Une fête pour le retour.

Enfin, il était rentré. Cette longue tournée diplomatique l'avait plus que fatigué. Il avait revu ses montagnes avec tant de joie qu'il en avait renversé une chope de bière sur un message officiel pour le Seigneur du lieu.

Mais cela importait peu. Il avait mis sa grande armure, fait tresser sa barbe des 12 tresses représentant son grade. Puis il s'était avancé sur le pont lui permettant de rejoindre sa demeure.

Les gardes s'écartèrent, les cors sonnèrent, et un cris retenti dans toute la cité:

"Le généralissime Kim Brale est de retour... Il est enfin, revenu."

Envoyé depuis deux mois en mission de diplomatie auprès des autres nains de la terre du milieu, il avait visité la Moria, les Monts de Fer. Il avait rencontré nombres seigneur humain...

Maintenant il revenait pour défendre sa cité. C'était lui qui avait cette tache. Il l'avait confié, le temps de son voyage, au général Ghomenar, un khazad capable, sachant placer l'honneur de la cité avant le sien.

On lui affirma que le conseil des généraux, avec le Seigneur voulait l'accueillir. Il resta donc devant la grande porte de la cité, regardant calmement tous les ornements qu'il avait oublié depuis ces deux derniers mois...

De grands feux illuminaient la pierre. Les visages des fondateurs de la cité se voyaient nettement. Leur longue barbe faisant plus de cinq fois la taille d'un humain...

Les grandes portes s'ouvrirent, ce qui ne se produisaient qu'en de très rare occasion. Souvent on utilisé les petites porte latérales, permettant tout de même de faire sortir six nains de front...

Brale vit Tura Ghomenar sortir. Les deux Généraux s'étreignirent, puis Tura lui dit

"Il arrive..."

La décision qu'avait prise le Seigneur tout à l'heure avait grandement satisfait Harvïn. L'annonce que venait de faire les gardes après les sonneries de cors avait rapidement mis un terme à cet état d'esprit. Disons que le généralissime Kim Brale était plutôt un Nain "entreprenant", trop entreprenant en tout cas au goût du Maître des Runes et au vu des faiblesses que montraient parfois le Seigneur.


Des petites disputes s'étaient souvent produites lors des conseils, quand Harvïn et Kim se trouvaient en un même lieu et que le sujet de la discussion devenait sérieux. La divergence de leurs mentalités et de leurs points de vue faisaient parfois quelques étincelles, et Harvïn n'avait guère été affecté lorsque Brale avait annoncé son départ pour le long voyage qui s'annonçait.

En son abscence, l'habile conseiller en avait quelque peu profité, jouant de sa ruse pour préserver au mieux son Seigneur; désormais, ce serait une tâche plus ardue. Il fallait cependant feindre la joie et montrer un semblant de bon acceuil, sans quoi le nombre de partisans de Harvïn allait bien diminuer.

Les lourdes Portes s'ouvrirent: le revenant avait passé le pont. Le Seigneur n'était pas encore là, mais il s'était apprêté à acceuillir le généralissime comme il se devait. La distance qui séparait la salle du trône de la grande porte, loin en contrebas, nécessitait toutefois quelques minutes de marches. Harvïn, lui, suivait la délégation, un peu en retrait cependant. Le couloirs s'enchaînaient; ils les passèrent les uns après les autres. Bientôt il arrivèrent à un coude: le chemin tournait à gauche... vers la Porte, vers le monde extérieur. Bientôt Harvïn serait contraint à l'hypocrisie.

Ce retour était une fête, oui, mais pas pour tout le monde.

Et le Seigneur arriva. Il salua son chef militaire avec une grande joie. Un discours fut prononcé:

"Gloire à Aulë. Notre Généralissime est de retour parmi nous!"

Après ces grandes paroles, le seigneur et le revenant se firent l'accolade officielle, puis tous suivirent le seigneur et le généralissime à l'intérieur.

Dans une grande salle avait été aménagé un grand festin. En hâte, cela se ressentait, il n'y avait que trois dizaines de sanglier tué et une bonne quarantaine de tonneau de bière sorti...

Une petite fête pour le retour du généralissime. En même temps pour le mettre au courant des dernières affaires. Enfin, surtout de la dernière. Tura lui expliqua son point de vu, un maître hacheur, un deuxième. Puis quatre généraux le prirent à part, et enfin une bonne moitié du conseil des runes...

Enfin, beaucoup de monde... Lui écoutait tranquillement, sans donner son avis...

Harvïn n'avait même pas eu le temps de s'entretenir avec Kim Brale... le Seigneur était sorti acceuillir le revenant, puis tous s'en étaient rentournés à l'intérieur tandis que le Maître des Runes suivait bêtement comme un valet indésirable.

Il avait tout de même été convié, sans doute grâce à son rang, au banquet des retrouvailles, où boissons et victuailles fleurissaient sur les tables tel un milier de fleurs. Sanglier, charcuterie, fromage, bière... tout ce qu'on pouvait désirer était là - quoique Harvïn eut connu des repas de fête encore plus copieux, où les convives devaient même laisser de la nourriture non consommée, mais jamais, mais alors jamais de bière.

Le retour du Généralissime était bien sûr au centre de tous les esprits, mais c'était la question de la guerre qui occupait toutes les discussions. Ce fut pourquoi chaque clan voulut discuter avec Kim, lui exposer la situation, parfois objectivement, parfois subjectivement. Mais le fier Brale restait bien souvent silencieux, comme s'il se nourissait des paroles des autres.

Enfin un des collaborateurs du Maitre des runes obtint l'attention du revenant, et une bonne part des gens du conseil des runes quittèrent vivement leurs places pour venir s'assoir non loin, écouter et s'exprimer. Le pauvre Kim fut envahie de toutes parts de remarques. Nul n'osa faire valoir officiellement que le Seigneur n'était pas au mieux, ce qui aurait provoqué à coup sûr un scandale, mais tous exposaient leurs théories... Et bien entendu, les théories des intellectuels pouvaient se résumer à la phrase "Déclarer une guerre n'est pas une bonne chose" quoique cette idée fut étoffée de termes plus gracieux, plus habiles et plus sages.

Harvïn ne resta pas silencieux, et il n'est guère besoin de rapporter ici l'ensemble de ses baratins et autres paroles mielleuses. Il savait fort bien que si le Généralissime penchait de leur côté, un grand pas serait fait en faveur de leur cause. Mais ce n'était pas chose facile.

Et bizarrement, de toutes les paroles qu'avaient prononcé le Maître depuis le retour de Kim Brale, aucune n'avait contenu le terme de "bienvenue".

"Je sens que nous sommes nombreux a tenter de savoir ce que peut penser le Généralissime. Imaginé qu'il soit d'un avis contraire au Seigneur... Cela relancerait tout le débat non?"

C'était le Général Tura Ghomenar qui s'adressait au Maître des Runes Harvïn. Il y avait une pointe d'ironie dans sa voix, comme si cela faisait partie d'un plan. Il apparaissait clairement au yeux de tous que Tura avait bien jouer: il avait lancer un premier débat avant qu'arrive le Généralissime, et un deuxième se lancerait de lui même à son arrivé. Car si la guerre avait été lancé, et que Brage était contre, il n'aurait put que dire Amen et se soumettre au Seigneur de Tronjheim. S'il était pour, et que la guerre n'était pas lancé, le généralissime ouvrirait lui même les débats...

Tous cela avait été habilement mené... Même trop habilement mené. Il fallait que Harvïn sorte le grand jeu pour s'opposer au général, car en soit, il y avait de nombreuses chances pour que Brage soit du coté des militaires, en étant un...

"Je vous propose une bière Maître?" ajouta Ghomenar, coupant Harvïn dans ses pensées...

"Proposez-moi en une si vous le souhaitez, mais sachez que j'ai bu assez pour la journée. Votre ironie m'a coupé tout appétit et toute soif. S'il y a des chances pour que vous ayez embobiné le Généralissime à votre guise, il existe un être qui est plus haut placé que lui. Et Il a prononcé sa décision, et vous la connaissez fort bien, inutile donc de revenir là-dessus."


Ce Tura était vraiment d'une outrecuidance hors du commun...


Les gardes en faction près du pont et de la grande entrée virent arriver un curieux oiseau, piquant sur eux en fendant les airs. C'était une corneille, et tout le monde sait que ces bêtes-là ne sont en général guère appréciées par les Naugrim. Mais lorsqu'elle se posa, les sentinelles aperçurent un papier enroulé, coincé dans ses serres. Ils le prirent; l'oiseau ne fit aucun mouvement. Il n'y avait aucun cachet.


La discussion tendue entre Harvïn et Tura Ghomenar fut brusquement interrompue. Le vieux garde de la porte avait fait son apparition à l'autre bout de la salle, tout essouflé, et il se dirigea vers le Seigneur en personne. Il était porteur d'une lettre...


Pas de signature, pas de destinataire, pas de cachet. Juste ces phrases et du papier.

Aussi occupés à ingurgiter de la bière que soient tous les nains présents, l'arrivée inopinée de l'oiseau messager leur avait fait à tous sortir le nez de leur chope, qu'elle soit vide ou déjà remplie à nouveau.
Toutes les têtes s'étaient tournées vers le vieux Seigneur enfoncé sur son trône, la lettre dans ses mains. Tous se demandaient ce que pouvait bien signifier l'arrivée d'un tel message. Il fallait dire, avec toutes ces lieues et ces lieues séparant les différentes colonies naines, que le courrier était relativement rare.
Et quand le vieux maître déclara de sa voix déraillée "Réunion immédiate du Conseil" sans donner plus d'explications, cela commença à vraiment les intéresser.

Tous les notables s'établirent en cercle, c'est à dire tous ceux qui s'étaient déjà entretenus quelques temps plus haut, plus le généralissime.
Enfin, entre deux quintes de tous rachitique, le Seigneur donna la lettre à un garde, et dans un soucis de préserver sa propre voix, la lui fit lire.

La sutpéfaction fut la seule réaction perceptible dans toute l'assemblée naine. Alors le Seigneur fit signe de se taire car il allait prendre la parole, ce qu'il gravement.

"Je ne demanderai que deux choses, commença t-il de sa voix rauque. D'abord l'avis sur la question de l'estimé Kim Brale. Ensuite, la parole de Tura Ghomenar qu'il n'est pour rien dans ce message singulier..."

"Je dois vous avouez monseigneur, que cette affaire semble assez importante... De nombreuses personnes m'ont mis au courant de toute vos discutions sur le sujet de la guerre contre Belegost, que ces personnes soit pour ou contre... Notons que nous avions déjà parler de cette guerre il y a deux ans, entre nous mon seigneur. Nous étions au courant depuis longtemps que la guerre devrait commencer un jour où l'autre, mais qu'il faudrait choisir avec soin le jour où débuterons les hostilités."

Le généralissime retrouvé sa verbe habituelle. Beaucoup de mot pour ne dire que peu de chose, et ainsi lui permettre de faire avancer sa pensé.

"Si effectivement un éclaireur manque à l'appel, nous nous devons de tenter de le retrouver. Néanmoins, nous n'avons le temps de constater si toutes les patrouilles que nous envoyons vers l'extérieur sont ou non en sécurité. Si le dénommé Khîm manque à l'appel, peut être que sa patrouille c'est simplement égaré. Dans ce cas, nous risquions de déclencher une guerre qui n'a aucune légitimité défensive...

Si par contre, l'éclaireur est bel et bien prisonnier de ces satanés créatures, l'abandonner serait une honte pour toute notre armée...

Rajoutons à cela que traiter avec les gobelins n'aient en aucun cas l'habitude des Khazads. Accepter de leur verser une rançon. Qu'en penserons les autres peuples, dont le fier et orgueilleux peuple de Durin?

Nous devons prendre maintenant des risques. En peu de temps... Si nous attaquons Belegost, assumons notre choix et frappons vite et bien. Sinon, étouffons cette affaire pour que la honte ne tombe pas sur nos barbes..."

Le généralissime fit trois pas en avant, trois en arrière, deux sur le coté (et trois de l'autre coté...^^). Puis il reprit la parole:

"Quand notre vénéré Général Tura Ghomenar nous aura promis sur les barbes de ses ancêtres et celle de son fils qu'il n'y ait pour rien dans cette affaire, choisissons. La guerre et la victoire, en plus de l'honneur d'avoir sauvé un des nôtres, ou alors une paix de courte durée et, si jamais ce message est vrai, la honte éternelle..."

Le choix n'en était pas un... Et il était facile de voir de quel coté penchait le Généralissime Kim Brale... Mais les raisons étaient elles les même? Non. Il défendait la guerre car il considérait chaque soldat comme un fils...





Dès qu'il eut fini, le Général Tura Ghomenar se leva.

"Monseigneur, je suis attristé votre suspicion à mon égard. Mais les faits parlent contre moi, et j'aurais réagis de la même manière envers un subordonné. Mais ma tristesse est grande. Ne vous ais-je pas fidèlement servi toute ces années? N'ai-je pas accepter votre décision? Mais si vous me le demander, je vous le jurerez sur les barbes de mes ancêtres et celle de mon fils."

Tura se tourna alors vers le Maître des Runes responsable des serments officiels. Celui-ci se leva et mit dans les braises du feu de la salle un morceau de fer. C'était une rune de serment.

La salle restait en silence... Quand le fer fut chauffé à blanc, le Maître des serments attrapa à l'aide d'un tisonnier le morceau de fer et le tendit au général Ghomenar qui prononça d'une voix ferme:

"Moi, Général Tura Ghomenar de Tronjheim, de la famille Ghomenar,  père du Maître Hacheur Toner Ghomenar de Tronjheim, de la famille de Tronjheim, et chef de la famille Ghomenar de Tronjheim et des cités Khazads, je jure devant Aulë que je n'ai rien manigancé pour l'envoie de cette lettre, rien tenté afin de forcé la main de mon seigneur d'une manière non loyal pour que la guerre soit déclencher. Cela, je le jure devant toi Aulë le Forgeron sur les barbes de mes ancêtres et de mon fils, le Maître Hacheur Tura Ghomenar."

Ceci dit, il lâcha la rune de serment chauffé à blanc... Et courru vers un bac d'eau froide qu'on lui tendait... Plongeant sa main dedans, il gratifia la salle d'un long soupir de soulagement...

Le maître des Serments s'avança et lui pris la main. Si le dessin de la rune de serment s'inscrivait sans que des cloques le déforme, le sujet n'avait pas menti... Si ne serais-ce qu'une seul petite déformation apparaissait, le sujet était sur d'être tuer dans l'heure, et sur sa famille plus grande honte tomberait...

Il n'y aucune déformation pour Tura Ghomenar...

#Tura #Ghomenar

Nul déformation n'apparaîtrait sur aucune des mains des Nains assemblés ici, ou bien cette pratique ancestrale de la rune de serment n'était que charlatanisme.

Ceci fait, il n'était plus question de suspecter le général Tura, c'est pourquoi la déception du Maître des Runes fut grande. Il aurait fortement souhaité l'apparition des petites cloques sur la peau de son rival... Si cela avait été le cas, l'ensemble du clan des pro-guerrier aurait été discrédité, et adieu la menace de la guerre! Mais cela ne se discutait plus: la rune antique avait parlé, nul moyen n'existait pour contredire sa parole. Le débat sur une probable attaque pouvait reprendre.

Harvïn répondit tout haut au généralissime Kim Brale ce que le reste du conseil des runes pensait tout bas:

"Vous autres généraux êtes prompts à la guerre et désireux d'honneur par les hauts faits d'armes, mais ne voyez-vous pas qu'il est plus sage d'accepter de livrer cette rançon, si la capture de notre éclaireur est bien prouvée? Vous recherchez la gloire, mais que représente pour vous la vie d'un Nain? Par votre action vous seriez à coup sûr le bourreau de ce pauvre Khîm."

Il se tourna ensuite vers son Seigneur:

"Monseigneur, croyez-moi, déclarer une guerre à ce moment n'apporterait rien de bon. Je vous propose d'envoyer une missive aux Gobelins et d'arranger un échange. Après cela, une fois que leur prisonnier sera hors d'atteinte, nous pourrons déclarer une guerre si telles est la volonté de la majorité d'entre nous."

Harvïn espérait que ses habiles paroles éviteraient un regrettable conflit. Car il savait en son coeur qu'il n'était pas dans la nature d'un Nain de déclarer une guerre à quiconque honorerait un accord avec eux. Mais si les Gobelins faillaient à leur parole, le courroux du Seigneur n'en serait que plus grand, et la guerre inévitable.

"Seigneur des Runes, je savais que vous n'avez pas mis les pieds sur un champs de bataille depuis longtemps, mais de la à imaginer ces paroles de votre part? Vous accepterez de traiter avec des Gobelins pour éviter de vous battre? Je suis sur que cet éclaireur préfèrerait cents fois se faire couper la barbe que d'être échanger contre une rançon, que d'avoir amener son peuple à négocier avec des être aussi vils... Je ne prône pas forcément la guerre, mais..."

Dans un silence, il pris une profonde inspiration,

"Mais je cherche à accomplir mon devoir, qui est de protéger le peuple entier. Si pour ce faire, il faut aller au combat, et bien soit. Mais je protégerai l'honneur des Khazads, par la paix ou par la guerre... Et négocier avec des Gobelins n'est pas digne de nous. Nos ancêtres on préféré cent fois mourir que de se soumettre. Souvenez-vous des Khazads tombé autour du tombeau de Balïn... Trouvons une solution à ce conflit. Si nous pouvons éviter la guerre sans avoir le déshonneur sur nous, tant mieux. Si nous ne pouvons l'éviter, je crains que ces êtres verts craignent à jamais nos haches..."

Il parlait avec force et foi. L'honneur des Khazads, voila ce qui comptait. Chaque soldat étaient son fils. Il ne voulait la perte d'aucun d'eux. Ni leur déshonneur. Et de deux maux, il choisirait toujours le moindre...

"Le fait de reprendre un compagnon fait prisonnier n'est nullement un déshonneur, c'est plutôt de la sagesse et de la compassion. Traiter avec les Gobelins ne signifie nullement que notre haine implacable ait disparu. C'est simplement le seul moyen de sauver une vie, et au final, si nous attaquons plus tard, cela reviendra tout à fait au même, hors mis pour Khîm l'éclaireur. Oubliez vos idéaux et soyez plus réaliste, Généralissime."

Harvïn avait parlé. Calmement, posément, comme à son habitude. Il avait parlé avec son coeur, sans toutefois oublier son propre intérêt, comme à son habitude. Pourtant, ces paroles n'étaient guère habituelles dans la bouche d'un Nain, et on aurait plutôt cru entendre ici un Elfe, ces Elfes si sages mais si couards, selon les fils d'Aulë...

Le Maître des Runes avait fini de parler, c'était au Seigneur de décider: sagesse ou orgueil. Pourtant, un autre Nain se leva dans l'assemblée, comme s'il voulait prendre la parole. Etrange... ce n'était ni un membre du haut conseil des runes, ni un officier... mais qui était-ce alors. Il parla ainsi:

"Zette queztiooon est des plus existencièèèlles, et pourquant la zoluzion est toute chrouvée zelon moué! Les gobelets... les gober... les gobelins ne zont pas des zêtres zuffizemment..."

Inutile d'écouter plus avant. Sans doute un serviteur ou quelque chose de ce genre. Pas étonnant d'entendre ce discours lorsque la cause se trouvait à portée de chope: devant lui, posé sur la table, un tonnelet vide. Il fut emporté à l'extérieur pour décuver...

Cela avait le mérite de détendre un temps soit peu l'athmosphère.

Le Seigneur de Tronjheim écouta atentivement les paroles du générale Brale, sans cacher la grimace insatisfaite qui avait envahi son visage. Il se doutait bien que tel serait l'avis du vieux guerrier, et cela ne lui plaisait que peu en vérité.
Il constata alors la véracité des dires du générale Ghomenar, et à son indignation, il répondit :

"C'est parce que vous avez toujours été fidèle, que vous avez toujours accepté ma décision que votre parole suffisait, Tura. Il n'y avait nul besoin de se brûler la main..."

Néanmoins, la question principale demeurait. Il y avait un nouveau partisan en faveur de la guerre, mais apès tout, l'opinion d'un Seigneur et de son Maître des Runes valait bien celle de deux généraux. Seulement, il y avait aussi le sort de l'éclaireur qui était débattu ici, et le Seigneur n'avait guère envie de le voir transformer en bouc émissaire pour favoriser la guerre.

"Suffit, toussota le Seigneur à l'adresse du nain ivre. Il reprit ensuite, de sa voix chevrotante : "Vous parlez d'honneur, Kim, mais la guerre n'est elle pas le meilleur moyen de condamner Khîm l'éclaireur au désonheur suprême ? C'est le condamner à être froidemment exécuté, pire, à voir son corps planté au bout d'une pique comme étendard pour les gobelins, afin de nous narguer lorsque nous attaquerons leurs positions ?
Songez aussi que nous aurons eu alors un homme à l'intérieur de leur place forte, et par ce qu'il a vu, nous n'en frapparons que plus fort lorsque nous frapperons."
Un bref instant de silence s'en suivi, enfin, silence relatif car secoué d'une quinte de toux violente. Il avait pourtant sortit toute sa tirade sans une seule interruption. Quand il le devait, le Seigneur savait encore garder ses moyens.

"Nous accepterons de payer."

Et il rédigea la réponse.

Harvïn aurait poussé un grand ouf! de soulagement si sa prestance et son air noble et hautain n'en avaient pas pris un coup. Il se contenta d'un léger sourire, et garda le reste pour lui-même, en son for intérieur. Mais il n'en était pas moins content. Malgré la pression des généraux, malgré le retour d'un chef charismatique, le Seigneur de Tronjheim avait su garder ses positions raisonnables, et c'était tout à son honneur.

Il s'agissait à présent de rédiger la lettre et de mettre toutes les chances de leur côté pour que la transaction avec les Gobelins soit un succès. En cela, le premier politique de Tronjheim était le mieux placé pour le faire, et le Maître des Runes ne tenta pas d'aller observer d'un oeil indiscret ce qu'écrivait son seigneur et encore moins d'aller le conseiller sur ce qu'il fallait écrire.

Harvïn fils de Narvïn resta à sa place, muet, silencieux, immoble imperturbable. Un coude sur la table et le menton posé sur le poing du même bras, on aurait dit une statue taillée dans la pierre. Ses yeux regardaient dans le vide, quoique il y eut de l'autre côté la paroi des murs... il pensait aux Nains qu'il avait cotoyé, à ceux qu'ils cotoyait à présent, et à d'autre cnore qu'il n'avait pas rencontrés, à son long service auprès du Seigneur pour la grandeur de Tronjheim.

Car il savait bien que ceci n'était qu'un succès de courte durée pour sesidées et son Ordre, l'Ordre des Runes. Il savait que les militaires étaient plus nombreux et qu'un jour ils auraient le dessus, que la guerre serait inévitable, et qu'elle serait synonyme de souffrance et de pleures pour le peuple. En pensée il s'adressait ou croyait s'adresser au Grand Mahal:

* Aulë si tu m'entends, fait que ce jour arrive le plus tard possible... *

[Précédemment]


Inconscients du retour du Généralissime Kim Brale et insouciants des discussions qui s'élevaient dans la grande salle, deux Nains marchaient sur le pont, comme s'ils voulaient pénétrer à l'intérieur de la Cité.

L'un avait une longue barbe rousse et portait un capuchon vert; l'autre avait une barbe blanche grisonnante, et un casque à cornes. Les gardes ne mirent pas longtemps à les reconnaître: il s'agissait de deux éclaireurs de Tronjheim partis en missions quelques jours plus tôt, Rhîm et Grîm de leurs noms.

Les sentinelles les laissèrent donc passer sans un mot, immobiles comme des statues... sauf pour leurs yeux qui les suivirent d'un curieux regard comme le duo traversait le pond, puis passait le seuil pour pénétrer dans le hall d'entrée. Où était le troisième?

Mais nul ne dit mot, ce n'était pas de leur ressort. Refuser l'entrée aux inconnus, et refuser la sortie aux fugitifs... telle était grosso modo la fonction des gardes. Pas très compliqué à retenir, quoique parfois il y avait des cas exceptionnels, comme cette corneille-messagère qui venait de repartir un instant plus tôt pour Belegost portant une missive .

Grîm et Rhîm parcourirent les dédales, remontant parmi les niveaux supérieurs et trouvèrent bientôt en quel lieu s'était concentré les gens d'importance: la grande salle du festin. Et tout Nain qui avait été en mission précédemment et qui souhaitait s'entretenir à ce sujet avec le Seigneur ou les généraux pouvaient espérer entrer, même s'il n'était qu'éclaireur ou simple soldat. Les deux compères se présentèrent donc aux gardes. L'un d'eux passa le seuil et alla prévenir les convives:

"Grîm et Rhîm, deux éclaireurs tout juste revenus de mission!"

Un murmure parcourut toute la salle.

"Qu'ils entrent!"

Le généralissime fut étonné. Les actions se déroulaient assez rapidement. Lui qui avait imaginé un retour tranquille. Enfin bon.

Il fit signe au général Glom, responsable des éclaireurs et des équipes minière de l'armée. Ces éclaireurs dépendaient de lui, et il était de coutume que le général responsable présente ses hommes au conseil.

C'est ce que fit Glom. Il termina la présentation en ces terme:

"Envoyé en mission il y a quelque jours, ils sont parti à trois. Où est donc passé le dernier? Qu'ils nous le disent."

Et le général retourna s'asseoir, après s'être incliné devant son seigneur. LE généralissime en profita pour détailler du regard les deux soldats: congelé était un terme qui devrait correspondre facilement à leur état.

"Éclaireurs, je vous prie, au nom du seigneur de Tronjheim, du conseil de Tronjheim et de moi même, Kim Brale, Généralissime des armées de Tronjheim, de nous raconter votre mission."

Rhîm n'en revenait pas, il était abasourdit! Son frère n'était donc pas rentré à Tronjheim, où était-il donc passé dans ce cas?

"Comment, général Glom? Khîm n'est pas ici?"

La mine décomposée du pauvre Nain n'était sans doute pas triste à voir, mais la situation présente ne permettait pas vraiment le rire... Les pensées se bousculaient dans son esprit: son aîné avait-il été tué, retardé en cours de route, ou bien avait-il finalement décidé de ne pas rentrer tout de suite à Tronjheim? Grîm avait-il menti lorsqu'il était revenu au camp, la veille au soir? Ses paroles n'avaient pas été faciles à débiter, et il avait décelé un étrange ton dans la voix de son frère, comme un soupçon de gêne ou de scrupule.

Rhîm se ressaisit, ne jetant pas un regard de côté pour se rendre compte de la réaction de son parent: le généralissime qui était revenu de voyage lui avait posé une question, il devait répondre sans broncher...

"Nous étions partis il y a cinq jours, accomplissant la mission habituelle des temps de paix relative: prendre connaissance des éventuels mouvements de nos adversaires sans toutefois nous approcher trop inconsidérément de la place forte des Gobelins, sans quoi la maneouvre pourrait être mal vue. Et, mis à part deux éclaireurs de race Orques que nous avons aperçu de loin et qui se sont enfuis dès que leur regard nous a remarqué, il n'y a rien de bien alarmant à signaler, Généralissime. Puis mes frères et camarades d'aventure sont partis chercher du bois pour le feu, et un seul en est revenu. Je laisse donc parler le dernier Nain ayant vu Khîm..."

Et il se tourna avec intérêt vers Grîm.

Tout les regards s'étaient brusquement posés sur Grîm qui luttait intérieurement contre la panique qui commençait à le gagner ... Il avait placé ses deux mains derrière le dos évitant de ce fait que l'assemblée ne remarque qu'elles s'étaient misent à trembler ...

* Mentir au conseil ... Mmmmmffh ... C'est pas la première fois que je fais un truc stupide ... Mais là, je dépasse les bornes ! *

Il déglutit difficilement, s'inclina et déclara :

- Comme l'a déclaré mon frère Rhîm, il s'agissait d'une simple mission fort habituelle pour ces temps  de paix relative ...

*Sauf que ça caillait la mort !!*

- Mes frères et moi souffrions très légèrement du froid et il a été décidé qu'il nous fallait faire un bon feu ...

*Pfffffffffffffh, pis j'ai perdu à la courte paille comme d'habitude et c'est bibi qu'a du se coller à la corvée du bois ...*

- N'écoutant que mon courage et toujours prêt à rendre service, je me portais volontaire pour aller chercher du bois ...

- Y'avais rien comme bois que des satanées brindilles humides ... Bon sang ! c'était soulant ... heureusement que j'ai décidé Khîm pour venir m'aider ...

- Khîm, impatient de se réchauffer m'a finalement rejoint ... Nous avons dût nous éloigner quelque peu pour arrivé à nos fins, le secteur étant peu fournit en combustible ...


*Pffffffffffffffh une heure à marcher dans 50 cm de neige ... par Aulë !  ... Et un gros coup de bol*

- J'ai l'oeil aiguisé et la vue de l'aigle, je repérais très rapidement un bosquet d'arbustes ... C'était juste ce qu'il nous fallait ...

*Tu parles ! trois machins rabougris ... J'en avais ras le bol et je boudais ... vraiment gonflante cette recherche de bois !!!*

- Avec mon entrain habituel et avec l'aide de Khîm, une réserve conséquente fût vite rassemblée  ... nous décidions alors de faire une pause casse croute ...

*Mmmmmmffh ... heureusement que Khîm était là ... J'avais déjà tout dévoré mes réserves ...*

- Nous les nains sommes solidaires dans l'adversité et je décidais de partager mes vivres avec mon frère Khîm ...

*Pis là le globuleux est arrivé ...*

- Khîm semblait las ... Le dos sur sa pierre, il s'est endormi ...

*Il a parlé longuement et on s'est laissé embobiné par ses paroles et nous v'la embarqués dans une drôle d'histoire maintenant ...*

- Je le laissais se reposer un peu et  Je surveillais les environs ...

*Reprendre Belegost ... vraiment ... faut être sacrément débile pour croire à ces fadaises ...*

- Il finit par se réveiller mais son humeur avait changée ... Et ses plans aussi ...

*comment j'ai pu me laisser embarquer dans le délire du globuleux ?*

- Khîm a subitement décidé d'en finir rapidement et il était trop las pour refaire le chemin inverse jusqu'à Rhîm ... Il décidait de rentrer direct à la cité ...

*Il a disparu derrière le gros rocher et déjà je regrettais de l'avoir laissé partir ... seul ...*

- Je me portais volontaire pour revenir chercher notre frère ... Khîm m'indiquait simplement qu'il partait devant et que nous n'avions qu'à le rejoindre à la cité ... Qu' Il ne restait que quelques milles ... Devant son corps tremblant de froid et sa fatigue, j'acceptais sa proposition ...

*Mais qu'est ce qui m'a prit d'écouter ce globuleux !!! Quel plan débile !!! C'est pas seigneur à Belegost qu'on va finir mais dans les profondeurs de Tronjhiem ... Au cachot !!!*

-J'ai rejoins Rhîm et nous nous sommes mis en route immédiatement ...

*J'étais crevé ... heureusement que Rhîm était là pour me faire avancer, sinon on n'y serais encore ...*

- Je décidais qu'il nous fallait forcer l'allure et j'entrainais Rhîm dans mon sillage ... J'avais espoir de rattrapper Khîm avant notre arrivée ...



*Z'êtes pas près de le trouver le Khîm à présent ...*

- Il devrait se trouver ici ... Je ne m'explique pas que personne ne l'ait encore aperçu ...

*J'espère qu'y vont pas nous faire repartir à se recherche maintenant ... Manquerait plus que ça tiens !!!!*

- Je crois qu'il serait bon que Rhîm et moi partions à sa recherche ... Il ne doit pas être loin ...

*Noooooooon !!! Surtout pas !!! Ne me faites pas ça !!! envoyez une autre patrouille mais pas nous !!!!!*

- Bien que fort las, je me porte volontaire et nul doute que mon frère ici présent m'accompagnera ...

*Si je tiens à nouveau ce globuleux !!! Cette fois çi,  j'l'étrangle !!!!! Par la barbe de Dúrin, faites qu'il n'arrive rien à Khîm ...*

#Grîm #Rhîm

"Je ne pense pas que ce soit" dit le généralissime dans un murmure... "En effet, vous avez raté une belle discutions, mais nous avons appris que votre collègue avait été capturé par les gobelins. Nous en sommes en train d'œuvrer à sa libération."

Tout le monde remarqua qu'il était d'une fidélité sans faille en disant nous, car s'il était contre cette rancon, il soutenait son seigneur. Nombre aussi remarquèrent qu'il ne précisa pas le moyen, car il ne voulait entacher le nom des Khazads de Tronjheim.

"Je pense que vous pouvez vous retirer et profiter des Grand'Hach de la cité sans vous inquiéter."

Quoi que lui, Kim Brale, était plutôt inquiet de ce qui allez se produire si jamais tout les peuples nains apprenait qu'ils avaient traité avec des gobelins, refusant la guerre...

Capturé par les Gobelins!

Rhîm resta bouche bée pendant un moment. Qu'est-ce que c'était que cette histoire? les nouvelles allaient donc vite, car il se souvenait qu'il avait vu Khîm hier au soir pour la dernière fois...

Le visage de Rhîm prit une teinte plus blanche, ses mains devinrent moîtes. Ils avaient pris son frère, les salopards! La nouvelle était douleureuse à entendre. N'allait-il plus jamais entendre la voix de son frangin? Cette voix qu'il avait mille et une fois qualifiée de trop autoritaire et de bien d'autres adjectifs lui manqua cruellement tout à coup. Un grand vide s'immisca en son coeur.

Puis son honneur et sa fermeté revinrent. Il se souvint qu'il était un Nain, avec un grand N, un fils d'Aulë, et que cela signifiait que l'abbatement était prohibé. Rien n'était perdu.

"Sachez que nous sommes prêts à participer et à oeuvrer aux premiers rangs pour sa libération, moi et mon frère ici présent. Nous allons nous retirer comme vous l'enjoignez, Générallissime. Mais pour peu de temps!"

Et ils quittèrent la salle; et les autres repartirent plus que jamais à leurs discussions. Mais bien peu virent Harvïn se glisser comme une ombre à travers le seuil...

Rien n'avait plus l'air d'une fête.

[Suite ICI]