2 résultats trouvés pour Ravaran

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Sujet: Guerre guerre, vente vent
Ryad Assad

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Rechercher dans: Pelargir   Tag ravaran sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Guerre guerre, vente vent    Tag ravaran sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 23 Mai 2016 - 7:51
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- Sire ?

- Hm ?

Son menton quitta sa main, et il releva la tête légèrement afin de mieux faire face à son interlocuteur. Ravaran Leontochir avait les traits tirés, les yeux rougis. Il n'avait pas dormi depuis plusieurs jours, assailli par le travail et par les responsabilités. Il fallait dire que la situation était exceptionnelle, et exigeait de lui qu'il fût sur le pied de guerre. A l'instar de l'armée de la cité. Les nouvelles étaient arrivées quelques jours auparavant, portées par un cavalier si déterminé à vouloir rallier la noble cité de Pelargir, et discuter avec le Premier Conseiller, qu'il avait interrompu une séance du Conseil des Fidèles pour obtenir une entrevue. Une entrevue brève, une missive déposée sur le bureau, et un silence infini que nul n'avait pu rompre.

Ce s'était déroulé trois jours plus tôt. Depuis lors, un vent de panique soufflait sur Pelargir. On avait fait fermer les grandes portes deux heures plus tôt, des patrouilles circulaient partout aux alentours de la cité, loin au Nord, avec pour mission de mettre le peuple du Lebennin en sûreté. Les villages étaient évacués, les récoltes soigneusement empaquetées et ramenées vers la cité portuaire. Les quartiers extérieurs avaient été désertés, et l'ensemble de la population de la région s'était recroquevillé au sein de la ville qui n'en demandait pas tant. Les rues étaient bondées, beaucoup dormaient dans la rue, dans des abris de fortune, quand ils ne pouvaient pas s'entasser dans les auberges qui faisaient un effort symbolique pour baisser leurs prix et accueillir les nouveaux arrivants aussi dignement que possible. Les dispensaires étaient surchargés, les malades des campagnes avaient besoin d'être pris en charge, de même que les enfants, les femmes enceinte et les vieillards. Des colonnes de paysans affluaient chaque jour, absorbés par les murs de la ville qui ne pouvaient s'étendre pour contenir autant de vie et de chaleur humaine.

Le Lebennin se vidait, et se préparait à la guerre.

La flotte avait été mise en ordre de bataille, disposée à l'entrée du fleuve qui protégeait la ville. Les équipages des corvettes étaient parés, maintenus en état d'alerte par des officiers à qui on n'avait pas dit grand-chose. Ils savaient simplement que ce n'était pas un exercice, et que la menace était réelle. Alors ils répétaient les manœuvres, et entraînaient leurs équipages sans relâche, maintenant la concentration autant que possible. L'infanterie avait été déployée sur tous les remparts, la garde avait été triplée, et on avait fait appel à un contingent de miliciens volontaires pour former deux bataillons supplémentaires. Leur rôle serait de compenser les départs.

- Qu'y a-t-il ? Ils sont déjà partis ?

Ravaran passa une main sur son visage, tandis que le serviteur hochait la tête positivement :

- Oui, Sire. Afin d'éviter la cohue, ils ont pris la route très tôt dans la matinée, et d'après les cavaliers qui sont revenus, les hommes sont enthousiastes et ils portent fièrement les couleurs de la cité.

C'était très positif, et le Premier Conseiller ne manqua pas d'approuver. C'était le premier détachement envoyé par Pelargir. Dans la précipitation, les troupes du Lebennin avaient été rappelées à leur base, et alors que les soldats continuaient d'affluer, accompagnant des colonnes de civils, une partie des gardes de la ville avait été envoyée en renfort. Minas Tirith avait besoin de leur aide.

Huit cent hommes d'armes, des fantassins disposant du meilleur équipement possible, avaient été envoyés en toute urgence vers la capitale du royaume. Si tout se passait comme prévu, d'ici deux jours un nouveau régiment se mettrait en route, constitué cette fois de mille hommes. Le reste demeurerait à Pelargir afin d'assurer la sécurité des lieux, et de garantir la protection de la clé du Sud. Si la ville tombait aux mains des Pirates, ce qu'il restait du Harondor serait isolé et tomberait binetôt sous leurs coups. Après tout, personne ne pouvait affirmer que les Orientaux qui avaient pris Cair Andros n'étaient pas alliés des Suderons qui grouillaient au Harad.

- Sire, pardonnez-moi… Allons-nous entrer en guerre ?

Ravaran était habitué à la question, et il ne se formalisa pas. Chaque personne ou presque qu'il croisait l'interrogeait, anxieuse de savoir si le danger était réel ou si le contingent envoyé – associé à ceux des autres provinces – suffirait à repousser les envahisseurs.

- Pour le moment, répondit le Premier Conseiller, nous savons ce que vous savez. Une armée a surgi de l'Est, et s'est emparée de Cair Andros. Je me méfie comme de la peste des Pirates et de leurs manigances, mais je n'ai pas davantage confiance dans ces gens de l'Est. Ils sont fourbes, faux et n'ont aucun respect pour la parole donnée.

- C'est ce que l'on raconte, Sire… On raconte que d'autres hommes vont partir pour Minas Tirith, est-ce bien vrai ?

- C'est exact, et ce ne doit pas être un secret. Pelargir répondra fièrement à l'appel de Cartogan, et nous enverrons autant d'hommes qu'il nous sera possible d'en fournir à la capitale. Qu'y a-t-il mon garçon ?

Le serviteur avait pris une moue étrange, comme s'il voulait dire quelque chose sans véritablement oser le demander. La question le prit légèrement au dépourvu, et il sentit le rouge lui monter aux oreilles. Cependant, il avait devant lui le Premier Conseiller de la ville, un homme qu'on ne pouvait décemment pas faire attendre tant il avait de choses à faire :

- Je me demandais simplement, Sire… s'il était possible de partir avec le second contingent. Je n'ai aucune expérience des armes ou de la guerre, mais je saurai me montrer utile. Je veux simplement servir mon Roi fidèlement, et participer à chasser les Orientaux de notre pays.

Ravaran le regarda un long moment, jaugeant sa détermination à l'aulne de sa jeunesse. Il paraissait sûr de lui, sans doute porté par des idéaux qui s'estomperaient si combat il devait y avoir. Mais à son âge, il était normal de rêver de ce monde, de fantasmer sur la guerre et sur la gloire qu'apportait une victoire éclatante. Le Premier Conseiller sortit un papier, une plume et un encrier :

- Je vais vous recommander à quelqu'un. Comment vous appelez-vous, mon garçon ?

-  Aetheling.

#Aetheling #Ravaran #Leontochir
Sujet: Du sang sur les quais
Ryad Assad

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Rechercher dans: Pelargir   Tag ravaran sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Du sang sur les quais    Tag ravaran sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 2 Aoû 2015 - 19:39
Tant de morts… Tant de vies fauchées en une seule nuit… Et pour quoi au final ? Pour la liberté ? Pour faire triompher le « Bien » contre le « Mal » ? Où était la frontière désormais ? Où était la limite entre les héros et les monstres ? N'étaient-ils pas tous couverts du même sang, qui dégoulinait, poisseux, le long de leurs mains tremblantes ? N'avaient-ils pas tous la même lueur malsaine dans le regard, celle de bêtes traquées prêtes à défendre chèrement leur vie ? Ils n'étaient plus que des animaux, des fauves dans la cage, attendant de mordre et d'être mordus, de griffer et d'être griffés. Leurs cicatrices étaient les symboles de leurs victoires passées, leur souffrance la preuve qu'ils étaient encore en vie, et leurs larmes la marque qu'ils comprenaient. Ils comprenaient ce qu'ils avaient dû perdre pour en arriver là. Des amis, des frères d'armes. Jetés dans les flammes de la guerre. Leur droiture et leur noblesse d'âme. Dévorées par les flammèches paresseuses. Leur honneur et leur conviction d'avoir agi pour une juste cause. Calcinés avec le reste de leur idéaux. Chiens de guerre ils étaient, chiens de guerre abandonnés sous la pluie battante de Pelargir. Ce n'était pas dans l'eau qu'ils se noieraient, mais dans le sang qui servait de lit à leurs corps agités de spasmes nerveux, ou au contraire bien trop immobiles.

Les gardes de Pelargir observaient la situation sans comprendre, écœurés, dégoûtés par la violence inhumaine qui s'était déchaînée ici. Ils attendaient simplement un ordre de leur chef, qui lui-même paraissait atterré par ce qu'il venait de voir. Au mépris de leur propre existence, ces guerriers avaient choisi de tuer leurs ennemis. Un tel geste aurait pu être réprimé brutalement, et ils le savaient. Ils en étaient parfaitement conscients. Ils avaient fait leur choix en étant parfaitement au fait des conséquences. Ils avaient préféré tuer plutôt que vivre, achever leurs ennemis plutôt que de les laisser être jugés pour leurs crimes. Ils s'étaient estimés au-dessus des lois, et beaucoup d'autres auraient ordonné à ce qu'ils fussent immédiatement exécutés à leur tour. On aurait aligné les malheureux à genoux, et on les aurait proprement décapités pour leur faire payer leurs crimes. D'autres nobles auraient hurlé, auraient annoncé qu'il fallait les interroger, récolter des preuves. Mais à quoi bon crier quand les coupables étaient passés de vie à trépas ? Les colères s'apaisaient, et les réponses ne venaient jamais. La vie reprenait son cours, comme si la mort n'était qu'une étape douloureuse mais au final inévitable.

Cependant, le bras du noble qui commandait les soldats était toujours levé, retenant leurs lames et leur fureur. Ils étaient tous suspendus à sa décision, mais il paraissait réfléchir intensément à la situation. Ses yeux sombres se posèrent sur les guerriers, qui le dévisageaient avec une lueur déterminée dans le regard. Ils étaient arrivés au bout de leur mission, et tous les hommes qui arboraient l'uniforme ou le symbole de la marine de Pelargir étaient morts. Mais il fallait prendre une décision, et vite. Le noble prit la parole avec fermeté :

- Gardes !

Les hommes du rang se tournèrent vers lui, prêts à plonger leurs lames dans les cœurs de ces inconnus venus porter la mort au sein même du Triangle de Pelargir. Il ajouta calmement :

- Prenez soin de ces hommes, traitez leurs blessures et maintenez-les en vie. Faites quérir nos meilleurs guérisseurs, et qu'on installe ces braves dans nos maisons de repos. Pas de discussions !

Cette dernière injonction s'adressait à un sous-officier, qui paraissait outré de voir le sort qu'on réservait à des individus qui paraissaient pourtant clairement ennemis de la royauté et de Pelargir. Ils s'étaient introduits clandestinement dans la cité, et ils avaient enfreint ses lois. Comment pouvait-on décemment parler d'eux en termes de « braves » et leur prodiguer les soins qu'on réservait habituellement aux plus valeureux soldats du Gondor ? Mais le noble savait ce qu'il faisait, et il n'était pas décidé à donner des explications partielles et tronquées alors qu'il restait encore tant à faire, et tant de mystères à éclaircir :

- J'ignore qui vous êtes, reprit-il à l'attention de Léaramn et de ses hommes, mais consentez à déposer les armes. Aucun mal ne vous sera fait, je m'y engage sur mon honneur, mais vous devez en retour me faire confiance.

Quel choix avaient-ils de toute façon ? Une mort certaine aux mains des soldats, ou bien l'espoir que ce noble dît la vérité. L'agent de la Rose Noire fut le premier à se débarrasser de son épée, qui alla rejoindre le sol avec fracas. Deux hommes vinrent immédiatement l'encadrer, à la fois pour s'occuper de lui, mais également pour s'assurer qu'il ne s'enfuirait pas. La suite était floue, mais il était évident que ces assaillants mystérieux qui avaient mis fin à la vie du Capitaine et de ses hommes allaient passer quelques temps à Pelargir. Comme invités, ou comme prisonniers, c'était la question qui demeurait. Alors que, peu à peu, la situation paraissait revenir sous le contrôle de la garde de la cité, on se dépêcha d'allonger les blessés et de les aider à rester en vie en bandant grossièrement leurs plaies. Le jeune Learamn était parmi les plus touchés, et il aurait besoin d'une lourde opération pour extraire les bris de métal qui étaient fichés dans son pied. Une opération qui serait douloureuse, longue et qui risquait bien de l'achever. Mais si on ne voulait pas la plaie s'infectât, il fallait agir vite. Il fut l'un des premiers à être évacués, et on le chargea sur un brancard de fortune, quatre hommes acceptant de le conduire de toute urgence dans les maisons de repos. Là, deux guérisseurs se penchèrent sur son cas, et décidèrent de procéder à une extraction minutieuse. Le jeune capitaine souffrait le martyr, et pour l'endormir un peu, on lui administra plusieurs grandes rasades d'une eau de vie locale, si forte qu'elle allait le laisser complètement insensible pendant plusieurs heures. Au réveil, il aurait une sacrée gueule de bois… s'il se réveillait un jour :

- Assez, assez ! Il a son compte. Maintenant, poussez-vous, faites-moi de la place. Et apportez des linges propres, ça risque d'être moche…

Les hommes reculèrent, certains s'empressèrent d'aller chercher les fournitures nécessaires à l'opération. Quatre femmes, de jeunes novices réveillées en pleine nuit pour s'occuper de blessés dont personne ne connaissait l'identité, plaquèrent fermement le jeune guerrier sur la table d'opération. Même assommé, son corps pouvait encore réagir de manière imprévue, et il fallait absolument le maintenir aussi immobile que possible, sans quoi il risquait d'aggraver son cas.

On s'occupa également de Maraloch, qui avait eu le malheur de perdre une oreille dans l'histoire. La lame avait tranché cette excroissance facilement, et pourtant il avait réussi à tenir le coup et à continuer le combat, preuve de son extraordinaire résistance. Néanmoins, sa main ne suffisait plus à contenir le flot de sang qui s'échappait de la plaie, et il faudrait le recoudre le plus rapidement possible. Il marchait encore à peu près convenablement, et grâce à l'appui de d'un vigoureux marin qui accepta de le soutenir en le laissant s'appuyer sur ses épaules, il put trouver à pied et conscient le chemin des guérisseurs, qui s'empressèrent de l'examiner. Assurément, il avait eu de la chance, car à quelques centimètres près, son crâne aurait été fendu en deux. Toutefois, il n'était pas possible de lui recoller son oreille, et il devrait vivre le restant de ses jours avec la marque de ce combat prodigieusement sanglant.

Nathanael le conteur n'était pas dans un meilleur état, et son transport fut particulièrement difficile. Sa blessure à l'épaule était sévère, et dès qu'il était arrivé dans un endroit convenable pour être opéré, la guérisseuse qui avait été désignée pour se charger de lui s'empressa de découper sa cuirasse pour se frayer un chemin jusqu'à son torse. Tant pis pour son plastron, déjà sévèrement entamé par la lame ennemie. Elle fit la grimace en constatant que la chair, ouverte de l'épaule à la dernière côte, continuait de vomir du sang par à-coups, régulièrement, comme un fruit que l'on aurait pressé jusqu'à la dernière goutte. Déjà, le bras de l'homme barbu se décolorait, et il fallait agir vite si on voulait le sauver. Vérifiant qu'il respirait toujours en posant ses doigts sur sa carotide, elle entreprit d'abord de nettoyer la plaie pour y voir plus clair. Le pauvre allait sentir rudement le contact de son linge humide et de l'alcool, mais il avait l'air d'un dur à cuire, et elle était persuadée que le soldat qui s'agrippait à son bras valide parviendrait à contenir ses ruades. Elle n'était pas sûre qu'il pouvait encore l'entendre, dans l'état où il se trouvait, mais elle souffla :

- Je suis désolée…

Le garde la regarda en coin. Oui, ça allait être une sale nuit pour eux tous, et avant le soleil ne fût haut dans le ciel, de nombreux hurlements allaient se faire entendre dans les maisons de repos. D'autres, en revanche, garderaient le silence pour de bon. Lindal et Altir', deux des chevaliers du Cor Brisé, gisaient sur le sol, ainsi qu'un soldat de la Rose Noire. Ils ne verraient pas le soleil d'or qui se levait sur la cité portuaire, et qui paraissait chasser la pluie et les sombres nuages. Leurs âmes avaient déjà déserté leurs corps, et ne restait plus d'eux qu'une dépouille inerte. Les soldats déposèrent délicatement un linceul qui fit disparaître leur silhouette aux yeux de tous. C'était une précaution qui aurait pu paraître bien inutile, pour des combattants qui avaient pataugé dans le sang et la mort, mais chacun éprouva une forme de soulagement en voyant ces corps s'évanouir sous un drap blanc. Cela leur permettait de sauvegarder les souvenirs de ces valeureux compagnons, de leurs rires et de leur courage extraordinaire. Personne ne voulait conserver d'eux l'image d'un cadavre désarticulé, le visage figé dans une expression de pure souffrance. Personne.

Le dernier agent de la Rose Noire, quoique terriblement blessé, trouva tout de même la force d'expliquer la situation à leur interlocuteur, ce noble qui paraissait répugner à faire s'abattre sur une sentence qu'ils auraient pourtant pu mériter. D'une voix rendue ténue à cause de la souffrance, il souffla :

- Nos compagnons… Ils sont auprès du Maire. Si vous nous avez sauvé, sauvez-les également…

L'homme hocha la tête, même si un pli soucieux venait de se former sur son front. Il se redressa et fit signe à un groupe d'hommes de lui emboîter le pas. De toute évidence, il n'était pas temps de traîner, et il fallait aller secourir ces guerriers. Une question demeurait… Qui était cet homme apparemment décidé à les aider ? Cette interrogation taraudait l'espion plus que tout, alors même que son le noble disparaissait à l'extérieur, une douzaine de gardes sur les talons. Il s'allongea sur le brancard qu'on venait de lui présenter, et ferma les yeux pour se détendre. Ses doutes intérieurs le hantèrent jusqu'à ce qu'il trouvât le sommeil qu'il essayait pourtant de fuir de toutes ses maigres forces…


~ ~ ~ ~


Une semaine avait passé. Sept jours irréels, depuis la fin de la mission. Sept jours pendant lesquels le membres de la compagnie avaient été coupés du monde. Les maisons de repos où ils se trouvaient, sorte de grand établissement où on traitait les blessés militaires, avait été mis pratiquement en quarantaine. Officiellement, on cherchait à assurer la sécurité des individus qui avaient pénétré dans Pelargir, mais officieusement, tout le monde – à commencer par les rares survivants – savait bien qu'il s'agissait d'un moyen de s'assurer qu'ils ne s'échapperaient pas. C'était une mesure bien inutile, cependant, car au vu de leur état, il n'était pas possible d'imaginer qu'ils pussent même quitter le bâtiment où ils se trouvaient. Alors rejoindre une autre cité à plusieurs heures de cheval ? Non, c'était bien impensable. Il leur faudrait encore un peu de repos, des traitements attentifs, et surtout du temps. Ils avaient été pris en charge de la meilleure des façons, mais seul le temps pouvait dire s'ils se remettraient totalement de leurs blessures, où s'ils en garderaient une cicatrice, d'une manière ou d'une autre. Les guérisseurs savaient traiter le corps, mais l'esprit n'était pas leur domaine. Les guerriers s'étaient pour la plupart murés dans un silence qui n'était pas de l'obstination, mais simplement l'incapacité à parler. Ils ne se confiaient qu'aux femmes qui venaient les toiletter, changer leurs bandages ou les nourrir. Elles passaient plusieurs fois par jours, et leur présence réconfortante était une thérapie sur laquelle certains se reposaient, d'autres non. Chacun réagissait comme il le pouvait.

Au bout du septième jour, cependant, les choses changèrent quelque peu. Sans qu'on les eût prévenu au préalable, des militaires firent irruption dans leur chambre, et les chargèrent aussi précautionneusement que possible sur des civières qu'on fit amener dans la grande salle d'accueil. C'était une vaste pièce aux hautes fenêtres, qui à cette heure de la journée était baignée de soleil. C'était là qu'on accueillait les blessés urgents, pour pratiquer des soins immédiats, et en cas de pénurie de lits, on installait le surplus de population ici. Aucun lit n'était occupé, cependant, et on s'arrangea pour allonger les survivants côte à côte. C'était la première fois qu'ils se revoyaient tous ensemble. Les deux groupes, réunis. Ils étaient si peu nombreux. Outre Nathanael et Learamn, seuls avaient survécu Maraloch et l'espion de la Rose Noire, qui répondait au nom de Ionas. De l'autre côté, seuls Felian et Eirik s'en étaient tirés. Naturellement, les questions fusèrent, notamment auprès de Felian dont le groupe avait été décimé. Celui-ci répondit d'une voix neutre :

- Le Maire est mort, tout comme ses alliés. Mais beaucoup ont donné leur vie pour y arriver. Aucun de mes chevaliers ne s'en est tiré… Felron a mis fin aux jours du Maire, en acceptant de se jeter seul dans le piège. Il l'a payé de sa vie. D'après ce qu'on m'a dit, Olrik a réussi à gagner du temps, et il est tombé pour nous donner la possibilité de terminer notre mission… Eirik…

Les regards se tournèrent vers le jeune homme. De tous, il était le plus jeune et le plus innocent. Il avait encore beaucoup de choses à faire de sa vie, et pourtant cet affrontement avec l'Ordre lui avait pris son bras. Une perte terrible, qui faisait de ce gosse un vétéran. Déjà. Comment allait-il continuer à vivre avec ça ? Avec le poids de tout ce qu'il avait fait, de tout ce qu'il avait souffert, de tout ce qu'il avait pu voir… Il était difficile de trouver les mots pour en parler. Ils prirent des nouvelles les uns des autres, s'inquiétant de leurs blessures respectives, et au fond heureux de voir que certains s'en sortaient. Mais leurs pensées allaient vers leurs compagnons tombés, vers tous ceux qui ne rentreraient pas au pays. Il y avait de quoi vouloir s'enterrer, et ne plus jamais porter une épée. Qui n'y songeait pas, parmi eux ? Qui ne songeait pas à tout arrêter, et à repartir de zéro, vivre une vie paisible dans un endroit idéal, avec une femme aimante et des enfants émerveillés par la vie ? Ils l'avaient mérité, en quelque sorte. Ils pouvaient estimer avoir fait leur part du travail. Alors qu'ils discutaient, la porte s'ouvrit brusquement, et un garde fit son apparition. Il les toisa du regard, avant de s'écarter, pour laisser entrer leur sauveur. Le noble.



Celui-ci ne paraissait pas avoir changé en sept jours, sinon qu'il avait l'air épuisé. Epuisé mais pas abattu : on lisait quelques marques de fatigue sur son visage, mais ses yeux étaient vifs, et son pas dynamique. Il prit place face aux lits des survivants, et s'éclaircit la gorge, comme s'il s'apprêtait à commencer un discours. Mais les mots ne vinrent pas, et il glissa :

- J'avais prévu de vous dire quelque chose, mais par où commencer ?

Il passa une main sur son visage, et reprit :

- J'ai pris de vos nouvelles régulièrement, et on m'a dit que vos blessures se remettaient. Je suis heureux d'apprendre que vous jours ne sont plus en danger. C'est la première fois que vous vous retrouvez après… après ce qu'il s'est passé, et j'en suis désolé. Votre venue a changé plusieurs choses à Pelargir, notamment…

Il parut se rappeler de quelque chose :

- Oh, je ne me suis pas présenté, toutes mes excuses. Ravaran Leontochir. Depuis hier, je dirige le Conseil de Pelargir. On peut dire que c'est un peu grâce à vous… Je suppose que vous ignorez tout de ce qu'il s'est passé, aussi laissez-moi vous expliquer. Vous êtes venus de très loin, pour éliminer les tyrans de l'Ordre de la Couronne de Fer, c'est bien ça ?

La simple mention de cet ordre fit serrer les poings à Felian, qui se retint de dire quoi que ce fût. Il voulait en savoir davantage, notamment comprendre comment cet homme avait pu avoir vent de leur situation, et apparaître pour les sortir d'une très mauvaise passe. Leontochir poursuivit :

- Cela fait plusieurs mois maintenant que ces hommes sont en place, et j'ai rapidement eu des soupçons à leur sujet. Mais il m'était impossible de renverser le Maire sans l'appui du Conseil, et impossible de recueillir l'aval de celui-ci sans prendre le risque d'être moi-même évincé et éliminé. D'autres ont essayé de protester, mais ils ont rapidement changé d'opinion. Je suis pour ainsi dire le seul à avoir continuer à agir. Dans l'ombre. J'ai cherché à recueillir des renseignements, à monter un réseau. Beaucoup des hommes que j'ai pu financer et aider ont été tués, hélas. Pelargir était totalement sous leur emprise. Et puis vous êtes arrivés. J'ignore encore comment vous avez procédé, mais vous avez réussi à porter un coup fatal à nos ennemis. Il se trouve que j'ai été mis au courant de tout ceci par un homme… Celui qui vous a donné cette carte…

Le Premier Conseiller de Pelargir tira une carte d'une poche de sa tunique, et la présenta aux compagnons. Elle était froissée, un peu humide, mais parfaitement reconnaissable. L'homme de l'auberge, qui leur avait donné ces précieux conseils, avait réussi à prévenir le seul allié sur lequel ils pouvaient compter :

- Sitôt après votre départ, il a essayé de me contacter. Il se trouve qu'il a été intercepté par les gardes, et qu'il m'a d'abord fallu le libérer. Il m'a expliqué la situation, et il paraissait croire en vous. Alors j'ai rassemblé tous les hommes en armes que j'ai pu trouver, et je les ai menés là où il m'avait dit pouvoir vous trouver. Je suis arrivé à temps, je suppose.

Son sourire élégant ne dissimulait pas totalement son esprit de politicien et sa tendance à souligner ses mérites, mais on ne pouvait nier qu'il était arrivé à point nommé pour les sortir de cette mauvaise passe. Se tournant vers Felian et Eirik, il leur expliqua plus particulièrement :

- Vos compagnons étaient aux prises avec le Capitaine et ses hommes. Je pense que notre intervention leur a donné le temps de s'occuper de ces traîtres.

Revenant aux autres – Maraloch, Ionas, Nathanael et Learamn –, il ajouta :

- J'ai ensuite mené mes hommes jusqu'au bureau du Maire, où j'ai découvert qu'une compagnie de gardes du palais était en train d'en défoncer la porte. Vos compagnons s'y étaient retranchés, bien que beaucoup eussent perdu la vie avant de pouvoir se mettre à l'abri. J'ai réussi à les convaincre de me laisser gérer la situation, et nous avons pu sauver vos deux amis. Les autres, malheureusement, n'ont pas survécu…

Il marqua une pause, conscient que ce n'était peut-être pas un sujet que ses interlocuteurs avaient envie de voir revenir sur la table. Sept jours s'étaient écoulés, mais c'était peu en définitive. Peu pour des hommes qui avaient plongé dans les flammes de la bataille, et qui en étaient ressortis en laissant derrière eux de valeureux compagnons. Il reprit :

- Comme je vous le disais, votre action a quelque peu chamboulé les choses à Pelargir. La cité est toujours en émoi, et le Conseil était très partagé concernant votre sort. Je représente la frange majoritaire, et je suis d'avis que vous méritez d'être récompensés pour vos efforts, plutôt que blâmés pour vos crimes. Vous avez mis fin à un régime de tyrans et de traîtres, vous avez libéré Pelargir d'usurpateurs, et vous avez fait tout cela alors que vous n'êtes même pas d'ici. A ce titre, je tiens à vous remettre à tous ceci.

Comme si la cérémonie avait été parfaitement répétée, un homme franchit la porte en tenant un coffret. Il l'ouvrit, et dans l'écrin se trouvaient des broches stylisés, représentant un lion rugissant. C'étaient des pièces magnifiques, en argent, finement ciselées et incroyablement légères. Le Premier Conseiller s'expliqua :

- Ces broches sont aux armes de ma famille, la famille Leontochir. Elles font de vous des amis de Pelargir, et vous marquent comme des hommes de confiance. Si vous avez un jour besoin de l'aide d'un fidèle de notre belle cité, montrez-lui ceci, et il vous aidera. Grâce à cela, vous serez toujours les bienvenus ici.

L'homme qui venait d'entrer s'approcha de chaque lit, et déposa soigneusement la broche sur la petite table de chevet. C'était un cadeau précieux, et une preuve de confiance. Un tel présent ne pouvait être refusé, assurément. Alors que les survivants pouvaient déjà s'estimer heureux d'échapper à une condamnation à mort, ou à une explusion de la ville, ils n'étaient pas encore au bout de leurs surprises. Ils avaient gagné bien davantage que leur liberté et une amitié. En effet, un second individu entra dans la pièce, portant lui aussi un coffre. Ravaran sourit, et lança :

- Vous avez beaucoup perdu, en venant ici vous battre pour notre sort. Vous êtes venus sans rien demander en retour, et pour votre abnégation, le Conseil de Pelargir a décidé de vous offrir une récompense spéciale.

Alors que l'homme au coffre s'approchait pour déposer à chacun une compensation pour les souffrances endurées, Leontochir s'avança vers le conteur, qui reposait dans son lit. Il paraissait toujours faible, mais son bras était toujours attaché à son corps, et s'il prenait soin de lui, il pourrait se débarrasser de cette atèle plus rapidement. Le Premier Conseiller fit signe à un troisième et dernier homme d'entrer. Celui-ci ne portait qu'un grand morceau de tissu, qui refermait une récompense un peu particulière :

- Nous n'avons jamais été présentés, mais je vous connais de réputation. Vous êtes celui que les traîtres cherchaient activement. Quelque part, vous m'avez sauvé la vie, car à un moment donné ils ont été persuadé que vous étiez moi. Votre combat pour Pelargir ne date pas d'hier, et je suis certain que la richesse ne vous intéresse pas. Je voudrais donc vous offrir un symbole de votre victoire ici. L'épée du Capitaine que vous avez vaincu, en remplacement de la vôtre…

Leontochir tint le fourreau pendant que Nathanael dégainait l'arme. On sentait que c'était une arme prestigieuse et superbe, qui avait été forgée pour un officier d'exception. C'était un présent bien particulier, que beaucoup d'hommes auraient pu refuser. Mais le Premier Conseiller insista :

- L'Amiral a offert cette lame à cet homme. Une lame particulière, une de celles appelées à se forger un nom. Elle est d'un acier si solide qu'elle ne se brisera pas au combat. Vous avez pu le constater. L'Amiral ne souhaitait pas la reprendre… il ne pouvait pas. Il préfère que quelqu'un corriger l'histoire de cette lame, et fasse de grandes choses avec. Vous en sentez-vous capable ?

Il n'attendit pas la réponse du conteur. Il n'en avait pas besoin. Refermant le fourreau sur la lame argentée, il laissa l'arme à Nathanael, et recula de quelques pas pour mieux embrasser du regard tous les blessés. Il s'inclina légèrement du buste, et souffla :

- En définitive, merci à tous. Merci au nom de toute la cité de Pelargir. Vous pouvez demeurer ici autant que nécessaire, et lorsque vous l'aurez décidé, vous serez libre de partir où bon vous semble. Si nous ne nous revoyons pas d'ici là, je vous souhaite bon vent pour la suite. N'oubliez pas que désormais, vous avez un port d'attache. Un port sûr.

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HRP : Voici que s'achève cette quête, qui vous aura mis aux prises avec le dernier bastion de l'OCF, et certains de ses derniers sbires. Merci à tous d'y avoir participé ! Je vous invite à décrire ci-après la dernière semaine de votre personnage, ainsi que, éventuellement, son départ. En ce qui concerne les récompenses, merci de lire ce qui suit pour plus de détails :

Elenduril : Une pierre précieuse t'es offerte, à dépenser dans les commerces appropriés au moment de ton choix. En outre, tu reçois une broche d'argent, symbole de l'amitié de Pelargir. Elle fait de toi le bienvenu dans la cité, et te permet de faire appel à l'aide de ses habitants en cas de besoin. C'est un cadeau dont il faut se montrer digne.

Evart : Une pierre précieuse pour toi également. Puisque ton personnage n'a pas survécu à la campagne, c'est ton PJ qui sera récompensé. Tu gagnes donc en prime un sauf-conduit pour traverser la région du Lebennin en toute sécurité, sans risquer d'être arrêté par une patrouille.

Learamn : Une pierre précieuse, et une broche d'amitié de Pelargir. La blessure au pied, c'est gratuit Smile.

Mardil : Une pierre précieuse, et une broche d'amitié de Pelargir. Avec un bras en moins, ça va être pratique ^^.

Nathanael : Une broche d'amitié de Pelargir, et l'épée du Capitaine. Pas de pierre précieuse pour toi, na langue

Sighild : Puisque ton personnage était du côté de l'OCF, ta récompense est un peu différente. Tu gagnes une pierre précieuse également, mais aussi une fiole d'un puissant anti-poison retrouvé dans les affaires d'une certaine Lia. Ça peut toujours servir Smile.
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