Les Portes de la nuit

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Nathanael
Espion de l'Arbre Blanc
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Nathanael

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Les Portes de la nuit EmptyVen 27 Mar 2020 - 20:41
Les Portes de la nuit Le_nav11


L’enfant était un piètre marin, mais son oncle n’avait pas menti. Anarion connaissait toutes les histoires des hommes et des elfes et plus encore. Comment, si jeune, pouvait-on retenir tant de choses ? Le Navigateur n’en savait rien et s’en moquait bien. Tout ce qui lui importait, c’était de retrouver l’Aube Brune. La nef disparue pouvait prétendument mener qui la commandait jusqu’aux confins du monde des mortels, et au-delà. L’histoire, il s’en souvenait comme s’il l’avait entendue la veille. Sa mère la lui avait contée, et la mère de sa mère également. Aussi loin que remontaient les souvenirs des hommes du sud, l’Aube Brune avait le pouvoir de transgresser les frontières et d’ouvrir les portes que seuls les immortels pouvaient franchir. Au-delà des terres brûlantes et du sable stérile, il se souvenait. Il se souvenait de tout. Des forêts verdoyantes et des rivières bondissantes que son peuple avait découvertes des siècles plus tôt, alors que l’Œil rouge ne s’était pas encore ouvert en Mordor. Il se souvenait des rires et des chants, aussi anciens que le monde, qu’on répétait ensemble pour le solstice d’été, des fêtes qu’on commémorait depuis la nuit des temps et que les Valari mêmes, disait-on, avaient célébrées.

Leur histoire, leur héritage, prenaient racine en des temps immémoriaux. Et on la leur avait arrachée. L’exil avait nourri leur haine et leur rancœur et affaibli leur sang. Beaucoup s’étaient mélangés aux hommes, piètres reflets de leur race et cette complaisance pour des êtres inférieurs avait mené leur peuple sur le long chemin de la déficience. Il trouvait encore étrange, alors, que ceux qui s’étaient efforcés de maintenir la pureté de leur lignage aient été qualifiés de « noirs ». S’étaient-ils fourvoyés en servant le Nécromancien ? Le Navigateur ne partageait pas l’avis du commun. Les hommes s’étaient mués en cloportes, en larves sans importance, sous l’œil goguenard, indifférent, des elfes et des Valarii. Savaient-ils, tous, ce qu’ils avaient perdu et ce qui leur avait été arraché ? Pire, peut-être, ce qu’on ne leur avait jamais ni proposé ni offert. Ils se roulaient dans leur ignorance comme des porcs dans la fange et grouinaient leurs plaisirs d’hommes serviles. Même les rois de ce monde n’étaient rien d’autre que les héritiers fantoches de marionnettes de chair que des doigts habiles avaient façonnés. Ils s’imaginaient être forts et libres quand ils n’étaient rien d’autre que des jouets de piètre qualité dont les artisans s’étaient depuis longtemps détournés.

— Continue , dit le Navigateur en faisant un geste de la main à l’enfant.
— À propos du Vingilot ?
— Des bateaux qui quittèrent les eaux pour gagner le ciel et de ceux qui se transformèrent en étoiles. Que disent tes histoires des Portes de la Nuit ?
— Peu de chose. Mon oncle ne m’a pas tout raconté. Et ceux avant lui non plus. Eärendil était un semi-elfe, peut-être que ça a de l’importance ?


Le Navigateur frappa si soudainement l’enfant qu’Anarion tomba au sol davantage à cause de la surprise que de la force du coup. Il se toucha le visage. La peau lui cuisait et il sentit, le long de son cou, glisser une goutte de sang. Les doigts poisseux il se remit debout en s’éloignant du capitaine du Brise-Lame. Il l’avait toujours impressionné, mais, jusqu’à présent, il n’avait jamais levé la main sur lui. Anarion glissa sa main entre ses cuisses, trop étourdi encore pour se rendre compte qu’il s’était fait dessus. Ses chausses humides lui collaient à la peau comme l’eau salée de Belegaer.

— Un bâtard, gronda le Navigateur. Voilà ce qu’est un semi-elfe.

Ceux à qui l’on avait tout offert. Ceux pour qui Arda avait été façonnée s’étaient vautrés dans le vice comme n’importe quel humain sans vergogne et avaient souillé leur honneur. Pourquoi, alors, aussi faibles fussent-ils, les hommes ne s’étaient-ils pas vus offerts l’éternité ? Les elfes s’étaient montrés cruels et perfides et orgueilleux et pleutres. Tout comme les Valars. N’avaient-ils pas muselé un de leur frère pour étouffer son chant ? N’avaient-ils pas étouffé ses ambitions, parce qu’elles ne correspondaient pas aux leurs ? Si toutes ces légendes étaient vraies, si tous ces mythes avaient des fondements véritables, alors, pouvait-on reprocher vraiment à un enfant d’avoir voulu s’exprimer ? Pouvait-on lui en vouloir de s’être vengé de frères qui refusaient de l’écouter, seulement parce que son avis divergerait du leur ? Pouvait-on se targuer de défendre la liberté quand on interdisait l’expression, violente, peut-être, mais néanmoins sincère, d’une autre vision du monde ?

— Et de sa semence il engendra d’autres êtres hybrides. Des chimères…


Anarion contempla le Navigateur se parler à lui-même la mâchoire crispée sur les mots, le regard perdu sur les flots. Il ne comprenait guère de quoi il voulait parler. Il ne comprenait même pas vraiment pourquoi il se trouvait là, sur le Brise-Lame, pour lui rapporter des histoires du temps passé. Le capitaine semblait en savoir davantage que quiconque à propos des elfes et des hommes qui étaient venus par la mer. Il posait souvent des questions à propos d’étoiles et de portes et de toutes les manières qui permettaient de s’y rendre. Mais Anarion n’en savait rien. Il ne connaissait que Lond Daer et son oncle et sa mère. Sa mère à lui. La seule qu’il eut jamais aimée.
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