Emelyne n’avait accepté cette entrevue que parce qu’elle précédait une réunion du Cercle. Elle ne pensait pas que Vipère la tuerait dans sa propre demeure alors que ses hommes patientaient dans la salle d’à côté et il semblait bien qu’elle ait eu raison. Malgré tout, son associé, qui avait retiré le tissu qui lui recouvrait habituellement le visage, ne semblait pas ravi. Elle ne lui fit pas l’offense de lui demander pourquoi. Elle se doutait bien que son implication dans le meurtre de Méneï et la présence des haradrims dans la cité serait révélée tôt ou tard mais elle préférait le laisser porter ses accusations afin de ne pas trop en dire. A vrai dire, elle aurait pensé qu’il serait plus furieux qu’il ne l’était.
- Te rends-tu bien compte de ce que tu as provoqué ?
- J’ai protégé mes intérêts ainsi que les tiens. Tu avais autant à bénéficier de la mort de Méneï que moi.
- Je me fiche bien de la mort de Méneï. C’était un idiot, utile certes, mais je reconnais que nous sommes parfaitement capables de gérer notre commerce sans lui. Tu n’aurais pas dû le faire tuer derrière mon dos cela dit.
- Le faire tuer ? Mais je m’en suis chargée moi-même.Elle avait dit cela sans dissimuler la fierté et le plaisir qu’elle avait ressenti en prenant cette vie. Elle avait toujours trouvé que la violence des hommes n’était pas justifiée mais elle n’avait jamais eu l’occasion d’essayer. Jusqu’à l’arrivée dans sa vie de Vipère et de Sinove qui avaient décidé de la laisser tuer l’assassin d’Elgyn. Ce n’est que là qu’elle avait compris la jouissance extrême que pouvait ressentir les hommes en prenant une vie. Avoir du pouvoir sur les autres. Elle avait enfin compris totalement le sens de cette expression.
- Et quand as-tu prévu de m’éliminer à mon tour ? Je sais parfaitement que tu emploies Sinove en ce moment et je n’ai aucun mal à imaginer pourquoi.
- Penses-tu vraiment que si je lui avais ordonné de te tuer tu serais encore en vie ? Je ne l’ai engagée que pour ma protection.
- Je n’ai pas l’intention de t’éliminer. Et si tu avais réfléchi un peu avant de te lancer dans cette entreprise inconsidérée avec les trafiquants haradrims, tu aurais compris aussi que ce n’est pas dans ton intérêt. Si nous sommes en guerre aujourd’hui c’est par ta faute.Emelyne ne se donna pas la peine de répondre. Elle ne pouvait que reconnaître que les conséquences de son marché avec cette traînée de Jovia leur étaient plus que défavorables. Néanmoins elle se devait d’essayer. Elle savait qu’elle ne serait jamais tranquille tant qu’elle travaillerait avec Vipère. Elle avait désormais compris que son mouvement était prématuré mais elle ne regrettait pas pour autant sa décision.
- Nous n’avons pas d’autre choix que de détruire définitivement nos concurrents. Alors, et alors seulement, nous reparlerons de l’avenir de notre association.
- Et que ferais tu sans moi ? Si je disparais, je prendrais soin de détruire les listes de nos clients. Des clients très fortunés que tu auras du mal à contacter par toi-même vu que tu n’es qu’un vulgaire soldat, Mardil.
- Et si je viens à disparaître, que leur vendras-tu ? Les haradrims ne travailleront plus avec toi désormais et tu n’as aucun contact à l’est. Et laisse-moi te dire que si je meurs, mes associés à l’est ne te vendront plus jamais rien.
- Nous sommes donc condamnés à travailler ensemble.
- C’est exact. Alors je te suggère de stopper les manigances et de commencer à jouer franc jeu avec moi. Je vais donner l’exemple : Jovia est désormais mon agent infiltré chez les haradrims. A la prochaine réunion de leurs membres nous attaquerons et nous les détruirons.////////////
La réunion touchait à sa fin. Nos hommes étaient désormais sur le qui vive, sachant que nous passerions à l’action très bientôt.
Emelyne et moi étions apparus plus soudés que jamais, ce qui avait eu pour effet de les rassurer. Je me demandais à quel point ils se doutaient que tout n’était que comédie. Je ne pensais pas qu’
Emelyne cesserait jamais de vouloir se débarrasser de moi. Elle ne serait satisfaite que lorsqu’elle serait seule aux commandes. J’étais toujours abasourdi de la façon déconcertante qu’elle avait eu de m’avouer le meurtre de notre associé. Il ne restait pas une trace de la femme craintive qu’Elgyn m’avait fait rencontrer quelques mois auparavant. Je commençais sérieusement à me demander si je n’avais pas créé un monstre. Un monstre qui risquait fort de me dévorer un jour prochain. Il m’était impossible de la contrôler et donc de lui faire confiance. Remonter un nouveau réseau disposant d’une telle clientèle serait un processus long et difficile. Il me fallait bien admettre que je ne pouvais me passer d’elle pour le moment.
Au moins nous étions sur la même longueur d’onde concernant les haradrims. Leur élimination pure et simple était notre meilleure carte à jouer. Ainsi nous prouverions à tous ceux qui voulaient s’installer à Minas Tirith que c’était impossible sans l’accord du Cercle. Je sortais à peine de la villa d’
Emelyne lorsque je repérais des pas derrière moi. Je fis volte face et me rendis compte qu’il s’agissait de Lasseau. Il n’avait aucune intention hostile mais semblait vouloir discuter avec moi.
- Je croyais que vous deviez nous débarrasser de cette catin et non vous acoquiner avec elle.
- Surveille tes paroles. Je t’ai promis que je ferai la lumière sur la disparition de Méneï et qu’elle aurait ce qu’elle mérite mais tu dois comprendre que nous avons plus urgent à régler pour le moment.
- Avez vous au moins réussi à réunir des preuves contre elle ?
- Et depuis quand as tu besoin de preuves ? Je pensais que ton intime conviction te suffisait. C’est le cas en ce qui me concerne.
- Vous la pensez coupable ?
- Et quand bien même serait-elle innocente, quelle importance ?
- Je mettrais ma main au feu qu’elle est tout sauf innocente.Je faillis lui répondre que c’était déjà fait dans mon cas mais le sens de l’humour n’était pas la qualité première de l’ancien lieutenant de Méneï. Et je devais m’avouer que c’était là une blague de très mauvais goût.
- Nous avons trop besoin d’elle et de ses hommes pour l’heure. Mais je peux te garantir qu’elle a déjà signé son arrêt de mort. Si tu veux être aux premières loges lorsque cela arrivera, tâche de m’obéir au doigt et à l’œil ces prochains jours.Lasseau hocha la tête en silence et tourna les talons. Je repris mon chemin de mon côté en me disant que j’allais devoir ajouter un cadavre de plus à ma liste sitôt mes ennuis actuels résolus.
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2 jours plus tardCela avait été encore plus rapide que je ne le croyais. Jovia avait pris contact avec moi quelques heures plus tôt et nous nous étions rencontrés. Elle était plus que nerveuse, terrifiée aurait été plus approprié. Néanmoins elle m’avait fourni les informations que je lui avais demandées. Les haradrims seraient tous réunis le lendemain soir dans une demeure abandonnée d’Osgilliath. Toute la troupe au grand complet serait là, soit une quinzaine d’hommes ainsi que les deux chefs. J’avais aussitôt prévenu
Emelyne afin que nos hommes se réunissent le soir même. L’un des bordels les plus miteux de la cité nous servirait de lieu de rendez-vous. Il ne me restait plus qu’à prévenir Sinove mais ni
Emelyne, ni moi ne savions comment la contacter.
Cependant j’avais eu le temps de réfléchir depuis ma dernière rencontre avec elle et les pièces du puzzle commençaient à se mettre en place. Je savais qu’un officier de l’armée avait des doutes sur moi et qu’il avait engagé une jeune fille très douée pour me suivre. Je savais également que Sinove ne travaillait pas seule dans la cité blanche. Et enfin la jeune fille en question m’avait furieusement fait penser à la tueuse à la cicatrice dans sa façon extrêmement prompte de se libérer de mon étreinte. De là à en conclure qu’elle travaillait aussi pour le temple sous les directives de Sinove il n’y avait qu’un pas.
Je comprenais bien les conséquences que cela entrainait pour moi. Si l’officier en question voulait utiliser la voie légale, les informations qu’il avait tirées de Sinove ne pourraient pas être utilisées telles quelles mais elles pouvaient le guider sur ma piste. Si il ne souhaitait pas passer par la voie officielle en revanche, alors ma prochaine rencontre avec Sinove serait peut être la dernière. Cependant je devais avouer qu’avoir la jeune tueuse à mes côtés dans l’expédition contre les haradrims serait un atout de poids. Et je pensais que Sinove accepterait un dernier contrat avant de chercher à me nuire. L’occasion pour moi de frapper alors qu’elle ne s’y attendait pas ?
Je n’avais pas encore la réponse à cette question mais si mes suppositions étaient bonnes alors j’étais probablement sous surveillance. Je me dirigeais donc vers une ruelle déserte et attendis quelques minutes. Rien ne semblait indiquer que j’étais suivi mais j’avais la certitude d’être épié.
- Dis lui que Scorpion et Vipère ont besoin de son aide. Dans deux heures au bordel d’Irvink.Si j’étais suivi, ma fileuse ne fît pas l’erreur de se montrer à découvert, ni même de me laisser deviner sa présence. Elle apprenait rapidement et ne commettrait pas deux fois la même erreur. Si Sinove était bien présente à la réunion de ce soir, alors j’aurais visé juste. Mais peut être n’étais je qu’un espion paranoïaque qui parlait à voix haute dans le noir.
!!!!!!!!!!!!!
Il s’avéra en fin de compte que je n’étais pas paranoïaque. Lorsqu’
Emelyne et moi fîmes notre apparition, Sinove était bien là. Elle se tenait très droite comme à son habitude et avait pris place dans le fond de la salle, au plus près de la sortie. Alors que tous nos hommes étaient réunis, un cercle vide l’entourait, comme un halo malsain autour d’une pestiférée. Au moins, ces hommes étaient assez intelligents pour se rendre compte que leur vie était menacée s’ils approchaient trop près de cette forme sombre et inquiétante parmi eux.
La réunion fût de courte durée. Le plan n’était pas très compliqué. Lasseau, moi-même et une douzaine d’hommes nous rendrions à la réunion des haradrims par la porte principale. Les hommes d’
Emelyne, soit une vingtaine d’hommes armés en plus, passeraient par l’entrée latérale. La quinzaine d’haradrims réunis dans la vieille bâtisse n’aurait pas la moindre chance, en infériorité numérique et ne s’attendant pas à être attaquée. Nos hommes sortirent après avoir reçu leurs instructions et
Emelyne et moi attendîmes que Sinove vienne nous parler. Nous avions réuni assez d’argent à nous deux pour que ce contrat soit intéressant à ses yeux. Et
Emelyne devait lui annoncer que le contrat pour sa « protection » était terminé. J’avais préféré cette solution à celle d’éliminer la tueuse par surprise. J’essayais de me convaincre que c’était parce qu’elle était moins risquée mais au fond, je ne souhaitais pas lui faire du mal. J’avais toujours cette impression que nous étions liés l’un à l’autre et, si cette connexion me laissait perplexe, elle n’en était pas moins puissante.
Quant à l’implication de la tueuse dans l’affrontement du lendemain, je la laissais seule juge du groupe qu’elle souhaitait rejoindre. Elle serait de toute façon létale quelque soit l’endroit d’où elle surgirait.
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Assise seule dans son salon privé,
Emelyne pensait que l’entretien de ce soir avec Sinove s’était bien passé. Elle n’était pas convaincue qu’elle leur soit utile dans l’affrontement tant les chances étaient en défaveur des haradrims mais elle s’était rendue aux arguments de Vipère. N’empêche que la somme demandée avait été une fois de plus exorbitante. Elle ne comprenait pas bien la réticence du jeune homme à l’idée de se débarrasser de la tueuse. Elle n’avait pas les mêmes scrupules.
Elle reconnaissait que Sinove avait des capacités qui pouvaient leur être utiles mais elles pouvaient aussi bénéficier à leurs ennemis. C’est pourquoi elle n’avait pas hésité à demander à ses hommes d’éliminer la tueuse une fois les haradrims massacrés. Il était plus prudent de se retirer cette épine du pied avant que l’infection ne se propage.
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Le lendemain soir- La réunion est presque terminée, ils s’apprêtent à bouger.Je hochais rapidement la tête en direction de Lasseau. Il allait régulièrement surveiller l’avancée de la réunion en attendant que je me décide à donner un ordre. Tous les hommes étaient tendus et se demandaient si j’allais leur ordonner de se retirer ou si nous allions combattre quand même. Nous avions maintenant presque une heure de retard sur l’horaire programmé de l’assaut et ni les hommes d’
Emelyne, ni Sinove n’étaient au rendez vous.
Je me creusais la tête pour essayer de comprendre ce qu’il s’était passé. Avaient ils décidé de me trahir ? Cela n’avait aucun sens. Tout ce que je savais c’était qu’une occasion comme celle-ci ne se représenterait pas deux fois. Il fallait que je prenne une décision tout de suite ou alors il serait top tard.
- En formation tout le monde ! Le moment est venu !J’avais conscience que c’était risqué mais nous avions l’effet de surprise pour nous et j’avais besoin d’une victoire ce soir. Il me fallait plus que tout alléger ma liste d’ennemis. C’était à mes yeux la meilleure solution. Sauf que rien ne se passa comme prévu…
A peine entré dans la salle, je compris que quelque chose n’allait pas. Il ne s’agissait pas d’une réunion. Les haradrims étaient tournés face à l’entrée et leurs armes étaient dégainées. Les flèches volèrent avant que je ne puisse prévenir qui que ce soit. Je sus alors que j’avais été trahi.
Emelyne ? Sinove ? Je n’aurais su le dire mais je ne voyais pas ce qu’elles auraient eu à y gagner. Je me jetais à terre et j’eus le temps d’apercevoir Jovia ligotée sur une chaise et bâillonnée. Je compris alors qui était la personne qui m’avait trahi. Lasseau avait passé la soirée à espionner les haradrims. Il avait forcément dû voir la situation dans laquelle se trouvait Jovia et que les trafiquants sudistes se tenaient prêts à attaquer. Je me retournai alors précipitamment juste à temps pour voir l’épée de Lasseau voler vers moi. Je roulai sur le côté et le coup me manqua de justesse.
J’analysai rapidement la situation. Lasseau avait regroupé des hommes autour de lui. En effet deux anciens employés de Méneï qui nous accompagnaient avaient tirés leurs armes contre nous. L’issue de l’affrontement ne faisait plus aucun doute mais je me relevai, dégainai mon épée et me précipitai vers Lasseau. La fureur décupla mes forces et je le heurtai de plein fouet. Je savais maintenant que la mort m’attendait mais je ferais en sorte de ne pas partir seul. Lasseau se releva promptement et repartit à l’attaque. J’esquivai sa passe suivante, inconscient du chaos qui régnait autour de moi et me concentrant uniquement sur mon adversaire. Tout se passa alors très vite. Il s’élança de nouveau vers moi et j’esquivais le coup facilement en me jetant en avant afin de me retrouver derrière lui. Il eût à peine le temps de se retourner et de lever son épée que je lui tranchai la main qui tenait son arme. Il tomba à genoux en hurlant et le coup suivant lui fendit le crâne en deux.
Je ne perdis pas de temps à savourer ma victoire car les haradrims étaient bien plus nombreux que nous avec la trahison de trois des nôtres plus la mort de tous ceux qui étaient tombés avec la première volée de flèches. Trois hommes m’encerclèrent et j’avais le plus grand mal à les garder devant moi. Il m’était impossible d’attaquer car leurs assauts étaient parfaitement coordonnés et sitôt que je bloquais une attaque je devais en éviter une autre. Mais au moment même où je parvins à désarmer l’un de mes adversaires, je le vis regarder derrière moi. La dernière chose que je vis fût le pommeau d’une épée lancé à toute allure vers ma tête.
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Quelques heures plus tôtTous les yeux étaient rivés sur Prentiss. Malgré le nombre conséquent de soldats fort occupés à la défense de la Cité Blanche en cette période critique, c’est près d’une soixantaine d’hommes qu’on lui avait allouée. Le général Cartogan ne se souvenait que trop des mois sanglants qui avaient précédés cette période de calme, lorsque les trafiquants de drogues s’étaient livrés une guerre sans merci. Et il allait sans dire qu’il ne souhaitait pas que cette situation se reproduise. Sans preuve pour inculper Mardil, les chefs de Prentiss avaient refusé l’arrestation du jeune traître. Par contre, lorsqu’il leur avait dit qu’il pouvait leur livrer les chefs de l’organisation haradrims ainsi qu’un témoin qui pouvait identifier formellement le chef du Cercle, ils n’avaient pas hésité à lui faire confiance. La capture de Mardil en plus de celles des autres responsables serait un bonus personnel. La preuve à tous ceux qui avaient douté de lui qu’il avait vu juste depuis le début.
C’est pourquoi il se rendrait personnellement à cette réunion que les chefs haradrims organisaient à Osgilliath, avec à ses côtés une trentaine d’hommes. Il savait qu’il y capturerait la grande majorité de ses cibles. Il tenait donc à rappeler à ses hommes lesquelles étaient prioritaires.
- Vous avez sous les yeux des portraits des personnes en question. Cette femme, Jovia, est votre objectif numéro un. Il est primordial de lui faire quitter la zone de combat le plus vite possible. Elle est la seule à pouvoir témoigner contre les chefs du Cercle. Si elle venait à mourir, tous nos efforts seraient réduits à néant.Son plan reposait sur la capture de son indicatrice car elle seule leur fournirait un témoignage contre
Emelyne. Lorsqu’elle l’avait contacté pour lui donner le lieu et l’heure du rendez vous, elle lui avait expliqué en détail les menaces qu’elle avait subies. Elle n’avait pas pu voir le visage de « Vipère » mais elle avait largement de quoi incriminer
Emelyne. Cependant Prentiss ne doutait pas que Mardil ferait parti des assaillants ce soir et il s’arrangerait pour le prendre sur le fait.
- Ces deux hommes, Hassem et Nérim, sont les chefs des trafiquants haradrims. Il faut, dans la mesure du possible, que vous les attrapiez vivants afin qu’ils subissent la justice du Roi. Il se tourna vers son officier en second.
- Harpaut, vous êtes en charge de la deuxième équipe. Votre objectif est cette femme, Emelyne Salanda. Vous vous rendrez à sa villa afin de l’arrêter pour vente de drogues, intimidation, parjure dans l’affaire Mirallan et assassinat. D’après nos sources, elle est protégée par de nombreux hommes. Si elle refuse de vous suivre de son plein gré, vous avez carte blanche afin de l’y forcer.Il ne lui restait plus qu’un détail à régler. Il avait raconté aux soldats qui avaient vu son étrange employée que c’était une criminelle qu’il tentait de manipuler afin d’obtenir des aveux. Ces derniers n’avaient eu aucun mal à le croire tant elle inspirait peu confiance. Jusqu’alors il ne savait pas trop ce qu’il convenait de faire d’elle. Après tout, elle lui avait apporté les informations demandées et même s’il répugnait avoir à travailler avec une criminelle, il était plus ou moins décidé à la laisser partir si elle promettait de ne plus remettre les pieds à Minas Tirith. Puis Jovia lui avait décrit la femme qui l’avait torturée.
Le fait de savoir qu’elle travaillait avec Vipère lui avait fait un choc. Il n’était désormais plus question de la laisser en paix. S’il pouvait toujours la faire arrêter pour association de malfaiteurs et enlèvement, elle en savait trop sur lui. Non, il fallait l’inculper d’un crime si horrible que tout le monde se retournerait contre elle. Et il avait justement ce qu’il fallait. Le meurtre des Dunarion avait durablement choqué les habitants de la capitale. On pouvait même aller jusqu’à dire que c’était cet événement qui avait déclenché la purge à Minas Tirith. Jamais les officiers de l’Arbre Blanc n’avaient eu un tel soutient populaire depuis les jours du Roi Elessar. Or les responsables de ces crimes odieux avaient pour toujours échappé à la justice du Roi, tués lâchement par des concurrents (lesquels s’apprêtaient à payer chèrement leur ambition dévorante). Et voilà que le destin lui avait envoyé l’un de ces monstres. Il ignorait si la jeune femme avait fait parti de l’expédition contre les Dunarion mais elle était de toute façon de connivence avec les meurtriers.
- Enfin, je vous demanderai à tous de bien étudier ce dernier portrait. Des copies en seront distribuées sous peu à l’ensemble de l’armée régulière et placardées dans toute la ville. Cette femme, aisément reconnaissable à cause de cette cicatrice qui lui barre le visage, est également impliquée dans le commerce illicite des précédentes cibles. Mais elle est surtout la dernière survivante des meurtriers ayant commis le massacre de la famille Dunarion. Pour l’honneur de tous les habitants de Minas Tirith, elle mérite d’être traduite devant la justice du Roi. Soyez sur vos gardes, elle est extrêmement dangereuse. Dès cet instant, chaque habitant, chaque personne résidant dans la Cité Blanche doit nous avertir immédiatement à la moindre de ses apparitions. Messieurs, je compte sur vous pour qu’elle ne quitte jamais cette cité./////////////
Lorsque j’ouvris les yeux j’avais horriblement mal à la tête. Je sentais la fine croûte de sang séché qui partait de ma tempe gauche et je grimaçais lorsque j’essayais de me redresser. J’avais les mains liées devant moi, ainsi que mes jambes, et je reposais à même le sol. Le tissu qui me recouvrait le visage avait disparu. Je tournais la tête vers mes geôliers qui discutaient sans me prêter la moindre attention.
- Nous devrions partir.
- Non pas tout de suite. Il faut d’abord que nous obtenions des informations.
- Je pense qu’elle nous a dit tout ce qu’elle savait.Cette affirmation fût suivie du bruit sourd d’un corps qui s’écroule. Jovia était à terre et sanglotait doucement. Sa lèvre était fendue et elle arborait un énorme œil au beurre noir, probablement l’œuvre de Nérim qui avait l’air passablement furieux. J’en compris rapidement la raison à la vue du bain de sang qui m’entourait. Tous les hommes qui étaient venus avec moi étaient morts, aussi bien les trois traîtres que ceux qui m’étaient restés fidèles. Mais les haradrims avaient aussi subi de lourdes pertes car ils n’étaient plus qu’une dizaine et qu’Hassem n’était plus des leurs. Je souris un instant en voyant le cadavre de ce dernier. J’avais échoué mais je n’étais au moins pas ridicule dans la défaite.
- Mais nous n’avons plus d’informateur désormais. Nos assaillants auraient dus être plus nombreux. Les hommes de la maquerelle pourraient attaquer à tout moment. Et Jovia ne sait clairement rien à ce sujet.
- Nous avons quelqu’un d’autre qui pourrait nous renseigner, sussura Nérim.
Les deux hommes se tournèrent vers moi et je soutins leur regard. S’ils espéraient me faire parler, ils risquaient fort d’être déçus. Et d’une car j’aurais préféré mourir que de leur révéler quoi que ce soit et de deux, car je n’avais pas la moindre idée de ce qui avait pu arriver à
Emelyne et ses hommes. J’espérais toujours qu’ils allaient venir me délivrer mais s’ils avaient dus être là ce soir, ils se seraient déjà manifestés.
- Vous voulez me torturer ? Libre à vous. Mais ce temps sera perdu pour vous lorsque le reste de mes troupes débarquera.
- Il n’a pas tort Nérim. Nous ne savons pas pourquoi ils ne sont pas là. C’est peut être un piège.
- Ou alors son associée juge plus utile de se débarrasser de lui…
- Dans ce cas, elle attaquera bientôt et fera d’une pierre deux coups. Quoiqu’il se passe désormais, vous êtes condamnés.
- J’admire les fanfaronnades des désespérés. Mais vous marquez un point. Rester ici serait trop dangereux. Et vous torturer serait une perte de temps. Si vous mourrez ce soir, j’aurais déjà gagné la partie. Emelyne ne pourra rien faire sans vous et nous l’éliminerons en temps utile. Jhaz, tranche lui la gorge pendant que je me charge de la traitresse. J’entendis à peine le cri que poussa Jovia à cette remarque, concentré uniquement sur le poignard que tendait le dénommé Jhaz qui se rapprochait de moi. Et alots que je pensais ma dernière heure arrivée, un grand fracas retentit en provenance de la porte principale et des hommes armés firent irruption dans la pièce. Je repris espoir un instant mais celui-ci disparut lorsque je reconnus l’uniforme des soldats de l’Arbre Blanc. Les haradrims se déportèrent vers cette nouvelle menace et deux d’entre eux foncèrent vers moi. J’avais déjà attrapé le poignard que je gardais caché, maintenu en place près de ma cheville, mais je n’aurais pas le temps de trancher mes liens.
Mais ce n’était pas moi qui les intéressai. Ils s’emparèrent de Jovia avec une rapidité déconcertante et lui firent quitter le bâtiment. Je profitais de ce court laps de temps pour couper les liens qui me retenaient prisonniers. Je ne fis pas l’erreur de chercher à me battre et tournai les talons en direction de la porte latérale. Jovia ne connaissait pas mon identité alors si je partais maintenant, elle ne pourrait m’incriminer. J’avais presque atteint la sortie lorsqu’un cri retentit derrière moi.
- MARDIL !!Je reconnus la voix avant même de me retourner. Prentiss. J’avais enfin l’identité de la personne qui était après moi ces derniers temps mais il n’y avait nulle raison de s’en réjouir. Maintenant que les hommes présents m’avaient reconnu, je ne serais plus en sécurité nulle part. Je ne souhaitais pas pour autant abandonner le combat tout de suite mais pour tenter de me battre demain, il me fallait fuir tout de suite.
Je franchis la porte à tout va, conscient que les soldats du Gondor s’étaient lancés à ma poursuite. A chaque battement effréné de mon cœur, la douleur de ma tête devenait plus vivace mais si je ralentissais rien qu’un instant, c’était ma mort assurée. Mes poursuivants perdaient du terrain sur moi car j’avais l’avantage de ne pas porter d’armure mais ils étaient beaucoup plus nombreux et ils finiraient immanquablement par me barrer la route. Aussi, dès que j‘arrivais en vue de l’Anduin, je plongeais dans les eaux noires, me dissimulant ainsi aux yeux de mes poursuivants.
!!!!!!!!!!!!!!
Je grelottais dans mes vêtements trempés mais je ne m’arrêterais que lorsque j’aurais trouvé un abri sûr. J’avais essayé de quitter la cité mais les accès étaient gardés. Je me réfugiais alors dans l’une de très nombreuses demeures abandonnées d’Osgilliath. C’était l’avantage majeur de la cité. La fouiller de fond en comble prendrait un temps considérable et de très nombreux hommes. Pour l’heure je voulais juste réfléchir à ma situation et aux choix qui s’offraient à moi.
J’avais été trahi deux fois ce soir. Si Lasseau avait eu ce qu’il méritait, je jurais de me venger de Jovia, qui nous avait doublé, aussi bien ses employeurs qu’
Emelyne et moi. Je comprenais mieux maintenant l’absence des hommes de l’ancienne prostituée.
Emelyne était soit morte soit en prison à l’heure actuelle. Quant à l’absence de Sinove, je ne pouvais l’expliquer. M’avait-elle vendu à Prentiss ? Ou était-elle aussi en danger ?
Ma couverture était désormais inutile. D’ici au lendemain, tous les soldats de l’Arbre Blanc seraient à ma poursuite. Je n’avais qu’un seul endroit où me rendre. Car si j’étais condamné, il me fallait le voir une dernière fois.