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 Le bois dont est fait chaque homme

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Sirion Ibn Lahad
Intendant d'Arnor - Comte d'Amon Araf
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Sirion Ibn Lahad

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Le bois dont est fait chaque homme EmptyVen 12 Avr 2024 - 10:14

Quelque part dans le Fold, où le vent soufflait librement à travers les herbes hautes et les collines ondulantes, se dressait une modeste forge. Nichée au creux d'une vallée verdoyante, elle était l'antre d'un forgeron solitaire, dont la silhouette massive se découpait contre le ciel changeant. À l'intérieur, la chaleur étouffante de la forge enveloppait chaque recoin de l'espace exigu. Des braises ardentes dansaient dans l'âtre, illuminant les murs de pierre brute d'une lueur rougeoyante. L'air était empreint d'une odeur âcre de métal chauffé, mêlée à la suie et à la sueur du travailleur.

Au centre de cette scène, Dickert le forgeron, tel un artiste concentré devant son œuvre, s'affairait. Ses mains calleuses maniaient le marteau avec une précision experte, martelant le métal incandescent avec une cadence hypnotique. Chaque coup résonnait dans l'atmosphère, créant une symphonie de sons métalliques qui semblaient vibrer jusqu'au plus profond de l'âme. Sur l'enclume, reposait une épée longue. Ses lignes élégantes étaient marquées par les cicatrices du combat, témoignant des épreuves qu'elle avait endurées. Mais malgré ses blessures, elle conservait une aura de puissance et de noblesse, attendant patiemment d'être restaurée.

À l'entrée de la forge, deux silhouettes se découpaient contre la lumière du jour déclinant. Cendre, contemplait l'artisan, le visage toujours masqué par son heaume. Kari, elle, était assise non loin et commençait à s'impatienter.


- Je vais aller faire un tour, dit-elle faisant mine de sortir.

Cendre leva son bras comme pour bloquer le passage.

- Quand le travail sera terminé.

La langue de la jeune femme pesta derrière ses dents. Elle se rassit, le dos appuyé contre la pierre, les jambes et les bras croisés. Était-elle condamnée à obéir à cet étranger pour toujours ? En cet instant, cette idée l'obsédait. Au rythme des coups de marteaux, son regard se déporta vers celui qu'elle avait tenté de dépouiller quelques jours plus tôt. Il avait balayé ses quatre acolytes comme de simples fétus de paille. Kari déglutit. Cette nuit sanglante lui en avait rappelé d'autres. Bien d'autres. Elle avait grandi au milieu des ruines de son enfance ; nombre avaient tenté de la voler, de la blesser, de se l'approprier physiquement et plus encore. Cendre aurait pu faire ce qu'il désirait d'elle. Après tout, elle était une femme désormais sans alliés -aussi faibles fussent-ils. Mais ce guerrier n'était pas fait du même bois. Et s'il la maintenait captive jusqu'ici, il la traitait avec respect et dignité.

Cendre se leva. Kari tourna les yeux vers la forge. L'artisan marchait dans leur direction, l'épée entre ses mains caleuses.

- Je suis assez fier du résultat.

Les forgerons étaient souvent réputés pour ne pas tarir d'éloges envers eux-mêmes. D'aucuns usurpaient cet état de fait. Dickert, lui, était ceux qui avaient de l'or dans les doigts.

- Je n'ai pas souvent l'occasion de travailler une épée aussi noble. L'acier chantait une douce mélodie à mes oreilles. Ce fut un plaisir.
- Elle est-
- Comme neuve, oui. J'ai assoupli l'acier pour pouvoir lui redonner une ligne parfaite. Plus aucune égratignure. Vous devez avoir de sacrés bras pour pouvoir la manier.


Le forgeron admira une dernière fois son œuvre. La longue et large lame de cette épée n'avait rien à voir avec les épées courtes typiques des rohirrims.

- Combien ?
- Cent pièces.
- Vous avez d'autres choses en stock ?


Dickert pointa du doigt une vitrine. Cendre alla l'examiner.

- Je vais vous prendre cette bandoulière et les couteaux qui vont avec.

L'homme acquiesça et lui prépara le supplément.

- Trente pièces en plus. Tarif d'ami car ce fut un plaisir de faire chanter votre lame.

Cendre opina et lui tendit une bourse. Dickert la posa nonchalamment derrière le comptoir. Au fil du temps, il avait appris à sonder l'âme de ses clients, à travers leurs armes. Cet étranger avait l'air respectable.

- Je peux savoir d'où vous venez ?

À cette question, Kari sembla tout de suite plus attentive.

- Du nord.

Dickert pencha la tête.

- Ah oui ? Je l'aurais jamais cru, surtout avec ce petit accent.

Le heaume fixa le forgeron. Les deux hommes se serrèrent la main. Au sortir de la forge, Cendre scruta le lointain. La bâtisse de Dickert était à l'écart de tout autre maisonnée. À l'horizon pointait une colline aux pieds des montagnes blanches. Kari s'approcha.

- Tu comptes aller à Edoras ?

Cendre resta silencieux. La journée touchait à sa fin et cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas dormi sous une chaumière.

- Tu peux t'en aller, glissa-t-il à la jeune femme.

Kari ne sut pas quoi répondre. Elle s'était déjà imaginée devoir rester au service de cet homme pendant des semaines, des mois.

- Je t'avais dit que tu serais libre de t'en aller une fois mon épée restaurée. C'est chose faite.
- T'es vraiment un type étrange, tu sais ?


Le cavalier se contenta de tourner la tête. Il dominait Kari d'un bon pied. La jeune femme tentait en vain depuis leur rencontre de sonder son âme à travers la visière noire. Cendre la fixa un moment. Ses yeux noirs l'hypnotisaient. Il y avait quelque chose chez elle qui ne le laissait pas indifférent. Pourtant, elle avait essayé de le dépouiller.

- Je te dis adieu.
- Tu vas me laisser en plan, ici ?
- Tu es une rohirrim. Tu es chez toi. Je suis certain que tu sauras te débrouiller.


Cendre marqua un temps.

- Mais ne t'avise plus de voler les honnêtes voyageurs.

Kari gloussa.

- Un preux chevalier errant. C'est ça que tu es.

L'homme attacha son épée à sa ceinture et rangea sa nouvelle bandoulière dans l'une des sacoches fixées sur la selle de sa bête. Kari eut un rictus et sauta sur son hongre avant que Cendre n'ait le temps de mettre un pied à l'étrier.

-  Que fais-tu ?
- Tu vas avoir besoin d'un guide à Edoras. Certaines auberges ne sont pas très scrupuleuses avec les étrangers. Tu risques de te faire enfler.


Cendre soupira. Visiblement, c'était désormais la jeune femme qui ne voulait plus s'en aller. L'espace d'une seconde, il regretta de l'avoir emmenée.

- Et puis je dois savoir.
- Savoir quoi ?
- Le bois dont tu es fait,
répondit-elle. Je suis curieuse de nature.

Bientôt, la forge fut de nouveau vide de clients. Et Dickert, accoudé à sa fenêtre, observa le duo galoper en direction d'Edoras.



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