - Quant à toi Issam, félicitations… Cette promotion est amplement méritée, nous sommes très fiers de toi. La mission qui t’es confiée est originale, mais elle est d’une importance capitale pour nous. Le Conseil a jugé que tu ferais un bon formateur, et nous ne doutons pas de tes capacités à lui inculquer tout ce que tu as appris durant ta mission à Umbar. Je comprendrais que cela puisse t’inquiéter, mais garde confiance en toi, et en notre enseignement. Si tu as des questions, c’est le moment de les poser. Ensuite, je devrai me rendre ailleurs, je suis attendu. - Merci, Maître, bien Maître.Tout ce qu’il avait appris à Umbar… Danakil et les autres Maîtres de la confrérie étaient-ils donc si peu au fait de ce qui s’était vraiment passé là-bas ? Devait-il lui apprendre l’esprit chevaleresque qu’il avait vu s’éveiller en lui, la trahison envers ses commanditaires, même si elle était justifiée, ou encore l’honneur et les sentiments personnels qui l’avaient poussé à mentir à Yarvag Krel pour pour protéger Za’Shin ? Si Issam devait enseigner les valeurs qu’il avait apprises là-bas, il ferait d’Aoro une déviante, à la limite de la traîtrise, comme il l’était devenu lui-même. Issam ne su quelle question poser. Tout avait été clair, tout avait été décidé, il n’avait pas son mot à dire. - Aoro devra m’accompagner durant chacune de mes mission, Maître ?C’était la seule question qui lui était venue à l’esprit. ~ ~ ~ ~ Issam et Aoro avaient fini par être congédiés par Danakil une fois qu’il en eut terminé avec eux. Les deux jeunes gens se trouvaient actuellement dans la cour de la forteresse, éclairée par de nombreuses torches dont les flammes vacillaient sous la brise légère et nocturne, luttant pour ne pas s’éteindre. Le ciel d’un noir profond parsemé d’innombrables étoiles était tel un spectateur assistant à l’activité qui régnait encore dans la cour, bien qu’amoindrie par l’heure tardive, et aux déboires des deux Ombres qui restaient côte à côte, sans savoir quoi se dire, encore moins par où commencer. Issam était perdu… Et effrayé. La tâche qu’on lui avait confiée lui semblait impossible à réaliser, pour l’heure en tout cas. Lui, mentor ? C’était trop tôt. Comment allait-il pouvoir apprivoiser Aoro dont il devinait l’hostilité à son égard ? Il n’était pas stupide. Bien que la jeune femme s’évertuait à cacher ses émotions, il pouvait sentir l’animosité qui émanait d’elle. Pour construire de bonnes bases avec elle et l’adoucir, il allait devoir trouver les bons mots. Jouer les petits chefs, c’était hors de question… Il n’en avait pas envie de toute façon. - Dois-je vous appeler « maître » Il ne répondit pas tout de suite. Il déglutit, cherchant les bons mots, le regard fixé vers l’horizon, au-delà des murailles protectrices de la Forteresse des Ombres. “Maître”, un titre qu’il ne méritait pas, pour bien des raisons. Il prit une profonde inspiration, puis fixa Aoro. - Non, je… Je ne crois pas que…Il hésitait. Il cherchait comment parvenir à créer un lien Maître-Apprentie sans pour autant être élevé au même rang que ceux qui avaient légitimement mérité d’être appelés ainsi. - Pour le moment, appelle-moi Issam, ça suffira… Il marqua une pause avant de reprendre. - Écoute, Aoro… Je comprends que cette situation soit difficile pour toi… Elle l’est tout autant pour moi. Je ne me sens pas prêt à assumer un tel rôle, c’est trop tôt, tu comprends ? Mais je ne peux pas revenir en arrière. Maître Danakil n’en serait pas satisfait. Je ne sais pas quel genre de mentor je vais être, alors sois indulgente envers moi, tout comme je m’efforcerai de l’être envers toi.Issam continuait de fixer la jeune femme. Il ne la craignait pas, ni ne la détestait. Ce n’était pas pour ça qu’il tentait d’arrondir les angles avec elle. C’était surtout par désir de faire en sorte que leur future relation se passe le mieux possible, surtout pour elle qui avait une épée suspendue au-dessus de sa tête. Elle n’aurait pas de troisième chance, il le savait. Il voulait contribuer à sa réussite comme il l’aurait voulu pour n’importe quelle autre Ombre qui lui aurait été confiée à la place d'Aoro, comme il l'aurait voulu pour lui-même s'il avait été à sa place. Bien que les deux jeunes gens semblaient avoir à peu près le même âge, à peu de choses près, ils n’avaient jamais eu l’occasion de se côtoyer durant leurs années passées ici, au phare. Issam était curieux d’en savoir plus sur son apprentie. - Raconte-moi ton parcours.
Dernière édition par Issam Ibn Al Layl le Lun 30 Sep 2024 - 17:05, édité 3 fois |
| | | Ryad Assad Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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~ GRIMOIRE ~ -: Humain -: 36 ans -:
| Jeu 11 Juil 2024 - 10:54 | | Danakil observait Issam avec une grande attention. Les discussions allaient bon train dans le sein des seins des la Confrérie au sujet de ce jeune Apprenti dont on soupçonnait qu’il avait peut-être basculé, mais le Maître avait tenu à le voir de ses propres yeux, à le rencontrer personnellement, à le jauger en son âme et conscience. Le désormais Assassin lui semblait être un homme bien. Sa posture et son attitude trahissaient le profond respect qu’il éprouvait pour les Ombres et pour leurs coutumes, fruit d’un apprentissage rigoureux qui avait chevillé au corps de ce guerrier les valeurs d’une Guilde qui se targuait d’être bien davantage qu’une assemblée de tueurs sanguinaires sans foi ni loi. Au contraire, les Ombres étaient liées par un serment inviolable, et gouvernées par l’impératif d’une rectitude morale à toute épreuve. Issam était peut-être un peu académique, il manquait de souplesse, mais il était l’incarnation parfaite de ce que Yarvag Krel espérait voir chez un élève sorti de formation. Il n’était pas étonnant de constater qu’il avait appuyé lourdement la candidature d’Issam, malgré les doutes qui avaient assailli les autres membres du Conseil. La décision avait été prise sur le fil du rasoir, et Danakil s’était finalement rangé du côté de Krel, faisant pencher la balance à une voix près. Une voix, qui avait conduit Issam à devenir Assassin, et non à finir égorgé dans un caniveau. Une voix. La sienne. Un tel engagement, un tel risque, ne devait pas être pris à la légère. Si Issam venait à trahir lui aussi la Confrérie, et à devenir un nouveau problème insoluble, il aurait à porter la responsabilité de cet échec cuisant devant tous ceux qui l’avaient prudemment mis en garde contre les dangers d’une telle politique. Mais ces conservateurs effrayés préféraient la sage médiocrité d’élèves moyens mais obéissants, aux promesses tumultueuses d’esprits jeunes et indomptables, mais au potentiel si grand ! Les Ombres avaient besoin d’un renouveau, d’une régénération profonde, qui ne serait possible qu’en creusant dans le sillon de l’incertitude pour y dénicher les talents enfouis… ou les démons qui terrifiaient la Guilde. Danakil revint à Issam. A son unique question. Il en mesura pleinement le sens, à la lueur de tout ce qu’on racontait au sujet du jeune homme… Il souhaitait se séparer d’Aoro quelquefois ? Les raisons étaient-elles aussi nobles que le laissaient croire ces yeux habités par le zèle et la fierté ? Ou bien cachait-il derrière ce masque de loyauté indéfectible une personnalité plus complexe et plus nuancée ? Former un Assassin était toujours un pari, car qui pouvait mentir à une cible pour la tuer ne pouvait-il pas en faire de même avec sa propre famille ? - Tu es un Assassin, Issam. Tu es désormais habilité à opérer en solitaire, en acceptant en ton nom les contrats qui sont offerts à la Confrérie. Aoro ne sera pas tenue de te suivre lors de chacune de tes sorties… Cependant, nous aimerions que tu veilles sur son enseignement, et que tu y consacres du temps. Certaines missions peuvent être fort longues, comme ta dernière à Umbar. Si tu dois t’absenter, il est essentiel que tu penses à elle, et que tu puisses lui prévoir de quoi s’exercer le corps et l’esprit. Te voilà enseignant désormais. Ce sera très formateur pour toi, Issam, car on ne peut jamais transmettre que ce que l’on est.Ces paroles énigmatiques conclurent la réunion. ~ ~ ~ ~ La raideur d’Aoro s’apaisa quelque peu lorsque Issam lui répondit avec autant de simplicité de douceur qu’il lui était possible en cet instant. Elle le sentait au moins aussi troublé qu’elle pouvait l’être, et même si elle enviait du plus profond de son être la position dans laquelle il se trouvait, elle comprenait aussi que cette situation n’était pas de son fait, et qu’il la subissait également. Après tout, il s’était battu pour devenir un Assassin à part entière, autonome, libre de courir le monde sans devoir être enchaîné à un Maître ou à quiconque… Et au moment de franchir le seuil de cet univers, le voilà qui se retrouvait pieds et poings liés, enraciné au Phare par la présence d’une Apprentie qui ressentait pour lui une animosité peu commune. Elle fit une moue difficilement déchiffrable. Finalement, elle ne l’enviait pas tant que ça. Au cours de ses années de formation, Aoro avait toujours fait preuve d’un grand talent, sur lequel elle s’était largement reposée, ignorant la plupart du temps les conseils et les recommandations de ses supérieurs dans la Confrérie, convaincue qu’elle pouvait triompher en faisant les choses à sa manière. Elle n’était pas une élève facile, docile et plaisante. Elle n’était ni pleinement obéissante, ni d’excellente compagnie, et n’avait pour elle ni le charme certain de certaines tueuses qui savaient roucouler pour se mettre les hommes dans la poche, ni l’esprit vif et raffiné des grands penseurs au sens de l’humour acéré, capables d’entretenir de longues conversations sur tout et n’importe quoi. Elle n’était qu’une arme. Une arme d’une grande élégance, d’une grande beauté, d’une terrible efficacité… Mais en dehors de sa fonction première, elle ne savait rien faire. Elle n’était rien. Elle n’avait aucune utilité. Issam, à l’inverse, semblait plus équilibré, plus complet… Elle le regarda en coin, alors qu’il lui exposait ses propres doutes quant à l’union contre-nature qu’ils formaient désormais. Elle-même aurait-elle été capable de poser des mots aussi clairs et précis sur ce qu’elle ressentait, si les rôles avaient été inversés ? Aurait-elle parlé d’indulgence avec tant de compassion, si elle avait été en position de lui enfoncer la tête dans le sable ? Elle ne put cacher la lueur de surprise qui passa dans son regard, troublée par le souci qu’il avait d’ elle, alors qu’il ne la connaissait presque pas. Non pas de ce qu’elle pouvait lui apporter, ou de ce qu’elle rapporterait à la Confrérie. Il se préoccupait de son sort à elle. - J’essaierai, m…Le mot failli quitter sa bouche par réflexe, et elle se reprit juste à temps. Malgré toute sa bonne volonté, elle ne pouvait se résoudre à l’appeler Issam, cela brouillait trop les choses dans son esprit. Il lui faudrait trouver un terme acceptable, et moins familier que le prénom de son interlocuteur. Celui-ci sembla ne pas s’en formaliser, et projeta son attention sur un autre sujet, sans doute le plus sensible et délicat pour la plupart des Ombres. Rares étaient ceux qui entraient ici sans avoir connu une enfance difficile, faite de malheurs et de souffrance. Ceux qui survivaient à la formation de la Confrérie étaient fréquemment ceux qui n’avaient rien à perdre, et qui étaient prêts à tout donner pour intégrer une nouvelle famille susceptible de leur offrir un avenir. Aoro appartenait à cette catégorie, et comme beaucoup de ses compagnons assassins, elle avait fait de son mieux pour enfouir tous les souvenirs traumatiques de son existence au fond de son cœur, sous clé. Ne pas y penser, réprimer les émotions négatives, et utiliser tous les enseignements de la Confrérie pour ne jamais laisser ressortir la moindre once de faiblesse. S’ouvrir à un inconnu était déstabilisant. Effrayant, même. Mais Aoro n’avait pas le choix. Peut-être… Peut-être pouvait-elle laisser les détails les plus sombres de côté, et se concentrer sur l’essentiel… Elle inspira profondément, en pensant à ces boîtes à souvenir empilées soigneusement dans le réduit de son esprit. Scellées depuis longtemps, elles n’avaient pas vocation à être ouvertes, ni même approchées. Du bout de son esprit, elle se mit cependant à caresser ces éléments constitutifs de son passé, et tout à coup son visage se radoucit. Elle sembla rajeunir, alors que la crispation qui l’habitait en permanence refluait légèrement. Pendant une seconde, une autre Aoro émergea. Une fille à la beauté simple, au sourire franc, qui aurait pu connaître un autre destin, loin de la guerre et de la violence. Une fille au cœur trop pur pour ce monde brutal, qui aurait pu mettre son énergie au service de la vie et non de la mort. Une fille douce, un peu maladroite, talentueuse mais habitée par un doute permanent quant à sa place dans le monde. Une fille qui avait besoin d’être aimée, rassurée. - C’est Maître Zeyan qui m’a trouvée… Commença-t-elle, choisissant symboliquement cet épisode comme le point de départ de son existence. C’est grâce à elle que…Son regard se perdit dans le lointain, pendant une brève seconde. Le passé se recomposait progressivement dans le ciel nocturne, les souvenirs traçant des lignes invisibles entre les étoiles pour dessiner des silhouettes avalées par le temps. Le vent charriait le parfum d’une époque qui n’était pas totalement oubliée. Un sourire désarmant de douceur et de gratitude fleurit sur les lèvres de la jeune femme. - Je lui dois tout. Sans elle, je…Elle frissonna. L’illusion s’évanouit. Aoro la tempétueuse revint au premier plan, noyant dans une mer de tristesse et de douleur la jeune fille égarée qu’elle avait été. - Elle m’a pris sous son aile, et m’a conduit avec elle jusque dans les terres de l’Extrême-Harad, d’où elle est originaire… Elle a fait de moi son apprentie, elle m’a appris tout ce qu’elle savait, et a fait de moi son bras droit dans toutes ses entreprises. Je me suis battu pour elle, j’ai tué pour elle, j’ai volé, menti, trahi, trompé… J’ai tout donné pour Maître Zeyan, et j’aurais offert bien davantage encore si elle me l’avait demandé.Aoro avait connu une intégration inhabituelle au sein de la Confrérie. Elle n’avait jamais été Novice au sein du Phare, et elle avait été formée loin des préceptes des Ombres, sur le terrain, sans respecter les protocoles et les règles mises en place par le Hîr-Dae et le Conseil. Son attitude découlait en grande partie de là. Elle avait du mal à obéir, tout simplement car elle n’avait jamais appris à le faire. Quant à son talent, elle le devait à son exposition permanente à la réalité du métier d’Assassin. Elle n’avait jamais connu le cocon protecteur du Noviciat, et elle avait été plongée immédiatement dans la guerre et le sang. A l’âge où les Ombres apprenaient à se servir d’armes en bois posées sur des râteliers, elle était déjà en train de plonger un poignard dans le cœur d’un homme adulte. Elle n’avait reculé devant rien pour atteindre les cibles désignées par Maître Zeyan, allant même jusqu’à exciter les appétits les plus vils d’hommes odieux, alors qu’elle était à peine nubile. Elle ignorait le code de la Confrérie, et elle avait tué des innocents, des femmes et des enfants, pour pouvoir accomplir sa mission, sans se soucier des conséquences… Il avait bien fallu instaurer ce règne de terreur pour imposer le respect à ceux qui n’avaient pas souhaité se soumettre à la domination de Maître Zeyan. - Je n’ai découvert Al’Tyr qu’il y a deux ans, quant Maître Zeyan a souhaité revenir au Nord pour participer à la campagne des Seigneurs Pirates. Elle voulait que je devienne une Ombre. Que je sois officiellement reconnue. Que je comprenne les règles de la Confrérie.Le ton qu’elle employait laissait deviner ce qu’elle pensait desdites règles et des conventions de la Confrérie. Mais elle se garda bien de tout commentaire sarcastique, certaine qu’Issam n’apprécierait pas la moindre remise en cause de ce qui faisait le socle de ses croyances. - Le Conseil m’a confié des missions… Un jeu d’enfant. Ils disaient que j’avais beaucoup de potentiel… que j’irais loin…Une émotion, mélange de colère et de tristesse, noua sa gorge et l’empêcha d’aller plus loin. Elle détourna le regard, pleine de honte. - Je sais qu’on me donne une opportunité unique. Je suis prête à la saisir. Je travaillerai dur. Je ferai tout ce que vous voudrez, pour devenir une Ombre.Une nouvelle fois, elle enferma les larmes dans le secret de sa conscience troublée. Elle était née le jour où Kin Zeyan, Maître Assassin de la Guilde des Ombres, avait posé les yeux sur elle et avait vu autre chose qu’une pathétique créature rampant dans le caniveau. Elle avait vécu une existence extraordinaire, mais celle-ci avait pris fin avec le refus du Conseil de lui attribuer le rang qu’elle estimait mériter. Aujourd’hui, elle se sentait sur le seuil d’une porte invisible, qui la ferait basculer dans un autre monde. C’était comme une seconde naissance, et un terrible déchirement à la fois. Elle posa un genou au sol, comme elle l’avait vu faire parfois. - Ne soyez ni indulgent ni bienveillant avec moi, ne me facilitez pas la tâche, ne me ménagez pas, n’ayez aucune pitié. J’ai échoué. Je ne veux pas intégrer les Ombres par charité. Je veux devenir la meilleure lame que cette Confrérie ait connu. Si Maître Zeyan a œuvré pour que j’aie une seconde chance, c’est qu’elle est convaincue que vous pouvez m’y aider. Testez-moi. Éprouvez-moi. Je ne crains rien, ni personne. Je place donc ma confiance et ma dévotion en vous. Je suis à votre service, m… monsieur.Elle fronça les sourcils. Non, elle devrait trouver un meilleur titre pour Issam. Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
Bourse : 3.500£ - Salaire : 3.000£
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| | | Issam Ibn Al Layl Assassin du Harad
Nombre de messages : 56 Age : 48 Localisation : Dans les ombres Rôle : Assassin
~ GRIMOIRE ~ -: Humain (Haradrim) -: 21 ans -:
| Lun 21 Oct 2024 - 19:11 | | Issam écouta avec attention la réponse de Aoro. Le moins qu’on pouvait dire était qu’elle n’était pas avare en détails ni en informations. Cela permit à l’Assassin fraîchement nommé de mieux la comprendre. Elle n’avait jamais été intégrée au Phare, ce qui expliquait son détachement et son mépris vis-à-vis des autres qui lui paraissaient autant être des étrangers, qu’elle une étrangère pour eux. Issam nota l’admiration sans borne et la dévotion qu’éprouvait Aoro à l’égard de Maître Zeyan, à tel point que cela frisait la passion. Les sentiments de la jeune femme pour sa Maestra pouvaient être sujet à interprétation. Voyait-elle en elle une héroïne, une idole, un modèle, une mère, ou même une amante, voire tout cela à la fois peut-être ? Cela dit, de son point de vue à lui, ça ne semblait pas être important. Ce qui comptait était que Aoro puisse garantir sa loyauté, son respect et sa dévotion envers la Confrérie des Ombres, au péril de sa propre vie. Ce qui importait en vérité était que ses sentiments pour Maître Zeyan ne la parasitent pas. A mesure qu’elle se dévoilait, Issam hochait la tête, toujours aussi attentif à son interlocutrice. Il resta respectueusement muet jusqu’à ce qu’elle en ait terminé. Un silence de quelques instants succéda ce bref échange entre les deux protagonistes, le jeune homme réfléchissant à tout ce que Aoro venait de lui dire. Quelques secondes plus tard, son regard se posa sur le sien, prêt à exprimer le fruit de ses réflexions. - Je comprends mieux ton état d’esprit. Pour toi, la Confrérie des Ombres, c’est Maître Zeyan, ni plus, ni moins. Tu n’as pas grandi avec nous, tu n’as pu créer aucun lien… Cela dit, ça n’excuse en rien ton comportement. Je ne sais pas quelles sont tes autres lacunes et nous verrons cela au fil du temps, mais il est clair que je dois me concentrer sur le protocole, le respect de la hiérarchie et de ses pairs, ainsi que le civisme. Ici, nous sommes frères et sœurs, alliés, parents de substitution. Nous sommes solidaires les uns des autres, nous travaillons ensemble. Si tu veux être reconnue et respectée, tu dois te comporter envers nous comme tu espères que l’on se comporte envers toi, tu comprends ? Nous ne sommes pas tes ennemis et toi tu n’es pas la nôtre.Issam affichait apparemment une vision bien naïve et idéaliste de la Confrérie des Ombres. En vérité, il n’était pas dupe, il savait que les choses n’étaient pas aussi simples, mais il avait préféré déclarer à Aoro ce qu’elle avait besoin d’entendre pour le moment. Le jeune homme se détourna d’elle, fixant la cour illuminée par des torches au sein de laquelle il restait encore un peu d’activité. - Mais pour ce soir, c’en est assez. Tu peux disposer, Aoro. Vas te reposer. Demain, je dois me lever tôt, je me suis engagé auprès de Maître Liang à lui accorder de mon temps chaque jour que je passe au Phare. Il va donc falloir m’organiser entre ton enseignement et le mien.Issam se tourna à nouveau vers son élève fraîchement attribuée. - Encore une chose. Ne me dis pas comment je dois te traiter, ni quelle doit être ma façon d’enseigner. Cette situation est déjà bien assez difficile comme ça pour moi, sans que tu ne viennes m’imposer une façon de faire qui ne sera sans doute pas la mienne… Et c’est à moi de découvrir quel genre de professeur je suis. Vas maintenant, fais ce que tu veux, mais ne fais rien qui puisse nous attirer des ennuis ni à toi, ni à moi. Je suis responsable de toi et de tes actes désormais. Issam n’ajouta rien et garda sa bouche close, continuant de fixer la cour. Il était clair qu’il ne désirait plus poursuivre cette conversation, encore moins bénéficier de la compagnie de Aoro pour ce soir. Il voulait passer un moment seul et rien de ce que sa jeune apprentie pouvait dire ou faire ne lui ferait changer d’avis. La jeune femme n’eut d’autre choix que de se retirer. Peut-être qu’elle aussi avait envie pour ce soir de mettre de la distance avec son nouveau mentor. Le jeune homme profita de ce répit pour se recentrer sur lui-même et faire son introspection. Que désirait-il à présent ? Rester fidèle à la Confrérie des Ombres, se mettre en quête de venger les siens ou retrouver Za’Shin pour avoir les réponses à certaines questions qui s’étaient imposées en lui depuis qu’il avait appris que le vieil homme avait été l’un des membres de la confrérie ? Peut-être pouvait-il faire tout cela à la fois, mais il était également probable que certains de ces objectifs pouvaient être contradictoires avec les autres, ce qui allait le mener devant un choix. Il fallait faire simple. Retrouver les criminels qui avaient tué ses parents et rasé son village, si tant est qu’ils étaient toujours en vie, semblait être la tâche la plus ardue et sans doute la plus longue à accomplir. Retrouver Za’Shin n’allait pas se faire du jour au lendemain non plus, le monde étant vaste. Il ne lui restait plus qu’à continuer d’être un Assassin, aveuglément et bêtement au service de la Confrérie… Pour l’instant. Il devait d’abord s’occuper de se forger et s’améliorer auprès de Maître Liang et aider Aoro. Oui, les choses paraissaient plus simples ainsi. Le répit fut de courte durée. Issam senti une présence silencieuse s’approcher dans son dos. Il n’était peut-être pas le meilleur combattant de la confrérie, mais il avait des sens affûtés. Il se retourna, fixant la silhouette qui s’arrêta net, sans doute surprise de voir sa manœuvre d’approche furtive mise en échec. Il s’agissait de Liatris, l’apprentie de Maître Liang, celle qui lui avait infligé une sévère correction quelques heures plus tôt. La jeune Elfe était cette fois à visage découvert, révélant un visage d’une grande beauté. Elle était une magnifique représentante de son espèce. Son beau visage, symétrique et harmonieux, était légèrement anguleux, mais aux contours doux et attrayants. Son menton fin était surmonté d’une large bouche pulpeuse et sensuelle. Son nez était fin, tout comme ses sourcils. Elle arborait une expression faciale mêlant sensualité, assurance et arrogance. Liatris La jeune femme lui adressa un léger et fin sourire espiègle, ses lèvres pupleuses restant fermées. - Bravo, je ne pensais pas que vous remarqueriez ma présence avant que je ne sois collée à votre dos.- Disons que j’ai des sens bien développés et un bon instinct. Ai-je réussi le test, Liatris ?Issam afficha un air amusé en posant cette question. - Disons que, sur ce coup-là, vous ne m’avez pas déçue.- Merci, répondit-il sobrement avant de confesser : Je n’avais jamais vu d’Elfe jusqu’à présent. Toutes les femmes de votre espèce sont-elles aussi belles que vous ?- Non, je suis unique, répondit-elle sans fausse modestie, mais amusée. - Quelle humilité, répondit Issam en soufflant un rire du nez. - Plus sérieusement, les Elfes, mâles comme femelles, sont une espèce particulièrement belle à regarder. Cela n’a rien de prétentieux, c’est un fait. Je ne sais pas si je suis la plus belle de toutes, mais je sais ce que je vaux. Je vous plaît ?Issam ne su quoi répondre tout de suite. Il était évident que l’apparence de Liatris ne pouvait le laisser indifférent, mais en réalité, elle ne laissait personne indifférent. - Il est évident que vous êtes une femme à la beauté sublime… Quant à savoir si vous me plaisez, je ne sais pas. Je ne vous connais pas. La seule chose que je sais de vous, c’est que vos coups font mal. - Je me contenterai de cette réponse, annonça-t-elle amusé… Mais ce n’est pas pour vous séduire que je suis ici, même si l’idée de vous voir succomber à mes charmes irrésistibles me plairait énormément. Je viens pour vous présenter mes excuses.- Pour m’avoir battue ? Doit-on s’excuser de remporter une victoire, à présent, s’étonna Issam qui préféra ne pas répondre à la remarque de Liatris. - Non, mais pour mon comportement. Je me suis montrée arrogante et méprisante envers vous, devant de jeunes élèves, qui plus est. C’est un manque de respect envers un frère de la confrérie et je n’aurais pas dû. C’était inapproprié.- Laissez-moi deviner, c’est Maître Liang qui vous a enjoint à le faire, n’est-ce pas ? Le connaissant, ça me paraît évident.- Il est vrai que Maître Liang m’a prise entre quatre yeux après notre duel et il m’a reproché mon attitude. Nous sommes là pour vous aider, pas pour vous briser, bien que je gage qu’il vous en faille beaucoup plus pour ça. S’il ne l’avait pas fait, je ne pense pas que je serais venue vous demander pardon.- Au moins, vous êtes honnête.- Il est vrai… Je suis également très arrogante et imbue de ma personne. Maître Liang ne cesse de m’enjoindre à combattre ces mauvais penchants en moi… Des penchants qui n’ont pas leur place dans le cœur d’un Assassin. Il m’a fait réfléchir sur le sens de la retenue, du respect en toute circonstance et sur le fait de traiter les autres comme j’aimerais être traitée… Mais mon sang est très fort, il me faudra du temps. Je ne cherche pas à me trouver des excuses, mais il se peut que je dérape encore à l’avenir. Je vous demande de bien comprendre que ce n’est pas contre vous.- Me voilà donc averti, répondit Issam en adressant un léger sourire à Liatris. Ne vous en faites pas pour ça, je ne vous en veux pas. En vérité, c’est à moi que j’en veux… Je m’en veux d’avoir été si mauvais. Ma piètre performance est une offense envers tout le temps que Maître Liang a consacré à mon enseignement par le passé. Je compte bien corriger ça. - Vous avez raison à ce sujet. Mon Maître méritait mieux de votre part… Liatris ne cherchait pas à minimiser les faits, encore moins à réconforter Issam. Elle lui disait simplement ce qu’il avait besoin d’entendre pour le motiver à mettre à exécution ses intentions… Mais je serai ravie et honorée de vous aider dans votre tâche, si vous me permettez d’être présente pour assister Maître Liang à vous remettre à niveau et repousser vos limites. Issam adressa un signe de tête entendu à son interlocutrice, montrant son approbation à sa requête. - Je vous trouve plus expressive, finalement. Vous ne manquez pas d’aplomb, encore moins d’assurance, vous êtes arrogante, mais également sociable et un brin chaleureuse. Ce n’est pas l’impression que vous avez donnée cet après-midi. - C’est la raison pour laquelle je porte ce masque la plupart du temps. Cela m’aide à adopter l’attitude froide et détachée que je suis censée avoir en tant que tueuse.- Pourquoi ne le portez-vous pas ce soir ?- Allez savoir, se contenta-t-elle de répondre avec un sourire espiègle et assuré. Liatris tourna les talons, puis tourna à nouveau son regard vers Issam. - Nous vous attendons demain matin, ne tardez pas.- Bien. A demain, Liatris.La jeune Elfe hocha d’un signe de tête puis pris congé de Issam, s’éloignant de lui d’un pas gracile, tel un chat. Le jeune homme, quant à lui, regagna sa cellule. Il était inutile de veiller plus longtemps. Arrivé sur place, il se dévêtit, puis se glissa sur sa couche pour s’abandonner à un sommeil réparateur. |
| | | Ryad Assad Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Nombre de messages : 2514 Age : 32 Localisation : Pelargir Rôle : Humaniste
~ GRIMOIRE ~ -: Humain -: 36 ans -:
| Ven 1 Nov 2024 - 9:49 | | Aoro avait oublié sa place, encore une fois. Elle ne fut pas surprise d’avoir été remise à sa place par Issam, mais bien par la rapidité avec laquelle il avait endossé son nouveau rôle… Eux qui, quelques instants auparavant étaient encore « égaux » au sein de la confrérie étaient désormais unis par une relation hiérarchique à laquelle la jeune femme n’était pas habituée. Elle avait acquis, sous la protection de maître Zeyan, une grande liberté dont elle ne mesurait pas encore à quel point elle était exceptionnelle pour une apprentie comme elle. Issam ne comptait pas lui laisser autant de latitude, c’était sans doute pour cette raison que la jeune femme avait été confiée à ses soins. Elle hocha la tête, incapable de rien dire. Elle comprenait. Cependant, malgré le brouhaha dans sa tête, les mots du désormais Assassin avaient fait son chemin dans son esprit. Des mots qu’elle n’aurait jamais cru entendre prononcés dans ce contexte. Protocole. Respect. Hiérarchie. Civisme. Elle était allergique à toutes ces notions, et avait naïvement cru que pour devenir une tueuse d’exception, il lui faudrait uniquement se reposer sur ses qualités martiales, et sur le talent brut dont elle savait disposer. Issam était peut-être encore perfectible sur nombre de points, mais il avait acquis les valeurs et les codes de la Guilde des Ombres d’Al’Tyr : et en cela, il lui serait toujours infiniment supérieur. La route à parcourir était longue, mais elle se promit d’essayer. Elle le devait au moins à maître Zeyan, et à son enseignement. Elle ne souhaitait pas la décevoir. L’idée que les années passées à apprendre à ses côtés eussent été perdues la rendait malade. Non pas pour elle, mais pour sa sauveuse qui avait placé tant d’espoirs en elle, et dont elle n’avait jamais apprécié de voir cette lueur désappointée dans le regard. Elle s’était fait la promesse d’exceller, d’être à la hauteur de toutes ses espérances, d’être sa plus grande fierté… Désormais, Issam lui demandait de changer entièrement de façon de penser, et de se comporter avec lui… avec tous les maîtres et tous les membres de la confrérie, en réalité, comme s’il s’était agi de maître Zeyan. Un défi. Mais rien ne l’empêcherait de le relever. Pour maître Zeyan. Non, songea-t-elle. Pour la confrérie…. Plus tôt elle ancrerait cette réalité dans ses pensées, mieux ce serait pour tout le monde. Elle accepta d’être congédiée par Issam, serrant les dents en silence pour ne pas commettre un nouvel impair et s’attirer les foudres de celui dont le sort dépendait pleinement aujourd’hui. Elle s’inclina respectueusement, comme elle avait vu beaucoup d’Apprentis le faire autour d’elle – et dont elle s’était d’ailleurs beaucoup moquée. Le geste, maladroit, lui coûta dans sa fierté, mais lorsqu’elle plongea son regard dans celui d’Issam, il ne put y lire qu’une profonde détermination. Aoro pouvait se passer d’eau et de nourriture, mais elle ne survivrait pas sans un but. Sans un rêve auquel s’accrocher, sans une mission qui gouvernait ses actions. Elle n’aurait su que faire de la liberté ou du temps dont jouissaient les nobles et les nantis. Cette nouvelle chance lui donnait une branche à laquelle se raccrocher, et elle ne la lâcherait qu’une fois morte. La jeune femme rejoignit sa chambre ce soir-là, d’un pas soucieux. Hagarde, désarçonnée par la tournure prise par les événements, elle avait enfin pu tomber les masques et s’était mise à pleurer à chaudes larmes dans le confort de sa solitude. Ses sanglots étouffés n’avaient pas réveillé ses voisins de chambrée, et elle profita de cette solitude relative pour se laisser aller à exprimer des émotions qu’elle gardait d’ordinaire enfermées en elle. Le sentiment d’injustice qui étreignait son cœur refusait de céder la place à une sereine acceptation de sa situation. Elle s’en voulait terriblement, mais elle ne pouvait pas empêcher le germe du ressentiment de prendre racine dans son esprit. Non, espèce d’idiote… Se morigéna-t-elle intérieurement. C’est entièrement de ta faute. C’est de ta faute, et si tu ne changes pas de manière penser, tu ne vas pas arranger ton cas…Le sommeil décida de la fuir ce soir-là, à la manière de ces papillons nocturnes qu’elle essayait de capturer étant enfant, et qui se dérobaient devant ses mains juvéniles. Elle s’agitait sur son lit, en cherchant la position la plus confortable pour apaiser enfin les battements affolés de son cœur, mais rien n’y faisait. Dès qu’elle fermait les yeux, elle revoyait les images de cette triste soirée, et le constat implacable posé par les maîtres de la confrérie. A court d’options, elle finit par sortir dans la cour extérieure du Phare, sans craindre la froideur de la nuit qui était tombée sur la cité d’Al’Tyr. Elle n’avait pas pris la peine de se chausser, si bien que ses pieds nus ne faisaient pas le moindre bruit sur le sol pavé. En cela, elle était bien une Ombre. Ses pas la conduisirent machinalement vers un arbre planté dans la petite cour pavée, sous l’ombre duquel les novices s’abritaient après une séance d’entraînement particulièrement exténuante. Quelques bancs de pierre avaient été installés là, et elle choisit d’y prendre place, ramenant ses jambes sous son menton à la manière de ces enfants boudeurs. Ses sens étaient en éveil, essayant de capter l’arrivée de maître Zeyan. Cette dernière était d’une grande discrétion, et avait gardé des réflexes affûtés même si son nouveau poste l’éloignait des réalités du métier d’assassin, et la confinait largement à des obligations administratives. Parfois, sur un coup de chance, Aoro parvenait à capter son arrivée… Un parfum d’écorce, qui parvenait parfois jusqu’à ses narines à la faveur d’une bourrasque. Effluves délicats de ces plantes qu’on trouvait loin au Sud, si facilement reconnaissables pour qui avait passé sa jeunesse dans ces terres méridionales. Elle ne savait d’ailleurs pas très bien si c’était vraiment une fragrance que maître Zeyan affectionnait particulièrement, ou si c’était simplement une odeur que l’esprit de la jeune Apprentie associait à tort aux arbres de là-bas, que les locaux appelaient makoré. Elle ferma les yeux, essayant de se concentrer sur le sens du vent, sur ce qu’il charriait avec lui. Mais à l’exception du bruissement des feuilles, elle n’entendit rien. Elle ne sentit que l’air iodé de la région, qui lui était aussi étranger que les gens d’Al’Tyr. Rien ne bougeait, sinon quelques oiseaux nocturnes qui avaient choisi cette heure tardive pour décrire des cercles paresseux dans le ciel, en quête d’une proie. Aoro regarda autour d’elle, interdite. Incertaine. Puis la surprise céda la place à la tristesse la plus profonde… Ainsi, maître Zeyan l’avait abandonnée, elle aussi. Les rares étoiles à avoir eu le courage de braver les nuages éclairèrent brièvement les larmes qui étaient revenues couler sur ses joues bien malgré elle. Elle les fit disparaître dans sa manche, en même temps que les idées noires qui lui traversaient l’esprit, et dont elle ne voulait pas entendre parler. Le poids de la solitude pesait douloureusement sur ses épaules, et pour la première fois depuis fort longtemps, elle se sentit vulnérable. Maître Zeyan était son pilier, son guide, son repère dans la tourmente… Son absence ce soir était un coup de poignard meurtrier dont elle ne savait comment se remettre. Prise par un vertige dont elle ne mesurait pas l’ampleur, elle décida de rentrer. C’était sans doute mieux ainsi. Elle jeta un dernier coup d’œil aux oiseaux qui tourbillonnaient dans le ciel, sans battre des ailes. Elle les trouva beaux. Peut-être pourrait-elle s’envoler comme eux, un jour. Et quitter cet endroit. Quitter le Phare, cette prison dans la laquelle elle se sentait oppressée. Ses lèvres se pincèrent en un sourire triste. Les deux prédateurs nocturnes, encapuchonnés, attendirent qu’elle eût complètement disparu avant de quitter leur poste d’observation. ~ ~ ~ ~ Aoro n’avait quasiment pas dormi de la nuit, et elle était d’humeur massacrante lorsqu’elle retrouva Issam devant sa chambre. Elle avait tenu à faire bonne impression en étant ponctuelle – une qualité dont elle ne faisait guère preuve habituellement – mais cela lui avait coûté, et elle avait les traits tirés, les yeux rougis et la mine éteinte. La flamboyante jeune femme que le désormais Assassin avait rencontré semblait avoir cédé la place à une tigresse privée de griffes et de crocs. Elle pouvait bien essayer de faire bonne figure, mais la décision du Conseil avait de toute évidence cassé quelque chose en elle. Le poids d’une telle déception était terrible à encaisser, sans nul doute. - Bonjour, fit-elle un peu plus sèchement que nécessaire en voyant Issam paraître. Elle n’ajouta rien. A dire vrai, elle ne savait pas vraiment comment s’adresser à un supérieur… Devait-elle attendre de recevoir des directives de sa part ? Devait-elle être force de proposition ? Se montrer légère et naturelle, ou bien au contraire souscrire au formalisme horripilant des novices qui ressemblaient davantage à des clercs qu’à des guerriers ? Elle voulait être irréprochable, pour son premier jour, mais elle n’avait aucun modèle sur lequel s’appuyer, sinon les individus les plus insupportables de la Terre du Milieu, dont elle s’était beaucoup moquée, et qu’elle ne voulait imiter sous aucun prétexte. Elle emboîta le pas à Issam, qui se rendit sur le terrain d’entraînement, où l’attendaient maître Liang et l’Elfe Liatris. Aoro avait toujours été assez observatrice, et elle n’apprécia pas du tout le regard que jeta cette dernière au nouvel Assassin… sans qu’elle sût déterminer ce qui la dérangeait exactement. Peut-être ce côté prédateur qu’elle adoptait avec les gens, de manière générale. Les Elfes n’étaient pas légion dans les terres du Harad, et encore moins parmi les Confrérie. Ils étaient enveloppés d’une aura de mystère, qui tenait autant à leur âge – qui pouvait réellement comprendre les intentions de créatures capables de vivre pendant des siècles, voire des millénaires ? – qu’à leurs exceptionnelles aptitudes physiques. Ils étaient loin d’être invulnérables, bien entendu, et les légendes qui couraient sur leur prétendue supériorité absolue sur les humains étaient fausses, comme en attestait le fait que Liatris eût été l’élève de maître Liang, et non l’inverse. L’Apprentie eut un sourire timide en saluant ce dernier, qui l’accueillit avec chaleur : - Aoro, je suis content de te voir aujourd’hui. Il y a longtemps que tu n’es pas venue me voir.- En effet, maître.Elle jeta un regard en coin à Issam, et se tut. D’ordinaire, elle aimait taquiner maître Liang, et se vanter de ses compétences. Il fallait dire qu’elle était une de ses élèves les plus prometteuses, même s’il lui répétait sans cesse que le talent sans la discipline était comme une lame affûtée sans garde. Utile, mais dangereux. Le vétéran des Ombres ne put manquer de remarquer le silence de la jeune femme, mais il ne releva pas, et revint à Issam. - Bonjour à toi, Issam. Et félicitations, Assassin. Te voilà au début d’une belle carrière et, grâce à mes enseignements, j’espère qu’elle sera longue et fructueuse. Liatris a insisté pour me seconder dans ton enseignement aujourd’hui, mais ce n’est pas contre elle que tu t’entraîneras…Liang ôta la veste qu’il portait, dévoilant une chemise cintrée qui laissait nus ses bras et ses épaules. Sa musculature parfaitement dessinée lui garantissait de pouvoir se mouvoir avec agilité, tout en délivrant des coups puissants et précis. Le maître ne rentrait pas fréquemment dans l’arène, et il s’expliqua quant à ce choix à Issam. - Nous n’avons hélas pas beaucoup de temps, Issam. J’ai eu vent que tu pourrais repartir en mission très bientôt, mais je ne tenais pas à te laisser arpenter le vaste monde sans avoir évalué et corrigé certains petits défauts que j’ai pu repérer la dernière fois. Commençons par ta posture…Le Maître était un professeur émérite, et tous ses conseils étaient précieux à qui voulait bien les entendre. Il avait ce sens du détail qui le poussait à corriger la moindre imperfection, conscient que dans leur métier, la différence entre la vie et la mort était plus fine encore que le fil d’une lame. Rien ne devait être laissé au hasard. Il passa une bonne demi-heure à travailler sur des aspects techniques, avant d’offrir une pause à Issam : - Maintenant, nous allons passer à la mise en application. Ne me ménage pas, mais soigne la forme, et efforce-toi de sentir les choses… Certaines vérités sont en toi, et ne peuvent être transmises : il faut que tu ailles les chercher au plus profond de tes muscles. Tu sais te battre, tu dois simplement laisser cette part de toi émerger. Commençons, si tu le veux bien.L’entraînement dura longtemps. Aoro observa chacun des mouvements de son désormais maître, subjuguée par la beauté du combat. Liang n’était pas au maximum de ses capacités, et il s’efforçait de se situer à un niveau qui obligeait Issam à se dépasser, sans toutefois l’écraser de tout son talent. Seuls les meilleurs enseignants pouvaient trouver et maintenir un tel équilibre pendant aussi longtemps, sans se laisser emporter par le combat, et sans relâcher involontairement leur vigilance. Liatris s’assit à côté d’Aoro, et lui souffla : - Pas mal, hein ?Elle ne comprit pas immédiatement. - Oui il se débrouille bien.- En effet. Tu peux le battre, cependant. Je t’ai vue t’entraîner, je sais ce que tu vaux. Il n’est pas dans notre nature d’accepter de servir, alors que nous sommes nées pour être libres.Aoro n’aimait pas la tournure que prenait cette conversation. Était-ce un test ? Un piège grossier dans lequel elle essayait de la faire tomber ? Les coups pleuvaient toujours quand elle répondit : - Je n’ai pas eu le choix… Et peut-être que je peux lui tordre le bras, mais à quoi bon, si je ne peux pas devenir une Ombre ?- Il est vrai… Mais je te croyais moins… docile. A moins que ce ne soit le beau Issam qui ait émoussé les griffes d’Aoro l’indomptable…- Tu dis n’importe quoi, Liatris, comme trop souvent, se défendit l’intéressée. Si tu passais autant de temps à t’entraîner qu’à essayer de séduire tout ce qui bouge, tu serais déjà maître à l’heure actuelle. Et si tu n’y prends pas garde, je serai bientôt en mesure de te faire ravaler tes paroles.L’Elfe rit légèrement. - Je t’aime bien, Aoro. Pour une humaine, tu as du cran. Mais j’ai vécu assez de vies d’hommes pour savoir quand une enfant est jalouse d’une femme. Jalouse d’Issam, aussi. Tant que tu laisseras ce sentiment te contrôler, tu ne parviendras pas à t’affranchir vraiment…Ces paroles touchèrent profondément Aoro, qui demeura silencieuse un instant. Liatris n’avait jamais été mordante inutilement, et elle savait sans doute qu’Aoro ne ressentait ni désir ni affection particulière pour Issam… ni pour quiconque, d’ailleurs. Ce qu’elle ressentait profondément, cependant, c’était son orgueil blessé, et le sentiment terrible d’être inférieure à tous ces individus. Inférieure à une Liatris qui pouvait parler à Issam sur un pied d’égalité. Inférieure à Issam, qui avait assisté à sa déchéance devant le Conseil, et qui la regardait avec un mélange d’ennui profond et de pitié. La colère revint brièvement, enflammée par la jalousie qu’elle ressentait effectivement. - Tu es malade, répondit finalement la jeune femme. Et j’ai mieux à faire que de te parler.Elle reporta son attention sur le combat. Un bref silence s’installa entre les deux, qui ne fut rompu que par l’arrivée d’un Novice aux grands yeux candides. Il trottait dans leur direction, visiblement pressé de délivrer le message qu’on avait dû lui confier. En effet, il n’y avait aucune raison pour laquelle il aurait pris le risque de déranger ainsi un entraînement. Maître Liang le repéra du coin de l’œil, et rompit le duel pour le laisser approcher. - Alors, mon garçon, de quoi s’agit-il ?- C’est pour Issam, répondit-il sans se démonter. Vous avez été convoqué, vous devez me suivre tout de suite, nous sommes déjà en retard.Le Novice avait naïvement été chercher Issam dans ses appartements, et ne l’ayant pas trouvé là-bas, il avait dû chercher à travers le Phare jusqu’à le repérer sur le terrain d’entraînement. Les précieuses minutes perdues à courir dans les couloirs signifiaient que la personne qui l’avait convoquée – dont il refusa de donner l’identité – devait attendre sa venue depuis un moment. Aoro s’inclina prestement devant Maître Liang, et jeta un regard foudroyant à Liatris, avant d’emboîter le pas de Issam. L’Elfe lui attrapa le bras, cependant, et lui murmura sur un ton beaucoup plus sérieux : - Garde les yeux ouverts, Aoro. N’oublie pas que tu sers la Guilde.- Je le sais très bien ! Fit-elle en se dégageant brusquement. Elle pressa le pas pour rejoindre son supérieur, s’efforçant de cacher son trouble. Le Novice les emmena à travers des couloirs sombres au sein du Palais, puis ils montèrent le long d’un escalier en colimaçon, avant de travers une nouvelle coursive. Ils finirent par émerger devant un bureau que ni l’un ni l’autre ne connaissaient. - Vous attendrez là, fit le Novice à Aoro en lui désignant un petit banc. Seul Issam est autorisé à entrer.Elle ne protesta pas vocalement, mais son regard jetait des éclairs. L’abattement qu’elle avait ressenti la veille, et qui avait éteint sa personnalité flamboyante, semblait s’estomper quelque peu. Son naturel farouche reprenait progressivement ses droits, en partie grâce aux paroles de Liatris qui avait su comment la piquer suffisamment pour réveiller cela en elle. Lorsque la porte se referma derrière Issam, il ne put manquer d’aviser la silhouette qui se tenait debout face à la fenêtre. Une silhouette qui ne lui était pas familière. Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
Bourse : 3.500£ - Salaire : 3.000£
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| | | Issam Ibn Al Layl Assassin du Harad
Nombre de messages : 56 Age : 48 Localisation : Dans les ombres Rôle : Assassin
~ GRIMOIRE ~ -: Humain (Haradrim) -: 21 ans -:
| Dim 3 Nov 2024 - 13:06 | | Issam se réveilla tôt, comme à son habitude, sa cellule étant encore plongée dans le noir. Le jeune homme ne perdit pas de temps. Il quitta sa couche, bu un verre d’eau et revêtit sa tenue avant de quitter sa chambre. C’est là qu’il vit Aoro, la jeune femme l’attendant sobrement dans le couloir. Il avait presque failli oublier qu’elle faisait désormais partie de sa vie en tant qu’apprentie et qu’il avait la responsabilité de la former.
- Bonjour, lui répondit-il sobrement.
Issam ne fit aucune remarque sur la mauvaise mine de Aoro.
D’ordinaire, il avait l’habitude de commencer sa journée avec un petit déjeuner fait d’eau et de fruits, puis d’un passage aux bains pour ses ablutions, mais il avait rendez-vous avec Maître Liang et il aurait été malvenu de le faire attendre. Il reporterait donc sa toilette après la séance.
- Allons-y
Issam, suivit de Aoro, prit la direction de la cour, dont le côté Est était éclairé par les premières lueurs de l’aube, tandis que le côté Ouest était encore d’un bleu bien foncé. Sun Liang et Liatris étaient déjà présents en train de se préparer mentalement et physiquement aux tâches qui les attendaient.
- Salutations, Maître Liang, Liatris.
Issam accompagna ses paroles par un salut respectueux en inclinant le buste et la tête à l’attention des deux Ombres, sans faire de distinction entre le Rhûnien et l’Elfe. Cette dernière était vêtue de sa tenue noire habituelle, la partie inférieure de son masque dissimulée derrière cette étoffe de tissu noir, mais ses yeux perçants semblaient fixer Issam avec une certaine insistance. Était-ce dû à un intérêt quelconque, de la pure provocation, une tentative de séduire ou déstabiliser le jeune homme ? C’était impossible à savoir avec elle, tant elle savait semer le doute chez ses interlocuteurs.
Il ne vit pas la réaction silencieuse de Aoro face à cela. Si tel avait été le cas, il l’aurait sans doute réprimandée d'une manière discrète mais bien compréhensible, afin de commencer à habituer la jeune femme à savoir se tenir et combler ainsi ses lacunes dans ce domaine, des lacunes qui lui avaient coûté sa promotion au rang d’Assassin. Au lieu de ça, il eut la satisfaction de la voir adresser un salut respectueux à Maître Liang, bien qu’il déplora qu’elle n’accorda pas la même faveur à Liatris.
- Aoro, je suis content de te voir aujourd’hui. Il y a longtemps que tu n’es pas venue me voir.
- En effet, Maître.
- Bonjour à toi, Issam. Et félicitations, Assassin. Te voilà au début d’une belle carrière et, grâce à mes enseignements, j’espère qu’elle sera longue et fructueuse. Liatris a insisté pour me seconder dans ton enseignement aujourd’hui, mais ce n’est pas contre elle que tu t’entraîneras…
- Merci, Maître, j’espère me montrer à la hauteur de l’honneur qui m’a été fait.
Issam écouta respectueusement son interlocuteur. Ne pas affronter Liatris était sans doute une bonne chose. La dernière chose dont il avait besoin pour l’instant était de subir l’arrogance et les provocations d’une adversaire qui était était certes techniquement supérieure, mais incapable de pédagogie. Et même si Maître Liang l’avait réprimandée pour son comportement lors du combat, nul doute que ce n’était pas en une nuit qu’elle allait changer. Après la dérouillée qu’il avait subi, il n’était pas prêt à remettre ça.
Au lieu de ça, il allait affronter Maître Liang lui-même, ce dernier lui en expliquant la raison.
- Nous n’avons hélas pas beaucoup de temps, Issam. J’ai eu vent que tu pourrais repartir en mission très bientôt, mais je ne tenais pas à te laisser arpenter le vaste monde sans avoir évalué et corrigé certains petits défauts que j’ai pu repérer la dernière fois. Commençons par ta posture…
Cette nouvelle ne surprit pas le jeune homme. Non seulement il venait d’être promu Assassin, mais il avait désormais Aoro sous son aile. Il était clair qu’on n’allait pas les laisser tous les deux végéter tranquillement au sein de la Forteresse des Ombres. Issam aurait préféré avoir plus de temps d’une part pour profiter des enseignements de Maître Liang, améliorer sa pratique et pourquoi pas rabattre le caquet de Liatris, et d’autre part pour prendre le temps de créer un lien de confiance avec Aoro tout en commençant à corriger en douceur les défauts de la jeune femme. Tant pis, le terrain serait un professeur plus dur et impitoyable, mais plus efficace.
L’Assassin acquiesça puis se mit en posture de garde, laissant Sun Liang corriger la position de son corps.
- Voilà, comme ça. A présent, inverse ta posture.
Sun Liang demandait tout simplement à Issam de placer l’autre poing et l’autre jambe en avant, telle une posture miroir de la précédente.
Après avoir passé les premières minutes à revoir différentes postures de combat, Maître Liang passa à l’étape suivante, qui comprenait les déplacements, les esquives et les parades. Vinrent enfin les techniques d’attaques avec différentes parties du corps, comme les poings, les pieds, les genoux et les coudes. Durant l’exercice, Issam remarqua que Aoro qui l’observait avec attention, se tenait en retrait, isolée de Liatris, sans doute préférant rester seule.
Grâce aux bons soins de Sun Liang, Issam pu corriger les défauts dans sa garde et ses techniques, le Maître-Assassin lui expliquant que la position de tout le corps influait beaucoup sur la facilité, la fluidité et la rapidité avec laquelle les mouvements d’attaque et de défense étaient réalisés, ainsi que leur efficacité.
Après une bonne demie heure d’entraînement, Issam profita d’un moment de répit, prenant soin de récupérer des forces et oxygéner ses muscles par une respiration calme mais profonde.
- Maintenant, nous allons passer à la mise en application. Ne me ménage pas, mais soigne la forme, et efforce-toi de sentir les choses… Certaines vérités sont en toi, et ne peuvent être transmises : il faut que tu ailles les chercher au plus profond de tes muscles. Tu sais te battre, tu dois simplement laisser cette part de toi émerger. Commençons, si tu le veux bien.
- Bien, Maître.
Les deux adversaires se mirent en garde, Issam adoptant celle qui lui convenait le plus. Ils commencèrent ensuite à se tourner autour avec une agilité féline, tels deux tigres prêts à se sauter à la gorge. Chacun était concentré sur les mouvements de l’autre, ne se quittant pas des yeux. Puis l'échange de coups commença, Issam ouvrant les hostilités. Son attaque fut bien sûr aisément parée, mais il ne se découragea pas, puis enchaîna une deuxième, puis une troisième et enfin une quatrième… Toutes mises en échec. Liang riposta, obligeant son adversaire à se protéger sans lui laisser la possibilité de riposter. Le jeune homme savait que le Maître-Assassin ne donnait pas son plein potentiel, sans quoi le combat serait déjà terminé… Et ce n’était pas le but. Issam devait parvenir à un niveau acceptable avant de devenir encore meilleur et non se faire inutilement briser comme l’avait fait Liatris la veille. Mais malgré cela sa bonne volonté, cela ne sembla pas suffire à Sun Liang qui le sanctionna par des coups qui firent grimacer l’Ombre.
- Cesse d’essayer de me frapper, Issam… Et frappe-moi.
Issam faisait ce qu’il pouvait, mais ça ne suffisait pas. Il devait arrêter de considérer ce combat comme un simple entraînement. Au lieu de ça, il devait se battre comme si sa vie en dépendait. Il devait arrêter de voir Sun Liang en face de lui, mais un adversaire prêt à le tuer s’il n’était pas assez fort pour l’éviter. Il s’efforça de changer son état d’esprit en repensant aux combats qu’il avait dû mener à Umbar pour sauver sa vie. L’adrénaline commença à submerger son corps, telle une vague furieuse.
Le combat se poursuivit avec plus de fougue et de détermination du côté de Issam qui chercha réellement à toucher Sun Liang.
- C’est mieux, beaucoup mieux, continue !
L’injonction de Sun Liang motiva le jeune Assassin qui reprit l’assaut de plus belle, les sens aux aguets et le corps affûté plus que jamais, pour contrer ou éviter les coups du Maître-Assassin et pour attaquer ou riposter à son tour. Il ne parvint pas à toucher sa cible, mais ses coups devenaient de plus en plus rapides, précis et puissants, au point qu’il commença à faire reculer Sun Liang qui affichait une mine toujours aussi impassible depuis le début du combat. Ce n’était pas une victoire significative, mais une petite victoire valait mieux que rien.
Au plus fort du combat, Sun Liang fit un geste de la main, très significatif de sa culture martiale, qui signifiait l’interruption ou la fin du duel. Issam cessa aussitôt et salua son adversaire d’une inclinaison du buste, Sun Liang lui rendant la politesse par une inclinaison de la tête, avant de fixer la cause de cette interruption en la personne d’un jeune Novice des Ombres qui approchait en hâte du Maître-Assassin. C’est à cet instant que Issam remarqua que Liatris s’était rapprochée de Aoro pour assister au duel entre les deux hommes.
- Alors, mon garçon, de quoi s’agit-il ?
- C’est pour Issam… Vous avez été convoqué, vous devez me suivre tout de suite, nous sommes déjà en retard.
Malgré l’urgence apparente de la situation, Issam ne manqua pas de fixer le Novice, légèrement outré. Ce dernier ne s’était même pas donné la peine de saluer le Maître-Assassin, ni personne parmi cette petite assemblée. C’était à se demander ce qu’on apprenait aux futures générations d’Assassins. Cela dit, Issam préféra rester à sa place en ne réprimandant pas le jeune homme devant un Maître-Assassin qui avait bien plus de légitimité à le faire.
- De qui s’agit-il ?
- Je ne peux pas vous le dire, Maître.
- Fort bien. Vas accomplir ta tâche et après, tu reviendras me voir, jeune homme, répondit sobrement Sun Liang au Novice.
- Bien, Maître, répondit ce dernier tout aussi sobrement avant de fixer Issam… Dépêchons-nous !
Préférant ne rien ajouter, Issam adressa un dernier salut respectueux à Sun Liang ainsi qu’à Liatris, puis suivit le jeune homme, lui-même suivit par Aoro dont il avait perçu le bref échange quelque peu étincelant.
Après un trajet effectué à une allure soutenue, le trio arriva à destination. Quelle ne fut pas la surprise de Issam, ni la déception et la frustration de Aoro, lorsque cette dernière se vit interdire d’aller plus loin. L’Assassin fraîchement nommé posa une main apaisante sur l’épaule de son apprentie.
- Ne t’inquiète pas, je m’efforcerai de ne pas prendre plus de temps que nécessaire.
Issam franchit ensuite le seuil de la porte ouverte par le jeune Novice, qui la referma ensuite derrière le jeune homme une fois entré. Sans un regard envers Aoro, il prit la direction inverse. Maître Liang l’avait intimé de revenir le voir et c’est exactement ce qu’il allait faire.
De son côté, Issam inspecta du regard la pièce dans laquelle il se trouvait afin de savoir où il était exactement, puis son regard s’arrêta sur la silhouette lui tournant le dos, faisant face à la fenêtre. L’Assassin resta silencieux, attendant que son interlocuteur ou son interlocutrice daigne lui accorder son attention. |
| | | Hasharin Maître Assassin
Nombre de messages : 666 Age : 31 Localisation : Antre des Ombres Rôle : Hîr-Dae au sein de la Guilde des Ombres, et maître assassin
~ GRIMOIRE ~ -: Homme d'Harad -: 39 étés -:
| Lun 4 Nov 2024 - 3:03 | | Voilà bien des années que ses pas ne l'avaient pas conduit aux portes du désert. L'assassin apercevait en contrebas de l’escarpement rocheux sur lequel il se trouvait, la petite cité portuaire d'Al’Tyr. D’ici, il apercevait quelques navires et l’agitation habituelle qui les entourait à quai, aux portes de la ville, la longue file de caravanes venues de lointaines contrées, le Palais de l’Émir dans toute sa splendeur qui surplombe la ville, et enfin le phare, situé sur une île dans la baie. Ce phare cachait également en son cœur le dernier bastion des Ombres.
Depuis le sac de l’Antre des Ombres de Minas Tirith et la chasse qui s’en suivit, il avait vagabondé entre les différentes bourgades du sud du Gondor. Se faisant passer tantôt pour un marchand errant, parfois pour un mercenaire solitaire, il avait tracé sa route en direction des terres du Sud avec pour objectif d’atteindre la cité d'Al’Tyr, siège de la confrérie des Ombres. Les quelques survivants de la purge perpétrée par les milices gondoriennes s’étaient dispersés en petits groupes pour mieux échapper aux agents inquisiteurs de l’Arbre Blanc. Certains avaient eu pour mission de rejoindre au plus vite Al’Tyr pour faire passer la nouvelle de la destruction de la planque originelle des Ombres. D’autres, cependant, avaient eu pour mission de s’installer dans les contrées environnantes de Minas Tirith et de rester patiemment en attente de nouvelles instructions, à la recherche de toutes informations utiles à la guilde. Quant à lui, le voyage vers les contrées septentrionales avait pour vocation de préparer une vengeance pour la traîtrise subie par les Ombres.
La Guilde avait perdu sa place forte dans les bas-fonds de la Cité Blanche. Cet emplacement stratégique avait permis par le passé de pouvoir se mêler à de nombreuses intrigues et d’offrir une économie florissante aux Ombres. En effet, les Ombres étaient nées dans les premiers niveaux de Minas Tirith, et les nombreux contrats et l’efficacité de leurs agents avaient donné une certaine notoriété à la confrérie même au-delà des remparts de la Cité. Cette reconnaissance grandissante avait attiré de nombreuses recrues et ainsi le réseau et la Guilde s’étaient développés toujours plus loin. À l’apogée de la Confrérie, à coups d’infiltrations, d’assassinats, et de pots-de-vin, les Ombres avaient participé à la révolution d’Al’Tyr et avaient fait asseoir sur le trône de la ville des alliés à leur solde. Au cours des événements récents entre les Terres du Sud et le Gondor, Al’Tyr était devenue un carrefour stratégique, et les récents changements d’allégeance avaient encore plus renforcé cette position. Les Ombres s’étaient immiscées dans les différentes sphères du Harad et d’Umbar et avaient récemment interféré dans les politiques locales. Même au cours de son voyage, l’assassin avait entendu parler de scènes de chaos à Umbar au sein de la guilde des marchands et des conseils Pirates. Son instinct et les différents agents croisés en route lui avaient confirmé que les Ombres avaient trempé dans ces agissements. Son instinct lui dictait également que son frère, étant à la tête de la Confrérie ici même, devait se cacher derrière ces manœuvres politiques.
L’assassin entama la descente vers la ville, les dernières lieues à parcourir après ce long périple à travers le Harondor. Il avait accompagné une caravane de marchands d’épices qui revenaient après avoir vendu leurs marchandises. L’Ombre les abandonna aux portes de la ville pendant qu’ils installaient leur campement. Il put passer sans encombre les portes de la ville et prit la direction de la forteresse de la Guilde. Les assassins de garde aux portes furent surpris de revoir cette vieille figure emblématique se pointer sans s’annoncer au quartier général. Pour l'Haradrim, les choses semblaient n’avoir pas bougé, mais tout semblait différent depuis son dernier passage. Il y avait toujours autant d’Ombres dans la forteresse, voire plus qu’autrefois, mais peu de visages connus, beaucoup de nouvelles recrues, de jeunes assassins en devenir. Les Ombres avaient subi des pertes; la chute de l’Antre, la guerre contre le Gondor, les querelles d’Umbar avaient laissé des séquelles...
À peine arrivé, le vieil assassin alla poser son barda dans son bureau, inutilisé depuis sa dernière visite. Rien n’avait bougé; une couche de poussière sableuse s’était déposée sur le bureau encore couvert de parchemins, et sur les tissus des meubles. La pièce sentait le renfermé et respirait l’inactivité. L’assassin devait rendre visite à son frère dans la soirée pour discuter d’une opportunité fort intéressante pour la Guilde, qui s’était présentée lors de sa fuite vers le Sud et dont celle-ci devait saisir l’occasion pour se venger.
L’Hir-Dae des Ombres était de retour à la forteresse. Hasharin était de retour parmi ses frères d’armes, et surtout aux côtés de Danakil, son frère de sang, qui dirige la Guilde depuis la chute de l’Antre. Ils avaient passé la soirée tous les deux à discuter de l’opportunité qui s’offrait à la confrérie et de la façon de faire en sorte que la Guilde ressorte plus forte de ces derniers événements.
Danakil avait fait une séance de rattrapage pour son aîné, en évoquant les dernières missions réussies, les recrues prometteuses, et quelques cas de désertion. Hasharin pouvait sentir que la discipline et la ferveur des Ombres avaient quelque peu diminué. La loyauté de certains était remise en question : des agents revenaient avec des missions partiellement achevées, des déserteurs parvenaient encore et toujours à fuir, et les recrues ne passaient plus autant de temps à perfectionner leur art… À cela s’ajoutait la nouvelle situation vis-à-vis du Gondor et des terres du Nord, ce qui compliquait grandement les choses.
-Nous devons la jouer finement, nous ne devons pas provoquer le trône du Gondor. Nous avons nos différends avec eux, mais évitons une guerre ouverte; une inquisition contre les Ombres serait dévastatrice. Nous devons frapper fort et précisément. Nous devons montrer que les Ombres sont encore puissantes et omniprésentes. Notre efficacité est notre meilleur atout offensif, mais la crainte qu’inspirent nos frères d’armes est notre bouclier. Il nous faut une cible d’envergure, qui marquera les esprits par l’audace de notre mouvement et la portée de nos dagues. Il faut également que nos confrères retrouvent la hargne et la ferveur dans le credo et la confrérie. Comme je le disais, nous devons la jouer extrêmement finement. Il ne doit pas être possible de remonter jusqu’à nous, il ne faut pas attirer davantage d’attention. Nous devons envoyer une petite équipe pour ce genre de mission, et surtout, qu’elle ne puisse pas être facilement associée aux Ombres.
« Ça sera une mission ardue, » répondit Danakil. « Il nous faut bien choisir nos candidats, et justement j’ai un duo en tête qui pourrait fortement t’intéresser. L’un est un jeune Assassin, nous avons accompli son rituel d’initié cette semaine justement. Il revient d’une mission à Umbar, où sa ferveur pour la Guilde a été ébranlée, et ses motivations nous ont semblé, à moi et à certains confrères parmi les maîtres, quelque peu troublées. Il répond au nom d’Issam. Ses capacités au combat sont indéniables et sa discipline renforce son efficacité. »
« Et qui accompagnera donc ce virtuose d’Assassin du Harad, à la loyauté... hésitante ou vacillante ? »
« Une jeune recrue, nommée Aoro. Jeune, pleine de fougue, et surtout prise d’une forte affection pour Maître Zeyan. Il l’a prise sous son aile dès son arrivée; je crois même que c’est Maître Zeyan en personne qui l’a fait venir ici. Sa foi en son vieux mentor pourrait se transformer en une vraie ferveur pour le credo. La jeune fille a essayé de passer le rituel cette semaine, mais a échoué par manque de discipline et de maturité. Néanmoins, le Conseil lui a accordé d’être la pupille de notre nouvel Assassin Issam justement. Le Conseil et moi-même avons eu l’idée de les associer. Issam a autant enseigné à la jeune fille que l’inverse. Toute la nuit, j’ai réfléchi à la mission que tu proposes et je pense vraiment que ces deux éléments peuvent être des atouts pour cet objectif. » Danakil marqua une pause, réfléchit un instant. « De plus, s’ils échouent ou se font prendre, la Guilde pourrait toujours les accuser de désertion, de dissidence, ou d’excès de zèle. »
« Je vois que toutes ces années passées à Al’Tyr à la tête de nos frères t’ont assagi et rendu plus réfléchi. Nous sommes sur ton territoire, jeune frère; j’ai foi en tes choix de candidats. Envoie-moi Issam. Je souhaiterais le recevoir dans mon bureau, seul à seul, pour cerner un peu le frère d’armes que tu souhaites envoyer pour cette mission. »
Sur ces mots, Danakil demanda à un jeune Novice qui passait par là de se hâter de trouver l’Assassin Issam, car il était demandé par les Maîtres, et de le guider vers le bureau du Hir-Dae. Tous dans la Guilde avaient entendu parler du Hir-Dae, Maître Hasharin, le frère de Danakil, mais peu l’avaient déjà rencontré. Ses apparitions à Al’Tyr étaient rares et furtives; toute sa carrière, il l’avait faite à Minas Tirith et dans les Terres du Nord, mais sa renommée dans les milieux sombres n’était plus à refaire. Néanmoins, ici, même parmi les siens et ses frères d’armes, il pouvait encore passer inaperçu tout en étant à la tête de la confrérie. Depuis bien trop longtemps, il s’était retiré de la gestion active de la confrérie, laissant cela à son frère, lui étant occupé par les affaires de la Cité Blanche. Le jeune Novice revint près d’un quart d’heure plus tard, les joues rouges et les cheveux en bataille, ayant sûrement couru dans tous les sens pour trouver Issam. Hasharin, à la fenêtre de son bureau, les vit arriver : Issam et Aoro à la suite de la jeune recrue. Ce dernier demanda à la femme d’attendre, guida Issam jusqu’au bureau, le laissant entrer, puis s’éloigna discrètement. À présent, dans le bureau, ne se trouvaient que le jeune Ombre Issam et le vieux fondateur Hasharin. Ce dernier se retourna, invita Issam à s'asseoir sur les coussins au sol autour de la table basse, où était posée une théière fumante et trois tasses de thé à la menthe. Une forte odeur d’encens brûlé flottait dans l’air, et la pièce n’était éclairée que par les rayons du soleil filtrant à travers les persiennes.« Bonjour, Issam. Félicitations pour ton accession au rang d’Assassin. Un titre qui signifie beaucoup : tu appartiens à une famille de frères et de sœurs dévoués à la cause, tu défends un credo qui veille sur toi et la confrérie, et tu fais preuve d’une discipline d’acier pour être le meilleur Assassin parmi les assassins. » Le vieux mentor marqua une pause, sourit intérieurement et ajouta : « Excuse-moi, j’en oublie de me présenter. Je suis l’Hir-Dae des Ombres, plus connu sous le nom d’Hasharin. Comme tu dois le savoir, je suis le grand frère de Maître Danakil, qui te tient en haute estime d’ailleurs. J’ai eu vent de quelques-uns de tes exploits, notamment d’une mission récente à Umbar qui s’est soldée par une réussite, à ce qu’on dit… J’ai également entendu que le Conseil avait décidé de t’assigner une jeune recrue prometteuse, et que cela n’avait pas semblé être à ton goût, ni au sien d’ailleurs… Nous sommes une confrérie, notre force repose sur notre capacité à compter les uns sur les autres pour devenir encore plus efficaces. Tu dois apprendre à coopérer et à travailler en équipe. Je sais, ô combien il est tentant et agréable de mener seul ses contrats, mais la Guilde est là pour nous épauler et garantir notre succès à chaque fois, sans dépendre de la chance ou d’interventions extérieures. »Le mentor servit deux tasses de thé, en but une gorgée, et invita son disciple à faire de même. Il ne s’était pas encore réhabitué aux chaleurs du Harad. Puis, il reprit :« Tu as sans doute entendu parler des événements récents à Minas Tirith concernant la Guilde. Les agents du Gondor ont lancé une chasse aux Ombres et nous ont chassés de l’Antre. La plupart des frères et sœurs ont réussi à fuir… Mais nous ne pouvons laisser cette offense impunie. La Guilde doit montrer que nos poisons sont toujours aussi virulents, que nos lames sont toujours aussi aiguisées, et qu’il faut craindre les Ombres partout. C’est pourquoi nous devons frapper fort et précisément ! Comme le destin sait jouer avec nous, une opportunité de saisir notre revanche s’est présentée. Lors de mes pérégrinations et ma fuite vers le Sud, j’ai rencontré des personnes… Et il semblerait que nous ne soyons pas les seuls à nous être mis à dos le Conseil du Sceptre. Parmi ces personnes, certaines sont prêtes à payer une petite fortune pour que les Ombres les aident à régler leurs problèmes. J’ai été approché par un commanditaire dont tu n’as pas besoin de connaître l’identité ni les motivations, mais il s’est montré très convaincant et propose un contrat très simple… »De nouveau, l’Hir-Dae marqua une pause, servit les trois tasses cette fois-ci, et but une gorgée lentement. Puis il sortit un bout de parchemin et une bourse bien remplie d’un pli de sa tunique qu’il posa devant Issam. On pouvait distinguer deux choses sur le papier : un nom et le symbole de la Guilde des Ombres.« Qui est ce "Evart Praven" ? Eh bien, vois-tu, le Gondor se complaît dans son système et sa bureaucratie, et certains rouages sont plus primordiaux que d’autres. La cible est l’un de ces rouages, et pas n’importe lequel : nous parlons ici du Trésorier du Gondor, nommé par le Conseil du Sceptre en personne ! Influent et prestigieux, sa perte causera des retombées dans toute la Cité Blanche et sa contrée, et déclenchera des mouvements de troubles dans les bas-fonds de la ville. Je disais donc que c’était un contrat très simple : éliminer ce Evart Praven, par tous les moyens nécessaires. Le Conseil a mis une condition pour accepter de t’envoyer dans cette mission de haute importance. Tu dois emmener avec toi ta nouvelle apprentie, Aoro. L’alliance de vos compétences et la complémentarité que le Conseil a perçue entre vous deux vous permettront de mener à bien cette mission. »La porte s’ouvrit à ce moment-là pour laisser entrer Danakil, qui salua les deux hommes déjà présents, s’installa autour de la table basse et saisit la troisième tasse, qu’il but d’une traite avant d’ajouter :« Voici une avance sur ta paie, ainsi qu’une somme pour les frais de voyage et la mission. Passez également par la réserve, prenez armes, munitions, vivres, et vêtements pour votre mission. Tu peux aussi choisir un troisième compagnon de ton choix pour vous accompagner dans cette aventure. Une somme beaucoup plus conséquente t’attend en cas de réussite; l’échec ne saurait être toléré… La notoriété de la confrérie est en jeu. Élimine le Trésorier Praven et venge nos frères et sœurs tombés lors de la chute de l’Antre. Venge-les et reviens-nous, revenez-nous tous les deux pour conclure ce contrat. As-tu des questions, Issam, Nouvel Assassin de la Guilde ? Acceptes-tu le contrat proposé par ton Hir-Dae ? Acceptes-tu d’être une Ombre parmi les Ombres ? » |
| | | Issam Ibn Al Layl Assassin du Harad
Nombre de messages : 56 Age : 48 Localisation : Dans les ombres Rôle : Assassin
~ GRIMOIRE ~ -: Humain (Haradrim) -: 21 ans -:
| Dim 17 Nov 2024 - 2:34 | | Issam n’avait jamais vu l’homme qui lui fit face… Ou tout du moins, il ne se souvint pas l’avoir déjà vu. Mais le vieil homme qui le fixait avait un sacré charisme, malgré une tenue qui semblait avoir connu des jours meilleurs. Il en imposait par sa présence. Qui était-il ? Que faisait-il au Phare et que voulait-il à Issam ? Tant de questions tourbillonnaient dans la tête du jeune homme au moment où l’homme s’était retourné pour lui faire face. Nul doute que les réponses allaient bien vite arriver. Maître Liang lui avait dit plus tôt qu’il était fort probable qu’il reparte en mission plus tôt que prévu. Il devait probablement avoir en face de lui son commanditaire, cela dit, si tel était le cas, il ne passait pas par les voies normales pour solliciter les services de la Confrérie des Ombres. Non, il devait être bien plus que ça. Après tout, il avait tout l’air d’être un assassin et Issam avait appris à reconnaître un tueur quand il en voyait un.
Issam répondit silencieusement à l’invitation de son interlocuteur en prenant place sur l’un des coussins. Il fixa les tasses et la théière sans y toucher pour le moment. Lorsque l’homme prit la parole et révéla son identité, l’Assassin fraîchement nommé n’en revint pas. Il avait devant lui l’Hir-Dae en personne, Hasharin, le fondateur et Grand Maître de la Confrérie des Ombres d’Al-Tyr. Comme toute Ombre ici, il avait déjà entendu parler de lui, mais il ne l’avait jamais vu. Ce n’était presque rien de plus qu’une légende pour le jeune homme, comme pour comme pour beaucoup. Et pourtant, il était bien là, en chair et en os.
- Merci, Maître… Issam ne savait pas comment l’appeler… Comme tous ceux qui m’ont précédés, j’espère faire honneur à la confrérie… Umbar n’a pas été une mission facile, mais je suis content d’avoir réussi. Quant à Aoro, je suis surpris d’avoir été choisi comme son mentor. Jusqu’à présent, je n’ai jamais vu d’Assassin avoir un apprenti. C’est soudain et déroutant, mais je me montrerai à la hauteur de la tâche qui m’a été confiée.
Issam prit une tasse, la porta près de son visage pour en humer les émanations parfumées sous forme de fines volutes de fumée, puis en sirota quelques gorgées avec précaution, le breuvage étant encore très chaud.
Il écouta avec attention les informations que Hasharin avait à lui transmettre. Les événements qu’il relatait devaient sans nul doute avoir eu lieu pendant qu’il était à Umbar pour y accomplir sa mission, car il ne se souvint pas d’avoir entendu parler d’une chose aussi terrible que la chute de la Confrérie des Ombres de Minas Tirith. Cette nouvelle serra le cœur d’Issam, lui qui malgré ses récents changements d’état d’esprit, était toujours autant attaché aux siens.
Il préféra ne rien dire, laissant Hasharin poursuivre. Il but à nouveau quelques gorgées de son thé, puis observa le parchemin sur lequel était écrit le nom de la personne qui allait inévitablement être sa cible : “Evart Praven”. Aux dires de l’Hir-Dae, il s’agissait d’une personne très importante, une personne dont la mort aurait des répercussions terribles sur le Gondor, vengeant ainsi l’affront qu’avait subie la Confrérie des Ombres. Évidemment, Issam compris immédiatement que ce Evart Praven ne serait pas facile à atteindre. Il était Assassin désormais, ce qui voulait dire que la difficulté des missions qu’on lui confierait serait à la hauteur de son nouveau rang.
Avant qu’il ne puisse répondre, il entendit la porte s’ouvrir derrière lui. Tournant le regard vers le nouvel arrivant, il reconnut Danakil qui venait les rejoindre. Issam lui rendit son salut avec le respect dû à son rang. Tout en buvant son thé, il écouta avec la même attention le frère de Hasharin lui donner ses instructions. Lorsqu’il évoqua l’importance de la réussite de cette mission, Issam hocha de la tête.
- J’accepte ce contrat, Maîtres. Par ma lame, je trancherai le fil de la vie de cet Evart Praven et je vengerai nos frères et sœurs tombés.
Issam prit la bourse qui lui avait été donnée. Il avait justement l’intention de passer à l’intendance pour y choisir une nouvelle tenue plus à l’image de ce qu’il était désormais, en plus de ce qui lui était conseillé pour sa mission qui allait cette fois le mener à explorer une contrée dont il ne connaissait rien.
- Pardonnez-moi, mais, pourquoi ne pas avoir autorisé Aoro à participer à cette réunion puisqu’elle doit m’accompagner ? Et auriez-vous une Ombre à me conseiller ? Il me faudrait en effet quelqu’un qui connaisse bien le Gondor sous tous ses aspects, qu’ils soient géographiques, politiques et autres. Enfin, à quoi ressemble Evart Praven, précisément ? |
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