Larves, Ombre et Lumière.

Plus tôt, alors qu'il gravissait la montagne pour se rendre au Temple Shamaran, le Gardien du Port avait pu admirer pour la deuxième fois de sa vie le lever du soleil. Il n'aimait pas ça. Premièrement parce qu'il la paleur de sa peau le fesait frémir, et deuxièmement parce que cela lui inculquait une émotion tout à fait étrangère. L'émerveillement. Cette lumière était si belle, si douce sur son visage, elle le touchait au plus profond de son être. Mais l'Est resplandissant délaissait Albyor et ses habitant. Le coeur de Ralya n'était pas habitué à de telles visions.
L'astre disparu derrière un nuage alors que le Gardien du port finnissait son chemin vers le Temple, qui de toute façon était toujours à l'ombre des sombres pics.

Furieux d'avoir le coeur meurtrit par cette beauté ignorée, il se remémora une comptine qu'il fredonnait adolescent quand il voulait effrayer son entourage.



Il était entré dans le Temple Shamaran avec un petit sourire, il se rappellait toutes les punitions qu'il avait reçu pour avoir oser chanter des mots réservés à de plus sombres crétures que lui.

Mais maintenant l'office finnissait. L'animal sacrifié expira, les entrailles en charpie. L'air vibra, et les mélopées qui s'échappaient du temple disparurent dans un océan de murmure.

Ralya n'aimait pas ces ridicules tradition que l'on vouait à un Dieu qui était simplement à l'image d'Albyor et de ses habitants, car le Gardien du Port connaissait toute la lie de la cité, et il valait bien l'aristocratie. Ainsi ce Dieu Ténèbreux n'était que le reflet des ténèbres qui coulaient dans chaques âmes de la cité.

Ralya ne saurait sans doute jamais à quel point il se trompait. Car pour lui Morgoth n'était qu'une sombre histoire destinée à forger l'esprit des plus faibles. Mais sans le savoir, le Gardien du Port était le jouet du mal trainant de celui qui fut le Maître d'Angband, et comme l'était l'ensemble de la cité sa vie se déroulerait indiciblement sous le joug du fantôme du Mal. Quand bien même il cherchait à faire régner l'ordre dans la cité.

Les mages se séparaient, et l'autel portait le sombre sacrifice que l'aristocratie "offrait" au Temple. Les quelques fidèles qui avaient réussi à assister à l'office commencèrent à se disperser.

Un mage croisa son regard, et un sourire édenté perça l'étrange mélange d'ombres et d'encens qui donnait au Temple cette ambiance si pesante.

Le Gardien du Port se dirigea lentement vers la sortie d'un pas lent. Il laissa le Mage le rejoindre. Sombre silhouette encapuchonée dans une cape rouge sang, le vieillard passa un doigt noueux sur son sourcil. Ralya fronça les siens. C'était un signe de la part du Mage. Etaient-ils épiés? Ralya regarda autour de lui. Tout n'était qu'ombre. Ils étaient seul. Apperement. Mais sa voix ne fut qu'un murmure.

"Bonsoir Coriak, j'ai encore une fois besoin de votre aide."

"Bien Ralya. Marchons un peu veux-tu?"

Le Gardien du Port acquiesca du regard et ils commencèrent à marcher doucement autour de la Salle des sacrifices.

Dans un murmure il tendit une petite bourse de cuir au sombre Mage, qui l'ouvrit précautioneusement. Avec un sourire le viel homme regarda Ralya.

"Mmmh, dans quel état était le cadavre?"

Ayant erré une bonne partie de la nuit dans les ruelles de la Cité d'Albyor, Eodroc avait parcouru une bien bonne distance sans trouver trace de son rival. Finalement, il ne restait plus qu'une solution, si tant est que Ralya soit bien allé rendre visite au prêtre: le temple Shamaran, sombre lieu, empli d'une athmosphère étrange, presque lugubre, que le garde du Capitaine détestait au plus au point.

"Visiblement, le fureteur des eaux ne s'y trouve point..."

C'est ce que c'était murmuré Eodroc en cet intant tardif de cette nuit sans étoile. Peut-être se trouvait-il chez Jilhad... alors le Capitaine serait mécontent. Non, Eodroc resterait ici, il sentait que la vermine serait attirée en ce lieu étrange.

Puis la nuit avait passé sans que le garde n'ait aperçut fusse l'ombre ou la silouhette du gardien du port. Il commençait à éprouver de sérieux doutes quant à sa venue.

Vinrent alors les fidèles, car avec l'aube, l'heure du culte approchait à grands pas. Eodroc n'avait jamais bien compris tous ces gens idiots suivant les ordres tyranniques d'un fou, d'un prêtre qui prétendait en sa propre puissance. Balivernes! Lui ne vouait aucun culte à la religion, aucune allégence à quelque prêtre que ce soit... seul son Capitaine avait autorité sur lui!

Mais qu'importe, il fallait laisser tous ces moutons se rendre au culte, et guetter la venue de Ralya.

Enfin! Il avait perdu l'espérence... mais il n'avait pas attendu en vain... Ralya arrivait. Avec un regard mauvais, Eodroc se mit hors de vue. L'office se déroula sans que l'autre n'entre dans l'édifice. Ce ne fut qu'au bout d'un temps d'espionnage qu'Eodroc vit le gardien du port entrer, accomplissant le chemin inverse des fidèles.

Discrétement alors, le garde famélique aux yeux globuleux se glissa dans le temple. Sans se faire voir, il continua son interminable espionnage du prêtre et du garde.

Ralya fixa le mage d'un regard sombre.

"Il n'était pas beau à voir."

Le vieil homme haussa des épaules et comme s'il s'agissait de la cueillette des olives en Ithilien il continua sa reflexion.

"Mon garçon, je sais que ta victime était un écorché. Cette larve en est la preuve."

Ralya se concentra un peu plus sur les paroles du mage. Si bien qu'il ne put apercevoir Eodroc se glisser d'ombres en ombres.

"Ce petit invertèbré prolifère en un seul lieu sur cette terre, du moins à ma connaissance. Ce lieu se trouve quelque part dans les profondeurs du Temple, là où l'on se débarasse des sacrifiés de la Grande Ombre."

La Grande Ombre était la plus grande fête du calendrier d'Albyor, en cette occasion étaient offerts de nombreux hommes à l'esprit de Melkor.

"Vois tu Ralya, un sacrifié se voit offert le droit d'observer le lever du soleil, ensuite les mages l'aide à s'arracher la peau. C'est le rituel."

"Coriak, cet homme ne s'est pas sacrifié, ses poignets étaient brisés."

"Quoiqu'il en soit ton homme à été tué par une lame du Temple, et selon les manière du Temple, sinon tu n'aurait pas put m'apporter ce curieux asticot."

Ralya regarda autour de lui, l'air suspect. Il cherchait un moine des yeux. Le meurtrier faisait peut être parti de ce maudit clergé. Le Gardien du Port crut capter un mouvement dans l'ombre, mais ce n'était qu'un voile soulever par un courant d'air.

L'air était immobile. Et le mage devinait aisément les pensées de Ralya.

"Les moines ne sortent jamais du Temple Shamaran! Jamais ! Et le meurtrier à commis là un forfait qui attirera les foudres du Dieu Noir! Pas de Gar'Vlestel après la Grande Ombre..."

"Baissez le ton vieux fou, vos histoires mystiques ne m'interessent pas. Et..."

"Le meurtrier jette une malédiction sur Albyor, Ralya, il est déjà trop tard. Il a recommencé..."

Le Gardien du Port pris un air interdit, qu'est qu'il lui chantait là? Un autre meurtre?

"Pourquoi vous croirais-je? Corniak, regardez moi. Corniak!"

Mais le mage était agité de spasmes violent. Et les yeux révulsés, il reprit doucement le controle de son être.

"Bonne journée Ralya."

Et le mage s'en fut. Sans rien dire de plus. L'air était immobile. Et pourtant ce voile... Cachant sa surprise, et sa colère, le Gardien du Port se tourna vers les ombres qui devaient dissimulé son rival.

"Bonjour Maître Rat, vous ne m'avez pas trop manquer..."

Décidément, l'athmosphère de ce temple ne plaisait pas à Eodroc, et les sombres paroles du Mage racontant les supplices des sacrifiés ne lui plaisaient pas mieux... Il pensait parfois qu'un guerre ou une invasion de quelque sorte que ce soit pourrait peut-être avoir quelque utilité. Des mauvaises langues fanatiques, voilà ce qu'étaient réellement les gens du clergé!

Ainsi, Eodroc, passant de coins sombres et couverts et de couverts en coins sombres, pensait à tort que sa présence n'avait pas été découverte. Les dires de Corniak, s'ils étaient fondés, l'intéressaient au plus au point...

"Il a recommencé..."

Quel dommage que le vieil homme n'ait pas terminé sa phrase...

Tant pis, il faudrait rechercher davantage, et le mage pouvait aussi avoir menti. Toujours est-il qu'après un temps, Eodroc constata que Corniak partait vers les salle sombres et lugubre du fond du temple. Mais pour aller où? Peut-être y avait-il une sortie cachée, sinon, à quoi bon aller dans cette direction?

*Vieil idiot, pensait Eodroc... à quoi bon se faire appeler Mage et ne pas même se rendre compte de la présence d'un étranger au lieu de culte...*

Il fallait rester dans sa cachette, à présent, et attendre silencieusement que Ralya s'en aille. Puis le suivre! Le suivre encore et toujours!

"Bonjour Maître Rat, vous ne m'avez pas trop manquer..."

Hélas, le plan d'Eodroc tombait à l'eau, il avait été repéré. Visiblement, son rival pitoyable montrait un peu plus de jugeote que son interlocuteur maintenant parti. De son éternelle voix mielleuse, le garde répondit, sortant des voiles sombres qui le masquaient:

"Rat...

C'est ainsi que vous me nommez... Mais que dire d'un petit animal prétentieux qui s'en va fouiner au temple Shamaran, sans même avertir... Ne mériterait-il pas de se faire appeler Rat aussi?"

Avec un petit rire ironique, Eodroc parcourut les dernier mètres qui le séparaient du gardien des eaux. Il faillit d'ailleurs trébucher sur une dalle mal ajustée. Son rire passa, et il devint arrogant, comme si s'eut été par la faute de Ralya qu'il ait presque chu.

"Eh bien, je garderai le "Maître Rat", si cela vous contente en aucune façon. Des dizaines de noms adaptés à votre personne me vienne à l'esprit, tous plus péjoratifs les uns que les autres. Mais passons outre... vous ne trouverez rien en ce temple que la haine et la folie, et ses occupants ne sont pas dignes de confiance. Voyons, où se trouve ce cadavre et ces larves dont vous a parlé le Mage? Hein? Inventé de toute pièce par ce vieux fou, je suppose... Allons voir ce lieu profond où les sacrifiés pourrissent, et nous verrons bien ce que nous verrons."

Eodroc se dirigea de quelques pas vers le fond du temple, l'endroit d'où provenait toute l'ombre du lieu, pour peu que l'on puisse s'exprimer ainsi. Et, se retournant en direction de Ralya:

"Alors! Je n'ai jamais mis les pieds ici, et j'espère que ce n'est pas votre cas. Si toutefois ça l'était, vous me seriez bien utile pour me guider jusqu'à ce lieu maudit dans les entrailles du temple."

Pour la première fois depuis qu'il connaissait Eodroc, les paroles du sbire de la Garde ravirent Ralya au plus au point. Le sourire en coin, le Gardien du Port écouta d'une oreille distraite les vociférations d'Eodroc.

Quand ce dernier amorça quelques pas vers les profondeurs ténèbreuses du Temple Shamaran il approuva doucement du chef.

"Suivez-moi Eodroc." dit-il en le dépassant.

Le ton était implacable, presque un ordre. Et il témoignait de la confiance en soi qui habitait Ralya en cet instant.

Alors qu'Eodroc et lui entrait dans une salle plus petite et plus sombre Ralya dit calmement.

"Je suis déjà venu ici si celà vous interesse. Et il se peut que je retrouve la salle dont Corniak me parlait. Croyez moi, ces histoires sont vraies."

Et pour cause, c'est dans cette salle qui l'avait vu pour la dernière fois l'homme qui l'avait engendré.

Soudainement, alors que les deux hommes continuaient leur chemins dans les ombres grandissantes, le Gardien du Port eut un petit rire.

"Alors comme ça vous ne saviez vraiment pas où est ce que j'irais? J'aurais du effectivement vous le preciser, je vous ai donc sur-estimé."

Il sentit Eodroc bouillir un peu plus, Ralya n'attendait que ça. Attendre que le vase ne déborde. Sans attendre une nouvelle manifestation d'Eodroc, il tourna à droite. Et au fond du couloir s'agitait une faible lueur rougeâtre.

"Nous arrivons."

Chose étrange, ils n'avaient pas croisé une seule fois des moines qui pourtant auraient duent pululler dans cette partie du Temple. Ce n'était pas normal, surtout après un office.

En effet, les couloirs étaient vides, sombres et silencieux. La seule lumière provenait de lanternes, disposées à intervalles réguliers au plafond. Le verre qui entourait la flamme était teinté de rouge, ce qui n'offrait qu'un faible éclairage, trop faible en tout cas pour permettre de voir à plus de dix mètres devant et derrière soi. Impossible donc, pour tout visiteur non averti, de trouver son chemin.

L'air était étonnamment sec, et respirer ne nécessitait aucun effort, contrairement à ce à quoi on pouvait s'attendre, à une telle profondeur dans les entrailles du temple. L'édifice avait beau paraitre vétuste et massif, il disposait néanmoins d'un système d'aération des plus sophistiqués. Contraste entre technologie et traditions ancestrales.

Toutefois, l'absence de moines pouvait aussi s'expliquer par le nombre moindre. A Sharman, ils n'étaient pas plus d'un cinquantaine à arpenter les couloirs et à officier. Selon certains, ils consistaient une élite, des figures, pour d'autre, une décadence. Mais depuis des centaines d'années, ils étaient là, et jamais leur nombre n'avait changé. Parfois, on les appelait les Cinquante, et chacun d'eux était appelé par son ordinal en fonction de l'ancienneté : le plus ancien ancien tait ainsi nommé le Premier, et le plus jeune le Cinquantième. Tous étaient âgés. De plus, l'ancienneté concordait avec la hiérarchie, le Second devait obéissance au Premier, le Troisième au second et ainsi de suite.


La faible lueur rougeâtre que voyait le Gardien du Port signifiait effectivement qu'il approchaient de la Salle. C'est ainsi qu'on désignait cette pièce : La Salle. Unique dans le temple, et sans doute dans Arda. Elle formait un cercle d'une quinzaine de mètres de diamètre, le plafond s'élevait cinq mètres plus haut. Noire. Taillés dans la roche, murs et sols étaient polis, aucune irrégularité. Impossible d'y occasionner une entaille . Le secret de sa conception avait été perdu dans les âges, et la Salle était restée un symbole du Temple. Au centre, une table sculptée d'ivoire, assez grande pour qu'un homme s'y allonge. Juste au-dessus pendait un lustre semblable aux autres lanternes, mais qui lui éclairait parfaitement la pièce.

Tout du long de la paroi froide, des corps sans peau d'hommes et de femmes, leurs têtes dépecées elles aussi posée devant eux.

Il ne changerait pas, celui-là... Toujours des paroles visant à blesser son vis-à-vis, à malmener son orgeuil. Pourtant, ces phrases provoquèrent seulement le rire d'Eodroc; et pour cause... elles étaient absolument fausses.

"J'ai attendu des heures votre venue au Temple, je vous ai précédé et vous ai espionné, ainsi que ce Mage. Ne dites donc pas que je n'avais point d'idées sur le lieu où je pensais vous trouver!"

Avec un rire sec, il tapa dans le dos de Ralya.

*Cette vermine a une logique pour le moins étrange... Je l'ai vraiment estimé davantage que sa cervelle ne le méritait.*

Eodroc ne dit pourtant rien de ce qu'il pensait, car, au fond de lui, il sentait bien que ces tunnels sombres et innombrables le mettaient à la merci de Ralya. N'ayant jamais foulé ses lugubres corridor souterrains, le Garde aurait pu se perdre à tout moment et trouver une sinistre fin s'il eut été seul.

Pourtant, Eodroc avait bien essayé de se souvenir des chemins empruntés pour venir jusqu'en ce lieu, mais au bout du compte, son sens de l'orientation avait été dérouté par la complexité qu'avait donné le fondateur des lieux à sa construction, et son rival demeurait à présent sa seule chance de sortie.

Tous deux arrivèrent en vue d'une lueur rougeâtre, accompagnée d'une odeur pestilentielle. Un horrible pressentiment s'empara d'Eodroc... Il savait en son coeur que cette nouvelle voie offrirait un spectacle abominable. Le lieu dégageait comme une aura malfaisante, et le garde faillit ciller tant sa volonté s'était affaiblie.

Ralya et Eodroc vinrent doucement et précautionneusement jusqu'au seuil de la pièce, et la scène que vit l'homme se trouvait bien au delà de ses craintes... Dans la salle circulaire qui se trouvait devant leurs yeux, de nombreux cadavres écorchés gisaient au sol, et Eodroc se demanda un temps s'il s'agissait bien d'une illumination d'un ton rouge, ou bien si le sang qui baignait les corps donnait cette teinte à la lumière de la pièce...

Certains semblaient en cours de décomposition, sacrifiés il y a déjà plusieurs jours, peut-être une semaine. Les vers commençaient à se régaler de leur chair morte. Pour d'autres, le supplice semblait tout à fait récent, et leurs cadavres sans vie reposait pour l'intant en "paix", ou du moins n'étaient-ils pas attaqués par les larves.

L'un d'eux semblait encore répandre quantité de sang sur les dalles froides et régulières où il gisait...

*Sûrement celui de l'office d'aujourd'hui, pensa Eodroc...*

Hélas! Ses craintes sur les pratiques des religieux étaient fondées. Pourquoi toutes ces foules se pressaient-elles au temple, les jours d'office, pour contribuer à la folie sanguinaire de quelques fous?

En vérité, un moine serait-il venu en personne les ordonner de sortir, usant de son autorité, qu'Eodroc lui aurait volontiers troué la carcasse avec la courte lame qu'il gardait cachée.

Nul ne vint, pour l'instant.

Les deux hommes avançèrent alors dans le sinistre lieu... Avec un spasme de dégoût, Eodroc enjamba le cadavre qui barrait son chemin; il ragarda Ralya, et d'une voix faible, lui demanda:

"Le cadavre dont vous parliez est-il ici? Je croyais que l'on travaillait sur deux affaires tout au plus, mais je m'aperçois que davantage d'assassins sont en liberté..."

Cette athmosphère tout à fait lugubre venait de chasser toute idée de querelle dans l'esprit d'Eodroc.

Ralya avait retenu sa respiration alors qu'il avait aperçu le premier écorché. Et il cacha son dégout quand il découvirt les autres. Mais finalement il retrouva toute son assurance. Il avait déjà vu pire, il avait déjà assister à un de ces sacrifice.

Le Gardien du Port s'agenouilla auprès du cadavre qui semblait le plus frais. Soucieux il se tourna vers Eodroc. Et cette fois son ton n'avait rien de désagréable, mais rien de sympathique pour autant.

"Maître Rat c'est le moment de m'aider. Voyez-vous ces cadavres doivent être ceux de la Grande Ombre, la fête a eu lieu il y a une semaine."

Il engloba la salle de sa main. Excluant les trois cadavres qui était devant eux.

"Vous n'avez sans doute pu l'entendre. Mais ces sacrifices ont lieu uniquement durant les célèbrations. L'office se contentant d'infliger le même traitement à des porc ou des boeufs. Une idée de génie?"

Il leva les yeux vers le représantant de la Garde.

"Ces trois là violent donc la règle. Et il ne sont pas dans le même état. Ils n'ont donc pas été écorché en même temps. Je doute que les moines osent violer l'une de leurs traditions les plus importantes."

Ralya se releva et en un instant se revit plus petit, il fixait un homme mur qui à genou devant deux mages et un moine entrait dans une transe mortelle. Tous avaient un long couteau en main.

Le Gardien du Port revint brutalement à la réalité. Même lieu, mais époque différente. Doucement il marcha de long en large dans La Salle, fredonnant cette petite comptine que tout le monde croyait si malèfique...

*Pfff... Eh bien s'il a envie de persévérer dans le "Maître Rat, qu'il le fasse, si ça lui procure quelque satifaction...*

La réaction d'Eodroc, guidée par ses sages pensées, fut aussi impassable que si le gardien du port l'avait appelé par son vrai nom. Ils avaient déjà assez d'affaires sur le dos pour trouver des querelles inutiles.

"En effet, fit-il d'une voix qui ne transmettait aucun sentiment, ces trois-là semble avoir été mutilés plus récemment que les autre... surtout lui, en vérité; son sang à l'air encore bien liquide."

Il pointa du doigt l'un des cadavres qui ornaient cette lugubre salle.

"Et, dites-vous, la Cérémonie a eut lieu il y a une semaine. Vous semblez bien posséder des informations sur les sombre pratiques de ces moines... Vous m'inquiétez, Maître fouineur. Mais ne nous attardons pas sur cela, pas en ces lieux. Si vos paroles sont véridiques, cet homme n'a pas été écorché et tué par un moine, mais il est indéniable que celui qui a commis cet acte ignoble a reçu l'aide des religieux pour emporter ce corps ici. Ou alors a-t-il pénétré plus que furtivement en ces murs. Je commence à douter de ce mage avec qui vous parliez tout à l'heure. Est-il autorisé à aller librement par ces couloirs?"

En attendant la réponse de Ralya, Eodroc fit un pas en avant pour venir se placer en face du corps. S'accroupissant, il tendit un doigt avec dégoût, qui toucha le sang tombé à terre.

"Oui, très récent, murmura-t-il..."

Pourtant, l'autre arpentait la salle, chantant une étrange complainte, une chanson de mauvaise augure. Eodroc ne put se contenir plus longtemps:

"Etes-vous passé dans le monde des ombres ou bien croyez-vous qu'une poésie puisse m'aider dans mes recherches!!?"

La ressemblance entre tous ces cadavres et celui trouvé au port laissait en effet songeur. Cependant, une chose les différenciaient : tous, dans la Salle, avaient bien leurs mains, posées à côté d'eux, la peau à vif.

Quant aux têtes, elles avaient de toute évidence été coupées à la hache, d'un coup nette et fatal. La question aurait été de savoir si la décapitation avait eut lieu avant ou après que la peau fût enlevée. Mais devant de telles horreurs, on pouvait s'attendre au pire. Ce culte était vraiment terrible. Depuis la nuit des temps, il avait coûté des milliers de vie dans ce seul temple, pour le seul bonheur de cinquante moines. Et d'un Dieu, auraient pu dire ceux-ci. C'était un autre débat.

Toujours ce petit courant d'air, sur le plafond. Sans celui-ci, impossible d'imaginer la puanteur qui se dégagerait alors de la pièce. Malgré toutes leurs croyances, les prêtres eux-mêmes n'auraient pu y pénétrer sans quelques... difficultés respiratoires.

Le silence, qui jusque là n'avait été troublé que par les pas et les paroles des deux hommes, fut finalement brisé par des bruits de pas en provenance du couloir qu'avaient emprunté tantôt les enquêteurs. Trois moines vêtus de leur bure, capuche sur le visage, apparurent. Leur formation était presque cérémonielle : un devant, deux derrière. Celui en tête déclara, sur une note métallique :

Vous n'êtes pas habilités à être ici. Vous devez partir immédiatement.

Impossible de dire si le mage à qui Ralya avait parlé était l'un d'eux : tous trois avait la tête baissée, les mains jointes dans leurs manches.

L'incantation sordide de Ralya fut d'abord mêlée au son de pas lents se dirigeant vers la salle circulaire. Bientôt, le gardien du port cessa totalement de proférer ses vers inutiles, et seul les pas résonnant dans les profons corridors vinrent aux oreilles d'Eodroc.

Vinrent alors trois silouhettes drapées de sombre, visage et peau cachée, ressemblant plus à des esprits qu'à de véritables humains. Leurs longues robes prenaient une teintes rouge pourpre, très foncée, dans la lumière couleur de sang de la salle... Impossible de dire à quoi ressemblerait leur habits à la lumière du jour; peut-être noir... noir comme leur coeur, ou bien marron.

Mais cela n'avait en vérité aucune espèce d'importance. Les deux enquêteurs s'étaient fait repérés.

*Puisse les Dieux faire en sorte que ces moines ne soient pas plus de trois, ou nous finirons tout comme les malheureux qui jonchent cette pièce.*

Ceci était la pensée d'Eodroc en ce moment... Phrase étrange dans la tête d'un athée, mais peut-être était-ce la situation et les horreurs que ses yeux voyaient qui provoquaient cette réaction.

"Vous n'êtes pas habilités à être ici. Vous devez partir immédiatement."

Décidément, une voix pareille confortait l'idée du spectre. Pourtant, Eodroc eut bien la preuve qu'il avait devant lui des hommes: en prononçant cette phrase, le moine, d'un geste vague du bras gauche en direction de la sortie, avait faire dépassé le bout de ses doigts de la longue manche qui les tenaient auparavant cachés.

Ce fut Eodroc qui répondit le premier:

"Et vous, vieux moine infirme, plus fantôme que véritable humain, êtes-vous habilité à commenttre de telle atrocités? Est-ce votre soit disant Dieu qui vous donne le droit de prendre ainsi la vie d'innocents? A l'avenir, expérimentez vos pratiques sur vos semblables, ainsi, votre nombre ne cessera de décroître, et il n'en sera que mieux."

A peine sorties de sa bouche, ses paroles osées étaient déjà regrettées par Eodroc. Non qu'elles ne soient pas juste, mais simplement parce qu'elles éveilleraient sans doute la colère des religieux. Tant pis, c'était fait, Ralya pourrait à présent le traiter de Rat en tout bon droit.

La pensée d'Eodroc se porta sur sa petite lame aiguisée qui pendait à sa ceinture, cachée par ses étoffes. Il la tira et la tint levée dans sa main gauche; de fait, il était gaucher.

L'image que virent les moines de cet être maigre portant une arme leur provaqua plus le rire que la peur...

Effectivement la petite comptine malfaisante que fredonnait Ralya se tut dès que les pas des trois moines avaient retentit dans le sombre couloir qui les avait mené ici.

Eodroc ayant pris les devant, Ralya vint calmement se placer entre lui et les trois moines. Apres un regard sombre à Eodroc, a vrai dire, il avait parfaitement réagi, car dégainé leurs lames auraient été un moyen efficace de s'en sortir. Mais les trois moines pourraient peut être les renseigner.

"Veuillez pardonner notre intrusion. Je suis les Gardien du Port d'Albyor, et voici Sire Eodroc. Nous enquêtons sur des morts suspectes. Et sans doute reliées aux sacrifices qui se tiennent ici. En effet nos cadavres sont écorchés comme vos sacrifés. Mais la victime que l'on a retrouvé sur les quais était démembrée."

Sous les capuchons des moines Ralya sentit les regards perçant des trois hommes. Une sensation qu'il n'aimait vraiment pas. Et sa main droite glissa imperceptiblement jusqu'a la garde de son épée.

"De plus, vous remarquerez que ces trois cadavres se sont eux aussi invités dans La Salle. Ce qui constitue un blasphème bien plus important que deux hommes venus avec une noble cause."

Marquant une pause, Ralya hésita a continuer devant Eodroc, ce qu'il allait dire ne concernait pas Eodroc. Mais après tout, s'il le fallait.

"Messires, je connais vos rites, mon géniteur s'est tenu ici. Et enfant, j'ai tout vu de cette horreur qui vous sert, si je ne m'abuse, d'offrande à Melkor."

Sa voix était cette fois-ci empreinte du dédain le plus profond que l'on puisse trouver dans le coeur d'un homme. L'inhumanité de ce lieu Ralya la connaissait depuis qu'il avait 4 ans.

Le moine de devant se retourna et murmura quelques mots à ces confrères. Même si l'un des deux intrus avaient pu les entendre, il leur aurait été impossible de les comprendre. Les moines utilisaient en effet un dialecte trop sombre et terrible pour quiconque d'autre qu'eux puisse le comprendre, le parler... et le supporter. Ils reprirent leur position initiale, immobiles, et celui de tête dit, avec la même voix inhumaine que tantôt, à l'attention d'Eordoc :

Certains ont enduré plus que la mort pour des paroles identiques. Seul votre rang vous préservera... pour l'instant.

Un silence, puis sur une note qu'on aurait pu qualifier de plus amicale :

Les affaires de la Cité ne sont pas les nôtres, tout comme celles du Temple ne sont pas les vôtres. Pour la deuxième et dernière fois partez.

Un nouvelle pause. La respiration d'un des moines se faisait entendre, sifflante. Les phrases suivantes, se fut le prêtre derrière, à gauche, qui les prononça à l'attention de Ralya.

Quant à vous, ne croyez pas qu'avoir passé une dizaine d'années ici vous a permis de tout apprendre sur le Culte, ni de tout comprendre. Les connaissances que vous pensez posséder ne sont que superficielles. Vous savez seulement ce que vous avez vu ou entendu. Le reste, vous l'ignorez.

Les trois homme se décalèrent contre le mur pour laisser le passage aux deux enquêteurs. S'attarder plus longtemps serait désormais à leurs risques et périls.

Eodroc rit intérieurement quand le moine qui se tenait devant lui le mit en garde pour ses paroles. En vérité, que pouvaient bien faire des vieillards gâteux et dépouvus d'armement?

Il se garda bien, cependant, de montrer son amusement; en effet, le mot d'ordre était maintenant la coopération. Les deux enquêteurs devaient jouer de leur ruse et de leur hypocrisie pour continuer cette affaire... en tout cas, Eodroc, lui, le ferait. il abaissa son épée, la tenant de sa main qui pendait maintenant le long de sa cuisse.

"Oubliez mes sottes paroles, ô grands prêtres emplis de sagesse, et mon emportement. Car nous ne sommes pas ici pour vous importuner, mais bien parce que nous avons des ordres. Je tiens mes directives du Capitaine de la garde d'Albyor, et, bien que je connaisse l'importance de votre culte, ne faudrait-il pas nous laisser chercher librement?"

Eodroc se tut un instant, regardant les prêtres dans les yeux tour à tour, avant de porter son regard sur ces trois corps intrigants... s'ils devaient partir, autant prendre le maximum d'informations. Après un silence interminable, il reprit, sentant l'agacement des trois religieux:

"Nous partirons, si telle est toujours votre intention, mais souvenez-vous de ce que je viens juste de vous dire... Et je vous le demande humblement, dix minutes, dix petites minutes seulement, je vous en prie!"

Faisant un pas en avant pour enjamber de nouveau le corps qui lui barrait le passage, Eodroc pensa à Ralya... Qui était vraiment ce curieux bonhomme? Il connaissait leurs pratiques, il savait que le culte louait Melko. Ce nom ne disait rien de bon aux oreilles d'Eodroc, même s'il ne savait pas exactement son origine.

Le moine qui l'avait interpelé le laissa transi d'un souffle glacé. Et cela même avec l'odeur putride des corps en décomposition et de l'air lourd de la pièce, n'empecha pas un frisson insoutenable de remonter la colonne vertèbrale du Gardien du Port. Ce ton là, il ne l'avait entendu qu'une fois. Et sa main se resserra sur la garde de son épée.

Mais en vérité, le rappel de cette periode de son enfance effaça quelque peu Ralya de la conversation. Etait t-il manipulé par ce douloureux souvenir? Si les moines désiraient leur départ ils auraient du partir. Ralya le savait, et il y pensait de toute ses forces.Quoique, une petite voix empreinte de fierté chuchotait à Ralya qu'il devait appuyer la démarche d'Eodroc. Ses jambes ne bougèrent pas, et les jointures de ses doigts blanchirent un peu plus.

Sans savoir pourquoi, son arrogance, sa confiance en lui, et une bonne partie de son courage s'était envolée. Ces moines lui avaient d'abord semblés innofensif, de simple fanatiques ne suportant pas la présence de deux profanes dans leur lieu de culte préfèré.

Désormais Ralya avait peur. Et Eodroc le verrait sans doute. Tant pis, l'orgueil du Gardien du Port s'était envolé. Et quand il se tournat vers ce dernier, presque tremblant, il articula péniblement quelques mots.

"Eodroc partons... S'il vous plait."

Le Gardien du Port se retint de vomir, et ce n'est pas la vue ou l'odeur de ces cadavres qui le dégoutaient autant. Mais cette affreuse sensation qui lui tordait les boyaux. S'il s'en sortait, Ralya haïrait ce moment comme les horreurs qu'il avait subi dans le noir, à la merci de ces Cinquantes viellards.

Les moines étaient restés tout à fait inflexibles lors de la demande d'un délai supplémentaire de la part d'Eodroc. Les trois venimeux personnages semblaient de marbre, scellés contre la paroi du mur, et laissant un étroit passage pour les intrus.

Et les espoirs du garde du Capitaine furent vite anéantis lorsque son 'compagnon' fit part de sa volonté de quitter les lieux. Eodroc jeta un regard empli d'éclairs de colère sur le visage tremblant et mainteant blême de Ralya, avant de s'avancer encore un peu.

Regardant ensuite les sbires de l'esprit de Melko, il rengaina son arme d'un geste vif, et passa devant eux en grognant, comme un coup de vent. Dès qu'il eut passé le seuil de cette horrible salle, le chétif mais brave Eodroc se sentit comme soulagé d'un grand poids, le coeur plus léger qu'auparavant. Cependant, ce sentiment se mélait à un autre, à un regret no, dissimulé d'avoir laissé échapper un tel espoir, de tels indice qui auraient pu être découverts. Mais avaient-ils bien le choix?

Ralya le suivit, et ensemble, sans se soucier plus avant desmoines restés derrière eux, ils arpentèrent les sombres couloirs qu'ils venaient de parcourir à l'aller. D'un voix forte et colérique, sans préoccupation de qui pourrait les entendre, Eodroc s'adressa au Gardien du Port:

"Et maintenant, que faisons-nous?! De beaux indices resteront à jamais perdus dans les profondeurs de ce temple. Où comptez-vous donc aller, hein? J'ai bien peur que vous ne veniez de compromettre une bonne part de nos investigations. Etes-vous couard à ce point... croyez-vous que je n'ai pas remarqué votre terreur? Hum... quel compagnon m'a-t-on donné..."

Les deux hommes virent bientôt la lumière relative de la salle des offices.

"Je ferais mieux d'aller faire un rapport au Capitaine. Lui, au moins, saura ce qu'il y a lieu de faire, et il vous remettra dans le droit chemin!"

Les moines hésitèrent et s'agitèrent sous leur longue bure. Encore une fois, il se concertèrent en Parler Noir, puis celui qui avait pris en premier la parole, dit :

Nous ne pouvons répondre à vos questions, notre rang l'interdit. Le Premier ne peut pas vous recevoir, étant en déplacement. Il sera de retour dans une semaine. Peut-être pourrions-nous vous héberger...

Cette proposition n'était pas sans fondements sadiques : le prêtre avait bien remarqué le malaise de Ralya, et se doutait qu'un tel séjour ne lui plairait pas. En outre pourrait-il plaire à quiconque ?

Mais quoi qu'il en soit, vous devez quitter cette pièce. La patience dont nous avons fait preuve n'a que trop durer.

Liant le geste à la parole, deux des moines vinrent se placer derrière Ralya et Eordoc et posèrent de manière insistante leur main droite sur leur dos. Le contact, même à travers le tissu, était glacial, mias ne dura pas longtemps pour Eordoc : déjà il partait.

//Post écrit juste avant que tu ne poste. Je le laisse//

Eodorc partait, au fond de lui il l'en remercia vivement. Evitant le regard des moines Ralya se raidit encore plus quand une main se posa dans son dos.

En quelques pas rapide il avait rattrapper le Garde. Et écoutant ses quelques parôles, il fut pris d'un accès de compréhension. Eodroc n'imaginais pas l'enfance qu'il avait mené ici, entouré de vieux hommes séniles et aux désirs touts aussi sadiques. S'il savait y faire avec les mages comme Corniak, être dans un espace clos avec ne serais-ce qu'un seul de ces moines le terrifiais. Peut être parce qu'il savait, il avait vut de quoi étaient capables ces hommes la. Mais aujourd'hui il n'était plus un enfant sans défense, et même si le souvenirs des sévices qu'il avait subis le figeait d'horreur, Ralya savait qu'un jour où l'autre sa lame passerai au travers d'un moine.

" ...a lieu de faire, et il vous remettra dans le droit chemin!"

Eodroc lui tournait le dos alors qu'il continuait de bafouer le Gardien du Port. Sachant que les moines ne les rejoindraient pas immédiatement Ralya empoigna le bras de son compère et le plaquand contre une sombre colonne, il immobilisa violement Eodroc.

"Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas. Et sachez que sans la peur, il n'y a point de courage. Vous ne pouvez pas avoir peur de ces hommes, car vous n'imaginez même pas ce qu'ils peuvent faire rien qu'en vous murmurant quelques mots à l'oreille! Ne me traitez plus de couard ! "

Le maigre Eodroc ne pouvait guère s'échapper de l'étreinte de Ralya, l'eut-il voulu. Il se contenta de jeter son regard de ça de là, tantôt tournat les yeux vers la lumière du jour qui pénétrait dans le temple par l'entrée principale, tantôt vers l'obcurité des couloirs,guettant l'arrivée d'un éventuel moines, ou de trois...

Nul ne vint, cependant, et le garde du Capitaine lança un regard à la fois doux et venimeux à son confrère du Port...

"Comme vous voudrez, mon ami, comme vous voudrez... Je ne me rendrais pas moins dans le bureau de mon Capitaine, car pour moi, des ordres sont des ordres. Quoi que soit votre opinion, ou mon opinion là-dessus, cette affaire est troublante, et le refus de ces moines, quoique prévisible, semble cacher quelque chose."

Il sentit les muscles de Ralya se détendre très légèrement... Tout n'était que silence alentours... Pourquoi donc prononçait-il cette dernière phrase si haut? Les murs épais du temple possédaient sans doute des oreilles; en l'occurence, trois paires d'oreilles. Eodroc reprit à voix basse, bien que l'écho du lieu rende les chuchotement plus bruissant que souhaité...

"Vous viendrez, avec moi, Ralya, car j'ai aussi ordre de vous avoir à l'oeil et de vous empêcher de fouiner chez Jilhad, pour l'instant. On verra ce qu'en dit le Chef.

Avez-vous l'intention de me lâcher, maintenant, ou d'attendre que toute une armée de moines ne viennent chercher deux nouveaux objets de réjouissance?"

Un pressant sentiment d'inquiétude s'appesantit cette fois sur Eodroc, et il lui pressait de retrouver l'air libre. Dès qu'il avait pénétré dans cet étrange édifice religieux, une curieuse sensation avait envahi le plus profond de son être. Elle remontait à sa surface, à présent, et ne tarderait pas à le submerger s'il restait un instant de plus contre cette maudite colonne.

En vérité, il avait peur...

Ralya finit par relacher totalement le bras endolori d'Eodroc. Et si son visage et sa posture avait retrouvé un semblant d'arrogance, la peur se lisait encore dans ses yeux. Doucement, jetant des regards perplexe aux ombres qui les entouraient le Gardien du Port retrouva l'air libre. Alors qu'il se tenaient tout les deux sur le parvis du temple, Ralya se tourna vers son compère.

"Nous devrons revenir afin de rencontrer le Premier."

Un frisson parcourut le dos du Gardien du Port quand il envisagea sa prochaine visite dans ce lieu sinistre. Rencontrer le Premier n'était pas une mince affaire. Mais quand ce Premier désirait rencontrer quelqu'un, c'était au contraire très simple. Dans les limites du Temple Shamaran, cet homme était tout-puissant.

Maintenant, devrait-il accompagner Eodroc jusqu'à son Capitaine.Non, quand bien même celui qui aurait du être son égal espèrait le soumettre, le Gardien du Port avait plus d'un tour dans son sac.

"Envoyer lui un mémo! Les gradés adorent la paperasse! Tant que ça leur permet de rester dans leur bureau."

Ralya commença à descendre les marches du Temple, bientôt il seraient dehors.

"Et puis j'ai d'autres projets."

Et que pouvait bien faire le pauvre Eodroc? Il n'avait ni le droit ni la force physique d'emmener de force Ralya dans le bureau du Capitaine. Il devait faire comme le lui indiquait l'homme du Port, envoyer une lettre à son supérieur. Etre contraint à employer les méthodes dictées par son rival lui coûtait... son orgueil en prit un coup.

"Evitez de parler ainsi des gradés!"

Ce fut la seule phrase qu'il trouva à dire pour l'instant, réfléchissant à la proposition de Ralya.

"Très bien, dit-il enfin, je pense que cette solution est la bonne. D'ailleurs, que puis-je faire d'autre? Je dois à la fois vous surveiller et rendre des comptes au gradé, et envoyer un message est le seul moyen. Cependant, tant que je ne le reverrai pas, ses ordres seront toujours les mêmes: empêcher que vous alliez chez Jilhad, empêcher que vous alliez chez Jilhad, et... empêcher que vous alliez chez Jilhad. J'espère donc que vos projets ne consistent pas à vous rendre dans la demeure de ce marchand, sans quoi vous dervrez effectivement rendre visite au Capitaine et le supplier de vous en laisser la possibilité!"

Eodroc avait retrouvé toute sa fierté; nulle peur ne venait le troubler, maintenant qu'ils venaient de quitter l'édifice religieux.

"Attendez-moi ici, déclara-t-il froidement au fureteur des Eaux, et pas d'entourloupes."

La pièce qui faisait office de bureau au Capitaine se trouvait presque à l'autre bout de la Cité. Le meilleur moyen de gagner du temps restait vraisemblablement de gagner le service des Postes tout proche du temple, corps composé en vérité de quelques messagers mal organisés, et qui n'avait de Postes que le nom.

S'écartant de Ralya, le garde sortit un bout de papier froissé et jauni, le seul qu'il lui restait. Ca ferait l'affaire, mais après, il faudrait acheter du papier à ces messagers douteux... Le chantage demeurait l'une de leurs méthodes, et il n'hésitaient pas à demander bon nombre de pièce à des clients désireux de faire parvenir un message.

Eodroc se dirigea en courant vers le petit bureau des messagers, où il trouva quelques-uns d'entre eux. Il dut payer l'encre et le transport, mais sa bourse était bien remplie. Il écrivit sa lettre à la hâte...

"Nous l'apporterons à l'endroit voulu!" fit l'un des messagers lorsqu'il eut les pièces et la missive en sa possession.

Le garde revint alors en vitesse, espérant que ce fouineur de Ralya ne lui ait pas faussé compagnie, pour aller, mettons... chez Jilhad.

Et ce fouineur qui n'était autre que le Gardien du Port discutait avec un jeune homme qui portait au côté une grande épée rouillée. Et Ralya retrouvat peu à peu le sourire. Quand Eodroc arriva, il congédia son homme de la main.

"Eh bien Maître Rat, l'on m'apporte à l'instant une excellente nouvelle, une nouvelle qui devrait vous ravir !"

Souriant, le Temple Shamaran était bien loin, pourtant il était caché un peu plus, et là où Ralya avait aperçu ce damné soleil l'on aurait peut être pu apercevoir trois silhouette encapuchonées.

Mais désormais il retournerait vers sa maison, le Port.

"Effectivement, vous souhaitiez que je ne me rende pas chez Jilhad, eh bien il en sera ainsi, puisque l'aimable commerçant a bien voulu se déplacer jusqu'a mon bureau. Vous en serez fort aise..."

Puis il commençat à descendre vers le Port, allant de bon train il jeta un regard en arrière à Eodroc.

"Allons, nous n'avons pas toute la journée!"

Il est vrai que le gardien du port jouait sur les mots. Mais Eodroc fut effectivement ravi de la solution qui avait été trouvée: ainsi, leur affaire ferait sans doute un grand bon en avant, et il ne désobéirait pas à un ordre de son capitaine, ordre qu'il trouvait d'ailleurs sans fondement. Interroger Jilhad ne pouvait apporter que du plus.

"Oui! J'arrive! C'est juste que je croyais voir... non, c'est sans importance."

Le garde suivit donc Ralya en courant par petits pas rapprochés, carracolant sur ses jambes osseuses. Les deux investigateurs passèrent par bien des ruelles sombres, descendant de niveau à chaque pas en avant. Ils allaient vers le Port, vers le fleuve.

Il se rendaient dans le fief des gardiens des Eaux, lieu qui ne plaisait guère à Eodroc.

*Si tous sont aussi désagréables que Ralya, pensa-t-il, je crois que je ne vais pas y rester longtemps...*

Encoire une fois, l'orgueil d'Eodroc et la traditionnelle rivalité entre le port et la garde parlaient. Pourtant, après le sombre temple et après les horreurs qu'ils avaient vu, les promontoires feraient office de paradis pour les yeux d'Eodroc.

Au bout d'un certain temps de marche à bonne allure, les deux hommes arrivèrent au port. Là, sur les flots pour l'instant calme, bien ammarés, plusieurs navires montraient leurs fières voiles noires. Décidément, tout le pays était inprégné d'une admiration pour Melko.