Annaëlle ne soufflait plus un mot. Elle était totalement silencieuse, vaccinée de ces aventures par la rencontre maudite de l’échalas qui tenait lieu de gardien de cimetière. Elle ne pleurait plus mais les marques plus que visible de sa rencontre avec le butor l’avaient profondément terrifiée. La petite aventurière entrainante du début laissait place à une petite fille de huit ans, apeurée et craintive à l’idée que les rires de ses amis provoquent l’arrivée inopinée de son cauchemar sur pattes.
C’était vrai que voir Barhin s’étaler comme une crêpe tout en dégottant une excuse totalement fumée, avait de quoi faire rire. D’ailleurs un léger hoquet s’échappa de la gamine, mélange savant entre un rire tout juste retenu et une exclamation moqueuse à peine contenue. La porte fut bientôt ouverte, et la bande de joyeux fripons, bien que pour l’heure ils ne soient pas vraiment gais, s’engouffra dans la tombe. Si l’extérieur avait de quoi étonner, avec toute cette nacre, il en allait de même à l’intérieur.
La forte odeur d’encens pris à la gorge la fillette, dès qu’elle entra. Qui donc pouvait faire bruler une telle horreur ? Décidément le mélange de la puanteur parfumée des bâtonnets récemment consumés, allié à la senteur un peu terreuse de la poussière ambiante, formaient un cocktail détonnant qui lui arrachèrent quelques toussements. A l’intérieur, sous l’effet des rayons lunaires, une pierre opale s’illumina doucement. De la nacre peut être ? Sur la dalle, à la luminosité blafarde, des écritures et surtout un grand A ornée d’une couronne se dessinèrent. Ainsi, en plus d’être constitué d’un matériel précieux et rare (du moins pour des yeux enfantins) le tombeau s’ornementaient de gravures. Le mystère du parchemin prit un nouveau tournant à la lecture des lettres par Marach.
Bizarrement, la frousse qui avait élue domicile dans le corps de la gamine, s’évapora instantanément. Les devinettes, elle adorait ça. Oubliée la boue qui souillait ses joues, oubliée sa coupe de cheveux à la garçonne façon Marach, oubliée cette malheureuse rencontre avec l’autre pervers du cimetière (enfin lui pas totalement… d’ailleurs si le grimoire comportait des formules magiques, elle comptait bien le transformer en crapaud maléfique !)
- Dis Marach… c’est quoi c’t’histoire de princesse ? Elle haussa les épaules, princesse… princesse… s’il fallait avoir une princesse sous la main pour trouver le grimoire c’était pas gagné. Elle n’en connaissait pas de princesse. La seule personne qui portait de belles robes comme une princesse et qu’elle connaissait, restait son amie Janette, la fille de la couturière. Forcement sa maman lui faisait toujours de beaux vêtements, comme ceux des riches qui vivaient dans les hautes sphères de la cité. Enfin tout ça pour dire , que c’était terriblement problématique.
La gamine s’agenouilla à coté des écritures, elle ne les comprenaient pas mais ça lui permettait de mieux réfléchir… princesse… une princesse… une princesse ça porte une couronne… et la lettre là.. la grosse elle portait comme une princesse.
La fillette porta son index à sa bouche et le mordilla sous son intense réflexion.
- Marach c’est quoi cette grosse lettre là ? avec la couronne ?Un A… un A comme
Annaëlle, surmonté d’une couronne comme une princesse.
Si pure est ma caresse
Mon élue, ma princesse
Le Nacre glissera
Et le grimoire verra
Une caresse ? Fallait il qu’elle l’effleure cette couronne ? Ca pourrait être ça. Le A pour Annaelle, la couronne pour le Princesse, si elle touchait la couronne ou le A… ça marcherait peut être.
Elle avança sa main et dessina de ses doigts les contours de la lettre plus ceux de la couronne.