Les haines d'hier et la vie d'un compagnon

Un lourd silence tomba dans ce lieu d'habitude si gai et joyeux. Malgré la fumée des pipes et l'odeur de l'alcool et des mets, la tension se faisait sentir et l'atmosphère était pesante. Nul n'osa briser le silence pendant plusieurs dizaines de secondes, jusqu'à ce que le Nain qui avait posé la question au nouvel arrivant réponde à Durindur:

"Le Nain dont on parle se nomme Dréor, et il est l'un des grands Capitaine de l'armée de Tronjheim, autrefois connu pour sa fidélité et sa loyauté envers les généraux, sa bravoure et son intelligence... jusqu'à ce qu'un malheur lui soit arrivé..."

Le visage du conteur devint blême, il semblait terrifié à la pensée de ces évènements et n'osa pas continuer plus avant. Celui qui venait d'arriver poursuivit alors l'histoire:


"Je me nomme Brimbur et j'étais l'un des amis proches du capitaine Dréor dont cet individu vous a parlé. Je vais donc vous conter son histoire... Voilà quelques cinq mois que cette tragique chose s'est produite. Le capitaine était parti en mission dans les montagnes avec une dizaine d'hommes, comme cela lui plaisait. En effet, il préférait souvent mener des expéditions secrètes et furtive plutôt que de faire du tapage avec toute une armée, bien qu'il soit très bon meneur d'hommes. J'étais l'un d'entre eux..."

Tous les regards étaient tournés vers Drimbur. On avait entendu maintes et maintes fois cette histoire, mais on ne se lassait pas de la réécouter, bien qu'elle soit perturbante.

"Nous marchions depuis plusieurs jours, traquant une compagnie de Gobelins, jusqu'à ce que nous tombions sur eux et leur camp par une froide nuit de novembre. Rien n'était bien visible, mais on pouvait discerner, à la lueru de leurs feux de bivouac, maintes silouhettes. Oui, ils étaient plus nombreux que nous, mais nous voulions les prendre par surprise! Et nous avons sonné l'attaque!"

Une nouvelle pause pour augmenter l'intérêt du public, et il reprit:

"Mais, soit à cause des sentinelles ennemies soit à cause d'un traître dans nos rangs, ce ne fut pas une surprise, et la débandade fut grande. Nul ne survécut chez les Nains, semble-t-il, sauf Dréor, dont le bras était percé d'un trait, et moi, qui l'aida à s'en sortir. Et nous réussîmes à semer nos détrousseurs. Je porte moi-même la marque de ce combat..."

Il leva son bras droit, et on pouvait voir que sa main était manquante.

"Mais hélas, ce devait être une flèche enduite d'un poison mystérieux, car peu de temps après qu'on la lui retira, de curieux symptômes apparurent sur Dréor: déformation du visage, fièvre, craquellement de la peau, hallucinations. Mais jamais il ne mourut, et son état, bien qu'il empire, ne semble pas lui accorder la mort et une trêve de souffrance... hélas pour lui, c'était un grand personnage."