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Sujet: La plaine étend son manteau blanc
Kathryn Prospéris

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Rechercher dans: Le Royaume de Gondor   Tag prospéris sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: La plaine étend son manteau blanc    Tag prospéris sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 30 Déc 2012 - 16:52
Kathryn observa les trois hommes avec un léger sourire aux lèvres. Elle leur avait lancé volontairement cette remarque, car d’expérience, elle savait que la colère d’un orgueil piqué au vif était souvent un prisme hyalin qui laissait observer à loisir la vraie personnalité de quelqu’un, celle cachée sous les couches savamment orchestrées et organisées, sous les voiles de faux-semblants et d’attitudes étudiées. Tous les masques brûlent dans les flammes de la fureur. C’est comme cela que Dame Kathryn le lui avait appris. Et bien que le résultat de son petit stratagème l’ait surprise, elle ne fut pas déçue.

- Si nous ne le sommes pas, vous ne serez sans doute guère plus de ce monde pour le constater, gente dame. Nous pourrions tout aussi bien être des brigands, qui dès votre sortie, vous égorgerions... Nous pourrions aussi être des chasseurs de tête, qui en vous enlevant, réclamerions ensuite une prime à vos concurrents - car je ne doute pas que vous ayez... Ou bien peut être sommes nous simplement des voyageurs qui connaissons la Terre du Milieu, et qui pouvons offrir nos services... Je vous ferai noter que vous n'avez pas encore évoqué la récompense, fut-ce son montant ou sa nature...

Kathryn se retourna gracieusement vers l’elfe qui venait de parler, mais son sourire confiant se figea imperceptiblement sur ses lèvres. Elle vit Makhai se redresser légèrement, elle aussi mal à l’aise, et se rasséréna quelque peu ; sa compagne gardait un œil vigilant sur lui. L’étrange personnage se dressait comme un roc noir, le dos droit sur sa chaise qui en paraissait ridiculement minuscule. Sa voix inquiétante arracha un frisson à Kathryn, qui fit mine de secouer sa chevelure blond argenté d’un air décontracté, constellant de petites perles d’eau le bord de la table de bois brut. Elle adressa un sourire faussement indulgent à l’elfe, et, bien qu’elle sut parfaitement que ses atours bourgeois ne lui faisaient ni chaud ni froid, elle se sentit rassurée de consolider son attitude et son rôle, et, par-delà, sa position même. Elle se racla la gorge avec hauteur, avant de répondre, avec la douceur insupportable du miel :

- Mon cher ami, je comprends parfaitement votre réaction quelque peu… emportée, je vous prie de pardonner ma maladresse, commença-t-elle avec dans le regard une étincelle qui indiquait clairement qu’elle ne s’abaisserait jamais à le prier. Cependant, en tant que digne représentant de la très gracieuse race des elfes, vous ne me ferez jamais croire que vous pourriez vous montrer assez vil pour menacer, et pis, mettre à exécutions des menaces proférées de telle façon. Car je suppose que vous êtes suffisamment éclairé pour reconnaître quelqu’un d’éminent. Si vous étiez quelque brigand, il me semble que vous auriez tout fait pour vous attirer mes bonnes grâces et ma confiance, et ainsi m’attirer sans vigilance hors de ces charmants lieux, où vous auriez pu me couper la gorge avec une grande facilité. Mais c’est en admettant que j’accorde ma confiance au premier vil flagorneur venu, et ceci, je vous l’assure, c’est tout sauf certain.

Kathryn s’arrêta un bref instant, guettant avec un sourire amusé une quelconque réaction chez le sombre interlocuteur qui lui faisait face, mais sous son capuchon, il était difficile de distinguer la moindre réaction. Elle bluffait de manière abusive, mais elle ne devait pas montrer la peur qui lui étreignait la gorge lorsqu’elle regardait l’elfe ténébreux. Elle toussa avec une délicatesse empruntée, mais pris langoureusement le temps de reprendre son souffle, avant de continuer, un air d’insolence nouvellement acquis flottant sur ses traits.

- De plus, si vous aviez ourdi de me livrer comme un simple colis à mes concurrents, j’aurais su vous convaincre du ridicule de la chose, car, quoi qu’auraient pu vous promettre lesdits concurrents, je me serais montré toute disposée à vous en offrir le double en échange de ma libération. Je vaux bien plus vive que morte, je puis vous l’assurer et quoi que vous en pensiez, il y a au moins autant de personnes qui seraient prêtes à me protéger que d’hypocrites qui voudraient voir mon cadavre, car je sais récompenser mes amis à leur juste valeur, déclara-t-elle d’une voix feutrée et pleine de sous-entendus en balayant du regard les trois hommes.

Elle prit dans sa main fine et pâle son verre de vin, et, faisant tournoyer le liquide dans le verre, en contempla la robe de rubis, qui étincelait à la lueur intimiste des chandelles à demi consumées. Elle le porta ensuite à ses lèvres, et, sans se presser, en but une gorgée qu’elle prit le temps de savourer, observant avec délices les mines agacées des personnes attablées avec elle.
Cependant, le soldat, sans doute excédé par ses manières nonchalantes, prit la parole :

- Je suis capable de vous amenez sains et saufs à la Cité Blanche en quelques jours madame. Toutefois, j'ose espérer que votre chien de garde se tiendra assez loin de moi, je n'aime pas trop ce genre de fanfaron. Quant à vous, il serait utile d'échanger vos frofro et vos bijoux contre une tenue voyage. Si vous devez marcher avec cette ... robe, nous irons trop lentement et le froid aura raison de nous. La caserne est à deux pas d'ici, et il n'y a personne. Les autres soldats sont tous en fonction ce soir. Allons-y, il y a de quoi s'équiper. Fourrures, armes, bottes, tout ce que vous voulez. Le soleil se lève dans trois heures, il ne faut plus trop traîner. Nos pires ennemis seront sans doute les loups, et je les redoute plus la nuit qu'à la lumière du jour.

Kathryn, dont le regard était resté braqué sur ses mains croisées sur le plateau de bois de la table, le releva pour le braquer sur l’homme en armure, qui s’était permis de lui parler ainsi. Autant elle s’était montré d’une politesse scrupuleuse bien qu’impénitente avec l’elfe qui s’était adressée à elle, autant là, le ton du soldat lui échauffait les sangs de manière incontrôlable. Le premier lui avait parlé d’un ton critique mais logique, restant, comme sa race seule sait le faire naturellement, sur la frontière du politiquement correct, la mettant comme au défi de répondre à la hauteur du trait initial, tout en dansant toujours sur les limites de la courtoisie. Elle était intimement convaincue d’avoir réussi le test, car sans jamais se départir de son sourire et de ses manières policées, elle avait passé le message qu’elle ne se laisserait pas intimider par les grands airs mystérieux d’un vulgaire arpenteur de forêts, tout paré de ténèbres et d’occulte qu’il était. Cependant, elle ne pouvait tolérer que cet homme-là lui parle de cette façon. Elle avait un statut à tenir, et, si elle acceptait qu’un soldat lui manque de respect de cette façon, elle perdrait la face, et toute crédibilité. Sans même qu’elle s’en rende compte, elle se mit à faire tinter ses bagues l’une contre l’autre, tout d’abord pour rassembler ses esprits et ses mots, puis, pour marquer le rythme soutenu et implacable de ses propos.

- Je ne souffrirais pas un tel manque de respect de votre part, soldat, lança-t-elle d’un ton dédaigneux. Si vous escomptez me voir supporter ce ton durant tout le voyage, j’ai bien peur que vous vous fourvoyiez. Je remarque que vous arborez une armure du Gondor, et pourtant, vous vous engagez pour un voyage d’une, voire de plusieurs semaine, si la chance nous fait défaut. À mon sens, cela laisse deux possibilités toutes plus intéressantes l’une que l’autre ; soit vous êtes présentement en train de déserter, ce qui m’étonnerait cependant vu que vous ne faites visiblement aucun effort pour vous faire oublier, soit vous n’êtes temporairement pas de faction pour une raison qui reste mystérieuse, bien que votre ton impertinent m’en laisse présager... Quoi qu’il en soit, je doute que vous souhaitiez que je fasse remonter quelque mauvaise impression à votre sujet à un supérieur hiérarchique. Et je parle de quelqu’un de vraiment haut placé, et pas du capitaine de section de ce misérable village, au cas où vous ne l’auriez pas compris, se permit-elle-même d’ajouter.

Elle poussait sa chance, elle le savait. Si elle avait quelques contacts dans les hautes sphères de l’armée, elle doutait que ceux-ci eussent quelque chose à faire d’un garde en possible désertion, vagabondant d’un bout à l’autre du Gondor. Cependant, elle ne pouvait se résoudre à lâcher son jeu. Le soldat ne savait sans doute pas que les menaces qu’elle proférait ne pouvaient être mises à exécution, mais mieux valait qu’il continue à la soupçonner d’en être capable. Tant qu’il aurait ce doute, elle garderait une position tenable, mais dès lors qu’elle serait percée à jour, il aurait un ascendant sur elle. Et un ascendant de taille, vu la largeur de ses épaules.

Kathryn, les yeux plissés, se mordilla l’intérieur de la lèvre. Ses bagues marquaient un rythme plus lent, plus calme, signe qu’elle était pensive. Au fond, elle n’avait cure du ton qu’employait le garde pour lui parler, mais elle ne pouvait revenir sur ses pas. Elle s’était laissée prendre à son propre piège, et avait fait une erreur de débutant en laissant la fureur prendre le pas sur sa logique et sa réflexion. Elle s’était trop avancée, et avait dit des choses qu’elle pourrait regretter par la suite. Elle s’en mordait maintenant les doigts, mais ne pouvait le réparer sans perdre la face. En revanche, la colère passée, elle se rendait maintenant compte qu’elle n’avait pas intérêt à se mettre ses guides, et ses gardes, à dos. Elle pouvait le menacer, brandir une nébuleuse épée de Damoclès au-dessus de sa tête, c’était au final celui qui tenait la vraie lame qui gagnait, si on lui en laissait la possibilité, et surtout si on lui en donnait une motivation. Elle prit donc une grande respiration, avant de reprendre la parole, d’une voix posée, apaisée, cachant du mieux qu’elle pouvait que chaque mot prononcé lui brûlait les lèvres :

- Nous sommes sur le point de commencer un voyage qui s’avérera de toute façon pénible. Il semble donc ridicule d’aggraver cet aspect par des inimitiés au sein de notre petit groupe. Tentons de nous entendre et d’atteindre notre but le plus rapidement possible, et en nous épargnant les désagréments qu’il est en notre pouvoir d’éviter.

Elle balaya une poussière imaginaire de l’épaule de son épaisse cape, puis recroisa ses mains avec fermeté. Elle s’était aplatie et elle détestait ça, mais c’était pour se prévenir d’une rancœur tenace qui pourrait lui coûter cher. Cependant, elle redressa brusquement la tête et lança, en fusillant le soldat d’un regard hautain :

- Mais il est hors de question que je supporte ce ton irrespectueux et irrévérencieux, car je vous rappelle que c’est moi qui vous paie. Et si vous pensez que je vais voyager à pied, vous rêvez.

Malgré cette pique, elle avait perdu, elle le savait, et elle se doutait qu’il le savait également, mais elle espérait cependant qu’il apprécierait son effort pour se rendre amicale. Elle posa les mains à plat sur la table, stoppant net son tic nerveux qui s’accentuait maintenant qu’elle s’était sentie sur le point de perdre pied.

- Comme notre ami l’a fait remarquer, je n’ai pas encore abordé le sujet d’une récompense, et je suppose que c’est ce que vous devez attendre avec impatience depuis le début de notre conversation. J’ai eu le loisir de réfléchir, de vous observer, aussi naïf que puisse paraître mon avis de citadine, et je pense qu’il est raisonnable de vous proposer 800 £ chacun, pour le voyage entier.

Kathryn prit encore une gorgée de vin, puis se remit à faire claquer ses bagues sur un rythme qui lui était familier. Elle était désormais sur son terrain de chasse, prête à négocier, car elle savait bien que ce prix était scandaleusement bas pour une telle quête, et surtout en considérant les conditions climatiques qui régnaient actuellement. Elle s’était fixé comme grand maximum un prix de 1500 £, mais elle souhaitait donner à ses compagnons une impression de victoire pour leur faire débuter le voyage sur de bonnes dispositions. Elle essayait déjà de les arnaquer, alors qu’ils n’étaient pas encore partis, mais après tout, elle n’était évidemment pas devenue une grande et prospère marchande en se montrant honnête et bonne avec son prochain.

Recoiffant une fine mèche blonde d’un élégant revers de main, elle soupira d’un air las en regardant autour d’elle. La journée avait été longue, et elle se sentait vraiment épuisée. Elle se retourna vers ses interlocuteurs, qui semblaient tous plus ou moins impatients de quitter le conciliabule. Seul l’elfe brun, adossé contre un mur, se contentait depuis le début d’écouter les joutes d’un air serein, peut-être vaguement… amusé ? Mais elle n’en aurait pu jurer. Il ne pipait mot, mais tout dans son visage exprimait son approbation. Un compagnon de voyage agréable et conciliant, c’était là un élément inopiné qui saurait sans doute calmer les tensions internes. Se reprenant, elle s’adressa à eux tous :

- Je pense que nous allons accepter votre offre, soldat, fit-elle en se tournant vers l'intéressé. Je pourrais en profiter pour m’octroyer un peu de repos pendant que Makhai, ma suivante, s’occupera de mes bagages.

Celle-ci hocha la tête avec un empressement feint, mais ses yeux sombres scrutaient le visage des hommes, guettant un signe qui pourrait révéler le caractère dangereux de l’un d’entre eux. Kathryn, s’adressant cette fois aux trois compagnons :

- Bien, je vous propose donc de nous rendre à la caserne dont a parlé notre compagnon, poursuivit-elle en esquissant une moue comme contrariée de l’usage de ce terme. Pouvons-nous y aller ?
#Kathryn #Prospéris
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