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Sujet: Les artefacts sont éternels.
Ryad Assad

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Rechercher dans: Les Prairies   Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Les artefacts sont éternels.    Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 15 Aoû 2016 - 12:51
Les cavaliers du Rohan avaient chevauché avec ardeur et courage, bravant la fatigue qui pourtant se répandait insidieusement dans leurs veines, comme un poison invisible qui rongeait leurs forces. Ils étaient parfaitement conscients de traquer des individus d'une rare violence, des voleurs et des tueurs qui n'hésitaient pas à se séparer de ceux qui, parmi eux, ne servaient plus fidèlement leur cause. Avec une brutalité sans nom, ils laissaient des victimes innocentes dans leur sillage et poursuivaient leur route de carnage au nom d'un but qui laissait songeur. Pourquoi ? Pourquoi faire tout cela, prendre autant de risques, engager autant de moyens ? A qui avaient-ils l'intention de vendre les armes qui avaient été dérobées chez Asthrabal le Bourgeois, marchand de Lossarnach ? Car ils avaient forcément l'intention de les vendre, ces armes… Pas de les utiliser pour eux-mêmes. Si ?

Cela semblait avoir assez peu d'importance, finalement, car la petite troupe continuait sa progression malgré tout. Les dissensions internes, les conflits de pouvoir et d'ego qui émaillaient leur quotidien, rien ne semblait pouvoir les détourner de leur mission première. Ils étaient peut-être en désaccord sur de nombreux points, mais ils étaient au moins unis par le désir de mettre un terme aux agissements de ces bandits. Les empêcher de quitter le Rohan était leur priorité, et elle surpassait toutes les querelles qui pouvaient exister entre eux. Alors, quand ils avaient découvert le corps de leur compagnon, la plupart des combattants n'avaient pas pu dissimuler leur rage. Cette affaire était devenue personnelle, et ils entendaient bien venger le jeune Meden. Le malheureux n'avait pas vu assez de printemps pour finir ainsi, gisant sur les immenses plaines du Riddermark, défiguré au point que ses parents n'auraient pas pu reconnaître ses traits. Les brutes qui lui avaient infligé ça avaient désormais derrière eux les soldats les plus motivés et les plus déterminés de tout le royaume.

Ils avaient repris la chasse, tirant sur leurs montures, les poussant dans leurs derniers retranchements pour essayer de gagner du terrain sur ces hommes invisibles qui les narguaient à l'horizon, en leur laissant des indices macabres, comme s'ils les provoquaient, les mettaient au défi de parvenir à les rattraper un jour. La course poursuite les menait toujours plus vers l'Ouest, et à chaque heure qui passait les bandits se rapprochaient de leur échappatoire. Ils galopaient à un rythme soutenu, et de toute évidence entendaient s'échapper par la Trouée du Rohan en profitant de la confusion. Une armée ne pouvait s'y engouffrer sans être repérée et stoppée, mais un petit groupe rapide n'aurait aucun mal à prendre de vitesse les éclaireurs. Le temps qu'ils rejoignissent la forteresse de l'Isengard où se retranchait le Roi Fendor, que les Eored se missent en ordre de bataille, et qu'elles fondissent sur leurs talons, ils seraient peut-être déjà en vue de Tharbad. Et alors, il ne serait plus possible de poursuivre la traque.

Ils auraient gagné.

La cavalcade se poursuivit ainsi des heures durant, mettant les organismes des hommes et de leurs montures à rude épreuve. Penchés sur l'encolure de leurs vaillants chevaux, écrasés par le poids de leur armure et de leur envie de tuer, certains somnolaient tandis que l'avant-garde ouvrait l'œil, à la recherche de la moindre trace. Starfol ne semblait pas capable de se reposer et de laisser sa place à quelqu'un d'autre, conscient que sans ses capacités de traqueur, la compagnie risquait de suivre une mauvaise direction et de sceller définitivement la victoire de leurs adversaires. Il scrutait le sol avec une attention renouvelée, puisant en lui-même des forces insoupçonnées. Mais même lui n'était pas tout puissant.

Lorsque les traces semblèrent s'estomper devant leurs yeux, la faute au sol qui refusait de coopérer et de leur livrer les empreintes de leurs proies, la compagnie avait cessé temporairement la poursuite, décidant d'envoyer des éclaireurs pour observer les alentours. Il était raisonnable de croire que les bandits avaient continué tout droit, mais il fallait toujours se méfier de l'évidence, et faire preuve de prudence. Tous s'étaient alors divisés le travail équitablement, et s'étaient éloignés du plateau en essayant de repérer des signes que les bandits étaient passés par là. Il y en avait quelques unes. Ici, des pierres qui avaient bougé quand une monture avait pris appui sur une aspérité friable. Là, de rares brins d'herbe fraîchement piétinés par de lourdes bottes de cuir. Mais quelque chose ne collait pas. Les traces s'étendaient dans toutes les directions, et les différents groupes ne manquèrent pas de les repérer, comme si on avait volontairement voulu les perdre. Comme si, se sachant poursuivis, les bandits avaient cherché à les leurrer. Mais ce n'étaient pas les traces qui étaient à prendre en compte. C'était ce que l'on ne voyait pas, mais que l'on pouvait sentir. Partout. Une odeur clairement identifiable pour qui avait déjà eu l'occasion d'y être confronté. Et Théomer, tout comme Starfol, ne purent que l'identifier.

De l'huile.

De l'huile à brûler.

Une silhouette s'avança devant Théomer, sortant d'une cachette improvisée, tenant à la main une arme qui dans d'autres circonstances aurait paru bien ridicule. En l'occurrence, la menace qu'elle représentait était bien réelle. L'homme, apparemment seul, s'avançait avec confiance en brandissant une torche. Une simple torche. De là où il se trouvait, seul son sourire était visible. Un sourire carnassier, de pure satisfaction, pour ne pas dire d'extase. Il se pencha, et lorsque la flamme vive toucha le sol apparemment normal, celui-ci s'embrasa comme par enchantement. Une langue de feu d'une hauteur spectaculaire jaillit de la terre, et fonça droit vers Théomer en rugissant comme le tonnerre. Elle allait bien trop rapidement pour la contourner, d'autant que les flammes se séparaient, commençant à former un cercle autour des cavaliers. Tout autour des Rohirrim, d'autres hommes, d'autres torches, mais le même piège qui se refermait avidement. Les montures ne purent que paniquer devant cette menace extraordinaire. Ceux qui ne surent pas maîtriser leur compagnon équidé furent jetés au sol sans ménagement, tandis que leur fier destrier s'enfuyait en bravant les flammes. Rarement ils s'en tiraient indemnes, et avant que le cercle ne fût complètement refermé, les guerriers purent voir l'un d'entre eux, la crinière et la queue en flamme, ruer et hennir de crainte et de douleur. La souffrance de ces nobles animaux chers au cœur du peuple du Riddermark était insoutenable.

Les autres Rohirrim n'eurent d'autre choix que de se replier dans le plus grand désordre au milieu du cercle de flammes, lequel continuait de leur réserver des surprises. De nouveaux murs brûlants paraissaient converger vers le centre, et se déployer en étoile afin de mieux séparer les soldats du Roi les uns des autres. Ils ne voyaient pas l'huile, invisible, soigneusement répandue sur le sol avant leur arrivée. De fait, ils ne pouvaient jamais prévoir avec certitude la trajectoire que prendrait tel ou tel mur, se contentant de réagir aussi rapidement que le leur permettaient leurs réflexes ou la maîtrise qu'ils avaient de leurs montures. La plus grande confusion régnait parmi les combattants piégés, car la situation venait de basculer en un clin d'œil. Prédateurs une seconde auparavant, ils étaient devenus la proie de bandits bien mieux organisés, mieux préparés et plus déterminés qu'ils auraient pu le supposer. Des bandits menés par un homme qui, à l'extérieur du cercle, observait tout cela avec beaucoup d'attention.

- Ignus, le plan a parfaitement fonctionné !


L'intéressé hocha la tête, sans montrer autre chose qu'une satisfaction contenue. Ses pièges étaient une merveille et lui, le Prince Amarante, ne se lassait jamais de voir ses ennemis se retrouver à sa merci, soumis à une chaleur étouffante qui devait leur donner envie de jeter leurs armures à terre et de s'enfuir. Mais nul, animal ou homme, ne pouvait franchir ses murs de flammes. L'instinct ne pouvait pas être combattu, et il commandait à toute créature vivante de s'écarter de la force ultime, capable de tout détruire, de tout remodeler, de tout éradiquer. Rien ne résistait aux flammes. A ses flammes. L'huile qu'il utilisait pour les ériger, il la confectionnait lui-même, et elle brûlerait assez longtemps pour les mettre à terre s'ils se débattaient trop. La chaleur, le manque d'air, la sensation de leurs armures incandescentes sur leur peau… voilà qui les détruirait lentement.

- Le chargement est parti comme prévu, c'est bien. Les autres restent en position. Nous allons finir ça rapidement.

Les flammes auraient pu achever les cavaliers du Rohan, certes. Toutefois, Ignus était pressé. La mise à mort de proies piégées devait être une formalité, et il ne tirait aucun plaisir à faire durer cette étape décisive. Il leva une main impérieuse, gantée de rouge, et simultanément ses compagnons brandirent leurs arcs en direction du cercle. A l'intérieur, les cavaliers devaient réfléchir, s'appeler, tenter de mettre en place un plan. Le Prince ne pouvait que prendre en pitié ces pauvres êtres voués à mourir. Sans céder à la colère qui souvent déformait ses traits, il abaissa le bras en prononçant un seul commandement.

La première salve s'éleva en sifflant, avant de plonger vers les Rohirrim. Chevaux et hommes furent criblés également, sans préférence. Les tireurs ne cherchaient même pas à viser. Ils se contentaient de pilonner la zone, écrasant les guerriers sous une douche d'acier. Ils n'étaient pas assez nombreux pour les massacrer, mais à l'usure, ils finiraient bien par les décimer. La seconde salve suivit, puis la troisième, et ainsi de suite sans discontinuer.

Étrillés. Cloués.

Piégés.

Et toujours Ignus, royal, se délectait de cette simple parole :

- Feu.
Sujet: Car le Mal ne se repose jamais
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Palais   Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Car le Mal ne se repose jamais    Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 13 Mai 2015 - 13:58
HRP : Désolé pour le retard, et aussi pour la qualité ! Je l'ai écrit entre deux partiels, et fini aujourd'hui seulement... J'aurais voulu faire mieux, mais au moins il a le mérite de faire avancer les choses. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à m'envoyer un MP ^^. A bientôt ! /HRP

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#Ignus

L'épisode de la réanimation du noble jeta un froid parmi les gardes, qui paraissaient ne pas comprendre. Ils étaient des soldats d'élite, ils étaient des guerriers entraînés et compétents, mais ils s'étaient trompés. Ou plutôt, tout le monde ici paraissait s'être trompé. La Mage avait commis une erreur, eux-mêmes avaient réagi avec un emportement qui n'était que le reflet de leur profonde inquiétude. Et comment ne pas les comprendre ? Ils étaient la fine fleur de l'armée du Gondor, mais ils avaient été dupés par un homme potentiellement dangereux, qui se promenait au milieu des plus importants dignitaires du Royaume Réunifié. Le Roi Aldarion, son épouse, les nobles éminents d'Arnor, ainsi que la famille royale du Gondor, les hauts dignitaires qui venaient leur rendre visite. Tous ceux-là étaient exposés car un seul individu avait réussi à se faufiler à travers leur système de défense pourtant infaillible. Chacun, dans la pièce, avait failli à sa mission. Ils devaient remercier les Valar d'avoir su réagir aussi rapidement, et d'avoir mis en sûreté ceux qui devaient l'être. A présent, les principales cibles que pouvaient attaquer d'éventuels assassins étaient sous bonne garde, et le demeureraient jusqu'à ce que toute cette affaire fût éclaircie. Le Capitaine avait compris son erreur, et compris que les Eldar cherchaient autant que lui à mettre la main sur le coupable. L'intervention d'un de ses soldats l'aida en ce sens, naturellement, mais il avait déjà pris sa décision en voyant l'Elfe s'approcher de lui, en observant ses yeux ravagés par l'incendie. Le pauvre se tenait bien droit, insensible à la douleur qu'il devait éprouver, mais les fumées âcres et non naturelles dégagées par les flammes l'avaient cruellement atteint. Le criminel avait dû utiliser un produit spécifique qui avait rendu les flammes voraces et dangereuses, sans quoi Voronwë Amnel, Héraut d'Imladris, n'aurait pas été atteint à ce point.

Le quittant du regard, le Capitaine revint à la magicienne. Celle-ci le dévisageait avec un air supérieur propre à sa race qu'il n'appréciait pas du tout. Elle se croyait supérieure à lui, elle et ses pouvoirs non naturels. Toutefois, il devait bien reconnaître qu'elle serait un atout précieux dans la traque de ce misérable. Il préférait cependant la savoir loin des personnes qu'il avait la charge de protéger, car il n'était pas serein de la savoir si proche des monarques. S'il lui prenait l'envie de les agresser, qui parviendrait à l'arrêter ? D'une voix aussi glaciale que celle qu'elle avait utilisé à son encontre, il répondit :

- Nous traquerons et nous trouverons cet homme, faites-moi confiance. Mais à une seule condition : n'utilisez plus vos sortilèges au sein de la Cité Blanche. Votre jugement est peu clair, et vous avez bien failli tuer un homme innocent aujourd'hui !

Au fond, on était en droit de se demander si le Capitaine n'aurait pas préféré que le noble mourût. Au moins, comme ça, il aurait eu tout le loisir de faire incarcérer Sighild, et de mettre hors d'état de nuire la menace incontrôlable qu'elle représentait. Naturellement, l'officier était un homme loyal et bon, qui n'aurait jamais souhaité qu'elle telle chose arrivât. Cependant, il gardait en travers de la gorge l'attitude fort peu diplomate de la jeune femme, et sa propension à utiliser ses pouvoirs pour obtenir ce qu'elle voulait. C'était là l'attitude belliqueuse de ceux qui un jour rejetaient même l'autorité naturelle des Rois pour tenter de gouverner à leur place. Il n'en avait aucune preuve, mais il savait qu'un jour, elle franchirait la limite, que sa magie lui ferait perdre la tête et qu'elle commettrait un acte irréparable :

- Vos mystérieux pouvoirs sont une menace pour l'ensemble de la Cité Blanche, et quand toute cette histoire sera réglée, je rendrai personnellement un rapport à mes supérieurs pour les informer de la situation vous concernant…

La menace était claire. Le cas de Sighild serait étudié très attentivement, et si elle voulait éviter de s'attirer d'autres ennuis, il lui faudrait faire preuve de tact et de prudence. Dans cette affaire, la brutalité n'amènerait rien de bon. Le Capitaine se détendit légèrement, et leur lança en rengainant son épée :

- En attendant, nous devons collaborer. Suivez-moi, nous devons découvrir ce que ce brigand a fabriqué.

Il s'écarta pour les laisser passer, à la fois par courtoisie, mais également parce qu'il préférait toujours être en mesure de garder un œil sur eux. Il ne savait pas de quoi ils étaient capables, et il y avait eu trop d'éléments étranges aujourd'hui pour qu'il leur fît confiance aveuglément. Ils étaient certes des alliés, mais des alliés qu'il valait mieux conserver éloignés. Au moment où la jeune femme passa devant lui, il lui adressa un regard peu amène, qu'elle nota certainement. Elle dut comprendre qu'elle ne s'était pas fait un ami en sa personne, mais qu'importait ? Ils devaient agir dans le bien de la Cité Blanche, peut-être pour le bien de la Terre du Milieu. Ce n'était pas le moment de se chamailler. Au moment où le Héraut passa, toutefois, le Capitaine l'arrêta d'un geste, et lui demanda :

- Vos yeux… On les dirait brûlés ! Appuyez-vous sur Simus, il vous guidera.

Un des soldats attrapa avec bienveillance la main de l'Elfe, et la posa sur sa propre épaule. Le vétéran millénaire n'aurait qu'à suivre le rythme pour suivre le chemin que le dénommé Simus emprunterait. Ils devraient simplement ne pas marcher trop rapidement pour ne pas le faire trébucher. Une fois ce détail réglé, ils remontèrent le couloir, suivant sans trop de peine l'odeur entêtante de la fumée, et écoutant l'affairement des soldats qui allaient et venaient, inquiets, perdus, perplexes. En arrivant sur les lieux, ils virent que l'incendie avait été maîtrisé. Les murs jadis blancs et immaculés étaient désormais noircis, à l'instar du sol et du plafond qui avaient cruellement souffert. De nombreux militaires étaient étendus sur la pierre froide et nue sur laquelle ils marchaient, gémissant de douleur, portant la main à leur visage. C'était un spectacle d'horreur, pareil à celui qu'on aurait pu voir sur un champ de bataille. Décidément, cet individu isolé avait fait beaucoup de dégâts, ça ne devait pas être n'importe qui… Plusieurs officiers étaient rassemblés, en pleine conversation, pendant que des hommes s'occupaient d'essayer d'ouvrir la porte qui s'était déformée sous l'effet de la chaleur, et qui était désormais scellée. Le Capitaine se dirigea vers ses pairs, suivi de près par les Elfes :

- Qui sont ces gens, Morens ? Ce n'est pas un endroit pour des civils étrangers !

- Ils peuvent nous aider, je pense. Ils étaient avec le malfrat à l'origine de l'incendie, ils ont vu son visage.

Les officiers se regardèrent, méfiants, avant de lancer :

- Et vous croyez que ramener précisément ceux qui se sont fait berner va nous aider ? Allons bon, Morens, vous perdez l'esprit ! Nous avons besoin de mener une enquête professionnelle, dites-leur de s'écarter.

Le Capitaine fit un geste en direction de Voronwë et Sighild, pour leur demander de rester calmes, et de le laisser parler. Intervenir maintenant n'aurait pas l'effet escompté, et ils n'auraient fait que braquer encore plus les Gondoriens. Non, s'ils voulaient avoir une chance de participer à la traque, ils devaient faire profil bas encore un peu.

- Mon Commandant, ils m'ont assuré que leur coopération ne nuirait pas à notre propre enquête, et qu'ils ramèneraient le prisonnier à nos hommes, le trouveraient-ils avant nous. Je comprends vos réticences, mais leur aide pourrait être précieuse.

Les officiers hésitèrent un bref instant, durant lequel on entendit distinctement un craquement net et brutal, celui d'un épais morceau de métal brisé par une pince de belle taille. La porte de la salle aux trésors venait de céder. Comme distrait par l'enjeu et la perspective de, peut-être, retrouver le criminel à l'intérieur de la pièce, le Commandant se retourna vers le Capitaine, et lui lança avec une certaine précipitation :

- Très bien, qu'ils fassent ce qu'ils veulent, mais qu'ils n'interfèrent pas avec nos procédures, et surtout qu'ils ne fassent aucune vague. Sinon, c'est sur vous que ça retombe.

Sur ces mots, il s'empressa de se diriger vers la porte, derrière une douzaine de fantassins qui attendirent que la porte fût à terre pour la piétiner et se déployer à l'intérieur de la salle, levant bien haut leurs boucliers. Morens se retourna vers Sighild et Voronwë, et les dévisagea avec un air entendu. Ils avaient tous deux compris qu'il avait mis en jeu son honneur et sa réputation auprès de ses supérieurs hiérarchiques pour leur permettre de mener l'enquête de leur côté. Il était presque inexplicable de voir ce comportement, alors que quelques minutes avant il paraissait souhaiter que la magicienne se trouvât à cent lieues de là : il fallait croire qu'il détestait davantage ceux qui menaçaient la sécurité du couple royal que les Elfes. Une chance pour les deux Eldar. Ils attendirent tous les trois devant la porte, qu'on leur donnât la permission de rentrer. Les gardes devaient d'abord fouiller tous les recoins, pour s'assurer que le misérable criminel ne se trouvait pas dans les parages, attendant qu'il n'y eût plus personne au dehors pour filer. Pendant que les hommes regardaient partout à l'intérieur, Morens posa un regard désolé sur les blessés qui l'entouraient. Il y en avait huit, qui paraissaient avoir les mêmes symptômes que le Héraut. Les yeux comme brûlés par la mystérieuse fumée, une douleur anormale. Eux, dont la nature humaine ne leur donnait pas la même résistance que les Elfes, semblaient en plus pris de vertiges et de maux de tête terribles qui ne leur permettaient même pas de tenir debout. Deux guérisseurs s'affairaient auprès d'eux, bien désemparés devant ce mal inconnu, mais surtout pas assez nombreux pour traiter tous ces patients. Il faudrait les transporter au plus vite aux Maisons de Guérison pour s'assurer qu'il était possible de les guérir. Le Capitaine nota que les deux Elfes parlaient entre eux, de toute évidence des yeux du Héraut. Il ne comprenait pas ce qu'ils se disaient dans leur langue, toutefois, et convint qu'il serait plus facile de les laisser en paix, et de se concentrer sur son travail.

On finit d'ailleurs par les inviter à rentrer, et ils ne se firent pas prier. A leur plus grande surprise, tout semblait parfaitement à sa place. La salle était très bien rangée, et chaque objet de grande valeur reposait dans une alcôve, les plus petits étant rangés dans des meubles qui paraissaient ne pas avoir été forcés. Les gardes continuaient leur inspection minutieuse, à la recherche du moindre indice, mais il ne semblait pas y avoir quoi que ce fût. Le voleur s'était volatilisé, et son butin demeurait un mystère. Il fallait dire qu'il était malin : au lieu de chercher à emporter le plus de trésors possibles, il avait dû jeter son dévolu sur un objet rare et précieux, de taille réduite, qu'il pourrait sortir facilement de la cité. Ce qui se trouvait ici n'avait pas de prix, et le moindre bijou pouvait assurer à un homme sa subsistance jusqu'à la fin de ses jours. Toutefois, c'était une prise bien modeste pour un cambrioleur qui avait monté un plan si ingénieux : d'ordinaire, les hommes de son acabit n'étaient pas du genre à faire preuve de mesure. La tromperie des Elfes, l'incendie… tout était trop bien orchestré pour un si faible résultat. C'était curieux.

Le Capitaine et les deux Eldar se tournèrent vers un soldat, qui vint leur présenter les quelques éléments qu'ils avaient pu dénicher. Il tenait à la main un élément métallique qui paraissait avoir été arraché à la porte lorsque celle-ci avait été ouverte. La face qu'il leur présentait était tordue, fondue, et il ne paraissait pas possible d'en tirer quoi que ce fût. Pourtant, il s'avança en leur disant :

- Mon Capitaine, mes seigneurs… Nous avons réussi à retrouver la serrure que le voleur a dû forcer pour entrer. Elle est… intacte.

Morens fronça les sourcils :

- Vous voyez bien que non, elle est toute biscornue.

- Pardon, mon Capitaine. Je voulais dire que le mécanisme est parfaitement intact à l'intérieur. On ne l'a pas forcée. Celui qui a ouvert la porte avait forcément la clé, ou au moins une réplique parfaitement exacte… ce qui est théoriquement impossible.

L'officier jeta un regard aux Elfes, qui paraissaient aussi intrigués que lui. C'était l'élément le plus troublant qu'ils avaient à leur disposition, et il était certain que le voleur ne l'avait pas laissé là par hasard. Il devait penser que l'incendie détruirait cette preuve aussi, mais elle avait échappé aux flammes car ils étaient arrivés à temps pour maîtriser la catastrophe. Un coup de chance inespéré !

- Théoriquement, dites-vous… Qu'en dit le Commandant ?

- Il a envoyé ses hommes interroger ceux qui disposent d'une clé du trésor royal. Mais personne ne veut étudier sérieusement la question d'un faussaire. Ils disent que nous n'avons aucun moyen de retrouver quelqu'un faisant ce genre de travail avec tout le monde qui se trouve à la Cité Blanche. Je pensais que vous pourriez peut-être vous pencher sur la question…

Le Capitaine s'empara de la serrure, qui était encore chaude entre ses doigts, et la fit passer aux Elfes, qui l'examinèrent attentivement. Du moins, la femme, car le Héraut paraissait ne pas y voir grand-chose, le pauvre. Après avoir renvoyé le soldat au travail, en le remerciant de son conseil, Morens se tourna vers ses deux compagnons, une mine sévère sur le visage :

- Vous allez pouvoir vous rendre utile. Ecoutez, un homme en uniforme n'obtiendra rien du tout de la part d'un faussaire qui a aidé à monter un tel coup. Il préférera risquer la prison que de vendre un client pareil, et ruiner sa réputation. Vous, par contre, vous n'êtes pas d'ici, et bien que vous soyez des Elfes, vous pouvez tout à fait vous faire passer pour des clients potentiels. Laissez traîner vos oreilles, et essayez de vous renseigner dans les endroits mal famés en vous faisant discrets. Dans le milieu, des gens capables de fabriquer ce genre de doubles sont peu nombreux, et je suis persuadé que vous mettrez rapidement la main dessus si vous y allez avec tact.

Il lança une œillade appuyée à Sighild, et surtout à son bâton qu'elle ne lâchait pas. La magicienne l'inquiétait au plus haut point, mais la perspective de pouvoir mettre la main sur un indice concluant était trop importante pour se laisser aller à de telles considérations. Il leur posa une main sur l'épaule, pour les prendre à part, formant un petit cercle :

- Si ce faussaire nous échappe, notre meilleure chance de retrouver le voleur et son butin disparaissent. Faites donc en sorte de rester concentrés. Oh, et tenez…

Il sortit un insigne en fer, frappé du blason de l'Arbre Blanc, un objet qui n'était pas mis entre toutes les mains en général. Il parut hésiter un bref instant, avant de consentir à le leur donner :

- Vous devrez peut-être procéder à l'arrestation du faussaire, s'il résiste. Si des gardes vous font des ennuis, présentez-leur ceci. Ils comprendront que vous êtes envoyé par moi, et ils vous escorteront sans faire de difficultés. Mais n'en abusez pas : il y a mon nom dessus.

Sur cet ultime recommandation, il les envoya en direction de la porte. L'enquête des deux Elfes ne faisait que commencer, et ils devraient plonger dans les bas quartiers de la cité, se mélanger avec des individus qui ne leur ressemblaient pas du tout. C'était le prix à payer pour obtenir des résultats, et c'était certainement la raison pour laquelle aucun militaire n'avait voulu accepter cette part ingrate et difficile du travail. Toutefois, Morens avait suffisamment confiance en eux pour les laisser partir seuls, et ils devaient tenter leur chance. Ne fût-ce que pour faire disparaître ce sourire du visage d'Ignus quand ils le retrouveraient… s'ils le retrouvaient un jour…
Sujet: Car le Mal ne se repose jamais
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Palais   Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Car le Mal ne se repose jamais    Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 18 Mar 2015 - 17:40

Ignus riait. Oh que oui, il riait. Il ne lui avait pas fallu plus de trois minutes pour se débarrasser du garde qui le gênait et pour s'empresser de partir accomplir son méfait. Le sot. Les sots, en réalité. Car ces deux elfes n'avaient pas compris ce qui leur arrivait, ni même le pourquoi de leur présence ici. Ils n'étaient qu'un élément dans son plan, dans ce plan génial dont il était la pièce maîtresse. Eux, simples pions, se rendaient trop vite compte qu'ils étaient limités dans leurs mouvements, incapables d'éviter le danger qui se présentait face à eux. Alors, inertes, ils attendaient que l'illusion qui se dressait devant eux se déchirât pour pouvoir continuer à avancer sans réfléchir, sans jamais comprendre, toujours un coup trop tard. Les pauvres. Des centaines d'années d'expérience n'avaient pas affûté leurs esprits, mais avaient au contraire ancré leurs certitudes. Ils étaient incapables de faire face à l'intelligence vive qui était la sienne, et à son esprit génial. Ha, ils allaient le regretter. Il avait marché d'un pas rapide, afin d'éviter autant que possible les gardes qui allaient immanquablement commencer à le traquer sous peu. Le malandrin qu'il avait laissé sur le sol, étendu, ne parlerait pas avant de longues minutes, mais il devait tout de même faire vite. Pour l'heure, il avait gagné du temps grâce à ses deux pions, qui n'étaient pas en mesure de comprendre ce qui allait leur arriver. Décidément, c'était une bien belle journée.

Bifurquant à un couloir, il s'était débarrassé des deux gardes qui bloquaient l'entrée de la salle aux trésors. Deux hommes seulement ? Pas davantage, bien entendu. Quel besoin de faire garder lourdement une pièce parfaitement à l'abri, au sein du Palais Royal de Minas Tirith. Il fallait franchir des dizaines d'obstacles pour arriver là, et même en se débarrassant des deux hommes, il fallait être particulièrement téméraire pour espérer crocheter la serrure, qui était probablement une des plus inviolables de la Terre du Milieu. Pourtant, sitôt qu'il eût neutralisé les deux gardes, avec autant de célérité que de discrétion, il s'avança d'un pas confiant vers la porte qui se dressait face à lui. Lourde et large, sa structure métallique ne laissait aucune prise à la violence, et son mécanisme complet de verrouillage n'aurait pas donné suffisamment de temps même au meilleur des voleurs. Pourtant, Ignus souriait largement, comme s'il arrivait là à la partie la plus simple du plan. Il glissa nonchalamment une main dans sa poche, et en retira un objet qui aurait fait ouvrir des yeux ronds à n'importe qui. Comment ? Comment s'était-elle retrouvée en sa possession, à lui qui déclarait venir d'arriver de Dale ? Comment ?

Satisfait, il enfonça la clé dans la serrure, et ouvrit le battant qui le séparait du trésor royal. Ses yeux se mirent à briller. Enfin. Enfin il y était. Mais il avait du travail à faire. Soigneusement, il enduisit le pourtour de la porte d'une mixture odorante sortie d'une fine pochette qu'il gardait cachée dans son pantalon. C'était le seul endroit que la fouille minutieuse de l'elfe n'avait pas véritablement exploré, et lui qui était davantage à la recherche d'une arme, d'une dague ou d'un poignard, n'avait pas prêté attention à ce qui ne ressemblait qu'à un morceau de tissu anodin. Il n'y avait pas assez de cette dangereuse substance pour réaliser le grand brasier qu'il voulait, mais il savait que son objectif serait rempli ainsi. Il badigeonna les murs, le sol, et vida tout le contenu de la petite pochette, avant de sortir un briquet à amadou de sa poche. Moins d'une seconde après, une flamme prenait contact avec un mélange de sa conception, conçu pour brûler même sur des surfaces apparemment non combustibles, et pour faire prendre aux flammes des proportions gigantesques. Surpris par la violence de l'embrasement, il recula vivement, et s'enferma à l'intérieur de la salle aux trésors, conscient que son geste attirerait rapidement des gardes peu disposés à le laisser procéder. Il avait trop peu de temps pour se permettre d'en perdre à contempler son œuvre.


~ ~ ~ ~


Ignus riait. Tout se déroulait absolument comme prévu, et il avait réussi à mettre la main sur ce qu'il cherchait. Par tous les Valar, il n'aurait jamais cru pouvoir déjouer aussi facilement le système de sécurité de Minas Tirith. S'il n'avait pas eu la chance de rencontrer ces deux elfes qui n'avaient absolument rien compris à son manège, il se serait sans doute heurté à un mur, à une impossibilité. Il lui fallait juste quelqu'un pour le faire entrer au Palais, quelqu'un qui soit prêt à jouer le pigeon. En trouver deux, c'était inespéré… Pourtant, le regard de la jeune femme le troublait encore, maintenant qu'il y pensait. Il s'était senti immédiatement subjugué par ses yeux, par sa noblesse, et il s'en voulait presque de lui avoir joué un si mauvais tour. Naturellement, si elle lui mettait la main dessus, elle s'arrangerait pour le lui faire payer cher – il avait vu qu'elle n'était pas du genre à plaisanter – mais il préférait croire qu'un jour, quand tout serait terminé, il pourrait revenir vers elle.  Elle lui pardonnerait son geste, et peut-être qu'alors, il pourrait enfin avoir l'occasion de la séduire. Toutefois, il avait été engagé pour un travail, et il devait l'accomplir. Pas le choix, pauvre Ignus, pas le choix.

Appuyé sur la lourde table de bois, il tournait le dos à la porte, ce qui n'était guère prudent. Toutefois, il savait qu'il n'avait rien à craindre. Il était complètement hors de portée, et personne ne viendrait le chercher ici. Ces idiots de gardes devaient être aux prises avec les flammes qui refusaient de s'éteindre facilement, la faute à son mélange particulier. Quant aux Elfes, s'ils n'avaient pas été enfermés par les hommes du Roi, ils devaient être en train de courir après des fantômes, de simples illusions. Les sots. Décidément, il était véritablement le seul être génial à des lieues à la ronde. Au dehors, il entendait des gens qui s'affairaient, qui allaient et qui venaient, mais lui était bien loin de toutes ces considérations. Il avait un projet bien plus noble à mener. Toutefois, la porte s'ouvrit derrière lui bien plus tôt qu'il ne l'imaginait. Il s'immobilisa un instant, comme pétrifié…


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Il ne souriait pas du tout, et son visage avait pris une teinte rouge au moment où la folle était rentrée dans la pièce. Dans son esprit, il avait envie de hurler : « sorcière, sorcière ! » pour alerter les gardes, pour qu'enfin on vînt l'aider et le libérer de l'infâme sortilège qu'elle lui avait lancé. Elle avait débarqué comme une furie, et alors qu'il se tournait pour comprendre ce qu'il lui arrivait, il avait senti tous les muscles de son corps se figer, comme s'il était soudainement pris dans une gangue de glace. Sans même lui adresser un regard, elle lui avait asséné un violent coup dans le ventre, qui l'avait plié en deux, suffoquant étouffant presque. Le pauvre était cardiaque, et entre la terreur qu'il éprouvait et la violence qu'il subissait, il sentait son cœur s'emballer. Il tomba à genoux, incapable de respirer désormais, comme submergé par une crainte indiscible. C'était comme s'il étouffait dans cette prison immatérielle que la sorcière retenait autour de lui. La tête baissée, il était incapable de même la relever pour lui faire voir qui il était vraiment. Elle le dominait de toute sa hauteur, et lui ne voyait que ses pieds, tandis qu'il entendait les menaces qu'elle proférait envers lui. Mais pourquoi ?

Derrière Sighild et Voronwë, qui tous deux contemplaient leur victime, des bruits de pas les alertèrent. Des gardes les avaient vus partir en courant, et avaient cru bon de venir leur prêter main-forte. Ils arrivèrent, trois d'entre eux dont le Capitaine, qui avait abandonné son armure mais qui pour l'heure tenait fermement son épée à la main. Élégant dans son pourpoint noir brodé aux armes du Gondor, il n'en demeurait pas moins beaucoup plus vulnérable aux coups et aux attaques. Ses hommes, vêtus de la même façon, semblaient terrifiés. Pas seulement parce qu'ils venaient de voir, mais aussi par ce à quoi ils assistaient. Peut-être parce qu'ils avaient vu la Magicienne à l'œuvre, et qu'ils savaient qu'au moindre faux-pas, elle était capable de les éliminer d'un seul geste. Peut-être parce qu'elle se tenait devant un homme agenouillé, avec dans le regard une lueur inquiétante, comme si elle allait le décapiter sur place. Sans doute parce que l'homme qu'elle avait en face d'elle n'était pas Ignus

- Lâchez votre arme, Magicienne, au nom du Roi !

Le Capitaine avait tonné cela d'une voix forte, mais au fond de lui-même il était bien plus perplexe qu'il n'y paraissait. Le Héraut d'Imladris parut se rendre compte de la situation. Emporté par l'excitation du combat, il n'avait pas prêté attention à l'homme à terre, qui tremblait perceptiblement. Son physique était moins athlétique, ses vêtements quelque peu différents. Si sa couleur de cheveux était identique, ils étaient un peu plus longs. Cependant, aveuglée par ses émotions, Sighild avait commis une erreur, une erreur désastreuse. Une erreur fatale…

L'homme retenu immobile releva soudainement la tête, comme si pendant un bref instant le charme de la magicienne ne faisait plus effet sur lui. Sa bouche était ouverte dans une supplique muette, mais surtout les traits de son visage étaient différents. Ignus était loin désormais, et elle s'en était prise à un innocent. Le temps qu'elle comprît sa méprise, il était déjà trop tard. Le malheureux, dont le cœur était fragile, avait résisté de son mieux, mais il n'avait pas pu s'emballer. Son pouls s'emballa une dernière fois, avant de retomber brusquement. Ses yeux se révulsèrent d'un seul coup, et il s'écroula sur le côté comme un poids mort. Littéralement. Le Capitaine poussa un hurlement de colère, et se précipita au devant du noble, bousculant les deux Elfes au passage. Il abandonna son épée, et tenta de réanimer par tous les moyens possibles l'innocent, victime du hasard ou de la malchance. D'une voix impérieuse, le Capitaine ordonna :

- Restez où vous êtes, soldats ! C'est trop tard. Il est mort…

Se relevant lentement en se saisissant fermement de son épée, l'officier se retourna vers les deux elfes. Désormais, c'était du trois contre deux, même si les pouvoirs de la magicienne et l'expérience de Voronwë étaient des atouts non négligeables. Les mâchoires serrées, le militaire se contenta de lancer :

- Au nom du Haut-Roi Mephisto, je vous somme une dernière fois de déposer vos armes immédiatement, où je me verrai dans l'obligation de procéder à votre arrestation par tous les moyens nécessaires. Immédiatement !

Son rugissement fit sursauter les deux Eldar, qui se jetèrent un regard. Ils n'avaient pas cent solutions. Ou ils acceptaient de collaborer, mais dans ce cas ils acceptaient de perdre la trace d'Ignus qui continuait à prendre de l'avance sur eux… Ou bien ils tentaient de le poursuivre, en risquant pour cela de devoir se mettre à dos l'ensemble des soldats du Gondor, mais surtout en étant obligés de passer par le fil de l'épée les trois hommes qui leur barraient la route. Le choix leur appartenait, mais le temps s'échappait de plus en plus. Bientôt, le Capitaine et ses hommes chargeraient, et actuellement rien ne pouvait les raisonner...


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HRP : Qui a dit que tu comprenais ce qu'il cherchait ? langue
Sujet: Car le Mal ne se repose jamais
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Palais   Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Car le Mal ne se repose jamais    Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 9 Mar 2015 - 15:29

Les soldats du Gondor n'étaient pas connus pour être particulièrement éduqués ou malins, mais d'ordinaire ils ne se montraient pas non plus inutilement violents. Ils savaient faire preuve de maîtrise, de retenue, et ils étaient en général considérés comme relativement justes. Toutefois, alors que les festivités battaient leur plein dans la Cité Blanche, et que les délégations de tous les royaumes de la Terre du Milieu s'étaient rassemblées, ils paraissaient moins à l'aise, tendus et en permanence sur les nerfs. Il fallait dire que leur rôle était crucial, et qu'ils étaient clairement en sous-effectif pour assurer des missions de surveillance. On avait été obligé de faire appel aux réservistes, et les hommes étaient de service de longues heures durant, au point qu'ils pouvaient difficilement profiter des animations mises en place à Minas Tirith, trop épuisés qu'ils étaient après une dure journée de surveillance, de patrouille et d'escorte. Cela expliquait très certainement pourquoi ils n'avaient pas fait preuve de tendresse avec les deux elfes qu'ils venaient de coincer, en plein milieu de leur enquête.

S'ils avaient été en forme et pleins de sérénité, ils auraient compris que celui qui se présentait comme un Héraut d'Imladris ne mentait pas, et qu'il était bel et bien celui qu'il prétendait être. Sans quoi, comment aurait-il réussi à s'introduire si loin dans le Palais royal ? Ils auraient dû noter la richesse de ses vêtements, et la noblesse de son regard, pour lui accorder au moins le bénéfice du doute, lui donner le temps de fournir une explication valable. Toutefois, sitôt qu'ils mirent la main sur le document que tenait Sighild entre les mains, ils s'emballèrent. Sans prendre de recul vis-à-vis de la situation, sans même vouloir remarquer que tout cela ressemblait à un piège trop bien tissé, ils s'emportèrent et commencèrent à accuser les deux Elfes. Mais les accuser de quoi au juste ? Ils n'en avaient pour l'heure aucune idée, mais ce devait être quelque chose de grave. L'absence d'Ignus confirmait leur mauvais pressentiment : quelque chose de sombre était en train de se tramer. Voulait-il véritablement attenter à la vie de Dinaelin ?

Sans comprendre vraiment, Sighild reçut un solide coup de botte dans le visage. Le soldat zélé qui venait de récupérer la lettre ne s'était pas privé, et il s'était défoulé sur elle, le regard triomphant. L'Elfe roula au sol, quelque peu sonnée, tandis que Voronwë lui jetait une œillade qui en disait long. Des héros d'Imladris, de vaillants défenseurs des Peuples Libres, traités comme des moins que rien. C'était inadmissible, vraiment. Pourtant, ils se retrouvaient à la place des criminels de l'Ordre qu'ils traquaient, et comprenaient désormais dans un sens quelle violence ils avaient à subir lorsqu'ils étaient repris. S'ils avaient pu se mettre à leur place un seul instant… Si seulement ils avaient pu… Mais ils n'étaient pas en mesure de penser à ces choses actuellement, trop occupés qu'ils étaient à présenter leur défense pour ne pas être amenés dans les geôles de la cité.

Grondant comme le tonnerre, Sighild se redressa avec une aura inquiétante autour d'elle, alors que sa voix déformée emplissait la pièce. Les hommes reculèrent d'un pas, stupéfait par cette curieuse magie qui émanait d'elle, craignant d'être victimes d'un mauvais sort ou d'être changés en quelque chose. Elle prit la parole, parlant rapidement en dépit du sang qui coulait le long de son menton. Jamais ces hommes n'avaient vu d'Elfe pareille, qui irradiait une telle colère et une telle brutalité. Son visage parcouru d'une longue cicatrice, sa lèvre ouverte qui vomissait un flot carmin, ses yeux qui lançaient des éclairs. Ils en avaient peur, assurément, bien davantage que de l'OCF et de ses sbires. Ce n'était pas par le respect qu'elle avait obtenu d'eux le silence, mais bien par la contrainte. Par la contrainte et la force, comme l'Ordre qu'elle entendait combattre. Avait-elle donc sombré à ce point ? Son plaidoyer terminé, elle laissa la parole au Capitaine, qui était pâle comme un linge. Son épée toujours à demi-sortie ne lui avait servi à rien face au prodigieux sortilège qu'elle lui avait lancé. Sur un mot de sa part, il aurait pu mourir. Tout simplement. Comment un seul individu pouvait détenir un si grand pouvoir ? Cette femme était une menace pour l'ensemble du royaume, si à elle seule elle pouvoir décider qui vivrait et qui mourrait. Pour l'heure, elle avait placé sa magie au service de la Reine d'Arnor, du moins le prétendait-elle, mais qu'adviendrait-il si un jour elle décidait de se retourner contre le monarque du Gondor ? Retiendrait-elle sa lance à ce moment, si dans un accès de colère elle décidait de faire usage de ses sorts ?

Il aurait pu la faire emprisonner quand même, et la mener dans les geôles pour l'interroger, mais il n'en fit rien. Pas tant parce qu'il n'estimait pas la procédure raisonnable que parce qu'il ignorait quelle était l'étendue des pouvoirs de la jeune femme. Si elle souhaitait véritablement les aider, alors il devait lui faire confiance, au moins un peu. Sinon, eh bien… de toute façon, ils n'approcheraient pas de Dinaelin, qui était sous haute protection. S'ils essayaient de rencontrer la Reine, il serait obligé de faire barrage de son corps, quitte à en mourir. Tous les hommes présents étaient prêts à accomplir ce sacrifice, et la détermination le partageait à la terreur dans leurs regards.

- Piet, lâche ton arme. Ton comportement est indigne d'un soldat du Gondor, et ton emportement également.

Celui qui venait de frapper dans le visage de Sighild se retourna vers son Capitaine, comme s'il ne comprenait pas. Il le dévisagea, incrédule, avant de revenir à l'Elfe qui saignait désormais par sa faute. Son regard brouillé par la colère se détendit perceptiblement, et on put lire de la honte. Oui, il s'était emporté, ce qui ne lui ressemblait guère. Le Capitaine s'avança courageusement face à ses hommes, et invita les deux Elfes à se relever :

- Toutes mes excuses pour ce malentendu, messire, madame. Nous sommes actuellement en train de fouiller l'ensemble du Palais. Il semblerait qu'un de nos hommes ait été retrouvé inconscient dans un couloir non loin d'ici. Celui qui avait pour charge de vous escorter, d'après les premiers témoignages. Nous pensons que l'homme que vous avez fait entrer dans le Palais veut s'en prendre à Sa Majesté Dinaelin.

Il ne s'était pas permis de le dire à haute voix, mais il n'en pensait pas moins. Ces deux Elfes s'étaient fait berner par cet étrange individu, et par leur faute un dangereux personnage rôdait désormais dans le Palais. Il était fort peu probable qu'il parvînt à échapper longtemps aux Gardes qui le recherchaient activement, mais qui pouvait bien dire ce qu'il aurait le temps de faire avant d'être repris ? Prendrait-il un noble en otage pour négocier sa sortie ? Réussirait-il à empoisonner la nourriture de Son Altesse pour mieux se débarrasser d'elle ? Personne ne pouvait savoir exactement ce qu'il était venu faire ici, mais l'imprudence et l'excès de confiance en soi des Eldar n'aidait pas les soldats de Minas Tirith dans leur tâche. Le regard du Capitaine, éloquent à ce sujet, trahissait ce qu'il pensait de la vanité elfique. Il leur faisait savoir qu'ils avaient fait une erreur monumentale, et que si quelque chose arrivait à un haut dignitaire, ils en seraient les responsables.

- Avant toute chose, Sire Voronwë, en votre qualité de Héraut vous êtes habilité à choisir la sanction de Piet. Conformément à nos lois, vous êtes en droit de l'appliquer vous-même, ou de charger un de nos hommes de son application.

Le visage des militaires se tendit. Personne n'apprécierait de voir un des leurs être maltraité par un Elfe. Il était vrai cependant que la réparation de ce genre de comportements était importante, et que rien ne pouvait la remplacer. Ce qu'il avait fait était intolérable. L'intéressé serra les poings, et essaya de contenir ses tremblements. Il pensa un instant à sa famille, à sa femme et à ses enfants qui l'attendaient. Si l'Elfe exigeait sa tête en compensation, alors il ne les reverrait plus jamais. Et que dirait Tea s'il revenait marqué par les coups de fouet, ou défiguré par une lame ? Elle pleurerait toutes les larmes de son corps, assurément. Elle avait toujours été trop sensible. Piet, terrorisé, n'avait qu'une envie : fuir. Pourtant, il resta là comme lui commandait son honneur. On lisait une grande crainte dans ses yeux, mais il refusa de les baisser devant l'Elfe qui était chargé de décider de son sort. Il refusait de lui donner la satisfaction de l'avoir fait plier. Les Hommes n'étaient peut-être pas aussi sages que les êtres immortels comme lui, mais ils avaient leur propre courage. Les autres soldats qui se tenaient derrière attendaient avec impatience. Ils n'interviendraient pas, mais ce n'était pas l'envie qui leur manquait. La tension était palpable, mais Voronwë devait faire un choix sur-le-champ, telles étaient les us. Lorsqu'il prît la parole, chacun retînt son souffle un instant, et on entendit distinctement le bruit des cœurs de chacun battre dans leur poitrine.

La peine fut décidée et mise à exécution sous le regard fermé de tous les présents, avant que le Capitaine n'annonça :

- Bien, vous avez obtenu réparation. Vous deux, faites emmener Piet en cellule, où il passera les trois prochains jours. Que cela serve de leçon à chacun.

On obéit rapidement, et le malheureux fut évacué de la pièce, escorté par deux de ses compagnons qui paraissaient bien amers. Alors que tous attendaient les directives de leur supérieur, qui avait eu son lot de décisions difficiles à prendre pour la journée, un homme fit irruption dans la pièce, l'air visiblement paniqué. Ce n'était pas un soldat mais un jeune page, qui semblait avoir couru depuis Osgiliath tant il était essouflé. Le Capitaine lui posa une main sur l'épaule, et sentit que le petit allait s'effondrer sous ce simple poids.

- Que se passe-t-il, enfin ?

- C'est… C'est… Un incendie dans le Palais ! On a vu un homme… avec des gants rouges !

Le militaire capta l'expression des deux Elfes. De toute évidence, c'était leur homme. Il revint au page :

- Où ? Où est cet incendie ?

- Près de la salle où sont entreposés les présents de la Reine.

Le Capitaine se redressa subitement. Les trésors, bien sûr ! Ils n'avaient pas pensé que l'intrus pouvait être un simple voleur, et que son objectif pouvait être tout autre que tuer la Reine. Après tout, il aurait fallu être prodigieusement fort pour réussir à passer outre l'impressionnant sysstème de défense qui entourait Sa Majesté. Par contre, ses trésors n'étaient pas aussi bien protégés que sa personne. Invitant les Elfes à le suivre du geste, l'officier fit passer sa troupe au pas de charge dans les couloirs, en direction de la salle aux trésors. Elle ne se situait pas très loin, mais leur progression fut gênée par les fumées qui se dégageaient, et qui rendaient l'air irrespirable. Les murs de la forteresse étaient en pierre, si bien qu'il n'y avait aucun risque de voir l'entièreté de Palais se consumer, mais les fumées étaient donc prisonnières de ces longs couloirs. En arrivant à la dernière bifurcation, ils purent voir des lueurs orangées se refléter sur les murs, et sitôt qu'ils virèrent ils sentirent la chaleur terrible des flammes qui se dressaient comme un mur entre eux et la salle aux trésors. Nulle magie ne pouvait venir à bout d'un tel brasier, et il n'y avait qu'une seule solution : user de la force de ses bras.

Quelques hommes d'armes étaient déjà occupés à lancer des seaux d'eau sur les langues de feu qui montaient au plafond, sans que cela parût avoir une quelconque incidence sur l'ampleur du désastre. Le Capitaine et ses hommes n'hésitèrent pas un instant. Dans cette salle se trouvaient les biens de Sa Majesté Dinaelin, et ils avaient pour mission de les protéger. Le Capitaine ôta sa cuirasse prestement, et la jeta au sol, en même temps qu'il se débarrassait de ses armes. Ses hommes en firent autant, et s'empressèrent d'aller prêter main-forte à ceux qui travaillaient à éteindre ce brasier. Il se tourna vers les Elfes, et leur cria :

- Venez nous aider ! Nous avons besoin de tous les bras disponibles !

Le feu. C'était sans aucun doute le pire fléau que l'on pouvait imaginer… Il détruisait tout sur son passage, et nécessitait le travail acharné et solidaire de toutes les bonnes volontés. Quand un incendie se déclarait, chacun devait mettre la main à l'ouvrage, sans quoi les flammes risquaient de continuer à arriver. Les militaires, qui étaient en meilleure forme que ceux qui luttaient contre les flammes depuis de longues minutes déjà, prirent leur position en première ligne. Leurs visages et leurs vêtements se couvrirent rapidement d'une poudre noire, tandis que leurs poumons se gorgeaient à chaque inspiration d'une fumée âcre qui les faisait tousser copieusement. Ils transpiraient abondamment, face à la fournaise qui se dressait devant eux, et les seaux d'eau qu'ils jetaient paraissaient ridicules, incapables de contenir la fureur des flammes qui les dominaient de toute leur force.

N'ayant pas le choix, Sighild et Voronwë furent contraints de se mettre à pied d'œuvre, suppléés par de plus en plus d'hommes et de femmes qui arrivaient de toutes parts, des nobles et des serviteurs, qui venaient prêter leur concours pour combattre le feu. Certains s'évanouissaient, après avoir inhalé trop de fumée ou à cause de la chaleur. D'autres s'approchaient trop près, et sentaient les flammes lécher leur peau. Le combat était rude, et à chaque seau passé, à chaque course pour récupérer de l'eau dans les puits et les sources d'approvisionnement les plus proches, les deux Elfes ne pouvaient pas s'empêcher de se demander où pouvait bien être Ignus...
Sujet: Car le Mal ne se repose jamais
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Palais   Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Car le Mal ne se repose jamais    Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 1 Mar 2015 - 22:21

Ignus hocha la tête avec docilité. Il savait que de toute façon, il n'aurait pas pu échapper aux deux elfes qui se trouvaient face à lui. Ils paraissaient sur leurs gardes en sa présence, et comment ne pas les comprendre ? Après tout, il leur apparaissait comme un homme totalement inconnu, qui déclarait vouloir rencontrer la nouvelle souveraine d'Arnor. Dans le contexte troublé, alors que la guerre contre l'OCF venait juste de prendre fin avec l'exécution du traître Warin, il semblait difficile de croire que quiconque allait baisser la garde, et faire confiance au premier venu. Trop de sang royal avait été versé durant ces longs mois d'hiver, particulièrement en Arnor, où les trois héritiers avaient été sauvagement assassinés, alors qu'ils n'étaient que des enfants. Prisonniers d'un jeu sordide et macabre, ils avaient payé le prix fort, et leur père devait penser quotidiennement à la perte tragique qu'il avait dû subir. Si sa nouvelle épouse lui était prise, il sombrerait sans doute dans la folie, et alors les Valar seuls pouvaient savoir sur qui s'abattrait son courroux. Il serait capable de mettre la Terre du Milieu à feu et à sang pour obtenir la vengeance, et il était notoire que le même sang bouillonnant que celui du Roi du Gondor coulait dans ses veines. Ils étaient d'une lignée noble mais fière, et si la tristesse prenait pour l'heure le pas sur leur ressentiment, nul ne devait oublier la force qui émanait de ces hommes.

Acceptant d'être fouillé, car il comprenait qu'aucune parole ne lui permettrait de gagner la confiance de ses interlocuteurs, il leva les bras en croix, laissant le Héraut d'Imladris s'approcher pour s'assurer qu'il ne cachait pas d'arme sur lui. D'une voix assurée, il lança :

- Je ne cache aucune arme, messire, je vous en donne ma parole.

Et il était sincère. Il n'aurait de toute façon pas été possible pour lui de pénétrer la cité armé, et même s'il avait été en mesure de trouver de quoi tuer quelqu'un au sein de Minas Tirith, il se doutait que de nouvelles vérifications auraient lieu avant qu'il arrivât en présence de Son Altesse Dinaelin. Il n'avait jamais imaginé pouvoir contrevenir aux règles mises en place pour la sécurité des souverains, et il se félicitait d'ailleurs de voir qu'elles étaient bien appliquées, même si cela lui compliquait singulièrement la tâche en l'occurrence. Alors que Voronwë s'attardait sur les recoins de sa tunique où il aurait pu dissimuler un surin, Ignus leva la tête et plongea son regard dans celui de Sighild. Un léger sourire fleurit sur ses lèvres, qui n'était pas de l'insolence, mais bien un sourire amical et sincère, quelque peu gêné. Il prit le parti de briser la glace, conscient que la méfiance de la jeune femme n'avait pas disparu :

- Accepteriez-vous une invitation à dîner, belle dame ?

Il marqua une brève pause, le temps de voir sa réaction. Il ne savait pas trop pourquoi il avait dit ça, et à dire vrai il aurait sans doute préféré formuler les choses autrement, mais maintenant que les mots avaient franchi ses lèvres, il était trop tard pour les retirer. Il ajouta, comme pour parer à toute réponse offusquée de la part de la femme elfe :

- Pas maintenant, naturellement. Je sais que vous avez à faire, et mes obligations m'appellent ailleurs. Mais un jour, pourquoi pas ? Si votre cœur n'est pas déjà pris bien entendu…

Il posa la question, mais n'eut pas le temps de recevoir une réponse claire de la part de Sighild, car Voronwë achevait la fouille. L'avait-il interrompue précisément pour éviter à la jeune femme d'avoir à trouver les mots pour, probablement, repousser les avances quelque peu maladroites d'Ignus ? S'était-il appliqué jusqu'au bout, pour se relever par pure coïncidence au moment inopportun ? Difficile à dire pour un simple mortel qui ne parvenait pas à lire sur les traits marmoréens de créatures anciennes et sages. Il s'était toujours senti faible et inférieur, face aux elfes, mais d'ordinaire cela générait chez lui une sensation de peur et de malaise. Toutefois, avec Sighild, les choses lui semblaient différente. On aurait dit qu'elle était paradoxalement plus humaine, plus ouverte, plus accessible. Il n'avait encore jamais rencontrée d'Eldar comme elle.

Sitôt la fouille terminée, Ignus se laissa escorter jusqu'au Palais de Minas Tirith, qui se dressait majestueusement au sommet de ce promontoire rocheux, comme un défi aux noires montagnes du Mordor que l'on apercevait au loin. Là où nul homme ne s'était aventuré depuis des siècles. Les arches et les colonnes de cet édifice spectaculaire ébahirent le Dalite, qui n'avait jamais eu l'occasion de se rendre à la Cité Blanche, et qui en découvrait les merveilles pour la première fois. Il se tordit le cou pour admirer les sculptures gracieuses qui trônaient au-dessus des porches, dans de petites alcôves, et il se serait bien arrêté de longues minutes sur chaque gravure et sur les fresques exceptionnelles qui ornaient les murs intérieurs. Ils furent introduits par des Gardes de la Fontaine dans les bâtiments royaux, grâce à l'influence de Sighild, qui expliqua brièvement aux hommes l'objet de leur visite.

- Je comprends, Ma Dame, mais pour des raisons de sécurité je dois vous accompagner. Je ferai appeler Sa Majesté Dinaelin, mais il est certain que vous devrez attendre qu'elle vienne vous voir… ce qui peut prendre du temps. J'informerai néanmoins qui de droit du caractère urgent de votre visite.

Non sans s'être incliné respectueusement, le garde les mena à l'intérieur, là où il régnait une fraîcheur agréable, par contraste avec la chaleur brûlante du dehors. Les lourds murs de pierre étaient aussi lisses que s'ils avaient été polis minutieusement par des mains non humaines, et Ignus se surprit à laisser courir ses mains gantées sur leur surface, se plaisant à sentir le glissement du cuir sur ces rocs millénaires. Il capta le regard de Sighild, qui le dévisageait, et s'interrompit immédiatement. Il ne voulait pas passer pour un idiot contemplatif devant elle, même s'il était vrai que chaque nouveau pas apportait son lot de merveilles qu'il découvrait avec des yeux ronds. Le garde les mena silencieusement dans les couloirs, où ils croisèrent quelques serviteurs qui s'inclinèrent respectueusement sur leur passage. Ils aperçurent aussi d'autres nobles, qui déambulaient en discutant d'affaires très importantes sans doute, car ils paraissaient absorbés dans leurs conversations. Ignus se sentit soudainement très mal à l'aise, peut-être car il était dans l'endroit où se rassemblaient les personnages les plus puissants de la Terre du Milieu, alors que lui, misérable inconnu, n'aurait jamais dû se trouver ici.

Ils rencontrèrent un factionnaire, auquel leur guide du moment transmit quelques directives brièves et concises. L'intéressé acquiesça, sans piper mot, et s'éloigna dans une autre direction, comme s'il connaissait par cœur son chemin dans ce dédale de couloirs qui semblaient ne pas trouver de fin. Pendant ce temps, Ignus et les Elfes furent prestement conduits dans une salle sans charme, où il leur fut ordonné de demeurer assis. Le Garde les accompagna à l'intérieur, et se posta devant la porte, les observant d'un œil sévère quoique dénué de méchanceté. Il faisait simplement son travail, bien que sa présence ne leur laissât aucune intimité. Mal à l'aise, l'homme lâcha :

- J'espère que Sa Majesté va faire vite… Je crains d'avoir oublié d'aller me soulager avant de venir…

Il avait dit cela sur le ton de la plaisanterie, mais personne ne partit d'un grand éclat de rire comme il l'attendait. Etait-ce parce que les Elfes étaient trop réservés pour se livrer à de telles démonstrations, alors qu'ils appréciaient son humour, ou bien était-ce la preuve qu'ils n'avaient tout bonnement pas envie de rire de sa situation, qui pourtant était assez drôle. Il avait chevauché jour et nuit pour arriver à destination, et dans son empressement, il en avait oublié de se préparer sous tous les aspects à cette rencontre avec Dinaelin. Son pied commença à s'agiter, alors qu'il essayait de penser à autre chose. Et les minutes commencèrent à défiler.

Le temps passait assez lentement, surtout pour Ignus qui ne pouvait pas profiter de la conversation de ses compagnons, qui s'étaient mis à parler en Elfique. Il se plut à essayer d'imaginer ce qu'ils pouvaient bien dire. Le Héraut devait sans doute raconter quelque fait d'armes extraordinaire, où il avait occis maints ennemis. La Mage, quant à elle, devait lui expliquer comment en retour elle avait terrassé quelque puissant sorcier d'un sortilège redoutable. Dans ses rêves les plus fous, elle se morfondait de ne pas trouver les mots pour dire à cet homme du peuple qu'elle avait conduit au cœur du Palais royal qu'elle le trouvait attirant derrière ses épaisses moustaches qui lui donnaient un air viril et séduisant. Il se faisait probablement des illusions, et il aurait été bien surpris de voir une femme Elfe parler d'amour et de sentiment en ces termes. Ces créatures étaient si âgées et si expérimentées qu'elles devaient déjà tout connaître de ces pathétiques passions auxquels les humains étaient soumis. Elle devait plutôt rire de ses tentatives d'attirer son attention, à moins qu'elle ne fût pleinement concentrée sur sa mission, et qu'elle essayât de déterminer quelle était la menace qui planait sur Dinaelin. Comment savoir, toutefois, quelles questions profondes et existentielles évoquaient ces deux êtres éthérés ?

Ignus continuait de s'agiter sur son siège, et il finit par se lever, espérant que marcher lui ferait passer l'envie qui lui tiraillait la vessie. Le Garde s'avança d'un pas, et l'enjoignit à rester assis, conformément aux ordres :

- Mais il faut que j'aille me soulager, c'est pire quand je reste assis ! Se plaignit Ignus.

- Il y a des commodités pas très loin. Un garde se trouve devant la porte, je peux vous y accompagner si vous le souhaitez.

L'homme parut vouloir dire « oui », mais il se souvint de sa mission, et son visage se déforma en une grimace contrariée. Le dilemme était terrible. S'il attendait plus longtemps, il risquait de souiller ses chausses, et de se rendre ridicule devant une souveraine qui n'accepterait sûrement pas de le recevoir. En revanche, s'il s'absentait et que la Reine se présentait à ce moment-là, elle constaterait que les Elfes n'avaient rien à lui communiquer, et elle partirait avant qu'il eût obtenu la chance de lui expliquer quel danger pesait sur ses royales épaules. Véritablement perplexe, l'homme se tourna vers Voronwë et Sighild, qui avaient cessé de parler et qui suivaient son échange avec le garde. Trépignant sur place, il ferma les yeux pour achever de prendre sa décision, et finit par plonger la main dans son pourpoint, pour en sortir le billet cacheté. La sécurité de Dinaelin avant tout.

- Ma Dame, je vous en supplie, gardez cette missive en mon absence. Si jamais Sa Majesté devait se présenter, donnez-lui cette lettre de ma part, en attendant mon retour.

Il attrapa la main tendue de l'elfe dans la sienne, et déposa le billet au creux de celle-ci, avant de replier les doigts sur le précieux message. Avant de partir, il ôta souplement un pendentif qu'il gardait atour du cou, accroché par une simple cordelette de cuir. L'objet était en bois sculpté, et même s'il n'avait pas la finesse ou le charme des objets elfiques, il demeurait de bonne qualité. C'était un petit porte-bonheur, de toute évidence, qui représentait une flamme stylisée. L'artisan qui l'avait fabriquée était de toute évidence d'une grande patience, et on voyait encore les raclements du fer lorsque celui-ci avait creusé le bois pour lui donner cette forme si particulière. Cela ressemblait un peu à ces objets que les soldats fabriquent au coin du feu, lorsqu'ils se trouvent en campagne. Celui-ci, en revanche, n'était pas grossier et malhabile, et on sentait que de longues heures avaient été passées à le peaufiner. Il le tendit à Sighild, et le laissa glisser dans son autre main, sans lui laisser la possibilité de le refuser :

- Celui-ci est pour vous. Je ne sais pas si après cette entrevue, j'aurai encore le temps de vous parler, alors…

Il n'ajouta rien, laissant Sighild se faire sa propre idée sur ce qu'il aurait pu lui dire à cet instant. Au lieu de quoi, il se redressa, adressant un signe de tête reconnaissant à Voronwë, avant de sortir de la pièce accompagné du Garde de la Fontaine. Les deux héros d'Imladris demeurèrent seuls, sans doute quelque peu perplexes quant à l'attitude d'Ignus, qui paraissait réellement et sincèrement troublé par la présence de Sighild. On aurait dit qu'il souhaitait prendre son temps pour apprendre à la connaître, mais qu'en même temps il était effrayé d'être appelé à d'autres tâches, à d'autres devoirs qui les tiendraient éloignés pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, peut-être même pour toujours. Que représentait cette flamme pour le messager de Dale ? Sans doute beaucoup, si on supposait qu'il en était l'auteur, et qu'il avait fait fallu du temps pour la façonner. Que représenterait-elle pour l'Elfe ? Probablement rien de plus qu'un bibelot qu'elle égarerait ou qu'elle donnerait au premier venu.


~ ~ ~ ~


Une bonne dizaine de minutes avaient passé, et les deux Elfes attendaient toujours seul, dans cette salle vide. Ils avaient fort heureusement acquis une certaine maîtrise d'eux-mêmes au fil des ans, et ils attendirent patiemment l'arrivée de la Reine ou le retour d'Ignus, qui prenait son temps. Il fallait dire que le Palais était grand, et que les commodités étaient peut-être plus loin que ce le garde avait au départ estimé. Bientôt, toutefois, ils entendirent des pas au dehors. Il y avait plusieurs personnes, et il devait s'agir de la Reine et de son entourage, qui venaient prendre connaissance de l'important message de toute urgence. Ils avaient fait relativement vite, en fait. La porte s'ouvrit, au moment où Sighild et Voronwë se levaient pour accueillir Son Altesse Dinaelin. La Reine d'Arnor, si elle n'était pas très âgée, jouissait d'ores et déjà des honneurs dus à son rang, et même d'aussi éminents invités se devaient de faire preuve de déférence en sa présence. Toutefois, tout ne se passa pas exactement comme prévu dans ce petit salon.

Deux, puis quatre, puis six hommes en armes entrèrent dans la pièce, lance pointée en avant, hurlant aux deux Elfes de lever les mains en l'air, et de se mettre à genoux sur le sol. Avant que les Eldar eussent pu comprendre ce qui leur arrivait, ils se retrouvèrent encerclés par des Gardes de la Fontaine, renforcés par une escouade de soldats réguliers qui brandissaient leurs épais boucliers devant eux, lame au clair :

- A genoux ! A genoux !

Les protestations des deux Elfes furent anéanties dans le vacarme, et ils furent contraints de se plier aux exigences des gardes, en dépit de l'humiliation que cela devait représenter pour deux êtres respectables, des héros de leur race qui avaient versé leur sang pour la Terre du Milieu. Toutefois, il fallait dire que les hommes ne plaisantaient pas, et on pouvait lire dans leur regard une profonde détermination, sinon une colère sourde. Quelque chose s'était passé, c'était certain, et de toute évidence ils étaient happés dans cette cruelle méprise. Un des officiers s'approcha, et leur demanda sans ambages :

- Où se trouve le troisième ? On nous a dit qu'il y avait un troisième type ! Dépêchez-vous, répondez !

La situation venait de dégénérer, et les Elfes se retrouvaient pris dans un imbroglio incompréhensible. Ils allaient devoir parler vite et bien s'ils voulaient prouver qu'ils n'avaient rien fait de mal, et surtout expliquer avec force détail l'objet de leur présence au sein du Palais. Le plus étonnant en cela était sans aucun doute l'absence d'Ignus. Y avait-il un lien ?
Sujet: Car le Mal ne se repose jamais
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Palais   Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Car le Mal ne se repose jamais    Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 31 Jan 2015 - 16:34

Le garde de la fontaine parut hésiter un instant. La voix de l'elfe était apaisante, mais il lui semblait que tout ceci était trop bien orchestré. Elle le congédiait comme un vulgaire page, alors qu'il était responsable de la sécurité des lieux. Toutefois, quel était son droit de s'opposer à une mage elfique, qui, disait-on, s'était particulièrement illustrée lors de nombreux combats ? Même s'il appartenait à l'élite de l'armée du Gondor, il n'était personne à côté de cette fière représentant de sa race. Du buste, il s'inclina légèrement et répondit d'une voix tout à fait courtoise et polie :

- Toutes mes excuses mes seigneurs. Je vous laisse à présent.

Et il s'éloigna. L'homme de Dale, toujours agenouillé par terre, n'en revenait presque pas de sa chance. Il avait déjà côtoyé des Eldar, et il s'attendait bien davantage à s'attirer leur mépris. Ceux de Vertbois étaient parfois froids et distants, et ils regardaient les humains avec une certaine condescendance. Ils n'aimaient pas vraiment se mêler des affaires qui ne les concernaient pas directement, et ils semblaient apprécier de voir les individus qui n'avaient pas leur longévité se débattre avec les affres de la vie. Il avait toujours trouvé cette attitude mesquine, mais il en était venu à accepter que c'était dans le caractère des elfes, et qu'il n'était pas vraiment différent quand il croisait un animal qu'il considérait comme inférieur. De là accepter qu'un des Premiers Nés pût le regarder comme un familier, il y avait encore du chemin, mais il ne pouvait pas concevoir que des êtres immortels et millénaires pussent se soucier ne fût-ce qu'un peu du sort d'un individu tel que lui. Et pourtant, ces deux-là venaient de lui sauver la mise, et de l'empêcher de se faire refouler brutalement par un garde qui l'aurait sans doute rudoyé pour le plaisir. Ce devaient être de grands seigneurs pour se montrer aussi magnanimes et bons avec lui, sans nul doute.

Alors qu'il avait toujours les yeux rivés sur le garde, qui reprenait son poste, il fut relevé par une main puissante qui lui avait saisi le sol pour le remettre sur ses pieds. Il lâcha un « oh ! » un peu surpris, abasourdi de voir quelle force pouvait cacher la jeune femme dont on percevait la beauté avant de déceler la dangerosité. En effet, à première vue, elle ressemblait bien davantage à une princesse elfe, qui aurait troqué ses robes et ses atours féminins contre une tenue plus pratique. Toutefois, il se dégageait de chacun de ses gestes la grâce de son peuple, que les hommes ne pourraient jamais égaler. Mal assuré après avoir été relevé de la sorte, sans ménagement ni sommation, il encaissa la question cinglante mais pas agressive de son interlocutrice. Elle avait simplement rangé son sourire de façade, pour laisser la place à un visage glacial qui l'impressionna au plus haut point. L'homme remarqua alors qu'elle avait une cicatrice sur le visage, au niveau de la joue gauche, infligée de toute évidence par une épée. Elle était quelque peu cachée par les fards et par les cheveux qui encadraient ses traits fins, mais d'aussi près, il ne pouvait pas s'y tromper. Cette femme n'était pas seulement une princesse, c'était aussi une guerrière, et il ne pouvait pas se permettre de faire l'imbécile avec elle. Toutefois, son regard absorbé par la contemplation de ce beau visage défiguré par les conflits l'empêcha de formuler une réponse cohérente, si bien que ce fut le second qui prit la parole à son tour.

Il n'était pas besoin d'être un fin observateur pour deviner que l'autre elfe était un guerrier accompli. Ses yeux verts étaient incisifs, et on aurait dit qu'ils pouvaient déchirer les voiles du mensonge pour lire à l'intérieur de l'âme de ceux qu'il avait en face de lui. Si ses traits étaient beaux et nobles, il n'en demeurait pas moins extrêmement impressionnant. Sa voix était mélodieuse, presque chantante, à tel point qu'on n'aurait pas su dire avec certitude s'il était en train de proférer une menace ou un conseil amical. Il demeurait sérieux, mais on sentait des accents chaleureux dans son timbre, qui laissaient entrevoir qu'il n'était pas animé de mauvaises intentions. On pouvait se confier à lui, et en vérité, il fallait se confier à lui. Comment ne pas se reposer sur la sagesse et l'expérience que l'on sentait transparaître dans chacun de ses mouvements. Cet elfe était assurément un soldat, un meneur d'hommes, un guerrier accompli. Il n'était pas possible de douter de la pureté de son cœur.

D'une voix claire, il présenta la jeune femme, qui se trouvait n'être autre qu'une mage Elfe. L'homme s'inclina respectueusement, en portant une main à son cœur, estomaqué de se retrouver en si prestigieuse compagnie. Elle s'appelait Sighild Baldrick, et son nom évoquait davantage des sonorités humaines qu'elfiques. Etait-ce pour cela qu'il la trouvait paradoxalement plus impressionnante ? Les semi-elfes étaient rares, et ils étaient considérés comme des êtres fascinants par les deux races. Moins éthérés que les Eldar, ils étaient très nettement supérieurs aux Hommes. Ils se plaçaient comme un pont fragile entre les deux races. Elle lui semblait tout à la fois plus lointaine et plus accessible, et il trouvait dans son visage des accents d'humanité que n'avaient pas son voisin, le Capitaine Voronwë Amnel. Celui-ci était le héraut d'Imladris, et il n'était pas possible d'imaginer elfe plus noble pour porter cette charge. Il incarnait la droiture morale, la bienveillance et la force tranquille. Quelles avaient été ses réalisations pour qu'on le choisît à cette fonction hautement prestigieuse ? L'homme aurait payé cher pour le savoir. Conscient qu'ils lui avaient fait l'honneur de lui donner leur nom, le Dalite s'éclaircit la gorge, et répondit sans pouvoir dissimuler à quel point il était intimidé :

- Sire, Ma Dame, je réponds au nom d'Ignus. Je ne suis qu'un humble serviteur de notre bon Roi Gudmund. Je n'ai point de titre, mais je viens en ami, dénué d'intentions hostiles. Soyez-en assurés.

En même temps qu'il parlait, son discours devenait de plus en plus enflammé, comme s'il était porté par une importante mission, et que chaque seconde était comptée. Il poursuivit, presque désespéré :

- Comme je vous l'ai dit, j'ai chevauché sans relâche depuis Dale jusqu'ici, pour informer ma suzeraine, Sa Majesté Dinael...in (il avait encore du mal à l'appeler par son nom royal), d'un danger qui entend la menacer. Je n'ai pas connaissance de ladite menace, et la missive que j'ai transportée est adressée à Sa Majesté en personne.

Il marqua une pause. Il venait à peu de choses près de leur répéter ce qu'il venait de leur dire, mais ce n'était pas exactement ce qu'ils attendaient. Il voyait dans leurs yeux qu'ils avaient percé à jour sa carapace, qu'ils avaient compris que quelque chose clochait chez lui, et qu'il était bien davantage qu'un simple messager envoyé pour traverser la Terre du Milieu afin de porter une nouvelle de cette importance. Il parut réfléchir un instant, avant que ses épaules s'affaissassent avec résignation :

- Je n'ai guère le choix que de vous dire la vérité, car de votre concours dépend la réussite de ma mission. J'ai confiance en vous, et si votre beauté est le reflet de votre vertu, alors je peux me confier sans réserve…

Ce disant, il avait regardé Sighild droit dans les yeux. De toute évidence, il n'était pas indifférent à ses charmes, et on aurait pu croire que les mots lui avaient échappés. Il détourna le regard, quelque peu gêné, rougissant comme si les flammes de la honte le dévoraient, et se focalisa sur le Capitaine Amnel, qui semblait écouter avec grande attention :

- J'appartiens à un réseau secret que le Roi Gudmund a mis en place, pour prévenir les atteintes à la famille royale. Les menaces sont nombreuses, et les temps ont été troublés, et malheureusement nos effectifs sont limités. Nous avons été avertis tardivement de la menace, et on m'a confié la charge de porter ce billet jusqu'à la Reine pour qu'elle puisse prendre les mesures qui s'imposent. Je… (il jeta un regard à Sighild, s'empourpra, avant de revenir à son sujet) Je crains que des forces ne soient déjà en mouvement, et qu'on n'attente à la vie de ma suzeraine. Comprenez que je ne peux laisser une telle chose arriver. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lui remettre ce message, comprenez-vous ?

Il avait les yeux brillants d'émotion. De toute évidence, la sécurité de Dinaelin était un point très important pour lui, et il n'était pas prêt à céder un pouce de terrain. Qu'était-il d'ailleurs réellement capable de faire pour elle ? Il avait déjà essayé de convaincre par tous les moyens un Garde de la Citadelle, désormais il essayait de rallier les deux elfes… Que ferait-il s'ils lui refusaient leur aide ? Il y avait fort à parier qu'il tenterait de franchir en force les barrages, quitte à prendre le risque de se faire tuer. Il semblait animé d'un désir ardent de protéger Dinaelin, et il était tout à son honneur de faire preuve d'un zèle brûlant. Toutefois, cela pouvait rapidement virer à la rixe s'il s'opposait frontalement aux gardes, voire pire s'il réussissait à mettre le pied dans le Palais. Tant qu'il se trouvait à l'extérieur, il serait refoulé sans ménagement, mais sans violence gratuite. En revanche, s'il pénétrait là où les nobles pouvaient se tenir, il risquait de recevoir la pointe d'une lance dans le flanc avant d'avoir eu le temps de faire vingt mètres. La seule autre option résidait entre les mains de Sighild et Voronwë, qui se concertèrent du regard.

Ignus les dévisagea tour à tour, s'arrêtant davantage sur la jeune femme, croyant qu'elle ne le voyait pas. Il la trouvait charmante, pour ne pas dire désirable. La cicatrice qui lui barrait le visage ne faisait qu'ajouter à sa beauté, selon lui, et il aurait tout donné pour chasser l'impression de tristesse qu'il lisait au fond de ses yeux. Elle semblait mélancolique, un peu perdue, et pour tout dire désemparée. S'il avait eu le temps, si sa mission n'avait pas primé sur tout le reste, il lui aurait sans doute proposé de la revoir, afin de la faire rire avec quelques bons mots, afin de la divertir avec quelques facéties. Il n'était qu'un homme, rien de plus qu'un animal de compagnie à l'échelle de la semi-elfe, et elle ne pouvait s'intéresser à un individu tel que lui. Toutefois, il trouverait de la satisfaction à la voir heureuse. Peut-être, quand sa mission serait remplie, quand tout danger serait écarté… Peut-être qu'un jour…

Ignus fut tiré de ses pensées par le regard acéré de Sighild, qui venait de revenir vers lui. Il ne savait pas combien de temps il avait passé à la dévisager ainsi, mais de toute évidence trop longtemps, car elle avait remarqué son insistance. Avant de lire quelle pouvait être sa réaction, craignant qu'elle ne le détestât purement et simplement, ou qu'elle le regardât comme un enfant ridicule, il se tourna vers le Capitaine qui n'avait rien manqué de la scène. Que pouvait-il penser de lui en cet instant ? Que pouvait-il bien penser de tout cela, lui qui était un vétéran de nombreuses guerres et un homme sage ? Ignus leva les mains prendre une dernière fois la parole, avant de leur donner le temps de lui expliquer quelle pouvait être leur réponse :

- Je voudrais ajouter quelque chose, Sire, Ma Dame. J'ai besoin de savoir que cette lettre arrivera en mains propres à ma suzeraine. J'ai prêté serment sur l'honneur, et je ne peux m'y soustraire. Je ne suis pas autorisé à donner ce message à qui que ce soit, et je devrai attendre de savoir que la Reine en a bien pris connaissance, et recevoir ses directives par la suite. J'ignore tout à fait à qui demander une entrevue, et j'ignore tout à fait où je devrai attendre qu'on me convoque. S'il vous agrée, si vous n'avez toujours pas confiance en moi, vous pouvez m'accompagner à cette entrevue. Je ne connais d'autre moyen de vous prouver que je n'entends pas faire de mal à la Reine.

Il regarda les deux elfes, qui paraissaient encore quelque peu hésitants sur la marche à suivre. D'une voix pleine de détermination, Ignus conclut :

- Si vous acceptez de m'aider, je vous emboîte le pas, et je vous laisse négocier cette entrevue. Sinon, mes Seigneurs, je n'abuserai pas plus longtemps de votre précieux temps.
Sujet: Car le Mal ne se repose jamais
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Palais   Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Car le Mal ne se repose jamais    Tag ignus sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 14 Jan 2015 - 4:58

Les rues de la Cité Blanche fourmillaient d'activité. Le mariage avait drainé dans la superbe capitale du Gondor des milliers de personnes venues assister à l'union de l'Arnor et de Dale. On venait littéralement de partout pour les festivités, et il ne semblait y avoir aucun peuple qui n'eût pas sa délégation. Les étranges orientaux et les sauvages suderons avaient même fait le déplacement, enterrant la hache de guerre pour quelques temps, laissant la place à un commerce fructueux qui paraissait rapprocher les peuples. Dans les rues marchandes, l'or coulait à flots, les richesses s'échangeaient, les biens précieux venus de loin étaient négociés âprement, mais toujours dans la bonne humeur. Il semblait régner ici une joie indicible, et les ennemis d'hier se retrouvaient à rire et à chanter en chœur dès que quelques bouteilles avaient été vidées. Les soirées étaient mémorables, interminables, et de mémoire d'homme, on n'avait pas vu pareille liesse à Minas Tirith. Les tentes qui inondaient les champs du Pelennor, de toutes les couleurs et de toutes les tailles, des plus grandes qui abritaient les rois et reines des délégations étrangères aux plus modestes dans lesquelles travaillaient les prostituées, il y avait véritablement de tout. Un ensemble hétéroclite et pourtant uni par la même joie populaire, le même esprit festif qui semblait avoir pris le pas sur les derniers mois tourmentés, glacés, empreints de la menace terrible de l'Ordre de la Couronne de Fer.

Pourtant, au milieu de cette agitation bruyante et insouciante, certains paraissaient rester quelque peu en retrait, comme s'ils avaient conscience que la menace n'était pas encore passée, comme s'ils savaient qu'ils n'avaient pas encore vu la fin de l'orage, seulement une brève accalmie. Alors, ils regardaient le ciel d'un bleu azur, parfait, et se demandaient quand reviendraient les premiers nuages noirs et lourds, chargés de pluie, de neige et de sang. Au nombre de ces rares à connaître la vérité, à savoir que la joie apparente cachait en réalité de sombres secrets, on retrouvait Sighild Baldrick. La Mage avait assisté à des choses, dans les catacombes de la Cité Blanche, qu'elle n'oublierait probablement jamais. Elle avait vu l'effet qu'avait eu le venin de l'Ordre de la Couronne de Fer sur le cœur des hommes vaillants qui s'étaient dressés contre elle. La Rose Noire… Que penser de ces guerriers menés par Sirion Ibn-Lahad, animés par un esprit de vengeance bien inquiétant ? Que penser de Gallen Mortensen, qui paraissait bien trop équilibré pour un homme qui avait traversé autant de souffrance ? Que cachait-il derrière son masque d'assurance, drapé dans son titre de Vice-Roi ? Que penser encore des révélations de la prisonnière Shiva, au sujet des vestiges de l'Ordre qui subsistaient à Pelargir ? Devait-on avoir foi en ce jeune capitaine des Gardes Royaux du Rohan, ce Léaramn, ou devait-on craindre que la menace ne fût bien plus terrible qu'elle ne paraissait ?

Autant de questions qui demeureraient sans réponse tant que les épées n'auraient pas déchiré les voiles de mensonge et de tromperie, tant que les masques n'auraient pas été arrachés par des mains ensanglantées, au terme de combats épiques. Il n'y avait pas de répit pour les âmes vaillantes, car le Mal ne se repose jamais. Toujours il complote, toujours il ourdit de sombres machinations, fomente d'insidieuses trahisons. Afin d'affronter ces menaces, de repousser les mille et une tentatives des esprits les plus retors et les plus brutaux de la Terre du Milieu, la seule défense des gens de bien était l'alliance, l'unité. Faire front commun, faire bloc contre l'adversité afin de surmonter les obstacles, de supporter les coups dur, et toujours se relever. Corps et âmes avaient été mis à rude épreuve ces derniers mois, mais chacun en était ressorti plus fort, plus courageux, plus combatif. Pas nécessairement meilleur, cela dit. Alors, afin de conserver l'esprit clair, d'évacuer la pression terrible qui s'abattait sur leurs épaules, ils devaient parler, continuer à vivre normalement, et se convaincre qu'ils finiraient par voir le bout du tunnel. Des générations d'hommes s'étaient succédées sans voir de paix véritable, mais les Eldar avaient le privilège de la vie éternelle, et ils pouvaient se réunir pour se rappeler non sans une certaine mélancolie les jours meilleurs, les jours passés, des jours que chacun espérait voir revenir bientôt.

C'était ainsi que Sighild avait retrouvé Voronwë. Elfes au sein d'une marée humaine, ils étaient un peu étrangers aux débordements d'émotions qu'ils voyaient autour d'eux, et ils préféraient discuter seul à seul, non loin du Palais de Mephisto. L'immense édifice semblait irradier une certaine fraîcheur, à moins que ce ne fût la brise douce qui courait sur la cour immense qui s'étendait au dernier niveau. La vue était superbe de là-haut, et tout était plus calme, plus apaisant. On aurait pu se perdre dans la contemplation du lointain, et si l'horizon au-delà d'Osgiliath n'avait pas été constitué des noirs pics du Mordor, dressés vers le clel, si cette vue avait été remplacée par un océan splendide aux vagues bleutées, alors oui, tout aurait été parfait. Cependant, la beauté de Minas Tirith ne prenait tout son sens qu'en contraste avec la noirceur qui avait toujours émané de l'Est de l'Anduin. La cité était le premier et le meilleur rempart de la Terre du Milieu contre les abominations qu'engendraient ces terres lointaines et malsaines.

Absorbés dans leur conversation, Voronwë et Sighild ne prêtèrent pas vraiment attention à la scène qui se déroulait de l'autre côté du Palais. Un homme était en pleine conversation avec un des Gardes de la Fontaine, un des soldats d'élite du Gondor. La discussion semblait animée, et si le militaire paraissait garder son calme et faire preuve d'une grande fermeté, son interlocuteur semblait plus agité, et beaucoup moins enclin à la patience. Il semblait que celui qui ne portait pas d'uniforme argumentait son propos, mais le Garde faisait « non » de la tête avec une obstination tout à fait énervante. Il ne semblait pas vouloir entendre le propos du nouveau venu, qui finit par céder. Il prit congé sans douceur, levant les bras en l'air alors qu'il s'éloignait, les derniers échos de ses jurons emportés par le vent et dispersés sur le flanc des montagnes. Il donna un coup de pied dans une pierre virtuelle, et ôta son long manteau de voyage, à cause de la chaleur. Ce faisant, et alors qu'il allait repartir, il avisa les deux elfes qui conversaient paisiblement. Son visage s'illumina, et il trottina dans leur direction, se retenant à grand peine de piquer un sprint pour les rejoindre plus vite :

- Excusez-moi ! Cria-t-il pour attirer leur attention. Excusez-moi, je suis sincèrement désolé de vous déranger. Je…

Il hésita un instant. Le regard des deux elfes qu'il venait d'interrompre paraissait beaucoup l'intimider. En le détaillant, les Eldar purent deviner rapidement d'où il était originaire. Son pourpoint de cuir finement brodé, ses chausses épaisses et ses bottes de fourrure, le tout faisait penser aux régions du Nord de l'Anduin, notamment la région du lac. Si en plus on ajoutait à cela le manteau de voyage, qui ressemblait bien davantage à celui des pêcheurs d'Esgaroth qu'à celui des rôdeurs d'Arnor, on ne pouvait guère se tromper sur son origine. Détail surprenant dans sa tenue, il portait une paire de gants en cuir d'un rouge vif, presque agressif, qui détonaient avec sa tenue relativement sobre et sombre. C'était peut-être le signe d'appartenance à un groupe spécifique, ou bien une marque de coquetterie curieuse. Curieuse surtout eu égard au temps qu'il faisait au dehors. L'homme réussit à surmonter son léger vacillement, réussit à retrouver une contenance alors que ses traits se peignaient d'une grande affliction. La mine sombre, il lança à ses deux interlocuteurs :

- Mes seigneurs, j'ai grand besoin de votre aide. Je viens de Dale, avec de terribles nouvelles que je dois absolument communiquer à Sa Majesté la Princesse Dinael… Euh… Je veux dire la Reine…

Il parut gêné. En effet, beaucoup à Dale avaient encore du mal à imaginer la charmante fille de Gudmund, celle qui incarnait tout à fait la délicatesse et la douceur de leur peuple, être mariée à ces rustres Arnoriens, devoir déménager dans ce froid et hostile pays, peuplé de barbares et de brutes épaisses. Les sentiments étaient extrêmement mitigés à cet égard, entre ceux qui ne voyaient que les gains potentiels pour le petit royaume marchand, et ceux qui avaient l'impression que leur plus belle et plus honorable fille avait été vendue pour un accord défensif contre l'hostilité de plus en plus affichée des Orientaux. Faire de la politique était une chose, mais le faire au détriment du joyau de Dale… Quel que fut le sentiment du nouveau venu sur la question, toutefois, il paraissait davantage préoccupé par ce qu'il avait à lui annoncer que par son nouveau statut. Il fallait croire que c'était extrêmement grave, car il ne paraissait pas être homme à se laisser troubler pour un rien. Devant le visage des deux elfes, il ajouta avec précipitation :

- C'est une question de vie ou de mort, je vous l'assure ! Je suis porteur d'un message de la plus haute importance, contenu dans ce billet (il sortit un pli cacheté de sa poche), que j'ai reçu ordre de remettre à la Reine dans les plus brefs délais, et en personne uniquement. J'ai parcouru mille cinq cent miles afin de venir à Minas Tirith, mais ce garde là-bas n'a rien voulu entendre, et n'a pas accepté de me laisser entrer.

Sa déception était profonde, et on aurait dit qu'il était au bord du désespoir. En même temps, comment ne pas le comprendre ? Il avait traversé la moitié de la Terre du Milieu avec la crainte d'arriver trop tard pour apporter son message, et le voilà qui était arrêté à quelques dizaines de mètres seulement de Dinaelin, Reine d'Arnor, parce qu'il n'avait pas d'autorisation adéquate pour la rencontrer. Il y avait de quoi devenir fou, et on pouvait dire qu'il canalisait plutôt bien ses émotions, eu égard à la gravité de la situation qu'il dépeignait. Son appel au secours paraissait fondé, et surtout il se pouvait que la menace à laquelle il se référait se rapprochât à chaque instant, si bien qu'il n'y avait peut-être pas une seconde à perdre.

Alors qu'il était en train d'argumenter son propos, des bruits de pas dans son dos l'alertèrent, et il se retourna d'un bloc, pour découvrir devant lui le même garde qui l'avait chassé quelques instants plus tôt. On ne voyait de son visage que ses yeux, le reste étant dissimulé par un voile et par le casque aux ailes traditionnel, symbole de cette garde prestigieuse. Cependant, c'était suffisant pour en conclure qu'il n'était pas content de voir la tournure que prenaient les événements, et qu'il n'appréciait pas de voir celui qu'il considérait comme un gêneur venir déranger les émissaires elfiques venus prendre un peu de repos dans la cour du Palais. D'une voix abrupte, il lança :

- Je vous avais dit de partir, il me semble ! Sans autorisation, vous n'avez rien à faire à ce niveau de la cité, et je suis même surpris qu'on vous ait laissé passer ! Maintenant, vous allez me faire le plaisir de décamper, sinon je devrai vous faire arrêter.

Le Dalite jeta un regard implorant aux deux elfes, avant de revenir au garde :

- Si l'on m'a laissé passer, c'est parce que vos collègues ont compris l'importance vitale de ma mission ! Je dois voir la Reine et lui transmettre ce document ! Allez-y, vous pouvez me fouiller, je n'ai rien sur moi : aucune arme, rien qui pourrait menacer un tant soit peu la vie de Sa Majesté.

Cependant qu'il parlait, il avait ouvert son pourpoint en grand, révélant une chemise de soie blanche, tâchée par son périple. Sa silhouette se dessinait élégamment sous ce simple vêtement, et assurément il était en grande forme physique. On lui aurait facilement donné la quarantaine, mais il avait un corps sculpté et athlétique, ce qui impliquait que ce messager n'était peut-être pas simplement un messager. Peut-être représentait-il quelque chose de plus important. Peut-être sa présence devait-elle vraiment être prise au sérieux. Toutefois, le garde ne l'entendait pas de cette oreille, et il se saisit puissamment du bras du Dalite, avant de le tirer sans ménagement vers la sortie de la cour. Parallèlement, il se retourna vers les deux elfes, à qui il lança poliment :

- Veuillez m'excuser pour le désagrément, Sire, Madame. La cour est d'ordinaire beaucoup plus calme… J'ai cru un instant que vous connaissiez cet homme, mais puisqu'il n'en est rien…

Profitant de sa déconcentration, le messager se défit habilement de l'étreinte du Gondorien, et vint se jeter à genoux aux pieds de Sighild et de Voronwë, les mains ouvertes dans une position implorante. Ses yeux étaient brillants d'émotion, et sa voix tremblait légèrement lorsque, précipitamment, il s'écria :

- Mes seigneurs, de grâce ! Il en va de la vie de la Reine ! Que dois-je donc offrir pour qu'on me laisse accomplir ma mission ?
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