La lisière de la Grande Forêt

Longue colonne sur le retour. Longue ? Non, pas tant que ça, car quand des messagers annoncèrent que l'armée orque avait été vaincue et que les habitants de certains villages pouvaient revenir, qu'il n'y avait plus de danger, certains se méfièrent et furent trop peureux pour revenir.
Ce n'est donc qu'une petite partie des habitants qui retrouva en cette fin d'après-midi leurs villages tant estimés, non loin de la forêt de Fangorn, dont certains disent que, jadis, elle vivait. Les vieilles légendes n'en expliquent pas plus, mais on raconte d'étranges choses, et peu de gens osent s'y aventurer.

Mais immédiatement, des gens poussèrent des soupirs en regardant leurs maisons. Aucune n'avait brûlée, mais tout autour on voyait des barrières abattues, des tas de bois dispersés, des clotures arrachées. Des voix s'élevèrent aussitôt, bafouillant des injures, certains tapant du pied, leur air rageur. Pour résumer, on entendit surtout des "Maudits orcs, pourriture,..." et toutes sortes de gentillesses du même acabit.

Mais après un petit examen des choses, force fut de reconnaître que ces orcs avaient été très, très propres...
Point de souillures sur l'herbe, pas de cadavre abandonné, pas la moindre trace de feu et, par dessus-tout pas d'empreintes. Or comment des créatures telles que des orcs, avec lourdes bottes, auraient-elles pu laisser si peu de traces ? Etaient-ce alors quelques brigands déçus par l'absence de cibles dans le village ?


L'affaire du oubliée, le temps que le nuit tombe, les menus dégâts furent déjà réparés, mais quelques esprits inquiets firent pression pour qu'on établisse des guetteurs.
Il y avait toujours eu des tours de guet dans le village, mais elles n'étaient jamais utilisées. D'ailleurs, il s'agissait surtout de mini-cabanes à quelques mètres de haut, rien de plus.

Le sort avait désigné le jeune Edwine comme l'un des courageux qui passerait la nuit dehors. On le considérait comme courageux, non pas qu'il y avait vraiment des risques, mais plutôt parcequ'il faisait particulièrement froid, et qu'il n'y aurait pas la place pour faire du feu.

Le garçon somnolait et grelottait, il n'était pas habitué à de longues veillées dans la froideur de la nuit. Il porta son regard embrumé sur les alentours, sur cette forêt majestueuse qui s'étendait là, à quelques pas de lui.

*Tiens, pensa t-il, je n'avais jamais remarqué que les arbres étaient aussi proches de ce poste de guet...*

Une heure passa, deux heures passèrent... Il s'était endormi à moitié, un bruit le réveilla. Un craquement lourd, un étrange grincement dans la forêt.
Il se redressa vivement, les yeux entr'ouverts et... rien.
Il ne vit absolument rien, si ce n'est les hautes silhouettes des arbres qui se balançaient au vent. Vent qui ne soufflait guère d'ailleurs.
Un peu confus, il se rassit, et notre veilleur ne resta guère plus longtemps éveillé.
Pourtant, quelques craquement se firent encore entendre, à travers la nuit.