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Sujet: Pardonne-nous nos offenses
Learamn

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Rechercher dans: La Ville Haute   Tag kayemba sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Pardonne-nous nos offenses    Tag kayemba sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 19 Oct 2023 - 17:27



D’un pas lourd, Learamn suivait le groupe auquel il s’était greffé. Du haut du promontoire sur lequel il se trouvait, il pouvait admirer l’astre solaire disparaître lentement derrière le dédale d’éperons et des reliefs menaçants qui déchiraient la vallée qui faisait face à la Ville Sombre. Le rohirrim se massa son épaule douloureuse après des heures d’efforts et serra les dents pour faire passer la douleur qui irradiait à nouveau la plante de son pied. Pour faire passer le mal, il laissa son regard divaguer autour de lui, s’intéressant à ses compagnons de fortune. Les visages étaient marqués, les corps courbés et les regards vides de toute vigueur. Et pourtant, de ces corps frêles et fragiles, se dégageait une force particulière. Une forme d’abnégation qui se manifestait étrangement sous la forme de ces silhouettes cadavériques; des muscles décharnés pouvant soulever plus lourd et plus longtemps que les plus puissants des guerriers, des esprits brisés qui pouvait résister aux pires tortures; des mains squelettiques qui pourtant faisaient vivre toute une économie. Tel était le paradoxe de ces esclaves. Devoir supporter le fardeau de tout un monde sur des épaules meurtries. Le jeune homme n’avait travaillé le temps qu’une seule journée à leurs côtés et déjà son corps entier était douloureux. Des heures durant, il avait porté, poussé, tiré sans cesser, une tâche en remplaçant inlassablement une autre. Pourtant personne d’autre ne semblait se plaindre d’une même douleur. A quoi bon se plaindre? Tel était leur pain quotidien. Ces femmes et ces hommes se levaient le matin pour répéter chaque jour les mêmes tâches sans jamais la moindre perspective de progression dans leur travail. Là était peut-être le drame de l’esclave. L’artisan travaillant dans son atelier se rapproche de la finalité de son produit à chaque coup de marteau. Le fermier qui passaient des heures à cultiver ses champs sous une chaleur torride pouvait se targuer de faire fructifier ses terres. Même le simple bâtisseur pouvait entrevoir l’espoir de contribuer à la construction d’un palais à chaque coup de pioche. Pour l’esclave, rien de tout cela n’était permis. Les tortionnaires avaient réussi à changer toute la substance de ce que l’on voyait comme un travail. D’un moyen pour atteindre un but, ils en avaient fait une finalité, aliénant l’homme de sa propre création. Dès lors, ils n’étaient plus qu’outils; déprivés de ce qui faisaient d’eux des hommes: la capacité de création. La nuit qui venait n’était alors plus une étape supplémentaire vers la réalisation de leur oeuvre, mais l’annonce d’un énième recommencement de ce cycle infernal.

Ils arrivèrent finalement à l’entrée du petit village où résidaient les esclaves. Malgré la modestie du lieu, et la menace toute relative de ses occupants, le lieu était lourdement surveillé par des gardes armés. Visiblement,  la méfiance était de mise parmi les miliciens. Learamn observa quelques secondes l’un des soldats, juchés sur son cheval, portant fièrement son armure et son casque surmonté d’une coiffe. Sous ce casque de fer, se trouvait sûrement les traits d’un jeune homme plein d’espoirs et d’ambition. Un jeune homme qui avait sûrement été empli de fierté quand il avait reçu ses insignes sous les yeux de ses parents, de sa fiancée. Pour lui, surveiller des esclaves n’était que son devoir. Préserver l’ordre naturel de sa cité, assurer la stabilité de son peuple. Des motivations proches de celles qui avaient été les siennes quelques années plus tôt à la caserne d’Edoras. Les valeurs étaient peut-être différentes, mais les hommes qui  tenaient n’étaient au fond pas si lointains. L’ancien capitaine fut tiré de ses sombres pensées par un des esclaves qui lui tapa sur l’épaule. L’homme lui tendait une pierre de silex taillée qu’il avait trempée dans une encre épaisse et granuleuse qui avait dû être fabriquée avec les maigres moyens à disposition. Il lui désigna ensuite le mur de l’une des chaumières avec insistance. D’abord perplexe, Learamn s’approcha du mur et se rendit alors compte que ce qu’il avait pris pour des traces de souillure sur le torchis étaient en réalité des inscriptions laissées par les habitants, des noms plus précisément. Des milliers de noms, de toutes origines, qui se rencontraient, s’enchevêtraient, s’entrechoquaient dans un ballet étourdissant. Ses yeux s’arrêtèrent sur l’un d’entre eux; peut-être le plus simple, le plus banal: Tom.

Qui était-il? D’où venait-il? En quoi croyait-il? Autant de questions qui resteraient sans réponse. Ces trois lettres étaient tout l’héritage qui restait de son souvenir, et déjà celui-ci disparaissait sous les couches de nouvelles inscriptions. Un éternel recommencement. Un cycle infernal. Des gouttes d’encre se mirent à couler le long de ses doigts; il leva un bras hésitant ne sachant exactement ce qu’il voulait écrire. Il voulut d’abord écrire son nom et commença à rédiger la première lettre; mais il se ravisa. Comme si celui-ci ne signifiait plus grand-chose en ces terres. Ce nom qui inspirait jadis respect et révérence était inconnu dans ce pays, ici il n’était qu’un simple étranger. Il tenta en vain, de se souvenir de la traduction de ce mot en rhûnadan, un qualificatif que les locaux avaient plusieurs fois utilisé depuis son arrivée. Parfois en signe de mépris, souvent comme un simple fait. Finalement, comme une évidence étrange, il griffonna le seul mot qui semblait le définir depuis son arrivée. Il n’était pas certain de son orthographe qui n’était sûrement que peu important puisqu’il ne connaissait pas l’alphabet d’origine de ce terme. Il se contenta donc d’en faire la transcription en commun avant de lâcher la pierre et de s’éloigner du mur, laissant derrière lui une inscription quasiment cryptique pour la plupart des observateurs.

“Varka”

On le mena alors vers une demeure légèrement plus grande et confortable que les autres fréquentés par plusieurs esclaves aux visages couverts de tatouages. Des symboles et inscriptions inscrits dans leur chair, à l’instar des vers qui couvraient le corps d’Iran. Cette pratique, perçue comme marginale, voire dangereuse, semblait relever de la tradition au Rhûn.
L’un d’eux était installé sur une large couche. Les autres esclaves le traitaient avec un immense révérence et se dégageait de lui un charisme particulier. Sa voix était affaiblie par ses profondes blessures, mais il n’avait nul besoin de la lever pour faire régner le silence dans la pièce. Il était leur chef. Pas de ceux qui maniaient le fouet en aboyant leurs ordres mais bien du guide qu’ils s’étaient choisis. Un autre signe que ce groupe d’esclaves se battait pour préserver son humanité. Les “petits jardins” cultivés, les inscriptions initiatiques, la nomination d’un leader; autant de signes d’une société libre et non d’un groupe d’outils humains.

Learamn s’approcha suite aux paroles de Kayemba et dans un élan instinctif hérité de ses années militaires, il s’inclina légèrement en signe de respect. L’image était ironique. L’homme libre se prosternant face à l’esclave. Mais était-il vraiment libre? L’avait-il jamais été?

“Vénérable Kayemba, je ne suis venu ici avec nulle intention de vous tuer, ou de faire du mal à qui que ce soit ici. Ma seule cible réside au Temple de Sharaman. Je ne réponds à aucun maître ici si ce n’est la parole directe de la Reine.”

Une pirouette sémantique qui était plutôt destinée à lui-même qu’à son interlocuteur. Il avait prêté allégeance à Lyra et comptait bien honorer son serment mais, dans son esprit, rien ne l’obligeait à prendre les paroles d’un gouverneur ou d’un officier de la ville comme celle de la Reine. Une manière de préserver une liberté d’action qui lui serait indispensable par la suite.

Le chef des esclaves s’était présenté comme  “Kayemba le Voyageur” ce qui expliquait sûrement sa parfaite maîtrise du Westron. A l’instar de Khalmeh, il était sûrement un homme instruit, riche de ses voyages et découvertes, dont le sombre destin l’avait mené en cet enfer. Cependant, et cela avait ravivé l’attention du rohirrim, il s’était également présenté comme le “Poing de la Révolte”. Il faisait très certainement référence au soulèvement d’esclaves écrasée par les autorités d’Albyor quelques mois plus tôt. Une révolte qui avait indubitablement marqué les corps et les esprits. Learamn ne put retenir sa curiosité.

“Vous parlez d’une révolte…Que voulez-vous dire? Que s’est-il passé ici?”

Il marqua une pause, cherchant à mesurer l’atmosphère dans la pièce à l’évocation de ces souvenirs sans doute douloureux. Mais l’ancien capitaine, désormais privé de liberté, se sentait étrangement à l’aise à côté de ces femmes et ces hommes. Comme si, parler librement avec eux était bien plus aisé qu’avec des politiciens ou des officiers.

“Cette révolte, pourquoi a-t-elle échoué?”



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