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Sujet: Le souffle des Damnés
Nathanael

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Rechercher dans: Le Chemin des Morts   Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le souffle des Damnés    Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 17 Mai 2021 - 22:48

Il ne restait de Jorund qu’un gargouillis fétide sur le sol froid de la grotte. La faible lueur qui perçait la pierre au-dessus d’eux faisait luire aux coins de ses lèvres des bulles de sang encore vibrantes de la fureur de Tryon. De Norring, ne demeurait qu’un cadavre exsangue, les doigts figés autour de la corde de son arc, le ventre ouvert par la lame de Kaldor. Ils étaient morts pour elle, pour quelques pièces d’or et la promesse de jours meilleurs, sous le soleil brûlant du Riddermark. Lome ne leur accorda qu’un bref regard, à peine émue par la déchéance d’un peuple qu’elle avait appris à honnir depuis sa plus tendre enfance. Les Rohirrims étaient mus par un honneur et un orgueil démesurés que le temps avait piétinés plus d’une fois, ensevelis sous la poussière des souvenirs. Personne ne se souvenait de leur lignage et de leurs origines, personne ne se souvenait de leurs grandes guerres et de leurs victoires à part eux-mêmes. Et malgré tout, ils s’obstinaient à porter leurs lourdes mailles faites de mensonges et de contes à propos de la splendeur de leur race. Qu’y avait-il de splendide à crever dans la merde, à des dizaines de lieux de ceux qu’on aimait, percé par le bras rageur d’un dément ?

Elle ne bougea pas lorsqu’Elsner se jeta sur la pierre drug à mains nues. Il était couvert de sang de la tête aux pieds et c’était folie que de poser les doigts sur une magie si pure et si primitive. Mais ils n’avaient rien écouté. Aucun d’entre eux et ils en paieraient le prix. Elle avait pourtant tenté de les mettre en garde, mais même Kaldor, au service de Ludgar, n’en avait eu cure. Tryon de Roncefort lui-même, tout noble qu’il était, avait oublié la voix de la montagne et les histoires qu’on ne qualifiait plus que de sornettes. Les vieilles édentées qui mouillaient leurs robes toutes incontinentes qu’elles étaient n’omettaient jamais la part de vérité que contenait chaque légende.

— C’est un autre genre de trophée que je cherche, dit-elle alors qu’Elsner commençait à perdre l’esprit. Les voix vous égareront, homme des plaines.

Elle eut à peine le temps de finir sa phrase que déjà Tryon de Roncefort perçait Kaldor de sa lame et se jetait sur elle comme une bête furieuse. Elle ne put pas parer l’attaque du baron et elle s’effondra sur le sol sous le poids des deux corps. La surprise figée sur les traits morts du guerrier l’accompagna jusqu’à ce qu’elle sente violemment la pierre lui cogner les reins et le dos. Son armure, fort heureusement, avait fait glisser la pointe de la lame de Tryon sans toucher les chairs. Qu’ils étaient sots, ces hobereaux montagnards, incapables de reconnaître la lueur du mithril quand bien même il brillait sous leur nez ! Elle libéra un de ses poignets et enfonça sa courte dague dans l’œil de Tryon, ne cherchant qu’un peu de temps supplémentaire pour se dégager du poids qui lui comprimait la poitrine.

Peu lui importait de savoir qui de la douleur ou de la surprise avait fait reculer le baron. Il portait les mains à son visage pour en retirer la serre d’acier fichée dans son orbite. Du sang avait giclé sur la peau de Lome et, malgré elle, malgré toutes ses précautions, elle sentit enfler en elle les voix lancinantes qui tourmentaient déjà Elsner. Elle se remit sur pieds et bouta la figure de Roncefort d’un grand coup de botte bien ajustée. Il était inconcevable que quelqu’un fût encore conscient après pareilles blessures, à moins d’avoir le crâne vide.

Elsner errait entre deux mondes, quelque part entre les morts et les vivants, entre les souvenirs et le présent. Elle le gifla pour le ramener à lui et l’obliger à reprendre un peu ses esprits.

— Nous crèverons tous ici, avec ou sans l’aide du baron. Les voix nous rendront fous si nous restons.

Elle jeta sur la statuette la cape d’un mort et l’enveloppa dans l’étoffe pour ne pas la toucher. D’un geste vif, dans la pénombre, elle attrapa l’arc de Morthond et le fourra dans les mains d’Elsner.

— Le trophée vous revient, mais il vous faudra d’abord quitter les grottes et nous rendre à la pierre noire. Il n’y a que là-bas que les malédictions peuvent être brisées. Si vous souhaitez sauver les vôtres, de ce côté-là des montagnes, vous devrez m’aider. Et si vous m’aidez…

Lome secoua encore Elsner pour qu’il reste conscient et alerte, pour lui éviter de sombrer dans les limbes tortueux qui déchiraient son âme. Elle laissa sa phrase en suspens quelques secondes, afin de s’assurer que Tryon ne se ruait pas encore une fois sur eux, confondu par la douleur et la rage qui lui battaient les tempes.

— Si vous m’aidez, il est fort probable que vous connaissiez un succès plus important que celui d’un tournoi dans de vieux chemins sous la montagne. Ceci n’est qu’une prémisse. Un balbutiement. Elle serra davantage sa prise sur la statuette drug. Mais il existe des sources de pouvoir, en ce monde, qui dépassent votre entendement. Des objets tels, Tryon de Roncefort, que vous n’auriez plus besoin de l’aide de quiconque, pour dominer les autres seigneurs qui jouxtent vos terres. Tels que vous auriez la possibilité de faire passer Eon Ludgar pour le dernier des nobliaux de basse fosse. Et quant à vous Elsner. Elle le remua encore une fois pour s’assurer qu’il l’entende bien. Vous seriez à même de sauver ceux que vous êtes venus représenter ici. Vous seriez capables de les protéger et de les garantir de tout mal.

Elle darda son regard sur la lumière qui déclinait par l’étroite ouverture dans le plafond caverneux.

— Les voix iront en s’amplifiant quand le soleil se couchera et il sera trop tard pour espérer sortir. Elles nous dévoreront. Quoi qu’il vous en coûte, baron de Roncefort. Prenez cette blessure en offrande, et considérez là comme la première qui vous a ouvert les yeux. Je vous offre une seconde chance. Vous n’en aurez pas d’autres. La prochaine fois que vous vous en prendrez à moi, il n’y aura aucun salut.

Et sur ces mots, elle poussa Elsner, titubant, pour qu’il se mette en marche devant elle.
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Rechercher dans: Le Chemin des Morts   Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le souffle des Damnés    Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 26 Fév 2021 - 7:57

Dans un grand fracas de métal et de mailles, Tryon et son adversaire roulèrent au milieu des gravats de la vaste salle souterraine. L’acharnement fou du seigneur de Roncefort avait repoussé Jorund contre une haute paroi et sa seule chance de survie avait été de lui sauter dessus, une seconde fois, comme un cerf acculé charge ses chasseurs. Le goût ferreux du sang lui coula dans la gorge et le géant Rohirrim sut, d’un tâtonnement de langue, qu’il avait perdu une dent en percutant Tryon. Il usa de tout son poids et de toute sa masse gigantesque pour écraser son opposant sur le sol et d’un formidable coup de poing, il lui écrasa le nez au milieu du visage. Les cartilages crissèrent en se brisant et Jorund sentit sous des doigts quelque chose s’enfoncer.

— Charognard ! hurla le Rohirrim en ôtant aussi vite qu’il le put sa main de la face de Roncefort.

Il avait senti cette fois quelque chose agripper ses doigts. L’enfoiré l’avait mordu, si fort, si soudainement, qu’il lui avait tranché un morceau de chair. Jorund regarda dans la faible lumière le morceau de paume qu’on lui avait ôté. C’était sa main d’épée. La douleur lui remonta jusqu’au coude et le paralysa un bref instant. Tryon en profita pour se jeter sur lui.

À quelques pas à peine, Norring luttait pour ne pas perdre ses dents et sa virilité. Des larmes lui étaient remontées jusqu’aux coins des yeux quand le genou d’Elsner s’était enfoncé dans son entrejambe. Et la douleur, tout à la fois sourde et lancinante, lui labourait le bas ventre. Il regrettait d’avoir lâché son arc, ce n’était pas les flèches qui manquaient dans les carquois des gens de Morthond. Il aurait pu abattre quelques secondes plus tôt le combattant qui lui frappait maintenant la tête. La peur lui fouailla les entrailles. Non pas celle de mourir, mais d’avoir fait tout ce chemin pour rien. Il voulait savoir à quoi menaient tous les sacrifices qu’il avait faits. Il voulait voir l’objet des désirs de la Dame. Et il voulait, surtout, rabattre le caquet du Rohirrim qui le chevauchait comme une carne. Malgré les coups qu’il s’était pris, Norring avait reconnu l’accent de son pays et il comptait bien rappeler à cet exilé qu’une ruade était toujours possible.

Il donna un coup de reins puissant et il parvint à peu près à déséquilibrer Elsner qui était trop occupé à lui marteler le visage. Il le tuerait en son temps, mais pour le moment, il lui fallait mettre plus de distance entre les champions et son joli minois. Il crut perdre la tête de douleur, tant l’aine le faisait souffrir. Il ne chercha même pas à frapper son adversaire, il se contenta de le laisser, surpris et pantois sur le sol avant de s’enfuir au cœur des ténèbres.

Kaldor dans sa course rageuse ne prit pas garde au corps couché sur le sol qui barbotait dans son sang et dans l’obscurité croissante de la haute caverne où ils se trouvaient, il s’étala de tout son long. Il tomba nez à nez avec la poitrine froide d’un archer de Morthond, une flèche de la Vallée Noire fichée dans le cœur. L’œil vitreux du mort le fixait. Tandis qu’il se relevait, il sembla à Kaldor entendre un murmure. Les lèvres de l’archer n’avaient pourtant pas bougé. Les mains poisseuses, il put, lui aussi, sentir la terre pulser entre ses doigts, comme si un cœur de pierre battait sous la croûte terrestre. Les murmures se firent plus distincts et plus nombreux.

La Dame devant lui, l’ayant entendu choir, se retourna et l’aida à se relever. La danse des flammes faisait luire de mille éclats son armure de cobalt. Ses grandes serres brillaient et semblaient saillir de ses poignets. Elle observa l’oreille manquante et le sang qui coulait abondamment dans le creux de la nuque de Kaldor. Quelques centimètres plus à droite, et l’archer lui aurait transpercé l’œil et le crâne.

— Ne touchez pas au sang, souffla-t-elle. Essuyez-vous les mains. Vite !

Ils étaient au bon endroit. Quelque part sous leurs pieds, au milieu des souvenirs poussiéreux des hommes devait se trouver ce qu’elle était venue chercher. Trop occupés à se battre pour leur propre vie, les champions ne s’étaient pas rendu compte qu’ils avaient quitté les sombres tunnels étroits et qu’ils parcouraient maintenant une vaste salle haute de plafond, au sol jonché d’ossements secs et de cadavres encore chauds. Les archers de Morthond étaient percés comme des outres, abattus par Jorund et Norring quelques heures plus tôt.

Aidant Kaldor à se remettre sur pieds, elle délaissa Elsner et Tryon. Qu’ils se battent et s’entretuent donc, elle n’était pas là pour eux. Son but était autrement plus important.

— Le trophée doit être quelque part par là, reprit-elle. Regardez !

Elle tendit sa dague pour désigner une ombre parmi les ombres. De forme oblongue, un objet se devinait, plus sombre que la nuit, posé sur un reste de pilier brisé. Au pied de la courte colonne de pierre gisait un corps mort depuis de longues années. Des os saillaient sous une tunique élimée. Le Drug lui en avait parlé. Lome attira Kaldor derrière elle pour l’obliger à s’éloigner des cadavres chauds et des combats acharnés. Elle lui jeta un coup d’œil, pour s’assurer qu’il allait bien. Le maître seul savait ce qu’il pouvait advenir en ces lieux avec ce qu’ils avaient déclenché. Les montagnards étaient encore puissants. Tout ce que lui avait rapporté Eliabel Chaborgne était vrai et une pointe d’excitation gonfla en elle. Les autres champions ne seraient bientôt plus un obstacle.

— On dirait un arc, souffla Lome.

Mais son regard tâtonnait sur le sol et non vers le trophée de Ludgar.

Il y eut un craquement non loin d’eux, le bruit d’une botte qui éclate une main osseuse et sèche, comme une brindille de bois. L’ombre d’un homme se découpa juste devant eux, et s’il n’avait pas bougé en cet instant, ils ne l’auraient pas vu.

Norring se jeta sur Kaldor en grognant. Lome s’écarta juste à temps pour ne pas être percutée. Ayant perdu son arme, l’archer s’était emparé d’une corde d’un des arcs de la vallée noire et sans chercher à lutter ouvertement contre son ennemi, il lui avait ceint le cou avec la corde de chanvre.

— Dites-leur qu’elles s’arrêtent ! hurla l’archer fou en face d’eux.

Ses yeux ahuris cherchaient la Dame des yeux. Le sang lui dégoulinait sur le visage et lui coulait dans la bouche.

— Vous ne les entendez pas ? hurla de nouveau l’archer qui s’attaquait à Kaldor. Elles sont partout ! Arrêtez-les, je vous en supplie, arrêtez-les !

Les voix gonflaient et refluaient comme des vagues sur la grève. Lome les percevait faiblement, car elle s’était méfiée de toucher le sang de quiconque et avait tout fait pour ne pas être blessée. Mais tous ceux qui souffraient de plaies et dont le sang avait été bu par le Dwimmorberg pouvaient les entendre plus nettement. La démence de Tryon ne pouvait qu’enfler en ses lieux et atteindre un paroxysme que le baron de Roncefort lui-même ignorait. Le doigt qu’il tenait dans sa bouche était-il vraiment celui de son opposant ? Que lui soufflaient les voix qui gonflaient dans sa tête et quelles folies lui imposaient-elles de faire ?

Lome recula et fit face à Norring dont l’étreinte autour du cou de Kaldor se desserra un bref instant. Ses yeux cherchaient partout une aide et un soutien qu’ils ne trouvaient pas. Soudain, à ses pieds, Lome vit l’objet de sa convoitise, l’objet qu’on l’avait envoyé récupérer. « Beaucoup de sang, avait dit le maître, sans quoi il te sera impossible de la transporter. Les pierres de garde des Drugs sont pierres de sacrifice pour l’homme. Nous n’avons aucune magie en nous, plus rien à offrir d’autres qui soient dans nos veines. La pierre doit disposer de sa propre vie, en quelque sorte, pour pouvoir être déplacée. Et à défaut d’en posséder une propre, il faudra lui en donner. »

Elle lut le doute dans le regard de Kaldor, mélange de méfiance et d’incompréhension. Se demandait-il enfin pourquoi la Dame n’avait souffert d’aucune blessure ? Pourquoi leurs opposants ne s’en prenaient-ils pas à elle ? Elle lut la fièvre et la peur dans le regard de Norring et un bref instant, elle se demanda lequel des deux elle allait sacrifier.


***

An 251 du Quatrième Âge

Au-dehors, le souffle froid des montagnes le frappa de plein fouet. La face sombre du Dwimorberg était impassible malgré le défi que lui lançait Buri. Qu’il parle, s’il devait trahir son secret ! Qu’il révèle ce qu’il avait fait aux esprits blafards qui courraient entre les glaciers ! Buri s’en moquait. L’homme Frère gisait parmi les siens dans les entrailles vides des éminences rocheuses. Le temps le digérerait comme tous ceux qu’il avait avalés avant lui. La pierre veillerait sur son cadavre et personne ne viendrait la chercher là. Personne pas même cet homme venu du sud lointain, la bouche aussi sucrée que le miel, mais les yeux plus perçants que l’aigle cruel.

Il serra contre lui le trésor d’outre-mer que l’homme Frère lui avait donné. Il frissonnait d’écumes entre ses mains et laissait dans l’air une odeur piquante d’algue salée. Il était lourd de souvenirs et de prières, d’espoirs et d’attentes. Buri réprima un frisson. Il était trop sensible à cette magie pour la conserver longtemps avec lui. Raghan saurait quoi faire. Et il saurait peut-être lui expliquer qui était la déesse que l’homme avait implorée avant de mourir. Le vent s’était levé brusquement, mais ses bourrasques ne parvenaient pas à emporter le nom de Yavanna dans l’esprit de Buri.
Sujet: Le souffle des Damnés
Nathanael

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Rechercher dans: Le Chemin des Morts   Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le souffle des Damnés    Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 29 Oct 2020 - 20:51

À l’ombre des ifs noirs, elle avait confié ses prières aux esprits étrangers qui peuplaient les montagnes de cette partie du monde. Où étaient-ils vraiment, ceux qui étaient partis ? Que restaient-ils vraiment de ceux qu’on avait laissés ? Aux souvenirs douloureux de ceux qu’elle avait aimés s’étaient mêlés les regrets amers impossibles à oublier. Le vieux Thibert avait allumé de nombreux brandons autour des sépultures et Brand, Marhari et Dame Eliabel avaient passé toute la nuit à prier leurs âmes perdues. Lome les avait rejoints au petit matin, sur l’invitation de la maîtresse des lieux, pour entamer une cérémonie plus particulière. On l’avait fait s’agenouiller devant les pics enneigés sur lesquels le soleil traçait des ombres roses et noires. Brand s’était saisi de la vieille épée de son père et lui avait fait jurer de défendre le nom de leur famille dans les ténèbres du Chemin des Morts. Elle avait répété après lui, d’une voix lente et mesurée :

– Que l’homme vil soit puni de s’être détourné du chemin de la dignité, qu’il soit pourchassé jusqu’à ce qu’il avoue ses crimes et que le Dwimorberg le juge à l’aune de son courage. Aux parjures, la proscription ! Aux parjures, la damnation ! Aux parjures, l’expiation !

***

Agité par le vent, le grand cygne noir claquait son mécontentement au-dessus des hommes et des femmes réunis à l’entrée du chemin des Morts. Lome, caparaçonnée de son armure luisante, rendait à chacun les regards curieux qu’on lui lançait. Dame Eliabel, à ses côtés, n’en faisait pas moins, le torse bombé de pectoraux débordant d’orgueil. Brand les avait accompagnés jusque devant les premières marches. Pour rencontrer les seigneurs voisins, d’après ses dires. Lome devinait des intentions moins louables. Il était mâle et il doutait encore de ses capacités. Il ne voulait rien d’autre que s’assurer qu’elle s’engouffrerait bien dans la gueule béante et glaciale qui se trouvait devant eux. Quitte à n’en jamais ressortir.

Derrière son masque aux écailles d’azur, elle tenta de sonder la nature des autres champions. Ils étaient plus nombreux que ce qu’elle s’était figuré. S’était-elle trompée en venant ici ? Qu’adviendrait-il si elle venait à échouer ? Un bref instant, elle resserra ses doigts sur la garde de ses dagues. En forme de serres, les deux armes lui ceignaient les hanches dans de discrets fourreaux ornés de plumes. Elle sursauta presque quand Dame Eliabel lui posa la main sur l’épaule et tendit le doigt vers des hauteurs invisibles.

– C’est de là haut, souffla-t-elle, qu’il serait revenu.

La langue saillante d’un glacier se glissait entre les pierres grises et noires d’un vallon à la végétation déchiquetée. La neige surplombait le faîte sombre des résineux qui se maintenaient au bord des ravins par leurs racines tordues. Il n’y avait nul chemin dans cette vallée encaissée. Ceux qui l’avaient emprunté cherchaient forcément quelque chose. « De la pierre » d’après Dame Eliabel. « Spéciale » avait-elle rajouté comme une confidence. Mais ils n’avaient trouvé au milieu des séracs et des crevasses qu’une menace indicible qui les avait rendus presque fous. Lome voyait encore l’architecte se tenir recroquevillé dans le fauteuil que Marhari lui avait tendu avant qu’il ne fermât la porte. Détournant les yeux des sommets, elle porta son regard au cœur du monde. Un homme, armé d’un arc, tenait une torche virevoltant au gré du vent qui peinait à projeter une ombre sur la paroi nue. Au-delà du roc sombre, on ne voyait rien. Des brandons huilés étaient empilés à l’entrée du Chemin de Morts, attendant leurs porteurs. Mais quand les mèches s’éteindraient, qu’adviendrait-il ?

Sur sa gauche, un homme lui parla avec un accent qu’elle reconnut comme celui des Têtes de Paille qui grouillaient dans les plaines. Ils étaient nombreux à s’être réfugiés de ce côté là des montagnes. « Lâches… » pensa-t-elle. Avec raideur, elle se tourna vers lui, une lueur moqueuse dans le regard.

– Il n’y a aucune gloire à fouailler les entrailles de la terre. Que ferons-nous vraiment de plus que des vers qui s’agitent pour dévorer le cœur pourri d’un fruit trop mûr ?

Elle le laissa là avec ses réflexions, et suivit Dame Eliabel et Brand qui se rapprochaient du seigneur Ludgar. Le borgne ne tarderait pas à commencer son récital. Les mots, pourtant, n’étaient que du vent. Seuls les écrits restaient. Elle toucha par réflexe ses dagues à sa ceinture. Il n’y avait pas toujours besoin d’encre pour écrire.
Sujet: Les racines du mal
Nathanael

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Rechercher dans: Vallée de Morthond   Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Les racines du mal    Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 5 Avr 2020 - 21:10
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— D’où vient-elle ? demanda dame Eliabel à son aîné.
— Elle prétend venir des terres du nord, de l’autre côté des montagnes.
— Le nord est aussi vaste que le sud et l’est. T’a-t-elle donné au moins, le nom de son royaume ?
— Elle m’a dit ne servir aucun roi ni aucune reine. Aucun seigneur non plus. Elle souhaite se mettre à notre service et participer à la prochaine cérémonie.
— Pour quelles raisons ?
demanda Eliabel. Qu’espère une femme seule contre le bras armé de solides gaillards gondoriens ? Sait-elle seulement à quoi elle s’engage ?
— Elle n’a pas voulu m’en dire plus et souhaite vous rencontrer. Elle estime que vous êtes la mieux placée pour faire un choix, mère.
— Alors fait là entrer Brand. Au point où nous en sommes…


Veuve du seigneur Jehan Chaborgne, Eliabel avait depuis de longues années la responsabilité de la châtellenie de Lanche Noire. Pauvre en terres, pauvre en hommes, le petit fief peinait à assurer des revenus stables à cette famille dont les racines plongeaient aussi profondément dans les montagnes que dans l’histoire de la Vallée de Morthond. Ils étaient de souche pure, comme ils aimaient à le rappeler, et leurs ancêtres avaient été parmi les premiers Rescapés, ceux qui avaient osé repeupler les flancs vertigineux des montagnes blanches après le Grand Tremblement.

Forte de caractère, de hanche et de poitrine, Dame Eliabel offrait généreusement au regard les largesses de sa personne. Coincée dans une chaise qui semblait un peu trop étroite pour l’accueillir, elle regarda la jeune femme s’avancer, le visage couvert d’un masque reptilien. À travers la fenêtre ouverte, la limpidité du ciel coulait sur les écailles de son armure. L’étrangère semblait parée d’azur liquide et cet éclair de lumière entre les murailles sombres du château rappela à Eliabel les légendes des ménestrels. Surprise par la facture du halecret, Eliabel pinça les lèvres, méfiante. Pourtant, la jeune femme respecta scrupuleusement l’étiquette et se pencha pour saluer la maîtresse des lieux avec élégance et souplesse. Caparaçonnée de métal, ses gestes n’en demeuraient pas moins fluides et graciles.

— Mon fils aîné m’a transmis votre requête. J’aimerais néanmoins comprendre un peu mieux votre démarche. Pourquoi souhaitez-vous servir notre famille pour la cérémonie de la Purification ?
— Avez-vous un champion ?
répondit la jeune femme, de petites rides étirant le coin de ses yeux.

En vérité, il y en avait eu plusieurs. Le frère cadet de la famille, Marhari, avait le bras fort et les reins solides. Mais il s’était blessé lors d’un entraînement quelques semaines plus tôt. Son genou le faisait souffrir atrocement et il peinait à monter seulement les marches qui menaient à sa chambre. L’opposant qui l’avait heurté à la jambe, Jorund, Rohirrim de souche était venu par les sentes escarpées jusque chez eux quelques mois auparavant pour fuir les persécutions. Solide et bien bâti, il aurait fait un bon parti, mais en bon fils du vent, il était reparti on ne savait où et personne n’avait plus eu de nouvelles depuis la nouvelle lune. Brand s’était proposé, mais sa mère répugnait à voir l’héritier de la châtellenie prendre des risques aussi importants pour chasser quelques chimères du passé. Saule, leur échanson, aurait pu faire l’affaire. Mais il exigeait une récompense qu’Eliabel n’était pas prête à lui concéder. Mêler son sang à celui de la roture ne faisait pas partie de ses projets. Constance, sa propre fille, avait failli s’enticher de leur serviteur, mais, fort heureusement, ses frères avaient veillé à calmer les ardeurs naissantes de la jeune fille en lui détaillant les conséquences de la grande vérole.

— Je connais vos pensées dame Eliabel, murmura l’étrangère. Une femme saurait-elle faire face à la brutalité guerrière des hommes ? Quelle chance le sexe faible a-t-il contre la force virile des mâles ? Peut-on croire qu’une dague ou une épée, guidée par la main d’une femme, saura atteindre son but ?

Derrière son masque d’écailles, la femme croisa le regard de Brand, aux côtés de sa mère. Il tressaillit, saisi par l’acuité des yeux qui l’observaient. La seconde d’avant, il aurait refusé catégoriquement cette femme comme leur championne. Elle était trop petite, trop fragile, trop légère. Comme ces moineaux qui font osciller les rameaux des frênes, mais peinent à faire frémir la branche d’un arbre. Mais étrangement, la lueur qui brillait dans ses yeux rappelait davantage celle des rapaces qu’il utilisait pour la chasse. La voix de sa mère le sortit de ses réflexions.

— Et ne pensez-vous pas que je devine vos intentions ? Il est facile, bien sûr, d’envisager mon parti. Je suis femme moi-même et je peux m’enorgueillir d’avoir su tenir tête à des seigneurs qui s’imaginaient que nous ne sommes bonnes qu’à écarter les cuisses. Alors, je devrai, en quelque sorte, approuver votre initiative et applaudir n’est-ce pas ? Mais je suis femme, oui, et je sais bien de quoi nous sommes capables pour assouvir nos ambitions. Dites-moi quelles sont les vôtres. Soyez honnêtes, ou mentez bien, car si d’aventure nous apprenions que vous conspirez contre nous, je vous ferai trancher la poitrine et je vous coudrai moi-même les nymphes. Et dites-moi, d’abord votre nom.
— Lome, répondit la jeune femme en courbant lentement l’échine. Je viens des Monts Brumeux, où les petites filles apprennent à se battre aussi tôt que les garçons. D’un pays de poussières où l’on n’a comme amis que la faim et la solitude. Ou l’on apprend que les hommes et les femmes sont faits de sang et de chair, que le premier coule et que la seconde se tranche. Je ne sers que moi-même. Et c’est la renommée que je veux. Votre or m’importe peu, vos fils non plus et vos terres me rebutent.


Sans sourciller, Eliabel esquissa un sourire presque affable.

— Qu’en penses-tu, Brand ? demanda la mère.
— Que seule la montagne est juge et que nul ne peut ignorer sa sentence. Et que nous aurions peut être une chance, cette année, de donner un véritable sens à la cérémonie de la Purification.
— Sages paroles mon fils. Soyez bienvenue parmi nous, Lome.


La châtelaine frappa dans ses mains et un homme boiteux s’avança pour se courber devant sa maîtresse.

— Thibert vous mènera dans l’aile nord où la vue sur les montagnes est la plus majestueuse.


Sans autre forme de cérémonie, leur entrevue cessa comme elle avait commencé, dans un bruit de pas claquant sur les dalles froides. Lome fut menée à ses appartements. Les affaires qu’elle transportait sur ses deux chevaux furent montées jusque dans sa chambre. Seuls le vieux boiteux et un jeune homme d’une vingtaine d’années s’étaient présentés pour l’aider. La main-d’œuvre manquait dedans, et, à en croire l’état des champs, manquait aussi au-dehors.

Alors que la nuit se glissait doucement jusqu’au sommet du Dwimorberg, Lome sortit d’une boîte un pigeon qui battit des ailes en retrouvant un peu d’espace. Dans un roucoulement peiné, il chercha à se libérer de la main qui lui retenait les pattes. Lome se saisit du petit étui en métal qu’elle avait scellé un peu plus tôt et l’attacha à l’animal. Une fois lâché, le pigeon prit un peu de hauteur et fila en direction du Lamedon et des régions plus à l’est. La jeune femme ôta le masque qui lui cachait le visage et commença à le nettoyer pour en ôter la poussière. Celle des geôles gondoriennes, celle des chemins montagneux, celle des morts. Le petit Nast, le bel Hans, le grand Olson. Il lui avait fallu faire bien des tours et des détours pour atteindre ce dernier, au cœur même de la cité blanche. C’est qu’il avait été bien gardé. Elle sourit à part elle. Ils avaient réussi en fin de compte, c’était tout ce qui comptait. Et son ami lui était venu en aide, en temps et en heure. Elle s’en étonnait encore. Un drôle d’oiseau lui aussi.
Sujet: L'oiseau de proie
Nathanael

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Rechercher dans: Les Geôles   Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'oiseau de proie    Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 23 Aoû 2018 - 12:52
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L’odeur de moisi avait fini par disparaître, celle de la sueur aussi. Seuls persistaient, de temps à autre, des relents d’urine et de merde. Celles des hommes et des rats. Ils courraient sur les dalles de pierre, projetant au cœur de l’obscurité le bruit de leurs griffes, un cliquetis rapide et précipité, le bruit d’une course effrénée de miettes en miettes, de trou en trou, de cellule en cellule. Ils étaient les maîtres des lieux, les seuls véritables qui occupaient la forteresse depuis des millénaires et qui l’occuperaient encore, sans doute, quand les hommes auraient disparu. Des maîtres secrets et humbles qui ne réclamaient qu’un faible dû, une redevance misérable arrachée à coups de dents. Elle avait pris l’habitude de les entendre à toute heure se glisser le long des hauts murs noirs. Elle n’en avait plus peur, sauf quand il venait se glisser contre elle sur sa paillasse. La surprise lui arrachait alors un cri et elle se débattait comme une furie pour les repousser plus loin. La chasse aux rats était la seule réelle occupation de ses journées sans lumière, la seule qui lui rappelait ses chasses nocturnes avec Noce. Elle parvenait quelques fois à dormir. Mais le manque d’activité n’entraînait aucune fatigue et le sommeil lui échappait souvent. Ne lui restait plus alors qu’une vague torpeur dans laquelle se fondre pour faire disparaître l’attente.

Depuis le printemps son ami était passé la voir plusieurs fois. Elle n’était jamais prévenue de ses visites, mais comment aurait-il pu en être autrement quand les gardes eux-mêmes ne savaient pas qu’il était là ? Seule l’essence subtile qu’il portait sur lui la mettait sur le qui-vive. Une odeur de buis, de terre humide et de sous-bois buissonneux. À pas feutrés ils descendaient les longues marches qui menaient jusque dans les geôles, effleurait les murs et signalait sa présence dans un murmure : « Le serviteur du Grand Chasseur t’appelle ». Du fond de sa cellule elle se glissait elle-même jusqu’à la porte pour tendre l’oreille. Elle ne parlait jamais. Il était convenu qu’elle tapote simplement contre le bois du bout des doigts pour signaler qu’elle l’avait entendu. Il en avait été ainsi quatre, ou peut-être cinq fois. Elle n’était pas sûre du compte. Le temps semblait se déformer dans les profondeurs de la Cité Blanche. Elle ne savait pas si les visites se passaient en journée ou pendant la nuit. Aucune lumière ne filtrait jusque dans cette partie des geôles. Les gardes descendaient avec des torches qui lui brûlaient les yeux, la forçant à plisser les paupières. Ils déposaient de quoi la sustenter et repartaient aussitôt. Ils la méprisaient et ne lui adressaient jamais la parole. Aucun d’eux ne savait vraiment pourquoi elle se trouvait là. Son ami avait pris soin de faire courir de troubles rumeurs à son sujet afin qu’on ne la moleste pas. Elle lui faisait confiance.

Le monde extérieur lui parvenait par bouquets accrochés aux tenues des gardes. Le tissu de leur tunique n’avait jamais la même odeur. S’il faisait beau, elle pouvait sentir l’odeur chaude du soleil sur leurs vêtements. Quand il pleuvait, on sentait davantage la transpiration et leurs odeurs corporelles. Certains se lavaient plus que d’autres. Ils étaient quatre à se relayer dans la semaine pour lui servir ses repas. Elle ne connaissait pas leur nom, mais elle les reconnaissait distinctement aux bruits de leurs pas et au fumet qu’ils laissaient derrière eux. Elle n’avait jamais vraiment vu leur visage, ils restaient trop peu de temps pour lui permettre de les observer et ses yeux, trop habitués à la pénombre, ne parvenaient pas à discerner nettement les couleurs et les formes quand ils descendaient la voir. L’un d’eux aimait l’alcool, un peu plus que de raison. Il était descendu une fois en titubant et avait presque renversé son repas sur le sol en se baissant pour le poser. Il devait être corpulent et moins aguerri aux armes que les autres, car il descendait les escaliers doucement et ne les remontait jamais sans ahaner comme une bête de labour. Tant qu’il était en service, elle devrait l’éviter. Ce n’était pas la bonne cible. Trop lourd, trop solide. S’il venait à l’attraper, elle ne pourrait pas lui échapper. Son choix s’était porté sur un autre garde, plus vieux. Sa peau avait l’odeur rance des vieilles personnes qui mijotent trop longtemps dans les mêmes vêtements. Son haleine en disait long sur l’état de sa dentition et les quantités de viande qu’il absorbait. Le poste de gardien des geôles était sans doute le seul qu’il pût encore occuper dans l’armée. Elle avait encore du mal à estimer sa force, car il passait les escaliers sans souffrance. Il ne claudiquait pas à la descente et remontait sans broncher. Une épée tintait à sa ceinture, la maille cliquetait sur son torse, mais il ne portait pas de métal aux mains et aux pieds. Ses chausses avaient l’odeur du cuir et elle n’avait jamais entendu le fer grincer ou tinter quand il se penchait. C’était autant de place pour percer la peau et mordre la chair.

Toutes ses pensées étaient tournées vers l’instant de sa fuite. Son ami lui viendrait une dernière fois en aide, puis elle devrait se débrouiller seule pour quitter le palais des rats et gagner celui des hommes. Tout serait prêt au moment de sa sortie. Le maître ne devait pas être déçu. Elle le craignait autant qu’elle l’appréciait. Il ne lui ferait jamais de mal lui-même, il n’en avait ni la force ni la capacité. Mais son bras droit… Un bras armé puissant et destructeur, implacable. Une autre pensée lui vint. Pire que le bras était la main. Une main aussi puissante que la gueule enflammée d’un dragon, aussi brûlante, aussi terrible, aussi rouge. Ils n’étaient pas censés se retourner les uns contre les autres. Ils travaillaient ensemble, dans un seul et même but. Mais elle ne faisait confiance à aucun d’entre eux. Comment pouvait-il en aller autrement ? L’appât du gain et du pouvoir ne pouvaient pas s’enticher d’amitié et de relations sincères. Leur loyauté ne valait que le pesant sac d’or qu’on leur offrait et les armes qu’on leur avait fournies. Soit une loyauté quasiment indéfectible, il fallait l’avouer. Où se trouvaient les autres à cette heure-ci ? Elle n’en savait rien elle-même. Son ami ne la tenait pas au courant de ces choses-là et sans doute n’en savait-il rien lui-même. Seuls les maîtres du jeu savaient où se trouvaient leurs pions.

Adossée au mur froid de sa cellule, elle enroula davantage les couvertures puantes autour de ses épaules. Elle se sentait nue sans son armure, mais elle savait où la trouver quand elle sortirait. Tout n’était plus maintenant qu’une question de patience. C’était la raison pour laquelle on l’avait choisi elle, et pas un autre. Attendre ne l’effrayait pas, l’obscurité ne l’effrayait pas. La nuit était son domaine qu’elle parcourait en reine sans craindre quiconque. Ses protégés l’attendaient au-dehors et lui viendraient en aide. Commencerait alors une chasse nocturne, haletante, comme elle les aimait. Sa proie ne la verrait pas venir et elle pourrait étendre vers elle ses serres pour l’étreindre et la tuer.
Sujet: Mieux vaut prévenir que guérir
Nathanael

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Rechercher dans: Les Champs du Pelennor   Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Mieux vaut prévenir que guérir    Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 24 Juil 2016 - 12:38
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- Par Morgoth que c’est efficace…

Un nouveau sourire se dessina derrière l’armure qui lui couvrait partiellement le visage. Le capitaine venait de sombrer à ses pieds. Hans revint sur ces entrefaites et fit un signe de tête à la Dame. Apparemment, la question de la jeune femme était réglée. La Dame donna à Hans la seconde fiole qu’il avait récupéré plus tôt dans la cellule, certaine qu’il s’agissait du même poison. Les choses intéressantes commenceraient plus tard, leur véritable victime n’était pas dans cette pièce.

- Hans, tu sais ce qu’il te reste à faire. Ne me déçois pas.

Il y avait une telle menace dans cette dernière phrase que le soldat eut un moment d’hésitation avant de se saisir de la fiole et de ressortir. Il disparut par la porte et personne, hormis la Dame, ne savait quel était le but de cette nouvelle mission.

- Et bien cher maître Drulion, je fus ravie de faire votre connaissance. Je sais bien quels sentiments peuvent animer votre cœur à mon égard. Le commun des mortels en ferait tout autant. Mais je vous demanderai une chose néanmoins. De réfléchir, un peu. Tant que vous le pouvez… vous avez le sentiment que j’ai tué des innocents. Mais êtes-vous certains qu’ils l’étaient vraiment ? L’êtes-vous, vous-mêmes ? Leur mort était nécessaire, c’es tout ce qu’il est bon pour vous de savoir. Un dessein bien plus grand se dessine aujourd’hui autour de nous, et il ne tient qu’à vous d’en faire partie ou d’en être exclu.

Elle marqua une petite pause afin de s’assurer que ses propos avaient bien été entendus et assimilés. L’obscurité commençait à peine à couvrir le monde au-dehors mais la nuit ne tarderait pas à ensevelir tous leurs petits secrets.

- Ho, rassurez-vous, ne pas participer à ce dessein n’implique pas d’être mort. Mais sachez qu’il existe des états de soumission et de perversion qui sont bien pire qu’une fin rapide et brève.

Il y eut des bruits de pas précipités dans le couloir, rapides et nombreux. La Dame se retourna doucement, eut un sourire las et fit un signe de tête énigmatique envers Drulion. Ses yeux bleu-gris avaient le reflet du métal et on pouvait y lire une ferme détermination.

- Nos amis sont à l’heure. Je vous souhaite une bonne soirée maître Drulion.

Des hommes en armes, de véritables gardes cette fois, pénétrèrent dans la pièce l’épée à la main. Parmi eux se trouvaient Hans. Il désigna la Dame du doigt, l’air mauvais et aucun échange entre eux ne put laisser deviner qu’ils se connaissaient.

- C’est elle, la femme maudite !

Les soldats s’emparèrent d’elle sans ménagement et lui passèrent les fers. La Dame ne fit rien, elle ne chercha pas à fuir pas plus qu’à échapper à l’étreinte douloureuse du métal autour de ses poignets. La résignation imprégnait ses traits, mais il était impossible de deviner si elle était feinte ou réelle. L’un des gardes la poussa au-dehors en lui appuyant la pointe de son épée dans le dos, contre les écailles scintillantes de son armure bleue. La Dame se soumit et avança, quittant les lieux funestes des geôles. Une bien étrange rencontre… Hans fit libérer le médecin et accompagna le cortège à l’extérieur. Des chevaux piétinaient le sol de leurs fers, attendant impatiemment qu’on leur lâche la bride pour prendre le galop. Mais ce n’était pas une course poursuite qui s’annonçait. La marche serait longue et pénible jusqu’à la Cité Blanche pour ramener la captive. On mit la Dame en selle, les poignets attachés dans le dos. Sa monture n’avait pas de bride mais un simple licol que tenait un garde en dextre. Hans donna des ordres ici et là, d’une voix forte et puissante. Les chevaux prirent le pas et les quelques soldats qui étaient arrivés subitement partirent avec leur prisonnière. Hans demeura en retrait afin de délivrer un dernier message au médecin. Bien des questions restaient en suspens entre les deux hommes. Il sortit un objet de ses fontes et le tendit à Drulion

- En remerciement de vos services…

Son regard était indescriptible mais un sourire s’esquissait sur ses lèvres fines. Qui était-il vraiment ? L’objet qu’il tendit à Drulion était une fiole remplie d’un liquide aux reflets d’ambre et d’or. Le nez du médecin ne tarderait pas à reconnaître le parfum du vin blanc du Dorwinion… quoi qu’il fût sans doute trop pauvre pour en avoir jamais bu une seule fois dans sa vie. Un sigle bizarre était gravé sur la petite bouteille, un trait large comme un accent circonflexe surplombé par un simple rond. Rien d’extravagant ni de très recherché. Mais c’était bien la première fois que le médecin voyait ce signe sur une bouteille d’alcool.

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- Ne cherchez pas à nous retrouver guérisseur. Vous avez eu assez de chance de survire à la Dame, je ne tenterai pas le sort une seconde fois si j'étais vous.

Et sans plus rien ajouter, Hans talonna son cheval et rejoignit le petit groupe qui s’avançait au milieu du village pour rallier la large piste qui menait à Minas Tirith. Bien des interrogations flottaient dans le nuage de poussière qu’il laissa derrière lui.

Sujet: Mieux vaut prévenir que guérir
Nathanael

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Rechercher dans: Les Champs du Pelennor   Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Mieux vaut prévenir que guérir    Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 6 Mar 2016 - 16:44
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Les ombres s’étiraient paresseusement au pied des bâtiments comme des eunuques aux pieds de leur maîtresse. La journée avait été étouffante. Les mouches vrombissaient encore aux dernières heures de l’après-midi, agaçantes. Le marché avait laissé son lot de déchets dans les rues ou quelques mendiants tendaient des mains avides pour attraper des restes de poissons, de viandes ou de fruits pourris. Dans les geôles, le corps de Nast était toujours étendu dans la même position, pâle et rigide. Sa peau commençait à s’étirer sous la pression des gaz et l’odeur qui émanait de son cadavre était irrespirable. Ses yeux laiteux étaient assiégés par tous les insectes du village, si bien qu’il était à peine possible de reconnaître encore l’adolescent au sang vif de la veille. La nuit n’avait été qu’attente et doutes. La nouvelle journée qui s’achevait n’avait vu personne venir. Drulion et la femme avaient été laissés pour compte au fond du cachot, aucun garde n’était venu, pas plus Hans que le capitaine. La Dame était un souvenir brumeux. Tandis que le soleil déclinait et passait les hauts sommets du Mordor, le claquement de bottes sur le pavé se fit entendre. Une clef tourna dans une serrure, les gonds grincèrent, et trois personnes apparurent dans l’encadrement de la porte.

- Bien le bonsoir maître Drulion.

La Dame portait toujours son armure bleue aux reflets d’acier et son capuchon couleur de sable. Les écailles luisaient étrangement à la lueur des torches qu’allumaient Hans, comme si elles avaient été huilées récemment. Le regard de la Dame balaya la pièce, et elle pinça le nez lorsqu’elle perçut l’odeur nauséabonde qui étouffait les lieux.

- Par Eru, enlevez-moi ça d’ici tout de suite. Quelle idée de laisser un corps sans sépulture avec une chaleur pareille. Capitaine, vous êtes décidemment un abruti sans cervelle. Nul besoin de rajouter à l’inconfort de nos invités. Vous êtes un rustre sans manière. Dépêchez-vous de m’enlever ça d’ici et ramener ce qu’il faut pour assainir l’air.

Son ton était glacial et sans réplique. Le capitaine vira au rouge cramoisi et il retourna dans la pièce principale pour ordonner à ses hommes de dégager le cadavre. L’un des soldats vomit en s’approchant du corps. Ils n’avaient pas même pensé à se couvrir le visage de linge parfumé. Il fallut de longues minutes pour dégager le corps de Nast et ramener des coupelles remplies à la va-vite de thym ou de romarin arrachés ici ou là dans un jardin proche.  Quand l’air redevint plus respirable, la Dame se tourna de nouveau vers Drulion et sa protégée.

- Avez-vous réalisé ce que je vous ai demandé maître Drulion ?

Elle planta ses yeux d’azur dans ceux du médecin tout en faisant un geste de la main à Hans. Le soldat entra dans la cellule en tenant son épée, sur ses gardes, et se saisit de deux fioles en verre qui se trouvaient sur la petite table. La couleur de leur contenu était identique. La Dame regarda avec attention les deux objets en verre comme s’il s’agissait du plus précieux des trésors, se tourna vers le capitaine et lui accorda un sourire qu’on devinait derrière son masque.

- Vous avez été à la hauteur de mes attentes capitaine. Je n’aurai pu espérer mieux de votre part. Hans avait été formel sur ce point, vous êtes prêt à tout pour satisfaire vos ambitions. Mais il vous faudra faire preuve d’un plus grand sacrifice encore en ce jour si vous souhaitez que je tienne ma parole.

Le capitaine se tourna vers Hans qui tenait toujours son épée à la main, sauf que la pointe de sa lame était maintenant sous la gorge du gradé. La surprise envahit son visage tandis que la Dame lui tendait une des fioles.

- A votre santé mon cher !


L’ironie était portée à son comble. Le capitaine avait la main tremblante tandis qu’il se saisissait de la fiole. Il faillit en renverser le contenu tandis qu’il portait la main à la bouche, mais Hans lui rappela hâtivement que s’il ne mourrait pas empoisonné, il aurait tôt fait d’être embroché comme une vulgaire pièce de viande. Le capitaine chercha à implorer la Dame, perdant son ton hautain et la confiance démesurée qui l’accompagnait de coutume.

- Ma Dame, vous aviez promis !
- Je tiens toujours mes promesses capitaine. Et j’ai promis que j’assurerai un avenir gracieux à votre fils. Je n’ai jamais dis que vous faisiez parti de cet avenir. Allons, ne faites pas de sottises et ne soyez pas si peureux. Pensez-donc à votre descendance. Il vous sera plus douloureux ma foi, de vivre alors que votre enfant n’est plus de ce monde, n’est-ce pas ?


La terreur enflamma brutalement le regard du capitaine. Sa main ne cessa de trembler jusqu’à ce qu’il bût la dernière goutte du poison. Il ne s’effondra pas immédiatement et demeura debout, agité par la peur plutôt que par les spasmes. Pour le moment du moins. Des pattes d’oie apparaissaient au coin des yeux de la Dame, signe d’une jubilation extrême, mais il était difficile de le dire.

- Hans, libérez-là je vous prie. Elle en a assez vu.

Hans entra de nouveau dans la cellule, repoussant Drulion contre le mur du fond. Il attrapa la jeune femme brutalement par le bras. Le capitaine n’osa même pas bouger pendant ce temps, encore abruti par le coup du sort qui venait de s’abattre sur lui. Qu’aurait-il pu faire après tout ? Risquer de se battre contre la Dame et Hans … savourer sa victoire quelques minutes ou quelques heures, puis mourir à son tour ? Il n’escompta aucune aide de la part du médecin, son esprit était trop étroit pour élargir ses horizons. La femme pleurait, sous le choc, apeurée et craintive. Mais la Dame se contenta de la regarder dans les yeux, la transperçant de son regard froid.

- Rentrez chez vous. Il ne vous sera plus fait aucun mal. Vous veillerez simplement à tenir votre langue jusqu’au petit jour, si vous souhaitez la garder dans la bouche et non la voir trembler au bout d’une pique.

La femme ne tenait debout que par la seul force de Hans. Il la força à se tenir sur ses jambes et la poussa dehors sans ménagement. Elle était affolée et perdue, et pour rien au monde, sans doute, elle n’aurait cherché à contrecarrer les plans de la Dame … elle tenait trop à son intégrité physique. Le capitaine la regarda sortir sans bouger. Il semblait tétanisé, comme si le fait de se maintenir immobile pouvait empêcher le poison de se dissoudre dans son organisme. Il commençait à être animé de tique et il suait à grosses gouttes. Mais peur ou poison, l’un et l’autre pouvaient être responsables de son état.

- Maître Drulion, vous serez libéré prochainement. Je vous le promets. Nous resterons ensemble le temps que le poison agisse. Quand le capitaine nous aura quittés, de quelque manière que ce soit, je vous laisserai sortir. Et vous serez libre d’aller où bon vous semble. Je saurai toujours où vous trouver de toute façon.

Et elle dit cette dernière phrase avec tant d’assurance qu’elle semblait effectivement avoir un tel pouvoir.
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Nathanael

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Rechercher dans: Les Champs du Pelennor   Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Mieux vaut prévenir que guérir    Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 7 Oct 2015 - 10:28
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Nast se tenait aux barreaux comme ces créatures étranges venues du Sud que l’on voyait quelques fois dans les troupes de saltimbanques. Un singe bien dressé aux yeux exorbités, intrigué, aux babines retroussées sur un sourire mauvais qui révélait une dentition imparfaite. Le jeune homme regarda le médecin, indécis, avant de faire un pas en arrière pour ne pas se faire éclabousser. Plein de mépris il mit un coup de pied contre le barreau et s’écarta pour ne pas se faire mouiller les chausses. Ce médecin était comme son père et les paysans de son village, plein de principes et de bons sentiments, assoiffés par la tranquillité plutôt que par la gloire ou les grandes actions. Nast se tint au fond de sa cellule pour éviter de rencontrer de trop près l’asticot de Drulion qu’il agitait dans tous les sens pour lui faire cracher sa dernière goutte. Le capitaine quant à lui n’avait pas bougé d’un pouce. Il ne tenait pas à obéir à un moins que rien, un pion sans envergure aux manières mal dégrossies. Quand à la femme, elle n’avait toujours pas dis un mot de plus, se contentant d’observer les allées et venues du prisonnier, proie d’un piège dont il ne cernait pas les contours. Derrière son masque se dessinaient les prémices d’un sourire, les petites rides autour de ses yeux s’étirèrent en laissant deviner un amusement froid.

- Il n’est pas dans mes manières de demander quoi que ce soit maître Drulion. J’ai pour coutume d’exiger que l’on m’obéisse et non point de m’abaisser en prières pour que l’on réponde ensuite à mes attentes.

Le capitaine eut une mine déconfite lorsque Drulion réitéra sa demande, mais plus encore quand la dame exigea de lui qu’il s’y soumette.

- Ne nous retarde pas.

L’homme en armure fit une grimace et serra les dents pour ne pas outrepasser ses prérogatives. Il n’était nullement préparé à être tenu au collier et mené en laisse comme un vulgaire mâtin. La dame n’avait-elle donc pas demandé qu’il l’accompagne pour être son second jusqu’au bout de cette première mission ? Il monta les marches le plus rapidement possible et disparut par les lourds battants qui menaient à la caserne. Nast quant à lui attendait simplement que les choses se passent. Il ne connaissait pas tous les tenants et aboutissants de l’affaire. Il était curieux d’en apprendre plus.

- Le pouvoir n’est pas mon domaine, il exige trop de temps et de réflexions inutiles, futiles.

De nouveau, un sourire glacial conquit son visage et alluma une flamme glacée dans ses yeux. La dame se tut un moment, placide, en attendant le retour du capitaine qui dévala l’escalier dans un grand bruit de ferraille. L’homme tenait une chope pleine.  A travers les barreaux, il la tendit à Drulion en évitant bien de rentrer en contact avec lui. Il craignait les gueux comme la peste, leurs mœurs douteuses et leur hygiène aléatoire le répugnaient profondément. La dame demeurait immobile, d’une sérénité implacable. Elle maintenait son regard de cristal sur Drulion sans ciller.

- Inutile de vous dire que vous n’aurez rien en récompense si ce n’est la vie sauve et une liberté … conditionnelle.

La dame laissa tomber ce dernier mot comme on se débarrasse d’une serpillère salle. Liberté, un bien grand mot qui n’avait guère de signification à ses yeux, un concept fort pour exciter les foules et les grands esprits. Une coquille vide de sens pour ceux qui avaient un peu plus de clairvoyance.

- Je ferai en sorte de vous fournir l’essentiel dans la soirée. Le poison ne doit pas laisser de traces détectables lors d’une éventuelle dissection ou de toute autre étude poussée sur un cadavre. Pas d’odeur forte, pas de couleur étrange. Ne cherchez pas l’originalité, soyez efficace. J’aviserai ensuite de ce qu’il adviendra de vous.

Et sur ces mots, elle se tourna vers le capitaine à qui elle murmura quelques paroles qui redonnèrent le sourire au soldat. Quand à Nast, il se rapprocha des barreaux, un peu inquiet. La femme s’apprêtait à quitter les lieux quand il la héla avec désespoir, osant un sourire cajoleur pour obtenir ce qu’il voulait.

- Ma dame ! Vous oubliez de me libérer. Capitaine ! Voudriez-vous bien m’ouvrir la porte je vous prie ?

La dame tourna à peine la tête, exprima un soupire las, et répondit d’un ton parfaitement neutre au jeune garçon.

- Un grand merci à toi jeune homme.

Puis elle s’en alla. Le capitaine, quant à lui, s’approcha de la porte, sortit une clef et ouvrit la lourde grille à Nast. Le jeune garçon exultait, l’aventure et l’argent lui ouvraient leurs bras généreux, et la somme que lui avait alloué la dame lui permettrait de débuter une nouvelle vie loin de la misère paysanne où il avait grandi. Mais la nouvelle expérience qui s’offrit à lui était des plus inattendues. A peine eut-il fait un pas qu’il sentit le contact du métal glacé dans son flanc, une douleur lancinante étreignit son ventre et il eut un gémissement étouffé en découvrant un flot pourpre s’écouler de son abdomen et mouiller sa chemise. Il regarda le capitaine avec une surprise pleine de désespoir et d’incompréhension. Le soldat le repoussa dans le fond de sa cellule où Nast s’effondra, recroquevillé sur sa douleur, appuyant comme il le pouvait sur la plaie béante qui vomissait un flot de sang continu. Le jeune garçon pleurait, incapable de retenir sa courte vie qui lui échappait, répandue sur la dalle froide en un flot mortel. Il était incapable de prononcer le « Pourquoi » qui lui brûlait les lèvres. Il se tourna vers Drulion, le regard plein de peine et de remords tandis que le capitaine refermait la cellule avec un sourire satisfait. Ce dernier jeta un coup d’œil plein de mesquinerie au médecin et referma les portes derrière lui. Les remerciements de la dame étaient amers.
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Nathanael

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Rechercher dans: Les Champs du Pelennor   Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Mieux vaut prévenir que guérir    Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 16 Sep 2015 - 10:57
Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! Lome_a10 Tag dame sur Bienvenue à Minas Tirith ! Nast_a10

- Avec moi ?

Le sourire de Nast s’étira encore plus dans l’obscurité carcérale. Derrière les larges barreaux de métal, il était horrifiant. La candeur de la jeunesse avait laissé place à un masque perfide et tourmenté.  La pâleur de son visage faisait froid dans le dos, et il semblait encore plus maigre que les jours précédents.

- Ce n’était pas uniquement avec moi qu’il s’agissait de s’allier. Mais la Dame sait se faire comprendre, et quand elle veut quelque chose, elle l’obtient.

Le plan dont parlait Drulion n’était pas l’œuvre du jeune gondorien dont l’esprit, quoi que motivé par l’appât du gain et la gloire, n’en demeurait pas moins celui d’un enfant de son âge, imparfait et trop simple. Nast n’était pas seul dans cette affaire. Du moins c’est ce qu’il laissait supposer. Mais le garçon n’en était plus à sa première esbroufe, et il était fort possible qu’il cherchât à abattre ses dernières cartes pour se sortir une mauvaise épine du pied. Drulion était pris au piège. Nast était derrière les barreaux – mais était-il réellement prisonnier ? N’était-il pas plutôt un leurre ? Le capitaine étrange, froid et sans âme, qui l’avait accueilli plus tôt, qui était-il ? Etait-il seulement capitaine ? Aux franges du royaume, d’étranges choses avaient lieu. Les escapades nocturnes de Nast avaient-elles été si innocentes ? Pourquoi revenait-il si souvent au petit matin, l’œil fatigué et terne, griffé par les ronces et harassé par une longue course ? Tant de questions sans réponses. Mais ce ne fut pas le jeune homme qui brisa le silence. Quelques minutes après l’incarcération de Drulion, le capitaine pénétra dans la partie réservée aux prisonniers, un sourire étirant le coin de ses lèvres, fier comme un paôn. Quelques mètres derrière lui suivait une femme. L’individu portait une longue capuche beige. Un masque aux formes étranges et aux contours bleus couvrait la partie basse de son visage.  Elle portait une armure élaborée où des plaques coulissantes se juxtaposaient les unes aux autres comme une longue suite d’écailles cobalts. Elle se plaça face aux grilles qui donnaient sur la cellule de Drulion, révélant un regard aussi froid qu’un lac de montagne azuré. Nast ne semblait plus tenir en place et regardait avec avidité la scène qui se coulait sous ses yeux.

- Bonjour maître Drulion.

La voix de la femme se déformait à cause du masque qui lui couvrait la bouche, elle était un peu plus grave que ce à quoi on pouvait s’attendre, et vibrait dans l’air d’une bien étrange façon. Le capitaine à ses côtés se tenait tel un chien de garde, les yeux brillant d’une loyauté indéfectible et prêt à sauter sur le premier bâton qu’on lui lancerait. C’en était presque pitoyable. Nast s’était quant à lui rapproché des barreaux, appuyé contre eux nonchalamment, son sourire s’étirant d’une oreille à l’autre. Il semblait trouver ce moment particulièrement jouissif. La femme reprit la parole tandis que Drulion se levait à peine de sa couche.

- Vous vous doutez certainement que votre venue en ces lieux n’est pas anodine. Nast est un impitoyable conspirateur, et s’il est également entre ces barreaux, ce n’est pas de bon cœur.

Nast s’esclaffa. L’assurance exubérante qu’il manifestait ne le rendait que plus niais et son sourire devenait agaçant. La Dame en bleu continua ses explications sereinement, ne manifestant aucune émotion. Elle ne semblait rien trouver d’amusant ou d’excitant en la situation présente, se contentant d’énoncer ses propos dans un calme glacial.

- Nous souhaitons que vous nous rendiez un petit service. Rien de bien important. Il vous faudra être un peu imaginatif, mais je suppose que cela ne vous posera pas problème. Les plantes et les poisons sont, je crois de votre domaine.

Elle darda son regard impénétrable sur le médecin, attitude claire qui manifestait que Drulion Mede n’était pas tellement en position de négocier.
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