Infiltration chez les Melkorites

Le passage de la lumière à l'ombre avait été saisissant. Bien peu de fois le moine avait-il été contraint de quitter le Temple du Vieil Homme et son aura chaleureuse, sainte, rassurante, pour arpenter les chemins sombres des montagnes dominant Albyor. Mais aujourd'hui, il le devait, il devait se rendre à Sharaman.

Les religieux de son ordres s'étaient mis d'accord pour accéder à la requête du militaire et de l'étranger, pour tenter de mettre fin aux pratiques fanatiques et démoniaques... pour rendre à Albyor la lumière dont on l'avait longtemps privée. Et cette quête n'était pas dénuée d'espoir, à vrai dire: nul ne connaissait son nom, il ne serait ainsi pas repéré dans l'enceinte du monastère. On le prendrait sans doute pour un sot de plus qui souhaite basculer du mauvais côté... Il fallait du moins l'espérer.

Vêtu pauvrement, recouvert d'une simple cape vert sombre à capuchon tel un voyageur solitaire et perdu, le moine marchait péniblement, courbé au vent mauvais, montant à chaque pas un peu plus vers son but, vers ce petit édifice où se concentrait un si grand mal. Mais il ne le faisait pas de gaieté de cœur: seuls ses profondes convictions et son désir d'une ère meilleure poussaient ses pieds à avancer.

Enfin, après une bonne demi-heure de marche, le moine aperçut devant lui une porte de bois, de taille modeste, se dessiner sur la façade d'un mur. Ce dernier se détachait tellement peu des montagnes, par sa couleur terne et gris sombre, qu'il semblait faire partie du roc et insuffler son aura maléfique à l'ensemble des reliefs, et à la ville Noire en contrebas.

Le moine s'avança alors vers les battants clos et rébarbatifs, resserra sa cape autour de lui d'un geste de la main, puis frappa à l'aide du grand heurtoir circulaire de fer noir prévu à cet effet. Un bruit mat et sinistre en résultat, comme si tout ici évoquait la tristesse et le désespoir. Puis il attendit.

Il se trouvait actuellement au seuil du monde qui lui avait, depuis toujours, inspiré la plus grande crainte et la plus grande aversion.

Le moine dut attendre quelques temps avant d'avoir la moindre réponse. Alors la porte s'ouvrit mystérieusement dans un grincement sinistre sans qu'il n'y ait personne derrière. La salle sur laquelle il eut ainsi accès semblait large et richement décorée, mais elle n'était assez éclairée pour en savoir beaucoup plus. Seules quelques chandelles apportaient un peu de lumière dans ce lieu sombre.
Il n'y avait pas que ces bougies qui brûlaient, cependant. Une odeur particulière laissait penser qu'on y faisait s'y consummer de l'encens, ou bien d'autres choses. Les habitants de ce lieu devaient avoir les sens particluièrement embrouillés. Bien qu'il n'y ait prsonne dans la pièce, des murmures étranges semblaient continuellement parvenir des murs.

Néanmoins, on ne laissait pas le moine s'aventurer seul bien loin. Il pouvait entrer, certes, mais immédiatement après, la porte se referma et, le temps qu'il se retourne de surprise pour constater qu'il était à présent enfermé dans l'endroit, un homme se trouvait devant lui. Il portait la robe noire caractéristique des adeptes de Sharaman et avec la pénombre, on distinguait très mal son visage.
Lorsqu'il parla, ce fut d'une voix froide et déraillée qui donnait des frissons dan le dos.

"Vous êtes ici dans la demeure de Melkor le Tout-Puissant, loué éternellement soit son nom. Vous n'avez jamais été vu pour rendre hommage à notre Maître. Que venez-vous faire au Temple Sharaman ?"

Le saint homme possédait une différence notable avec les autres moines du Temple du Vieil Homme: lui avait le tempérament un soupçon plus aventureux que ses semblables, et il n'avait pas peur par exemple, de feindre de louer un ancien Roi Noir, où de pénétrer en ces lieux maudits, car il savait qu'une bonne et honorable cause l'amenait ici, et que de sa conduite pouvait dépendre beaucoup. Bien que détestant le mensonge, il considérait à présent qu'il était de son devoir de masquer ses véritables sentiments, tout cela pour servir la lumière...

"Si j'ai fait tout ce chemin jusqu'à votre Temple, c'est justement pour trouver un Guide, pour commencer une nouvelle vie, une existence d'adoration à un vrai maître. Longtemps j'ai entendu parler de Sharaman comme un chemin qu'il ne faut pas prendre, mais je me rends compte que la société d'Albyor est bien cruelle, bien injuste, je me rends compte que je me suis trouvé dans l'erreur pendant de nombreuses années, à écouter leurs beaux et habiles discours."

Ces paroles n'avaient toutefois pas été prononcées facilement, chaque mot coûtant d'avantage au moine. Mais, là où d'autres auraient dévoilé leur véritable vocation, lui ne fléchit pas, et continua bravement, jouant l'homme désespéré et sans autre issue:

"Ils prônent l'égalité mais, d'égalité, il n'y en a point. Exclu de la société, sans famille, sans rien, je n'ai pas d'espoir, je n'ai plus confiance en personne. Tout ce qu'ils disent n'est que mensonges et tromperies... et ils disent que Melkor est le pire ennemi du monde. Alors ce doit être faux aussi."

Est-ce que cela allait fonctionner? Son ton était-il assez convaincant? Le Melkorite en face de lui, aveuglé par l'avidité et le désir de conquérir un nouvel adepte, se laisserait-il berner? Il fallait une phrase forte, qui fasse disparaître tout doute et toute suspicion.

"Je viens rendre hommage à Melkor le Tout Puissant, unique Dieu d'Arda, loué éternellement soit son nom. Je viens patager votre culte, si une pauvre âme comme la mienne vous importe."

Le vieil adepte de Sharaman regarda attentivement celui qui lui parlait, le détaillant de haut en bas, de sa cape à ses chaussures en s'attardantsur le visage qui était pourtant presque caché, mais pour qui le fidèle de Melkor accorda un attention toute particulière, comme c'était le cas chaque fois que quelqu'un arrivait au temple.

Il avait écouté attentivement les paroles de l'homme. Il n'avait pas aimé ses déclarations. Il n'avait pas aimé les raisons qui avaient poussé cet homme à venir trouver sa voie dans l'adoration du Dieu Sombre. Lui, il était venu ici dans l'unique désir de servir le Maître des ténèbres pour patout prôner son retour et veiller à ce sa parole et ses idéaux soient respectés, et non à cause de la société. Mais là n'était pas l'importance, tous ceux qui savaient se montrer digne de Melkor étaient acceptés dans sa demeure où ils pourraient louer leur maître ultime. Mais il n'avait pas du tout aimé ce qu'il avait entendu là. Depuis quand disait-on à Albyor qu'il ne fallait pas se rendre au temple Sharaman ? Depuis quand Melkor était-il le pire ennemi du monde ? Les moines avaient la Cité Noire sous leur emprise ! A moins qu'ils n'aient pas été assez attentifs, à moins qu'ils n'aient relâché leur surveillance sur la ville, forts de leur position incontestée depuis des siècles... Cela était-il possible ?

C'était étrange, peut-être étaient-ils trop retirés du monde. Mais il y avait maintenant la véritable question. Son interlocuteur était-il de passage, un simple visiteur venu pour accéder aux autels sombres de leur puissant maître, ou bien était-il prêt à mettre toute sa vie au service de Melkor et pénétrer ainsi les plus grands secrets des disciples du Dieu Noir. C'est pour ça qu'il dit ainsi.

"Les fidèles au Tout Puissant Melkor ne sont jamais refoulés de sa demeure. Vous serez ici en communion à l'esprit de notre Maître. Vous aurez droit à un logement comme tous les visiteurs qui veulent sentir parmi eux la présence du Tout-Puissant. Combien de temps comptez-vous rester ?"

Le visiteur avait posé le regard sur les yeux de son vis-à-vis durant le temps de réflexion de ce dernier, et il y avait lu autre chose que de la satisfaction, il y avait lu une sorte de déception, si infimement exprimée soit-elle, qui n'aurait pas dû être. Car même s'il n'était pas dans son lieu de prédilection, le fidèle du Vieil Homme voyait dans bien des cœurs...

Avait-il fait un faux pas, une erreur dans ses paroles qu'il croyait si sages et si plausibles. En avait-il trop fait? Aurait-il dû simplement annoncé qu'il venait vénérer Morgoth, un point c'est tout, aveuglant ainsi le sombre prêtre par son orgueil? Peut-être... Il voyait à présent toute l'étendue de la folie de ce plan, et de sa propre folie qui l'avait poussé a faire mention de la société d'Albyor, société qu'il n'avait jamais bien côtoyé... Il venait de s'engager sur une pente glissante.

Mais, au milieu de ses sombres pensées, le moine ne put s'empêcher de rire intérieurement - quoique son visage restât impassible - à cause de ce qu'il entendit. Combien de temps comptez-vous rester? On aurait cru entendre un patron de chambre d'hôtes prenant une réservation. Lui qui croyait que Sharaman conservait ses adeptes durant toute leur vie si aucune puissance sainte et saine ne venait les libérer de leur joug...

"Je n'avais pas vraiment pensé à la question du temps... Une semaine, un mois... ou une vie si le culte à Melkor me paraît être un acte aussi bénéfique pour l'esprit que je le pense à présent. Mais j'ai bien conscience que d'autres serviteurs veulent partager cette vénération. Disons donc une semaine... pour l'instant."

Les visiteurs qui venaient demander hospitalité au Temple du Vieil Homme restait souvent durant une période semblable à celle-ci, c'est pourquoi il avait opté pour sept jours. De plus, s'il devait rendre compte à Osbern et Boško des activités des adeptes de Sharaman, une semaine était le laps de temps minimum pour apprendre des us et coutumes.

"Puis-je donc entrer dans votre communauté et être initié à votre culte? Car, pardonnez mon ignorance, je ne sais pas de quelle manière vous honorer le Tout-Puissant."

Alors que le moine s'apprêtait déjà peut-être à prendre son sac, ou n'importe quelle possession qu'il avait emporté pour suivre l'adepte dans la chambre qui lui éétait allouée, ce dernier parla d'une voix qui se voulait inquisitrice.

"Ah. Sans doute ai-je mal compris vos réponses. Vous souhaitez être initié au culte. Le Temple Sharaman n'est pas un simple lieu de stage où vous venez vénérer le Seigneur pour qu'il vous accorde sa bénédiction avant de repartir une fois l'enseignement terminé. C'est un aprentissage permanent."

Il laissa ses paroles retentir dans le hall sombre pendant quelques instants. A présent, il avait relevé la tête et ses yeux scindillaient à la lueur des chandelles alors qu'il regarda le transfuge directement.

"Ici, il ya les visiteurs. Ils viennent souvent de loin pour voir ce lieu sacré et se recueillir quelques temps près de l'esprit du Maître, et ils s'en vont clairvoyants, prêt à porter la parole du Seigneur Melkor. Mais les seuls à être initiés à la toute puissance du Seigneur des Ténèbres sont les Fidèles. Eux sont invités à partager Son grand esprit, à chercher à comprendre ses plus grandes volontés. Eux sont ses plus grands serviteurs, seuls au courant de ses secrets perdus depuis longtemps. Vous avez marqué le souhait d'être initié. Ceux là le sont à vie. Il n'y a pas de retour après une semaine."

Un silence de mort traversa la salle avant qu'une souffle de vent vint étrangement le rompre, alors qu'il n'y avait aucune ouverture dans le hall. Deux portes s'ouvrirent peu après, une à gauche, l'autre à droite. Une lumière rouge émanait de chacune.

"Faites votre choix à présent. L'initiation, et les rites sacrés, ou bien la courte et pieuse visite. Si vous voulez allez jusqu'au bout, suivez-moi. Sinon, prenez l'autre couloir."

Et il s'en alla par la droite.

"Très bien, monsieur."

Le moine déguisé fut légèrement surpris lorsque le Melkorite s'éloigna et le laissa choisir et réfléchir seul à ce qu'il allait faire. En effet, le fait de pouvoir décider de son propre chef, et sans la pression de l'œil du prêtre noir, laissait une grande liberté d'action. Lui qui croyait cette institution autoritaire, lui qui croyait que les moines de Sharaman souhaitaient contrôler le plus possible leurs adeptes et soumettre les visiteurs par le peur... S'était-il trompé sur quelques points concernant les partisans du culte à Morgoth? La suite de sa tâche lui le dirait.

Ôtant son capuchon vert foncé, le visiteur regarda alternativement à droite, puis à gauche, mais il n'eut pas l'ombre d'une hésitation sur la conduite à tenir à présent. Il n'était pas venu là pour visiter le temple, ni même pour prier quelques heures devant une quelconque statue ou une quelconque autel, accompagnés de visiteurs de passage ici. Non, il lui fallait prendre la route la plus sombre, celle qui menait sans doute au cœur des ténèbres du temple, la moins agréable mais la plus appropriée aux buts de ses frères. Il suivit donc son hôte. Il prit le chemin de droite.

Parcourant le couloir d'un pas ni trop rapide ni particulièrement lent, il observa les lieux: les torches accrochées aux murs répandaient et les rares lampes suspendues au plafond bas répandaient une lueur rouge et sinistre et faisaient danser les ombres. Tout ici donnait une impression d'enfermement, de la touffeur de l'air jusqu'aux couleurs sombres des éléments d'architectures, jusqu'à la forme du couloir qui s'incurvait vers la droite et empêchait le marcheur de voir bien loin en avant ou en arrière. La porte et le hall d'entrée avait d'ailleurs tous deux disparus lorsque le moine "espion" se risqua à un ultime regard en arrière.

Apparemment, il descendait profondément à l'intérieur du temple, mais il avait plutôt l'impression de s'enfoncer très loin sous terre, sans possibilité de retour. Toute idée de l'extérieur fut bannie, toute image de l'agréable temple du Vieil Homme disparut de son esprit. En ce lieu planait l'ombre de l'esprit de Melkor, impuissante en tant que telle mais présente et oppressante.

Et il continua d'avancer.

Soudain, le couloir cessa de descendre et de s'incurver pour ne plus être qu'une ligne droite. Au même instant, il n'y eu plus aucune lampe au dessus de la tête du moine, cependant, il pouvait voir tout au bout du chemin une lumière rougeâtre qui s'échappait de l'encadrement d'une porte et qui l'invitait à avancer juque là. Il arrivait à la fin de son périple dans le noir, et au début des véritables horreurs. Plusieurs odeurs lui parvinrent. Il y avait l'encens qui lui étourdissait les sens, d'autres infusions étranges et l'inquiétante senteur de la chaire brûlée...

Lorsqu'il déboucha enfin du couloir, il se retrouva dans une salle dans les murs ocre rougeoyaient à la lueur du feu d'enfer qui brûlait au fond de la pièce. Le dallage était ponctué de lignes noires qui s'entrelaçaient pour former des signes cabalistiques et des représentations de cauchemar. A droite et à gauche étaient des alcôves contenant des statues mais celle qui était la plus impressionnante demeurait l'immense représentation de Melkor qui trônait derrière le grand brasier. Un grand pentagone étaient creusé au centre de la pièce avec une torche à chacun de ses angles. Un pentacle y était dessinné à l'intérieur avec à son centre une étrange colonneet cinq hommes à l'extrémité de ses pointes. Il était dans la Grande Salle du Culte.



Chacun des cinq hommes était masqué, sauf celui qui était le plus proche du moine et qui était celui qui l'avait accueilli. Il s'adressa à lui, sans quitter sa place sur l'extrémité de l'étoile.

"Enlève ta chemise et avance toi pour te prosterner devant la colonne."

La première partie de la phrase le fit frémir. On prêtait de drôle de moeurs à ces décadents... Mais il en comprit la signfication lorsqu'il aperçut un homme avec de l'encre et des aiguilles dans un coin. Il allait être marqué à jamais au nom de Melkor... A condition de réussir la prmeière partie du rituel. Il remarqua également que la surface de la colonne était granuleuse, irrégulière

"Alors tu parcoureras de ta main droite la colonne sacrée pendant que nous chanterons les incantations, jusqu'à ce que tu te l'ouvre et que ton sang touche le sol, alors tu plongeras cette main dans le feu sacré et alors nous te ferons des nôtres..."

Le "visiteur" arriva dans la Grande Salle de culte, qui, tout éclairée qu'elle était, restait bien plus sombre d'atmosphère que les couloirs d'obscurités qu'il avait eu à parcourir jusqu'alors. Il eut alors confirmation que, comme le prônait son propre culte, la nuit et la mal étaient souvent deux choses distinctes, et qu'alors il existait deux sortes de nuit. Il y avait, d'un part la nuit naturelle, qui est une absence de jour, et d'autre part la nuit créée par Melkor et ses adeptes, qui enténèbre l'esprit même en pleine lumière. Cette nuit-là est la plus dangereuse.

Or donc le moine du Vieil Homme s'était avancé vers les hommes masqués qui se tenaient dans le grand creux pentagonale, et notamment vers celui qui tout à l'heure l'avait accueillit, et qui semblait s'intéresser de près à lui, bien décidé, semblait-il, à le guider dans son initiation. A entendre les closes nécessaires à l'entrée dans le culte et à donc au bon déroulement de son espionnage, le nouveau venu frémit intérieurement, mais n'en laissa rien paraître, du moins le pensait-il...

Car, de toute façon, il lui fallait passer ce stade: ici et à cette heure, même en observant la salle du sol au plafond, il ne pouvait apercevoir aucun autre fidèle que ces gens masqués, et aucune autre silhouette que les deux statues des alcôves et le sombre et grand Ainu Melkor. Telle était sa mission, ce pour quoi on l'avait envoyé, ce pourquoi il avait accepté ce risque, et ce pourquoi il allait bientôt, non sans déchirement, faire don de son intégrité physique. Il fallait qu'il aille au bout, même si cela laissait des traces inaliénables par la suite...

*Des traces inaliénables...* se dit-il alors.

Ce fut le déclic. Peut-être n'était-il pas besoin de se faire marquer les signes de Morgoth: il avait l'information, le signe qui ferait identifier facilement les fidèles de Sharaman. Du moins l'avait-il en partie... Il s'agissait d'un tatouage, mais où exactement et de quelles formes, il l'ignorait encore.

Il lui fallait donc avancer encore dans sa démarche. Il ôta sa cape verte, ôta la chemise de lin qu'on lui avait prêté pour plus de discrétion, les posa à terre et s'avança sans mot dire vers la colonne centrale, devant laquelle il se prosterna selon la sinistre coutume. Puis il posa sa main droite sur la pierre rugueuse dont elle était composée...

Il n'est pas nécessaire de rapporter ici les chants noirs et les sombres incantations qui résonnèrent en échos dans la salle, ni de rendre compte de la durée ni de la cruauté du supplice que le moine eut à endurer. Toujours est-il qu'au bout d'un temps qui lui parut des jours, l'homme torse-nu vit enfin son sang couler sur les dalles du sol. Puis il se rendit au brasier, et on lui maintint la main dans le "feu sacré", comme ces sombres personnes le nommaient.

La douleur était insupportable tant il avait dû laissé longtemps la peau de sa paume se consumer. Une telle marque resterait sans doute à vie. S'il avait su cela, il aurait peut-être pu retourner en arrière, ayant un autre repère, bien plus évidant pour identifier les adeptes: une cicatrise brûlée à la main droite. Mais la gravité et la profondeur de ces blessures, il n'avait pas pu les deviner avant de passer à l'acte: une petite brûlure aurait pu s'effacer avec le temps. De plus, rebrousser chemin en ayant à peine pris connaissance des cruelles obligations aurait été fort louche.

Cependant, si cette marque n'était qu'une blessure sans "signature", ce qui suivait allait être moins douloureux physiquement mais bien plus moralement. En effet, il était inimaginable qu'un saint homme comme lui se voit marqué à la peau des signes symbolisant le Noir Ennemi.

"Je n'avais jamais entendu que la volonté de Melkor Tout Puissant exigeait que ses adeptes soient marqués d'une façon ou d'une autre. Car n'est-il pas dans son pouvoir, qui dit-on est infini, de sonder le coeur des hommes et de reconnaître qui le sert vraiment et qui est infidèle, sans avoir besoin d'aucune trace extérieure?"

Ces paroles, le moine les avait longtemps construites dans le long torument qui avait précédé. Il ne connaissait rien à ces choses là, mais avait jugé bon de prendre le risque.

Les incantations sans nom, mélange de Noir Parler et de bien plus sombres choses encore cessèrent lorsque le moine du temple du vieil homme prononça ces paroles. Car les prêtres n'avaient pas l'habitude d'être interrompus dans leurs enchantements, car ces incantations étaient bien plus que des paroles terrifiantes, et il était encore plus étonnant qu'un novice ose élever sa voix contre les traditions sinistres des adeptes du temple Sharaman, surtout alors qu'il avait déjà passé les premières parties du rituel, celles là qui étaient le plus souffrance pour le corps, mais bien que se faire écorcher la peau avec des aiguilles ne soie pas agréable, cette dernière partie mettait davantage l'esprit à l'épreuve, bien qu'il ne le sache pas encore.

Ce fut celui qui l'avait accueilli dans le temple et qui semblait diriger la cérémonie d'initiation qui lui répondit :

"Le Seigneur des Ténèbres est le seul qui puisse reconnaître ceux qui lui sont fidèles, petit impertinent, mais seuls ceux qui ont été reconnu par lui sont dignes de la confiance de ses plus fidèles serviteurs. Car il ne suffit pas de porter la marque pour être considéré comme à Sa Seigneurie, il faut encore qu'elle soit reconnue par Sa Seigneurie."

Il montra alors les aiguilles acérées qui feraient leur office, et aussi la jarre qui était à côté. Le moine de lumière vit alors que cela n'était pas de l'encre ordinaire qui était là, c'était de l'encre comme il n'en avait jamais vu...

"Car ce n'est pas de l'encre que nous tisserons dans ta peau mais des sortilèges puissants. La marque ne sera alors pas visible encore, et tu prendras la Fumée et la Vapeur sacrées et pendant deux jours tu seras isolés de tous, mis à part du Seigneur des Ténèbres qui lira en toi et qui s'il le veut fera apparaitre la marque inscrite dans ta peau... Dans le cas contraire... Agenouille toi à présent, ou renonce et tu serviras le Seigneur des Ténèbres autrement..."

L'acolyte eut un regard involontaire vers les grand brasier et un poignard qui gisait non loin. Ainsi quand une précédante enquête avait soupçonné que le Temple Sharaman ait recours à des sacrifices humains ils n'étaient pas dans l'erreur... On alluma diverses huiles qui dégageaient une odeur particulière, et la Fumée et la Vapeur lui envahissaient déjà l'esprit... Il allait subir la marque et après n'aurait que deux jours pour trouver une solution. Si sont esprit en réchappait de la confrontation avec Melkor...