Anwar Abu Taymour Al-Kâtib écouta les différents membres du Conseil d’Al’Tyr répondre aux nouvelles qu’il venait de leur apporter. Comme prévu, le Conseil alla en son sens, et renouvela son désir d’aider les Havres et les Neufs, bien qu’une remarque craintive quant au sort de la cité ait été élevée et promptement réprimée par le conseiller Rafik. Puis la conseillère Yaomi prit la parole, s’inquiétant des possibles ravages causés par l’armée à la cité marchande.
« Madame, n’ayez crainte. Al’Tyr ne souffrira pas de la présence de nos troupes : les Neufs respectent leurs amis, et empêcheront tout débordement. » répondit
Anwar.
Puis, avant qu’il n’ait pu ajouter autre chose, un nouvel individu apparût d’une des alcôves sombres bordant la pièce. L’homme se déplaçait avec grâce, tel un fauve toujours aux aguets. Puis il se présenta, et
Anwar frissonna. Un chef des Ombres, un maître assassin, un des maîtres de la ville. Un homme dangereux. Très dangereux.
« Messire, les appartements que vous m’avez gracieusement attribué sont exquis, nul ne pourrait rêver de plus confortable. Je vous en remercie chaleureusement. » Anwar s’inclina légèrement, attendant les choses sérieuses. Le plus discrètement possible, il essuya ses paumes moites contre sa tenue de cérémonie, espérant que la sueur qui trempait son turban ne se verrait pas.
Fort heureusement, le dénommé Danakil fit sortir le Conseil de la salle, à l’exception de Rafik, qui s’imposait clairement aux yeux de l’émissaire comme l’individu le plus influent dans cette salle, à l’exception peut-être de l’énigmatique Ombre. Les trois hommes restèrent quelques instants debout, attendant en silence.
Mais attendant quoi ? se demanda
Anwar. La réponse ne se fit pas tarder, et, un par un, une demi-douzaine de personnes, dont la conseillère Yaomi et un autre conseiller dont
Anwar ne connaissait que le nom, Sulan, entrèrent dans la pièce.
« Pardonnez cette mesure de sécurité mais les identités des Ombres se doivent d'être le plus secrètes possibles aux yeux de tous. »Anwar inclina rapidement la tête, montrant ainsi qu’il comprenait et acceptait de telles mesures. Danakil reprit ensuite la parole :
« Alors voici les Ombres de la Cité et maintenant veuillez nous expliquez plus en détails les termes de votre Contrat et notre mission. Vous avez parlé d'un homme pour donner des ordres, je voudrais en savoir plus. Je ne tiens pas à envoyer mes hommes a l’abattoir, et la Guilde se doit de rester dans l'Ombre donc personne ne doit connaitre notre existence. »Anwar attendit quelques instants après la question du chef local des Ombres, réfléchissant à la réponse qu’il leur offrirait. Il devrait se montrer sincère, mais sans compromettre les intérêts des Neufs.
« Messires, vous êtes parmi les assassins et les espions les plus réputés des Terres du Milieu, même si rares sont ceux qui connaissent vos noms ou comment s’adresser à vous. Les Neufs m’ont envoyé à vous pour vous demander d’accomplir plusieurs tâches pour eux. Comme vous le savez, sans informations de première main sur notre ennemi, nous avançons à l’aveugle, et risquons de tomber dans des pièges désastreux. Les Neufs ont pris garde à maintenir divers informateurs en des lieux stratégiques, mais, malheureusement, leur compétence risque de limiter la qualité des informations rapportées. Aussi les Neufs souhaiteraient-ils que vous leur serviez d’yeux, que vous épiez tous les mots et gestes de nos ennemis. » Anwar regarda les divers individus présents, tentant de retenir leurs traits.
« Mais les Neufs auront aussi besoin d’agents actifs à l’intérieur des murs ennemis. Nous aurons besoin de semer le désordre dans les troupes de l’Emirat, en interceptant les messages, assassinant les officiers, bloquant les lignes d’approvisionnement. Et pour cela, vous êtes les hommes les plus talentueux du Sud tout entier. » Le diplomate sentait que les Ombres écoutaient avec attention. Danakil le scrutai, tentant de percer le vrai du faux, les approximations des vérités.
Anwar sentit la sueur commencer à glisser le long de ses temps, heureusement cachée par sa barbe fournie.
« Concernant l’homme en charge des opérations, je ne puis vous dire grand’chose. Il a été choisi par le Seigneur-Capitaine Taorin lui-même pour ses compétences. Il prendra contact avec vous, vous informera de vos tâches, et relaiera les informations que vous aurez collectées. »Anwar sortit la lettre de sa poche intérieure, et en lut un passage :
« Il vous rencontrera là où vos chemins se croiseront. »Repliant la lettre,
Anwar continua :
« Mais ne craignez pas l’incompétence de cet homme. Les agents des Neufs ont tous fait leurs preuves, et il n’est pas question de gaspiller les vies humaines. Si jamais une mission vous semble irréalisable, même si j’en doute, il vous sera toujours possible d’en informer cet agent. Et personne ne sera au courant de votre implication dans cette affaire, mis-à-part ce coordinateur, le Seigneur-Capitaine Taorin, vous, et moi-même. »
Le diplomate conclut enfin :
« Concernant le contrat en lui-même : en l’échange d’une obéissance absolue aux ordres, et à la cause d’Umbar, chaque Ombre envoyée à Dur’Zork recevra un salaire de cinq cent pièces d’or par mois. Avec, sans doute, diverses primes et une plus large part du butin lorsque la capitale sera tombée. Vous comprendrez néanmoins que cet or ne pourra être reversé qu’après la chute de l’Emirat, nous serions bien en peine de faire parvenir tant d’or au cœur même des lignes ennemies. »
Anwar Abu Taymour Al-Kâtib se tut, et attendit les réponses des mystérieuses Ombres…
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