Cela ne faisait que commencer...

Jadehr sortit du Gobelin Fauché en titubant, sous la pluie battante. Il faisait nuit. Il avait bu, plus que de raison. Mais il avait ri, dt il adorait ça, dans cette ville où tout était toujours si sobre, si lugubre, si oppressant. Il détestait cette ambiance, il détestait ses amis, il détestait sa femme qui n'était pour lui qu'un outil de plaisir, il détestait ses enfants. Il détestait cette Cité. Jeune, il rêvait de voyage, d'inconnu, de lumière, il s'imaginait marchant sur une route dans les montagnes, dans une plaine. Rapidement, il avait appris que le rêve n'avait pas lieu d'être à Albyor, et il s'était résigné.

A un âge qu'il ignorait, ne connaissant pas sa date de naissance, dans sa jeunesse il pensait, il était entré dans l'un des clans. Les Ombres de la Nuit. Pitoyable comme nom quand il y pensait à présent. Au tout début, il s'était simplement contenté de voler pour gagner sa vie, en prenant une bague en or oubliée dans une poche, une bourse accrochée à la ceinture. Encore aujourd'hui, il ne pouvait s'empêcher de noter la naïveté de ceux qui transportaient ainsi leur argent.

Et puis, au fil des années, il s'était fait remarquer et avait gagné en importance. Voilà une chose qu'il aurait réussi à faire dans sa vie : gagner le respect des autres. Bien sûr, cette ascension ne s'était pas faite sans accroc. Jadehr rit bêtement en y pensant, découvrant une rangée de dents en or. C'était le vieux temps. Paradoxalement, ses préoccupations, maintenant qu'il évoluait dans les hautes sphères des Ombres, n'étaient pas bien différentes que dans sa jeunesse : survivre. Là il bataillait jour et nuit pour gagner un malheureux morceau de pain, aujourd'hui il s'efforçait de déjouer toutes les tentatives d'assassinat. Il était connu, sa vie était donc en permanence en danger.

Le brigand dérapa sur une flaque d'eau, et récupéra in extrémis son équilibre. Il avança, à moitié titubant, incapable de percer le rideau de pluie. Un éclair tomba non loin, le faisant sursauter. Tenir debout devenait de plus en plus difficile, à cause du vent? peu à peu, ses forces le quittait, ses jambes ne le portaient plus. Que lui arrivait-il?

La réponse lui vint subitement. Du poison, il aurait du se méfier. Maintenant, c'était trop tard. D'un bloc, il s'effondra.