Les clefs d'Orthanc

Toujours guidés par l'Ent Forcechêne, les deux mages bruns et la Dame Milindë avaient traversé la partie Sud de la forêt de Fangorn, longeant les Monts Brumeux jusqu'à la lisière septentrionale du plus vieux groupement d'abres de la Terre du Milieu.

A leur droite s'élevait le majestueux Methedras, dernier sommet de l'épine dorsale de la Terre du Milieu, dont les pentes enneigées s'illuminaient d'une teinte rose orangée à la lumière des dernier rayons du soleil couchant. Le spectacle était splendide, et Tanarith n'en était pas insensible.

Mais ce qui lui emplissait le coeur de joie n'était pas la beauté des coloris du paysage, mais plutôt ce que signifiait la vue de cette montagne: ils étaient arrivés au bord Est de Nan Curunir, la Vallée du Magicien comme on l'appelait du temps de Saroumane; et au fond de cette cuvette, au pied du Methedras, se trouvait le clos d'Orthanc.

"A Isengard, avec le coucher du soleil nous arrivons, fit doucement Tanarith à ses amis. Nous voilà devant la dernière étape de notre quête."

Il tenait toujours par la bride sa fidèle monture, le cheval Longpériple, qui l'avait, il faut le dire, plutôt encombré qu'aidé sous la voûte de Fangorn.

Forcechêne ouvrait toujours la marche, marquant de ses pas lourds la douce herbe, verte et drue,du Nord du Rohan. Ici, les chevaux étaient heureux et le moral des Humains remontait.

Ils finirent par apercevoir un mur légèrement incurvé vers l'intérieur, formant un cercle dans la vallée: l'antique anneau d'Angrenost, et la dans de l'Isengard s'élevant en son centre, noire, lisse, immuable.

Forcechêne stoppa son avancée et adressa la parole aux autres marcheurs:

"Voici venue l'heure de notre séparation, petites gens amis des bois... La forêt appelle mon coeur... ses coins sombres, ses sentiers, ses arbres... hêtres, châtaigners, ormes, chênes mes préférés, sapins..."

La liste botanique se pousuivit longtemps avant que l'Ent ne finisse sa phrase:

"...je me suis si longtemps promené sous la voûte de Fangorn que je ne puis me résoudre à m'en éloigner... sutour pour aller en direction de l'ancienne citadelle de ce maudit-tueur-d'arbres-vêtu-de-blanc-à-l'esprit-rusé-qui-ne-se-souciait-que-de-ses-fourneaux... ce Saroumane. Je vous laisse donc accomplir la fin de votre aventure et vous dis adieu. D'autres de mes semblables rôdent peut-etre autour du clos d'Orthanc, qui ont l'esprit moins rancunier que moi, sans doute. Au revoir, Mage et Dame, et au revoir jeune Radagast, vous seul, des Cinq, qui êtes resté sur cette Terre, je vous remet les clefs d'Orthanc..."

Forcechêne tendit le bras et céda une grande clef noire aux formes compliquées. Puis il se retourna dans un long et lent mouvement, avant de diriger ses grandes enjambées vers la lisière de la forêt, au-dessus de laquelle volaient maints corbeaux, merles, et autres volatiles soucieux de regagner leur nid avant le coucher du soleil.

Tout le groupe suivit le vieil Onodrim du regard pendant un bon petit moment, avant de faire eux aussi volte-face vers leur but.

Ils se remirent en marche et arrivèrent bientôt au point le plus à l'Est du cercle de pierre d'Isengard.

"Si les ruleurs sont exactes, déclara Tanarith, l'unique espace vide pouvant permettre l'entrée dans l'antique anneau se trouve au Sud, sous une profonde arche de pierre."

Ils s'y rendirent après un bon moment de marche et poussèrent les lourdes portes, qui portant s'ouvrir sans effort aucun, étant équilibrées à la perfection. Un léger grincement sinistre se fit tout de même entendre. Si des Ents se mouvaient effectivement autour des murs, comme le prétendait Forcechêne, ils devaient être fort silencieux d'une part, et avoir appris la vonlonté de Sylvebarbe de laisser en paix les trois voyageurs, d'autre part.

Ambremage, Aiwendil, et Milidë franchirent un long tunnel sombre et se retrouvèrent devant un chemin de terre, unis, droit, et large. Il menait au pied des escaliers de la citadelle dont les murs noirs, lisses et polis, prenaient mille reflets aux rayons de l'astre solaire...

Si les autres membres du groupe avait porté leurs yeux près du pied de la tour, sur la gauche, ils auraient pu voir un petit feu faire danser les ombres du soir sur le sol, ainsi qu'un groupe d'individus assemblés autour. Ambremage, lui, piuvait, de son ouïe développée, distinguer le son de leurs voix, sans pour autant entendre ce qu'ils disaient.

Ce ne devaient pas être des ennemis, pour sûr, car faire jaillir ainsi des flammes vives non loin de Fangorn aurait relevé du suicide. Non, ce devaient être des hommes de bien - qui avaient probablement pris soin, tout de même, d'utiliser du bois mort pour combustible.

A cette distance, nul de touvait voir de quel type d'individus il s'agissait, pas même Milindë, d'autant plus que de grands arbres cachaient partiellement les silouhettes de leur branches longues, toufues, et sombres.

Le groupe s'approcha en silence, intrigué, et s'arrêta à quelques mètres du campement. Nul, de la petite dizaine d'hommes, ne semblait les avoir aperçu les deux mages bruns et l'Elfe. Les discussions allaient bon train:

"Je me demande combien de temps nous allons devoir attendre ici? Pourquoi diable ne sommes-nous pas allés dans le Nord, comme les nôtres? disait une voix grave et mélodieuse..."

A cela, une autre voix, plus rocailleuse et propre à un homme plus âgé, répondit:

"Qu'y voulez-vous, sergent Théodros, les ordres sont les ordres. Mais ceux-là n'étaient pas dénués de sagesse: notre affaire consistre en la défense et la surveillance de la Trouée du Rohan, et est toute liée avec ce qui se passe dans les régions septentrionales."

La première voix rétorquait:

"Eh bien nous pourrions davantage surveiller les environs du haut d'une tour que dans cette cuvette. Trois jours qu'on attend, et les clefs ne viennes pas... Qui doit nous les apporter?"

"Sait pas... on m'a dit: 'elles vous seront remises' et au revoir."

Tanarith avait deviné, au nom Théodos, qu'au moins l'un de ces Hommes était de Rohan, ou originaire de ce pays en tout cas. Sur un accord commun, les trois compagnons se révélèrent, à la grande stupéfaction du groupe d'en face.

Le sergent Théodros fut pour le moins surpris, et sa main s'égara même sur la garde de son épée, qui tenait dans son fourreau accroché à sa ceinture. Tous les autres officers avaient fait de même, ou presque. Mais lorsqu'il vit ce qu'étaient les trois curieux personnages qui apparaissaient à sa vue, sa main se décrispa et son visage se déraidit.

Car il ne s'agissait pas d'une quelconque armée ennemie qui venait à l'improviste les déloger, comme il l'avait pensé au début: il put voir trois silouhettes se détacher dans le soleil couchant, et dont les visages étaient éclairés seulement par le feu de camp.

"Que faites-vous donc là, vieillards et belle dame? Car si vous avez échappé au sort qui aurait été vôtre si vous aviez été des ennemis, nous ne tolérons pas moins que des étrangers viennent se promener sous ces arbres, ici, dans le clos d'Orthanc."

C'était le sergent Théodros: sa voix grave ne laissait aucun doute là-dessus, ce qui aidait fortement le Mage aveugle... Le vieil homme qui se tenait à ses côtés parla alors de sa voix éraillée:

"Mon camarade dit vrai, nous ne tolérons aucun civil ici, qu'il soit vagabond, mandient, nécéssiteux... ou autre. Nous ne sommes pas les véritables maître d'Isengard, mais nous sommes destinés à en prendre le contrôle, bien que nous ne possédions point de clef."

"Autre" désignait Milindë, car il n'avait sans doute jamais vu, dans sa longue vie, une dame dotée d'une pareile prestance, non plus qu'il n'avait vu un grand nombre d'Elfes.

Ambremage ne put tenir plus longtemps le silence. Les mots qu'avaient employé le Rohirrim ne l'avait pas mis de la meilleure humeur qui soit:

"Vieil homme, je ne pense pas que le terme "mendiant" nous convienne tout à fait, à moi et à Aiwendil ici présent. "Vagabonds" serait en effet plus exact, mais il existe différentes sortes de vagabonds: ceux qui font cela pour ammaser des rabines et faire des mauvais coups, les brigands de grand chemin, et puis ceux qui errent car c'est là le meilleur moyen d'accomplir la quête dont il est chargé afin de ne pas se sédentariser. Nous sommes de la deuxième sorte. Et sachez enfin que le nécessiteux à souvent plus d'un tour dans son sac tandis que le bienportant reste bouche bée. Et vous dépendez en ce moment même d'un aveugle, car qui sait combien de temps vous seriez restés aux intempéries si personne ne vous avait apporté..."

Les regards des hommes fixèrent Tanarith, sa dernière phrases ayant avivé fortement leur intérêt. Ce dernier termina:

"... La clef qui ouvre la porte d'Orthanc, ancienne citadelle de Saroumane dont seuls les Ents possédaient le moyen de l'ouvrir. Méfiez-vous donc des apprarences, elles sont souvent trompeuses."

Aiwendil sortit, de sous sa cape brune, l'objet que lui avait remis Forcechêne précédemment, et de la dizaine de bouche ammasée ici se répandit un murmure de surprise.

HRP//dsl de ne pas avoir posté plus tôt…//HRP

Elaïne se sentait prête… Enfin prête à revenir parmi les vivants… Elle savait qu’elle ne serait plus jamais la même : elle avait été trop intimement lié à l’ent et elle sentait que son corps avait subit quelques modifications en conséquences… Pour ne citer que cet exemple, elle sentait ses cheveux se disperser autour d’elle pour capter l’humidité… Ses membres lui semblaient à la fois souples et raides… Plutôt élastiques comme le bois d’un jeune noisetier… Elle verrait bien ce qu’il en serait plus tard… Pour l’instant que qu’elle sentait le plus était sa magie… Cette expérience l’avait encore plus altéré qu’elle n’avait touché son corps…

Elaïne qui avait déjà un lien privilégié avec la nature allait accéder à quelque chose de plus… De plus profond… Elle le sentait déjà alors que sa magie ne s’était pas encore répandue dans le monde…

Soudain, des flots impétueux de magie la traversèrent… Saturant d’ondes un rayon d’une dizaine de mètres autour d’elle pour lui en renvoyer une image…

Pour la première fois depuis ce qui lui semblait être des siècles, depuis que sombre noyer l’avait frappée, elle bénéficia du monde qui l’entourait… Et ce qu’elle vu la bouleversa : avant le monde était plat… Elle n’a percevait que la superficie de ce qui l’entourait… Les "humeurs" qu’elle croyait voir autre fois n’était qu’un pâle reflet de que qui s’ouvrait aujourd’hui à elle : l’intimité avec la vie qu’elle avait tiré de son voyage dans l’au-delà lui permettait de mieux comprendre ce qu’était réellement chaque être vivant… Mais surtout… Elle voyait à présent le sol… plus simplement cette espèce de barrière noirâtre qui brisait sa sphère de vue mais cette entité distincte dans laquelle grouillent des milliers de vies…

Sa vue la mena pour la première fois à des dimensions supérieures… Ou plutôt inférieures… Qui aurait pu croire que toute chose était ainsi constituée ? Par ces étranges amas de matières entourés de vide ? Et ces milliards de choses qui percutaient les êtres les plus tangibles en tout en traversant l’air… Ces choses qui libéraient de l’énergie… C’était donc cela la lumière ?

***

Elaïne resta quelques instants dans cette position, à contempler ces choses qu’elle n’imaginait même pas… Elle qui n’avait jamais su utiliser la magie que de deux manières ("voir" et "toucher" les "humeurs") sut que jamais elle n’irait au delà : les perspectives étaient si innombrables… Peut-être qu’en empêchant les grains d’air de s’entrechoquer en apaisant leur humeur pourrait-elle le rendre plus tangible… Une telle action serait un effort titanesque… Mais réalisable…

Enfin… Elle avait perçu les humeurs de ses compagnons de route aussi décida-t-elle de se lever pour les rassurer… Même si sa magie avait déjà du les avertir qu’elle était revenue à elle…

Elle… frôla l’humeur d’une de ces cellules nerveuse qui cessant brusquement de faire fonctionner ses ATPases Na+/K+ dépendantes… Immédiatement les flux d’ions perdirent leur équilibre et, en réponse à ce brusque changement de potentiel électrique au niveau de sa membrane la cellule nerveuse libéra des neurotransmetteurs à l’extrémité de son axone qui, à leur tour, excitèrent un neurone… Et ce jusqu'à ce que l’excitation atteigne ses muscles qui par un mécanismes complexe se contractèrent… Lui permettant ainsi de se lever…

HRP//Quoi z’avez rien compris ?? c’est normal… juste un instant de folie durant lequel j’ai laisser filtrer un petit bout de cour… Mais si vous voulez y’a moyen de faire pire ^^//HRP

Elle mis rapidement le holà à ces déferlements de compréhension pour le moins incompréhensibles… Elle allait devoir composer avec… Mais aussi filtrer… Cependant, elle remarqua avec un semi soulagement que son cerveau s’adaptait déjà pour bannire ce surplus d’informations… Laissant ces perceptions se rapprocher de la normale tout en restant plus précises… Elle ne pourrait jamais contrôler son corps si pour ce faire elle devait passer dix secondes pour admirer la machinerie a chacune de ses actions…
Un peu déstabilisé, elle mit un moment avant de pouvoir prononcer un mot d’une voix rauque :

- Ouhlomhrougouhrrrlahmountahrougrhammahroulhouuugramotourmhlah…

Elle s’arrêta devant l’aspect déstabilisé que prirent les humeurs de ses interlocuteurs et reprit :

- De l’eau… Et a manger…

Retrouvant son assurance elle enchaîna :

- S’il vous plaît… Je suis assez… hum… fatiguée et si vous m’avez nourrie j’ai déjà brûlé ces réserves… Heum… Excusez moi… Heum…

Un nom fila sur l’une des humeurs qu’elle n’avait pas tout de suite remarqué… Elle l’utilisa, encore trop désorientée pour se montrer plus diplomatique :

- Théodoros… Sergent ? Il n’était pas dans mes intentions de me montrer grossière… Mais je doit avouer que ce réveil est pour le moins… déstabilisant… et que je ne vous avait pas remarqué…

Cet enchaînement de pensées et de paroles avait été trop court pour que quiconque réagisse réellement… Et ce n’est que lorsqu’elle cessa de parler que les mages, premiers avertis de sa reprise de conscience pour le moins soudaine purent reprendre leur contenance alors que les autres cherchaient encore à se repérer : cette… Personne… Cette personne dont les yeux pour le moins inédits filaient de visage en visage et qui une minute plus tôt à peine était encore allongée, inconsciente, qui utilisait sans y penser la langue entique et qui, pour combler le tout appelait par son nom et son grade leur sergent qu’elle n’avait sans doute jamais vu… L’ensemble avait de quoi faire perdre leurs repères aux plus débrouillards…

La surprise fut double, finalement: d'une part un objet tant attendu par les Rohirrims venait d'apparaître sous leurs nez, d'autre part une Elfe qui avait été totalement effacée et invisible jusqu'alors commençait à se réveiller brusquement et à montrer un comportement des plus étranges.

Tanarith intervint derechef auprès des Hommes:

"Hem, dit-il, embarrassé... voici l'Elfe Elaïne, et je vous prie de l'excuser si ses faits et gestes sont un peu curieux, car il y a de quoi: voyez-vous, son esprit a été profondément troublé par la volonté d'un Ent au coeur noir, et elle n'a montré quasiment aucun signe de vie pendant plusieurs jours de traversée de la forêt de Fangorn..."

Beaucoup rirent sous cape, les explications du vieux mage brun étant difficilement avalables, et le sergent Théodros pensa franchment que l'Elfe venait de sortir des branches derrière eux après les avoir épiés: comment aurait-elle pu connaître son nom et son grade en étant endormie? Ce groupe était décidément composé des plus étranges êtres qu'il n'avait jamais vu...

Mais le vieil homme à la voix rocailleuse ne montra aucune envie de rire: il savait fort bien que pour obtenir les clefs et pour ne pas passer une nouvelle nuit au vent froid qui soufflait dans la vallée, l'état-major de l'armée de Rohan ne devait guère railler les quatre singuliers personnages...

"Je vois qu'il y a d'autres histoires à raconter que la nôtre, et je vous prie de m'excuser, tous autant que vous êtes, pour mes stupides paroles. Peut-être que nous pourrions nous entretenir plus confortablement à l'intérieur de la tour. C'est qu'une de nos garnisons attends à l'extrémité Nord du cercle d'Isengard, bien que vous ne l'ayez sans doute point remarqué."

Il tendit une main légèrement tremblante en direction d'Aiwendil, se demandant si ce second mage brun lui accorderait cet objet. Le sergent Théodros, lui, agitait la tête de gauche et de droite, amusé par la douceur des paroles de son confrère. S'il n'en avait tenu qu'à lui, il aurait traîté ces quatre personnages avec moins de raffinements; et cela aurait été une grave erreur.

Aiwendil ne remit pas la grande clef pour autant...

"Elle nous a été confié par un des bergers de la forêt de Fangorn, et selon la volonté de Fangorn lui-même, chef des vieux Onodrims. Nous ne pouvons nous séparer de cet objet comme cela, mais peut-être... que nous pouvons l'utiliser d'une façon qui vous accomodera."

Il entendait par là que l'heure était venue de passer le seuil de la Tour.

Elaïne se reprit… Elle saisissait bien la bourde qu’elle venait de faire… Diplomatiquement parlant ce n’était pas très fin… Elle laissa donc sa magie courir sur tout ce qui l’entourait pour se faire une meilleur idée de ce qui l’entourait…

Apprécier la situation dans son ensemble ne lui posa aucun problème même si les soldats étaient trop troublés pour que leur humeur soit lisible… Elle chercha donc à se rattraper en parlant après Aiwendil :

- Si je puis me permettre, je ne pense pas que quelqu’un ici ai envi de s’opposer à un abri… Le vent n’est pas des plus agréables… Et le soleil n’est pas là pour nous réchauffer convenablement…

Elle allait se mettre en marche lorsqu’un détail lui revint : ou se trouvait Orthanc ? Elle devinait bien qu’elle ne s’en trouvait pas loin mais et-es-ce bien la tour qu’elle percevait ? Elle se pencha distraitement vers Milindë :

- Ou sommes nous ? Exactement ?

Sa voix n’était pas forte mais les plus proches des soldats pouvaient l’entendre… Encore de quoi déstabiliser…

Milindë fut assez surprise lorsqu'elle entendit la question d'Elaïne...

"A Orthanc..." dit elle d'une voix faible.

Mais elle était trop surprise pour donner une réponse complète. Elle savait qu'Elaïne avait subi un traumatisme dangereux, et se demandait si certaines séquelles n'allaient pas perturber l'Elfe tout au long de sa vie. Ambremage vint, tout en marchant, se placer aux côtés de leur camarade:

"Oui, très chère, nous sommes à Orthanc, dans les murs du cercle d'Isengard. Peut-être connaissez-vous ce lieu sous le nom de Nan Curunir, la vallée du Magicien, ou Angrenost comme ont coutume de l'appeler les Hommes de Rohan je crois. Vous savez, tel était le but de notre expédition... Vous semblez en un bien étrange état, Elaïne, êtes-vous sûre d'être parfaitement remise du choc dont vous avez été victime?"

Hélas, si la fragance de ses potions pouvait faire beaucoup, Tanarith savait bien que les remèdes à ce genre de mal étaient rares. Tiens! A force de parler, Ambremage n'avait pas vu s'élever devant lui le grand escalier sombre et poli menant à la porte. Théodros prit les devants, et à côté, légèrement en retrait, marchait Aiwendil. Derrière venaient les deux Elfes et le mage aveugle, puis les neuf autres conseillers, officiers de l'état-major de Rohan: ils avaient tant attendu ce moment!

Arrivés en haut des marches, Théodros s'arrêta et se tourna respectueusement vers celui qu'on nommait, dans l'Ouest, Aiwendil... Ce dernier s'avança et présenta la grosse clef de métal noir, aux formes compliquées, dans la serrure qui lui faisait face. Elle s'y introduisit parfaitement. Un cliquetis se fit entendre lorsque le Mage la tourna vers la gauche: c'était une serrure inversée, une subtilité de l'art de l'ancien Gondor, et Radagast semblait être parfaitement au courant de cela.

La porte s'ouvrit sur une légère poussée, parfaitement équilibrée... Leur regard plongea à l'intérieur - du moins ceux qui en étaient dotés.

C'était une assez caste salle, demeurée intacte pendant toute ces années. Tous entrèrent à l'intérieur, Radagast en tête: un Istar avait autrefois quitté ces lieux, laissant la clef à Sylvebarbe; aujourd'hui, c'était un autre Istar qui faisait le chemin inverse.

L'état-major de Rohan commença à arpenter les lieux, tandis que l'un d'eux avait été envoyé pour prévenir les compagnies à pied restées à l'extérieur, à l'extrémité Nord du mur circulaire qui entourait Isengard.

La tour ferait un excellent poste de surveillance des alentours, nottament de la Trouée du Rohan. Ainsi nulle armée ne pourrait passer par là sans que les gens de bien n'en soient avisés, et cela était une fort bonne chose. C'était le but de la mission, elle venait d'être menée à bien. Qui sait? Peut-être que cela pourrait jouer un rôle dans les temps à venir. Mais si l'Armée Unifiée ne sortait pas victorieuse de la grande bataille du Nord, l'investissement d'Orthanc ne servirait pas à grand-chose.

L'armée arriva enfin.

"Envoyez des messagers en Gondor afin de les prévenir. Dites-leur que la citadelle que le Royaume de pierre construisit dans sa gloire retrouvera bientôt son allure d'antan, avec des Hommes en garnison."

Les messagers partirent, tandis que ceux qui restaient remerciaient les deux mages et les deux Elfes. Aiwendil et Milindë souhaitaient rester pour quelques jours à Isengard, mais Ambremage, lui, voulait retourner sans plus attendre vers le Nord. Il fit ses adieux et retrouva son cheval, Longpériple, resté dans les prairies au-dehors.

Il passa sous l'arche à la nuit tombée, silencieusement, comme à son habitude.

Elaïne avait finit par reprendre une attitude a peux prés normale… Les premiers instants de chocs passés, elle observait le monde avec un "regard" nouveau… Mais avait retrouvé sa sérénité…

Les quelques jours d’inaction passés lui avaient permis de se renforcer… Elle savait qu’a présent elle pourrait user de ses nouvelles connaissances… Elle non plus ne s’étendit pas en adieux :

- Au revoir et merci… Sachez que même si je ne fait pas parti de votre guilde je serait toujours prête à vous venir en aide… Une autre fois peut-être… Je monte dans le nord… Des fois que mon frère s’y trouve…

Elle ne parvenait plus à savoir si ce qu’elle savait de la guilde avait été dit au seulement pensé mais bon… Ils savaient à quoi s’en tenir… Sans plus attendre, elle salua chaleureusement Milindë puis Aiwendil… Et partit à la suite d’Ambremage… Elle ne pouvait le suivre sans monture et ne voulait pas l’encombrer… Aussi ne lui avait-elle pas raconté ses projets… Sur les indications des soldats elle se dirigea vers Edoras… Perte de temps à courte échéance mais gain incontestable sur le long terme…

Seule dans la praire, une aveugle avançait avec plus de certitude que jamais... Pour la première fois depuis longtemps savait comment se rendre là ou elle le désirait : pour la première fois depuis longtemps, les pensées de celui qu'elle avait interrogé avaient été assez claires pour que les indications soient suffisantes pour tout le voyage...