La caravane perdue

En haut de la montagne, sur la plus haute tour de la forteresse de Therkâ Nâla, Dwolin avait une vue imprenable sur les alentours. A l’ouest au loin, on devinait le sommet du mont Gundabad. Autrefois ombre menaçante sur les peuples libres, désormais joyaux reconquis qui cherchait à retrouver son éclat. A l’est, Kalil-Abad, là où tout a failli basculer pour le pire. Des frissons montèrent dans le dos du nain, comme à chaque fois que les souvenirs de cette déroute lui revenaient. Certaines blessures mettraient du temps à se refermer. Il détourna le regard vers le bas de la forteresse, là où quelques mois auparavant s’alignaient à perte de vue les tentes de la grande coalition avant l’assaut final. Aujourd’hui ces terres et la forteresse étaient sienne. Récompenses de ses services rendus durant la guerre, souvenirs quotidiens de toutes les épreuves et de tous les morts qui avaient rendu cette victoire possible, et désormais responsabilités énormes sur ses épaules. Responsabilités que le nouveau seigneur de Therkâ Nâla était venu esquiver le temps d’un instant du haut de cette tour.

- Capitaine Dwolin, vous voilà !  

Le répit avait été cours. Dwolin prit une grande bouffé d’air frais et se retourna. Devant lui se trouvait Gorin, le vieil intendant de la forteresse. Derrière sa barbe blanche florissante et son regard fatigué, se cachait un nain d’une intelligence et d’un sens de l’organisation des plus rare. Déjà pendant la campagne il avait fait des merveilles pour gérer l’accueil et le ravitaillement des troupes de la coalition. Désormais il apportait un support des plus précieux au nouveau dirigeant qui aurait eu bien du mal à assumer son rôle sans lui. Il était en poste depuis des décennies et connaissait tout de la forteresse et de son organisation. De plus il avait un sens des relations et de la diplomatie qui était très utile à Dwolin. Ce dernier se basait essentiellement sur son expérience militaire et manquait encore un peu de tact et de finesse dans ses interactions avec ses vassaux. Même si sa réputation gagnée pendant la campagne imposait le respect, il restait un étranger dans la colonie et le soutien de Gorin était d’autant plus précieux.

Dwolin se fendit d’un sourire en voyant le vieux nain, il avait appris à apprécier son éternel flegmatisme et son humour pince-sans-rire.

- Qu’y a-t-il Gorin ?
- Les membres du conseil se rassemblent, nous allons bientôt commencer.  Déclara le vénérable Naugrim.
- Impossible d’y échapper n’est-ce pas ? Tenta Dwolin.
- Je crains que non, plusieurs sujets requièrent votre attention immédiate. Retorqua l’intendant en feintant un petit sourire amical.
- Très bien alors, passez devant.

Les deux nains se dirigèrent vers l’escalier afin de descendre dans la salle du conseil.

La salle du conseil était en vérité une caverne circulaire au milieu de laquelle se trouvait une grande table ronde taillée à même la roche. Cette même table ou quelques mois plus tôt, le Haut-Roi Thorik finalisait son plan d’assaut de Gundabad devant une salle comble. Aujourd’hui ils étaient cinq autour de cette même table à discuter de la situation de la colonie. Le constat était le même depuis des semaines : la colonie était débordée par le nombre de passages vers Gundubanâd. Les convois de matériaux et de marchandises en direction de la cité fraîchement reconquise étaient également suivis de nombreux colons en quête de richesses ou d’opportunité mais aussi de pèlerin, désireux de contempler les salles qui avaient vu l’éveil de leurs ancêtres. Hélas personne ne s’arrêtait à Therkâ Nâla alors que la colonie aurait bien besoin de bras supplémentaires. Depuis la fin de la guerre, la plupart des soldats qui étaient postés dans la forteresse était rentrés chez eux après de longs mois, parfois années, loin de chez eux. La reconquête avait été longue, pleine de sacrifices et de pertes pour ses participants. Il était logique que certains veuillent tourner la page rapidement. De plus, chaque ville naine avait dû mettre de côté ses problèmes le temps de la reconquête. Nul doute qu’elles auraient besoin de leurs soldats dans les mois à venir et qu’ils n’auraient pas de renforts disponibles pendant un long moment.

Il ne subsistait à Therkâ Nâla que les membres de la garnison d’avant-guerre – la plupart originaire des montagnes grises – ainsi que des survivants du bataillon de Dwolin qui avait voulu le suivre dans ses nouvelles responsabilités. Leur présence rassurait le capitaine qui avait la sensation que certains locaux voyaient d’un mauvais œil sa nomination à la tête de la colonie. A commencer par le sergent Tormond, chef de la garde. Assis en face de lui, il était le bras droit de l’ancien capitaine. Quand ce dernier était tombé lors de l’assaut de la place forte quelques mois auparavant, beaucoup pensaient qu’il serait nommé à sa place. Dwolin avait déjà pensé à le remplacer par un de ses hommes mais avait renoncé sur les conseils avisés de l’intendant Gorin. Il était très respecté par les locaux et le capitaine ne pouvait risquer une confrontation ouverte. C’est pourquoi il l’avait laissé au conseil pour le garder à l’œil. Ça ne l’empêchait pas de remettre en cause chacune des décisions du nouveau seigneur de Therkâ Nâla. A la gauche du sergent se tenait Dalrim, représentant les artisans et les commerçant de la colonie. L’économie était florissante, l’activité de Gundubanâd avait repris doucement et ses besoins étaient monstrueux, une aubaine pour les forgerons et les mineurs de la colonie qui y envoyaient toute sortes d’outils et de matériaux. En toute logique, Kils la trésorière était d’excellente humeur, toute cette activité additionnée à l’accueil des voyageurs et aux droits de douane remplissait les caisses de la colonie.

Dwolin lui craignait que cette situation ne perdure pas. Bientôt Gundubanâd serait autonome et l’activité cesserait aussi vite qu’elle était arrivée. Ils devaient profiter de cette opportunité pour développer la colonie et sécuriser des revenus réguliers. Il avait invité les hommes habitants dans la vallée pour renforcer leurs accords commerciaux, mais pour le moment tout le conseil était concentré sur le commerce avec la nouvelle capitale des Montagnes Grises.
L’intendant prit la parole :

- Messieurs, avant de clore ce conseil, j’aimerais attirer votre attention sur une affaire des plus sensibles. Dwolin se releva légèrement et tendit l’oreille plus attentivement. Nous n’avons plus de nouvelles de la dernière caravane à destination de Gundubanâd. La table resta silencieuse. Vous savez tous à quel point son contenu est essentiel à sa reconstruction. La caravane est passée à Kalil Abab il y a quatre jours. Elle devrait déjà être arrivée mais nos éclaireurs ne l’ont toujours pas aperçu. Une délégation de Gundubanâd arrive dans quelques jours pour l’accompagner jusqu’à sa destination. Ces routes sont sous notre protection, il est donc impératif de la retrouver avant leur arrivée. Le silence se fit plus pesant et les regards se tournèrent vers le capitaine. Dwolin se racla la gorge avant de prendre la parole. Il se tourna d’abord vers l’intendant.

- Merci Gorin pour le résumé de la situation. Il se retourna vers le reste du conseil. En effet la situation est préoccupante, la caravane ayant disparu sur notre territoire, il en va de notre honneur de la retrouver, d’autant plus au vu de la nature de sa cargaison. Il pivota légèrement en direction du sergent. Tormond, il nous faut envoyer une patrouille à sa recherche au plus vite. Ce dernier ne prit même pas le temps de réfléchir avant de répondre virulemment :

- Vous n’avez donc rien écouté depuis le début de ce fichu conseil ? S'exclama t-il en se levant. Mes nains sont à bout ! Il y a à peine assez de gardes pour assurer la sécurité de la colonie et vous voulez en envoyez fouiller toute la montagne ! Ça sera sans mes nains !  Sur le fond, il n’avait pas tort, les soldats était déjà débordés, mais Dwolin n’allait pas le laisser lui parler sur ce ton.

- Du calme sergent ! Dit-il sèchement en lui faisant signe de se rassoir. Chacun ici est conscient de la situation mais nous devons tous fournir des efforts pour accomplir la mission que nous a donné le Haut-Roi ! A la mention de Thorik, il avait espéré un regain de responsabilité de la part des membres du conseil, mais il faut croire qu’il ne leur inspirait pas la même ferveur qu’à Dwolin. Ce dernier se reprit. Puisque nous n’avons pas assez de soldats disponibles, nous allons devoir en recruter. Faites passer le mot parmi les voyageurs de passage que nous cherchons des mercenaires que nous paierons grassement pour cette mission. La trésorière fit une grimace. Le sergent fit mine de protester mais Dwolin l’en empêcha d’un signe de la main. Quant à vous sergent, si vous ne pouvez pas détacher une patrouille, trouvez-moi au moins quelques éclaireurs volontaires pour les guider, eux aussi auront une prime. Il enchaîna tout de suite. Vous savez ce qu’il vous reste à faire, je compte sur vous. Et fit signe que le conseil était terminé.

Ses participants ne se firent pas prier et quittèrent la salle à l’exception de l’intendant que Dwolin retint un instant :

- Quand on aura réuni ces volontaires, amenez-les-moi que je leur touche deux mots.

Sans dire un mot le vieux nain acquiesça et quitta la salle d’une démarche tranquille.

#Dwolin #Gorin #Tormond

L'oeil concentré, le parchemin éclairé par la modeste flamme dépassant de son casque Dagin examinait minutieusement les tracés qu'il avait lui-même fait il y a quelques semaines. Il murmurait dans sa barbe des mots inintelligibles pour le commun des mortels mais incroyablement censés pour le nain. Il releva la tête et regarda son équipe:

- Encore deux mètres sur la droite !

Il reposa minutieusement le parchemin sur la caisse de transport qui lui avait servi de table et regarda ses hommes se mettre au chantier, bientôt la mélodie enchanteresse des coups de pioche rythmés reprendrait et envahirait de sa tonalité si douce les tunnels creusés par les nains. Dagin était petit, force était de le constater, au delà d'une taille de nain, il était vraiment petit même pour ses comparses. Il avait une barbe courte, mal taillée, pleine de poussière, un nez rond et enflé qui séparait ses deux yeux verts comme des émeraudes, fins, pétillants et plein de malice. Dagin était jeune en plus d'être petit, plus jeune que la plupart de ses comparses mais il était doué, incroyablement doué pour construire, aménager, superviser les aménagements urbains.  

Cette colonie avait été une opportunité sans nom pour se faire la main sur un chantier concret. Il avait tracé de nombreux plans, d'innombrables ébauches, des esquisses de piliers ou de statues, il avait appris à connaître par cœur les angles, les courbes, comment tailler une barbe dans de la pierre. Evidemment il s'était enrôlé dans cette colonie attiré par une caravane marchande qui se rendait au nouveau cœur du peuple nain. Le chantier était simple mais Dagin était un chien fou, il était comme un enfant, il avait sauté sur l'occasion et avait tout de suite été volontaire pour creuser, construire, tailler, abattre enfin... faire tout ce qu'il fallait.

Le chantier avançait, des nains étaient en pause tandis que le tunnel se creusait au fur et à mesure, ils étaient accoudés à leur pioche posés par terre l'un d'eux déclarait à son collègue:

- J'ai entendu dire qu'on allait mettre en place une mission d'exploration dans la Montagne. Moi pour sûr je n'en serai pas. Je suis à peine remis de la Bataille, j'ai bien envie de me reposer.

Son collègue répondit:

- Ah ouais et pourtant tu ferais bien d'y aller tu as vu ta dette à la taverne ? Si tu veux crever de soif car le patron ne voudra plus te servir c'est ton problème !

Dagin posa les mains sur ses hanches l'air rieur:

- Ca va ? Je ne vous dérange pas trop ? Par ma barbe, combien de temps va il falloir pour creuser en deux jours un tunnel de 30 mètres dans du granit ?

Il tapota l'épaule du mineur et s'en alla en riant. Cependant, il avait fort bien entendu cette mission et il allait de suite se porter volontaire ! Il quitta aussitôt le chantier pour se diriger vers le coeur administratif de la colonie.

Le temps passait. Les décennies se succédaient. Inlassablement. Ne laissant nulle place à l'éternité. Pourtant, depuis toujours d'innombrables nains avaient rêvé de laisser une trace dans l'Histoire du Monde. Des noms qui resteraient gravés dans la légende de leur peuple et de leur race.

Bavragor n'était pas de ceux-là.

Pour celui que certains surnommaient le Maugré, il n'y avait qu'une seule vérité. Une seule réalité. Celle qui était sonnante et trébuchante. Aucun plaisir n'était plus grand pour le nain que celui d'avoir de l'or. Encore et toujours. Et si vous y ajoutiez le plaisir du combat, vous obteniez là le monde parfait de Bavragor. L'appât du gain et le besoin irrépressible de violence étaient le lot du nain.

Depuis des années déjà, Bavragor arpentait les royaumes nains en quête de contrats juteux pouvant lui permettre de vivre comme bon lui semblait. Avec l'opulence et tous ses désirs à assouvir. Il avait répondu à l'appel du roi lorsque celui-ci avait lancé la bataille finale contre Gundabad. Oui, il avait répondu : non. Si l'or potentiel au bout du chemin semblait sans limites, la perspective de perdre la vie sur ce même chemin suffit à freiner ses ardeurs.

Non, le risque était bien trop grand.

Après la victoire au goût doux-amer de la coalition, la frustration du Maugré fut immense. Non pas d'avoir raté l'occasion de participer à une telle bataille, mais plutôt d'avoir manqué sa chance et d'être passé à côté d'un trésor incommensurable.

Attiré malgré tout par ce succès retentissant tel un moucheron hypnotisé par la lueur d'une torche, Bavragor se rendit finalement à Therkâ Nâla dans l'espoir de récolter quelques miettes. Mais au lieu de ça, il ne trouva que labeur et travaux de reconstruction. Quel ennui.

Bientôt à court de monnaie, il épongeait sa frustration et sa jalousie à l'une des tavernes de la forteresse. Accoudé à une table, Bavragor ne put s'empêcher de laisser ses oreilles traîner.

- Et d'où tu tiens ça ? demanda un nain à son compagnon de boisson situé au comptoir.
- Tormond ! Le conseil cherche des mercenaires.

Les sourcils du Maugré se froncèrent. La flamme d'avarice en son for intérieur se raviva.

- Et pour quoi faire au juste ? continua le premier.
- Escorter un convoi ou queq'chose du genre. Grosse paie en tout cas !

Bavragor se redressa, enfila sa chope d'une traite, déposa bon gré mal gré son dû au tavernier sur la table et quitta précipitamment l'établissement. Il arriva bientôt près de l'entrée de la modeste salle du Conseil. Sur sa route, on lui avait indiqué que c'est ici que l'intendant Gorin espérait voir les mercenaires potentiels débarquer pour cette périlleuse financièrement avantageuse. Mais à la place du vieux nain, Bavragor ne trouva qu'un petit nain. Et petit n'avait rien d'un pléonasme ici. Il avait une allure de jeunot avec sa courte barbe et le visage plein de poussière. Que faisait ce mineur ? Bavragor espérait qu'il ne soit là que pour autre chose. Et s'il était le seul mercenaire assigné à cette mission, cela ne lui ferait que plus d'or pour lui tout seul.

Depuis le chemin de ronde de Therkâ Nâla, Thrôran observait la ville en contre-bas. Elle était en effervescence, les forges tournaient à plein régime tandis des caravanes entraient dans la ville pour y faire escale avant d’avancer vers Gundunabad. C’était chez lui maintenant. Lui, originaire des montagnes bleues, qui en était parti pour chercher fortune ailleurs en tant que mercenaire, puis avait tout de même rejoins les troupes naines quand avait sonné l’heure de la reconquête. Les troupes des montagnes bleues n’avaient pas voulues de lui, vulgaire paria qui avait déserté leurs rangs par appât du gain. Il avait fini par tomber sous le commandement du capitaine Dwolin et l’avait suivi dans son nouveau fief en espérant pouvoir se reconstruire.

« Arrête tes rêveries Thrôran et avance ! » Le reste de la patrouille l’avait distancé et le rappelait à la réalité. Les nains locaux n’étaient pas les plus accueillant. Ils étaient même parfois ouvertement hostiles aux guerriers nains parachutés ici avec le capitaine. Mais ce dernier essayait de faire bouger les lignes et Thrôran croyait en sa réussite. Il se hâta de reprendre sa marche. Leur ronde était presque finie et il pourrait prendre un peu de repos avant la prochaine ronde.
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Alors qu’il se reposait dans la caserne après sa patrouille, les autres gardes se regroupèrent. Bien qu’ils parlassent bas, il put entendre leur discussion.

"Le capitaine demande des volontaires pour aller à la recherche d’une caravane disparue.
- Il y aurait moyen de gratter un peu de solde en plus ?
- Faut croire que oui, mais le sergent s’ra pas content si on y va, paraît qu’il s’est comme qui dirait un peu fâché avec l’capitaine à c’propos."

Une mission spéciale avec une prime à la clé ? Qui plus est sans ces grinchons qui lui tapait sur les nerfs à longueur de journée, voilà qui lui plairait bien. Il irait trouver l’intendant à la fin de son service.

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« Je vous assure seigneur que depuis la reprise de Gundubanâd, notre économie est florissante, nous n’avons pas besoin d’ouvrir ces tractations avec ces humains, nous avons déjà tant à faire. »
Dans la salle du conseil, Dalrim, le représentant des artisans et des commerçants au conseil de la cité commençait sérieusement à taper sur les nerfs de Dwolin. Ce dernier était debout les deux mains sur la table tandis que son interlocuteur en face était enfoncé dans son siège les bras croisés. Le capitaine essaya une fois de plus de le convaincre.
« Cette prospérité ne pourrait pas durer, une fois Gundubanâd reconstruite et autonome nous risquons fort de passer au second plan et de décliner rapidement. Nous devons d’ores et déjà penser à l’avenir et imposer Therkâ Nâla non seulement comme un point de passage vers Gundubanâd mais aussi comme un place marchande indispensable ou les autres peuples pourront venir négocier et échanger les richesses de la montagne.
- Les autres peuples ? Je croyais que nous ne parlions de que des humains ? De quels autres peuples parlons-nous exactement ?
- Nous commencerons par les humains. Se contenta de répondre Dwolin.
Alors que Dalrim allait continuer ses questions, un garde fit irruption.
- L’intendant Gorin. Annonça-t-il simplement.
- Faite le entrer. Lui répondit le capitaine sans lâcher son interlocuteur des yeux. Quant à vous Dalrim, la délégation des hommes de la vallée arrive demain, soyez prêt. Il lui fit ensuite signe de quitter la salle. L’intéressé s’exécuta la mine renfrognée, sans plus de commentaire. A sa place l’intendant se posta en face du capitaine.
- Les volontaires pour la mission de secours sont regroupés devant la porte.
- Bien, allons les voir. "
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Devant Dwolin se tenait 3 nains dont un seul soldat, et pas des plus brillants.  
*Moins de la moitié de ce que j’espérais* pensa Dwolin. Il soupçonnait Tormond d’avoir découragé les autres soldats de se joindre à l’expédition mais il n’avait pas le temps de s’en préoccuper maintenant. Il prit la parole :
- Nains, je vous remercie de vous mettre au service de notre cité aussi rapidement. Comme vous le savez notre communauté à fort à faire en accueillant les caravanes en direction de Gundubanâd et notre garnison est déjà débordée. C’est justement une de ces caravanes que je vous demande d’aller retrouver. Elle était à Kalil Abab il y a un peu plus de quatre jours et devrait déjà être arrivée ici. Votre mission sera de la retrouver. Si Aulë le veut, intacte et seulement retardée… Et si par malheur un accident ou une attaque s’était produit, secourir les survivants et récupérer la cargaison. Dwolin ne s’attarda pas sur sa nature exacte et préféra porter leur attention sur un autre sujet. L’activité de la ville nous prive de nos soldats mais elle remplit nos coffres, vous serez généreusement récompensés pour votre aide, plus encore si vous atteignez vos objectifs. Il prit une pause pour les regarder dans les yeux.
Je dois maintenant vous laissez, Gorin ici présent veillera à vous fournir l’équipement nécessaire pour effectuer les recherches. Toute la colonie compte sur vous

Sur ces mots il se retira, il avait beaucoup à préparer d’ici demain.
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Ils étaient maintenant sur la route en direction de Kalil Abab en cherchant des traces de la caravane. En tant que seul soldat, Thrôran aurait peut-être dû s’imposer comme leader du groupe mais ce dernier avait été habituer à suivre les ordres et ne pas trop réfléchir, il n’allait pas changer cela aujourd’hui. Le silence qui régnait était aussi lourd que le brouillard qui enrobait la montagne et rendait leur tâche ardue. Le nain plissait constamment les yeux pour essayer de distinguer les formes qui se cachaient derrière la brume. Avec un temps pareil, la caravane avait bien pu dévier de la route et chuter dans les ravins. Ils avaient pris du matériel d’escalade si cette éventualité se présentait. En revanche pour ne pas trop s’encombrer et conduire les recherches rapidement, ils avaient dû couper sur l’armement. A part un casque et des gantelets, Thrôran ne portait pas d’armure et il n’avait pour arme qu’une hache courte à simple tranchant. Son grand marteau de combat était resté à la garnison. Si les gobelins faisaient profil bas depuis la fin de la guerre, une mauvaise rencontre n’était pas à exclure….

Je dois maintenant vous laisser, Gorin ici présent veillera à vous fournir l’équipement nécessaire pour effectuer les recherches. Toute la colonie compte sur vous...

Et ma pioche!

Le cri qui sortait de nulle part, clairement trop fort par rapport à l'ambiance plutôt calme qui régnait autour du seigneur de Therkâ Nâla et des trois volontaires, fit sursauter plus d'un passant. Dwolin s'en alla sans commenter l'intervention mal placée du nain à la barbe blanche, laissant Gorin s'occuper de l'équipe de choc.

***

Krok avait été Gemmemestre au sein de sa colonie dans les Montagnes Grises: un métier prestigieux. Son ouïe lui permettait de reconnaître les vibrations uniques des roches minées pour sentir la proximité des pierres précieuses, et son regard bleu perçant détectait sans faute chaque formation cristalline. Jusqu'au jour tragique il y a un peu plus d'un an, lorsqu'un éboulement enterra son groupe de mineurs. Beaucoup avaient perdu leurs vies; lui, il avait juste perdu son ouïe. Son ouïe qui était à l'origine de son art exceptionnel, qui faisait de lui un Gemmemestre.

La tragédie l'avait secoué, il avait pris trente ans en l'espace d'un jour, sa barbe et ses cheveux perdant les dernières traces de leur noirceur de jadis. Bien sûr, sa guilde avait pris soin de lui et il ne mourrait pas de faim. Mais Krok n'était pas prêt à passer le reste de ses jours comme un invalide, à se chauffer les pieds au bord de la cheminée. Il était encore capable de se rendre utile, même si les siens refusaient de le reconnaître. Lorsque les nouvelles de la libération de Gundabad et des colonies environnantes étaient parvenues jusqu'aux Montagnes Grises, il prit rapidement sa décision. Krok savait qu'avec des terres à repeupler et un peuple affaibli par la guerre, chaque paire de bras et chaque barbe, même grise, serait la bienvenue.

Il venait d'arriver à Therkâ Nâla il y a trois jours. L'endroit lui plaisait - il n'avait pas besoin de la gloire de Gundunabad, juste d'une colonie simple et honnête où il pourrait se rendre utile et prospérer. Une annonce écrite en runes et placardée sur un grand pilier attira son attention. Le seigneur Dwolin cherchait des volontaires pour une mission de secours. L'occasion pour Krok Kraksson de prouver sa valeur.

Il avait failli être en retard à la rencontre avec le seigneur, mais il eut tout juste le temps de se porter volontaire avant que Dwolin ne reparte. Krok avait appris à lire sur les lèvres assez bien, mais les barbes naines rendaient la chose particulièrement difficile. Les derniers mots étaient clairs en tout cas...'compte sur vous'...

***

Krok avait juste pris des meilleurs vêtements chauds et solides à Gorin. Il avait passé la plupart de sa vie dans les tunnels sous la montagne, loin du brouillard humide et glacial qui régnait sur le chemin vers Kalil Abad.

Gardant sa pioche dans le dos et s'appuyant sur un bâton de marche, le nain avait tourné son regard bleu vers des compagnons.

-Vous êtes de quel coin? - Il leva un doigt vers le ciel, avant de rajouter - Moi je suis des Montagnes Grises et par chez nous, c'est poli de regarder son interlocuteur dans les yeux et parler un à la fois.

Bon, cette excuse lui permettrait peut-être de lire sur leurs lèvres. Sinon, il se rabattrait sur ses pierres runiques...
Krok n'avait aucune idée s'il avait murmuré ou crié. Il ne s'entendait pas lui-même, et le brouillard épais semblait dévorer tout autour d'eux...