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Sujet: Une Ombre sur Imladris...
Ryad Assad

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Rechercher dans: Fondcombe   Tag nan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une Ombre sur Imladris...    Tag nan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 2 Jan 2013 - 19:26
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Nan inspira très profondément, comme lorsqu'elle s'apprêtait à jouer un morceau de musique particulièrement compliqué. Elle essayait alors de faire le vide dans sa tête, pour faire en sorte que ses doigts soient capables de se mouvoir aussi vite que son esprit, et qu'aucune pensée parasite ne vînt contrarier sa performance. Alors, elle se fondait dans son œuvre, et sa musique devenait presque mystique. Elle avait dans l'idée que si elle parvenait à atteindre ce point où elle était à la fois parfaitement concentrée et totalement détachée des évènements, son bras bougerait plus rapidement, et lui permettrait d'échapper à la mort. C'était peut-être un doux rêve, car sur un champ de bataille, il ne fallait pas se leurrer quant à la fatalité. La faucheuse prenait les vies qu'elle voulait, sans faire de distinction entre les braves et les pleutres, les bons et les moins bons. C'était une sorte de hasard machiavélique, un jeu de dé dans lequel chacun misait sa vie. Sans deuxième chance.

L'elfe, qui participait à sa première bataille - pour ne pas dire à son premier combat - ignorait parfaitement où aller. Lorsque le son du cor avait retenti, tous et toutes s'étaient réveillés, sortant de leur méditation d'avant-guerre. Les guerriers avaient saisi leurs armes avec des gestes précis et mesurés, et s'étaient rendus là où ils savaient qu'on allait avoir besoin d'eux. Ceux qui ne pouvaient pas se battre - et ils étaient rares - avaient abandonné les leurs, et étaient partis. Au milieu de tout ça, la Moriquendi était totalement désemparée. Elle arrêta un elfe qui marchait d'un bon pas, et lui demanda ce qu'elle pouvait faire pour aider. L'intéressé la détailla des pieds à la tête, non sans cacher une moue de surprise en découvrant son apparence. Il devait constater de lui-même qu'elle risquait d'être un handicap si elle venait à être placée en première ligne. Il l'invita à le suivre, ce qu'elle fit sans rechigner, avant de lui indiquer un groupe de combattants qui se rassemblaient. Tous portaient des arcs, et discutaient en petits groupes, attendant de recevoir davantage d'informations.

Laissée seule face à ces gens qui pour la plupart défendaient leur patrie, Nan se retrouva un peu perdue. Elle aurait bien aimé avoir plus de consignes, savoir exactement où aller, quoi faire, pour être certaine de ne pas commettre d'erreurs. Elle se sentait soudainement prise par une multitude de doutes, qui la tiraillaient. Outre les voix qui lui répétaient inlassablement qu'elle aurait mieux fait de rester chez elle, ou bien qu'il aurait mieux valu qu'elle n'écoutât pas les appels à l'aide du Seigneur Sombre-Chêne d'Imladris, elle se demandait si elle n'aurait pas dû demander davantage d'informations au Seigneur Erenor, qui avait été si bon avec elle à son arrivée. Peut-être aurait-il su comment la rassurer en cet instant crucial, alors que la bataille débutait. Nan regarda autour d'elle, et vit dans les yeux de chacun la peur et l'inquiétude. Ce qu'ils avaient et qu'elle n'avait pas, c'était la détermination. Ils savaient pertinemment pourquoi ils se battaient, ce qu'ils risquaient de perdre s'ils étaient défaits, et ils étaient prêts à livrer bataille jusqu'au dernier si cela pouvait préserver l'espoir de victoire. L'émotion qui les saisissait, ils étaient capables de la contrôler à merveille, mais ils étaient si nombreux qu'elle semblait irradier de leur réunion, comme la chaleur d'un bûcher se fait ressentir alentour.

Nan chercha du regard une silhouette familière, quelqu'un qui pourrait la conseiller et la guider pour qu'elle sût quoi faire, mais tous ces grands guerriers semblaient absorbés dans leur préparation d'avant-bataille. Certains parlaient, s'échangeaient des pensées peut-être joyeuses pour se donner du courage. Elle l'ignorait, elle ne comprenait pas un mot de cet elfique. Sa langue à elle, un peu moins douce à l'oreille, n'était parlée que par une poignée d'individus, transmise de génération en génération par des elfes millénaires qui avaient sinon vu, au moins entendu parler des plus hauts faits d'armes de la Terre du Milieu. La jeune elfe pensa à tous ceux qu'elle avait abandonnés, et essaya de trouver dans le souvenir de leur visage, de leur sourire, de leur bienveillance, la force de surmonter ce nouvel obstacle. Elle parvint à trouver quelque peu de sérénité en pensant qu'elle avait déjà vécu longtemps, probablement plus que la grande majorité des elfes qui se trouvaient autour d'elle, et qu'elle avait connu maints bonheurs. Si elle devait abandonner sa vie derrière elle, elle le ferait sans regret aucun. Ou presque.

Continuant à chercher une aide providentielle, elle avisa une archère qui se tenait, seule elle aussi, au milieu des combattants. Elle avait le regard perdu dans le lointain, probablement occupée à ressasser des pensées sombres, ou à se projeter dans la bataille à venir. Nan nota avec une pointe d'étonnement le bâton étrange qui était posé près d'elle. De toute évidence, il ne constituait pas son arme, puisqu'elle tenait en main un arc superbe, et qu'une épée était pendue à sa ceinture. Cela voulait-il signifier qu'elle en avait besoin pour marcher ? Cela aurait été étonnant, puisqu'elle semblait se tenir droite sans la moindre peine. C'était un mystère qui attisa la curiosité de l'elfe des Moriquendi, qui s'avança vers l'inconnue. D'une voix timide, elle lui demanda en Commun :

- Madame, je vous prie de bien vouloir m'excuser de vous importuner dans un moment aussi délicat, et je conçois que ma requête puisse vous paraître incongrue voire déplacée, mais je me retrouve perdue au milieu de ces rangées de braves.

Elle marqua une pause, son regard s'égarant subitement à la recherche de l'elfe qui avait eu la bonté de la guider jusqu'à la cité d'Imladris. Elle aurait aimé le revoir une dernière fois, mais il faisait de toute évidence partie du groupe situé en première ligne, et elle ne le voyait pas d'où elle était. Elle revint à son interlocutrice, et ajouta :

- Je...On m'a demandé de rejoindre les rangs des archers, mais je ne suis guère rompue aux exercices martiaux, et j'ai bien peur de ne pas savoir quoi faire le moment venu. En outre, je...j'ai bien peur de ne pas comprendre votre langue...Auriez-vous l'amabilité de m'aider ? Je sais que le moment est mal choisi pour se montrer aussi peu débrouillard que moi, mais j'ai vraiment besoin de votre aide.

Elle marqua une pause. Dans son ton, on sentait une naïveté tout à fait touchante, mais sa supplique à peine voilée tranchait tellement avec son âge avancé qu'il y avait là un paradoxe particulièrement surprenant. Il n'était pas rare que les elfes la prissent pour une candide novice, alors qu'elle leur rendait sans exagérer plusieurs siècles. Et pourtant, il semblait que seule la guerre sût faire grandir en âme et en cœur, dans ce monde baigné dans la violence et dans la mort. Ne pouvait-on pas faire preuve d'une grande sagesse si l'on n'avait jamais vu quelqu'un mourir ? Ne pouvait-on pas savoir ce que signifiait le bonheur si l'on n'avait pas été confronté aux plus sombres ténèbres ? Nan était convaincue qu'il n'était pas besoin d'échouer d'abord pour réussir, qu'il n'était pas nécessaire de tomber pour apprendre à se relever. Sinon, pourquoi le monde plongeait-il perpétuellement dans le chaos et dans le conflit ? Si des ténèbres surgissait le bonheur, si de l'échec surgissait le succès, si de al chute surgissait l'élévation...alors le monde ne pouvait pas être tel qu'il était actuellement.

L'elfe au caractère timide et au corps frêle plongea un regard empli d'ancienneté et de sagesse dans les yeux de son interlocutrice. Ce n'était pas une sagesse acquise sur les champs de bataille, dans la peine ou la douleur. Non. C'était autre chose. C'était une sagesse plus forte encore, car pure, vierge de toute souillure et de toute violence. C'était ce vers quoi la Terre du Milieu aurait pu tendre, si les malheurs ne s'étaient pas abattus sur elle.

#Nan
Sujet: Rassemblement dans la Dernière Maison Simple
Ryad Assad

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Rechercher dans: Fondcombe   Tag nan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Rassemblement dans la Dernière Maison Simple    Tag nan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 17 Déc 2012 - 2:36
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Menant tranquillement sa fidèle monture au pas, sur le petit sentier de terre qui serpentait au travers de cette vaste plaine sur laquelle soufflait un vent frais assez étrange en cette saison, Nan était perdue dans ses pensées, cherchant à comprendre quelle était la raison de sa présence en ces lieux. Elle avait quitté ses parents plusieurs années auparavant, afin de découvrir un peu mieux la Terre du Milieu, et ses habitants, et elle avait eu beaucoup de plaisir à visiter les majestueuses cités des Hommes, comme Osgiliath, Minas Tirith, ou encore Edoras. Elle avait trouvé touchant de voir combien des êtres aussi fragiles que les humains pouvaient se lancer malgré tout dans de vastes travaux comme ceux-ci, quitte à y consacrer une part non négligeable de leur vie. Mais si elle avait été intriguée par ces créatures pleines de vie, de passions et de sentiments, elle s'était toujours soigneusement tenue à l'écart de ceux qu'elle aurait dû appeler ses cousins : les elfes.

Non pas qu'elle les détestât, car elle ne détestait personne en réalité, mais elle ne se sentait guère à l'aise en leur présence. C'étaient des personnages tellement magnifiques et tellement superbes qu'elle se sentait rabaissée rien que de se tenir à leurs côtés. Et ceux-ci, en règle générale, ne manquaient pas de s'étonner de son apparence, sans vraiment pouvoir expliquer pourquoi, avant qu'elle ne leur dît, après maintes questions, qu'elle appartenait aux Moriquendi, ces elfes qui avaient refusé d'embarquer pour Valinor. Alors, souvent, ils se détournaient d'elle. Elle ignorait s'il s'agissait simplement de dégoût, de crainte, ou bien de l'impossibilité de supporter d'être avec quelqu'un qui n'avait pas hérité de la grâce des Valars. Elle préférait ne même pas leur poser la question, et leur rendait bien leur indifférence. Lorsque des elfes s'approchaient, elle s'éclipsait discrètement, disparaissait comme une ombre, et il lui était arrivé plus d'une fois de dormir dans la paille, couchée dans l'enclos réservé à son cheval, plutôt que de risquer la confrontation directe.

Timide ? On pouvait dire qu'elle l'était. Ou plutôt, elle préférait ne pas créer d'ennuis. Les siens étaient des êtres réservés, encore plus secrets que les elfes, qui se mêlaient rarement des affaires des autres. Une exception notable avait été l'intervention d'elfes Moriquendi à la bataille du Nord, mais ce roi qui avait considéré qu'il était de son devoir d'intervenir dans les affaires du reste du monde avait vu ses guerriers massacrés. Les autres en avaient tiré des leçons, et n'étaient pas prêts à s'investir dans une autre expédition de la sorte. Certains, dont la famille de Nan, vivaient reclus sous terre, dans des abris proches de ceux des nains. Des grottes de pierre dans lesquelles ils se réfugiaient en cas de danger. Le reste du temps, ils vivaient à l'extérieur, mais en prenant bien soin de choisir des endroits enclavés, protégés, où personne ne risquait de venir les déranger. Le monde continuait à se battre, ils continuaient à survivre. Heureux mais cachés. Heureux car cachés.

Mais Nan avait choisi un destin différent. L'idée avait eu le temps de faire du chemin, puisqu'elle avait pris près d'un siècle avant de se lancer définitivement. Elle avait tourné et retourné la question dans sa tête plusieurs fois, en entendant de quelle manière évoluaient les choses en Terre du Milieu. Elle avait cru que la fin de Sauron allait aboutir à une restauration de la paix, à un rétablissement de l'harmonie. Elle s'était trompée. Les ombres n'avaient pas tardé à s'abattre sur eux, sous la forme d'ennemis toujours plus puissants et toujours plus machiavéliques. Cela avait atteint son point culminant lorsqu'un Cracheur de Feu avait surgi, comme par le passé, et avait semé la désolation et la mort partout sur son passage. Elle avait craint pour la Terre du Milieu, et avait regretté de ne rien pouvoir faire. Ce fut cet évènement qui la décida à partir. Elle dut s'expliquer, se justifier, jurer sur tout ce qu'elle avait de plus cher au monde de ne jamais trahir les siens, de révéler où ils se terraient, avant d'être autorisée à quitter le sanctuaire où elle vivait. Et puis d'un coup, après avoir vécu dans une prison dorée pendant toute sa vie, elle se retrouva dans une prison de cuivre.

Le monde était à la fois pire et mieux que ce qu'elle imaginait. Les malheurs étaient partout : la maladie, la mort, la souffrance. En particulier chez les Hommes. Certains avaient voulu la tuer à vue, et elle avait dû quitter l'Est précipitamment, au risque de perdre la vie. Elle avait ensuite erré, voyagé, vagabondé, essayant de répandre le bonheur partout où elle passait. Elle dispensait des conseils, des soins, un peu d'affection, donnait de son temps et de son énergie pour de menus travaux. Elle jouait de la flûte et du violon pour les enfants, pour les rassurer pendant que l'orage grondait dehors. Plusieurs fois, des hommes avaient demandé qu'elle restât avec eux, qu'elle demeurât leur compagne. Elle avait refusé à chaque fois, affirmant qu'elle avait d'autres personnes à aider. A dire vrai, elle ignorait si sa quête prendrait fin un jour, car à chaque jour nouveau, elle avait l'impression que les blessures du monde se multipliaient et que les bandages ridicules qu'elle tentait de faire s'évanouissaient, inutiles. Rien ne durait, rien ne perdurait.

Et puis elle avait entendu l'appel à l'aide.

Nan chevauchait toujours aussi tranquillement, essayant de comprendre ce qui avait motivé sa décision. Elle avait entendu des rumeurs, comme quoi les elfes étaient menacés. On parlait d'une armée en marche, on parlait d'un ordre mystérieux, on parlait de malheurs à venir et de malheurs déjà venus. On évoquait la mort, la tristesse et la désolation. Nan avait du mal à croire que même les elfes pussent être touchés par tant de chaos. Elle avait cru pendant longtemps que les humains étaient les seuls à souffrir ainsi, et que les elfes étaient en quelque sorte les garants de leur intégrité. Mais elle découvrait désormais que le monde était tout aussi impitoyable, quelle que soit la longueur des oreilles. Elle avait donc demandé son chemin, mais personne n'avait su lui donner d'indications précises. On lui avait simplement dit de continuer tout droit, et qu'elle finirait par arriver à destination.

Naïvement, elle s'était lancée à l'aventure, les yeux grands ouverts en espérant remarquer ce qui ressemblait à une cité, ou bien une forteresse, ou bien un campement. Elle avait en tête les constructions majestueuses des Hommes, qui s'élevaient vers le ciel, et qu'il était possible de repérer à plusieurs dizaines de lieues. Elle ne pouvait décemment passer à côté d'une puissante cité elfique. Tandis qu'elle laissait sa monture suivre la route, son oeil fut attiré par un mouvement sur sa droite. Elle haussa un sourcil, interloquée, et mit Nandil à l'arrêt, de sorte à pouvoir mieux voir. En une fraction de secondes, elle en prit plein les yeux.

Surgis de nulle part, une demi-douzaine d'elfes l'encerclèrent. Armés d'arcs magnifiques, vêtus de capes finement tissées, ils la mettaient en joue, menaçants. Aucun d'eux ne semblait plaisanter. Nandil s'agita quelque peu, et sa cavalière, les mains levées avec précipitation, fit de son mieux pour ne pas lui communiquer sa propre panique. Elle se dit que si son cheval partait au galop, ces inconnus ne manqueraient pas de la cribler de leurs traits, pour la forme. Nan parfaitement immobile, laissait simplement ses yeux passer de l'un à l'autre. Leur silence l'inquiétait, mais elle fit un effort pour attendre que l'un d'eux prît la parole, ce qu'il fit à son plus grand soulagement. D'une voix parfaite, aussi mélodieuse que le chuchotis de l'eau qui coule sur les rochers, il s'exprima...dans un langage qu'elle ne comprenait pas. Son ton était cependant interrogatif, et elle supposa qu'il lui demandait son identité. Ignorant s'il parlait ou non le Westron, cette langue des Hommes si facile à apprendre, et que tout le monde entendait parfaitement, elle se contenta de signes.

- Nan, dit-elle en se montrant du doigt.

L'elfe haussa un sourcil, visiblement déconcentré, et ajouta une autre phrase dans sa belle langue. Devant l'absence de réponse de l'intéressée, il enchaîna sur le commun :

- Comprenez-vous la langue des Hommes ?

- Oui, sire.

Politesse et concision. Voilà quelles étaient, selon elle, les clés pour survivre face à un individu qui vous menaçait d'une arme. L'elfe la dévisagea un instant, avant de lui demander si elle était une elfe. Elle répondit par l'affirmative, toujours aussi laconique. En face d'elle, les sourcils se froncèrent, comme si sa réponse avait quelque chose d'étrange. N'existait-il pas d'elfes qui ne parlât pas leur langue, en Terre du Milieu ? Elle s'en voulu d'être restée autant à l'écart de ses cousins, sans quoi elle aurait pu connaître la réponse. Enchaînant, l'elfe armé lui demanda ce qu'elle faisait sur ces terres :

- Je suis à la recherche de la cité d'Imladris, sire.

Elle nota qu'elle n'avait pas satisfait entièrement à sa question, lorsqu'il se fendit d'un "mais encore ?" presque agacé. Ne voulant surtout pas lui déplaire, elle ajouta précipitamment :

- On raconte que la cité court un danger. J'escomptais apporter mon aide, aussi modeste soit-elle, sire.

- Connaissez-vous le chemin pour y aller ?

Le visage de Nan afficha une moue désolée.

- Je crains que non, sire. Sauriez-vous m'y conduire ?

L'elfe ordonna d'un geste à ses troupes de baisser leurs armes, ce qu'ils firent sans un mot, sans un bruit. Nan ne put s'empêcher de noter qu'ils étaient tous magnifiques, gracieux dans leurs moindre gestes, et dotés d'une élégance rare. Elle osait à peine imaginer, par comparaison, ce qu'il pouvait en être des seigneurs et des dames de ces royaumes. Dans sa tenue de voyage usée, elle se sentait lamentable. Toute à ses pensées, elle sursauta lorsque l'elfe lui déclara qu'elle pouvait baisser les bras. Elle s'exécuta promptement, et, penaude, descendit de selle comme on le lui commandait.

- Je vais devoir vous bander les yeux. En ces temps troublés, je préfère ne prendre aucun risque. N'imaginez cependant pas que l'hospitalité des elfes d'Imladris est à l'image du traitement offert par un soldat.

- Ne vous sentez pas coupable, sire. Si je déplore que vous soyez contraint de procéder de la sorte, je ne vous le reproche pas. Vous n'êtes pas responsable de ceux qui déclenchent les guerres, sire.

Elle eut à peine le temps de voir l'elfe hocher la tête, avant qu'un voile obscur ne vînt lui recouvrir le haut du visage. Elle sentit le guerrier nouer habilement le bandeau derrière sa tête, puis s'éloigner. Pendant un moment, elle se demanda s'il n'était pas simplement parti, avant de sentir une main s'emparer délicatement de la sienne. Il l'aidait à se remettre en selle. Elle lui en sut gré, car elle avait fait longue route, et elle ne se sentait pas la force de marcher jusqu'à destination. Il devait l'avoir bien compris. Sans qu'elle l'eut commandé, elle sentit sa monture se mettre en marche. Elle serra instinctivement les cuisses, craignant de tomber, et se retint à grand peine de dissiper sa cécité temporaire. Elle avait beau savoir que l'elfe avait eu cent fois l'occasion de la capturer, et qu'il allait très probablement la conduire à destination, elle ne se sentait pas rassurée à l'idée de parcourir ainsi une longue distance sans rien voir. Son angoisse dut se lire dans son attitude, car le guerrier déclara :

- Restez calme, je ne vous ferai pas de mal.

Elle inspira profondément, et d'une voix encore mal assurée lui répondit :

- Je vous fais confiance, sire. Mais je ne suis pas à mon aise ainsi aveuglée. Cela vous dérange-t-il que je joue ?

Quelques seconde passèrent, le temps qu'il comprisse probablement de quoi elle parlait, avant qu'il ne se fendît d'un "ce serait un plaisir" aussi poli que courtois. Ravie, elle trouva sans l'ombre d'un doute la flûte qu'elle avait passée à sa ceinture, et porta l'instrument finement ouvragé à ses lèvres. Ses doigts trouvèrent rapidement le chemin des mélodies, et son souffle régulier se transforma en une ballade guillerette, naïve et insouciante. Elle jouait comme son coeur lui commandait, changeant de rythme et d'air avec fantaisie. Sa musique évoluait au gré de ses sentiments, du vent sur ses bras, du soleil sur sa peau, et tout cela se mêlait à ses souvenirs, à ses réminiscences d'un temps différent, toujours meilleur que le présent. Le temps, justement, cessa d'être linéaire. Il décrivit des boucles harmonieuses, entourant les notes de musique, dansant avec elles. Les deux âmes qui avançaient sur cette route tantôt grimpante, tantôt descendante se retrouvèrent portés pendant un instant ou pendant un siècle hors du monde, hors des tumultes de la guerre, hors des préoccupations du quotidien. Mais cet instant...ce siècle...se termina à leur grand dam. Nandil s'immobilisa bientôt, et rapidement une main vint se glisser dans celle de sa cavalière, pour l'aider à descendre jusqu'au sol.

- Je vous remercie pour votre musique. C'était un véritable enchantement.

- C'est moi qui vous remercie, sire, pour vos compliments.

Elle sentit des doigts frais se poser sur ses joues, et retirer délicatement le bandeau qui recouvrait ses yeux. Elle les ouvrit, et cligna des paupières plusieurs fois, le temps de s'accoutumer à la lumière plus vive que dans ses souvenirs. Alors, elle découvrit Imladris. La cité majestueuse la laissa sans voix. La beauté du lieu était à couper le souffle, et elle se perdit pendant un instant dans la contemplation de l'architecture délicieuse qui se fondait parfaitement dans le paysage, véritable ravissement pour les yeux et le coeur. Les couleurs, les lumières et les ombres, le chant des oiseaux et les murmures de l'eau...c'était un endroit parfait. Elle se dit qu'il manquait simplement de quiétude pour être idyllique. Elle ne pouvait concevoir que quiconque puisse décider de porter la guerre dans un tel paradis. Alors que le monde recueillait tant de malheurs, cet endroits était peut-être la dernière enclave de paix...et certains voulaient la souiller, la corrompre. C'était une abomination qu'elle se devait d'empêcher, de toutes ses maigres forces !

- Vous voilà à Imladris. J'ai accompli ma tâche en vous accompagnant jusqu'ici. Je dois désormais retourner à mon poste. Si vous êtes venue pour défendre notre belle cité, adressez-vous à Sire Erenor. Il se chargera de vous pour la suite.

Nan inclina la tête gracieusement :

- Je vous remercie, sire. Votre aide m'a été d'un grand secours. Faites très attention à vous.

Il sourit tranquillement :

- Si je dois tomber pour ma cité, je le ferai en emportant avec moi le souvenir de vos notes de musique.

Elle ne sut comment interpréter cette réponse à la fois sombre et flatteuse, capable de lui tirer un sourire en même temps qu'une larme. Elle se contenta seulement d'ajouter :

- En ce cas, bonne chance !

Il la salua de la main, avant de tourner les talons. Nan se retrouva instantanément seule au milieu de cet endroit qu'elle ne connaissait pas, dans une petite cour pavée, à l'intérieur de laquelle elle et son cheval ne savaient que faire. Elle s'approcha du brave animal, et lui flatta l'encolure. Il s'était montré courageux, et avait voyagé longtemps. Elle entreprit de détacher les sacs qui pendaient à sa selle, pour le soulager un peu. Les sacs dans une main, sa précieuse flûte dans l'autre, lorsqu'elle leva la tête elle se retrouva nez à nez avec un elfe altier et fier, qui la dévisageait sans sourciller. Erenor ? Impossible de le savoir. Elle lâcha instantanément ses affaires, cacha sa flûte dans son dos, et s'essaya à une révérence quelque peu maladroite :

- Sire...

Elle voulut parler, mais les mots restèrent figés dans sa gorge. Cet elfe était tellement majestueux et respectable, et elle était si...si peu noble, en comparaison, qu'elle se sentit honteuse à adresser la parole à un être aussi supérieur à elle. Elle n'avait pas le dixième de sa grâce, de sa splendeur, de son charme et de sa prestance. Elle se sentait gauche, grossière à côté de lui, et cela n'avait rien à voir avec le long voyage qu'elle avait fait, sa mise simple, ou le fait qu'elle fut prise au dépourvu. Non. Plus elle se tenait parmi eux, moins elle se sentait à l'aise. Elle espérait simplement réussir à répondre sans bafouiller, désormais.

#Nan
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