Un vol dangereux

Il se faisait tard. La lumière avait fortement déclinée et le garde avait beaucoup de mal à voir le visage de l'inconnu. Peu de visiteurs s'étaient présentés aux portes de la bibliothèque aujourd'hui. En fait, il n'avait vu entrer que des habitués …
Cet étranger, avec sa cape et son capuchon d'où l'on ne distinguait que le faible éclat d' yeux froids ne lui plaisait guère. Il ne releva pas sa lance et indiqua :

- De toute évidence, vous débarquer d'hier l'ami ! La cité est sous tension depuis quelques semaines déjà, la sécurité a été renforcée autour et à l'intérieur des lieux publics. De plus, l'accès aux bâtiments ne sont plus autorisés une heure avant la fermeture … Ce sont les ordres !

Aucune réaction de l'inconnu. Le garde reprit :

- Bon … La relève de nuit n'est pas encore arrivée. Il reste quelques minutes … Veuillez avoir l'obligeance d'ôter votre capuchon, de décliner votre identité et les raisons de votre venue ici, alors, peut être, si c'est satisfaisant, je vous laisserai passer …

A peine eut-il terminé sa phrase que le regard du garde s'attarda un instant sur la route. Il eut un petit sourire ... Au loin, deux de ses collègues progressaient rapidement dans leur direction. La relève, enfin ! Il en avait terminé de cette longue journée. Ce soir, il avait rendez-vous avec Mirbella à la taverne. Une excellente soirée en perspective. Il sortit de sa rêverie et retourna son attention sur l'inconnu :

- Alors quoi, vous vous décidez ? Capuchon, nom, raisons où closent les portes resterons !!

Le garde sourit, très fier de sa tirade en ''on'' ...

Lorsque le visiteur du soir retira enfin son capuchon pour dévoiler son visage, le garde ne put réprimer une grimace de dégoût et un mouvement de recul. Il détourna rapidement les yeux des multiples cicatrices qui lézardaient la peau blanche de la face de l'inconnu :

- Hum ... Je ... Ara ... Arafin ... heu ... Vous êtes un elfe, oui ... J'aurais dût m'en douter au son de votre voix. Bien ... Hum ... Vos réponses sont satisfaisantes sans nul doute ... Toutes ces cicatr ... Hum ... marques, méritent effectivement remèdes ... C'est vraiment Atro' ... Heu ... Fin ...

Le garde s'interrompit. Seuls les mots ''Atroce'' et ''Horrible'' ou encore ''Affreux'' voire ''Monstrueux'' lui venait à l'esprit et ils ne manqueraient pas de vexer son interlocuteur. Pourquoi s'engager dans une esclandre alors qu'il en avait pratiquement terminé de son tour de garde ? Non ...

- Bien, je, hum ... Allez-y ... Il ne vous reste que peu de temps mais je vous souhaite bonne recherche pour vos potions.

Le garde releva sa lance et ouvrit la lourde porte de la bibliothèque puis regarda une dernière fois le visage de l'inconnu en se disant pour lui même :

* Pour sûr que c'est pas une potion qu'il lui faut à cuilà mais un miracle pour qu'il récupère de ses horriblescicatrices. d'aucun appel les elfes ''les belles gens'' mais ça marche pas pour cuilà ... Brrrrh ! *

Un silence religieux régnait sous la haute voute de l'entrée principale de la bibliothèque. Seuls, les craquements intempestifs du bois des étalages rompait parfois la tranquillité du lieu. Et c'est bien ce silence que l'agent préposé à l'accueil des visiteurs appréciait particulièrement.
Il regarda d'un mauvais oeil l'arrivée d'un nouveau venu. L'heure des visites était passée ... Enfin, pour le moins, c'était vraiment juste ... Il grommela :

* Mais qu'est ce qu'elle bricole la garde ! Devrait plus laisser entrée du monde là ! L'heure c'est l'heure par Méphisto ! ... *

Cependant, Il se tut dès que l'inconnu fut devant lui et afficha un sourire de circonstance, pour la forme ... Il écouta attentivement sa demande, réfléchi quelques instants avant de répondre d'une voix neutre mais où l'on pouvait sentir poindre un soupçon d'impatience :

- Les remèdes ? Les remèdes ... Les remèdes ... Oui ! Allée douze, étagère vingt trois, les rangs sept, huit, neuf et dix ainsi que, étagères vingt quatre, les rangs un, deux, trois, quatre, cinq et six plus la totalité de l'étagère vingt cinq pour l'allée douze ... Allée treize, étagère trente et une, rang quatorze, quinze et seize, étagère trente deux, la totalité des volumes sont consacrés aux remèdes ...

Il marqua une pause avant de reprendre :

- Bien ! cela c'est pour les remèdes répertoriés chez nous les humains ... Donc, pour ce qu'il en est des remèdes elfiques dont nous avons conservé bon nombres de grimoire , voyez l'allée sept, huit et neuf ... Pour l'allée sept, les rangs trois quatre et cinq sont des ouvrages qui nous viennent de Foncombe, l'allée huit regroupe des écrits de Lorien puis l'allée neuf, rangs dix neuf et vingt sont spécialisés dans les remèdes des Havres Gris avec les plantes médicinales qui poussent sur les rivages et quelques algues connues ...

L'agent d'accueil se gratta le menton avant d'ajouter :

- Nous avons peu de parchemins pour ce qui concerne la médecine naine, toutefois, allée soixante seize, étagère cent vingt trois, rangs quarante trois, vous trouverez quelques ouvrage relatant la chose ....

Il se frappa la tête avant de finir :

- Mais c'est bien sûr ... Il y a un ouvrage très intéressant sur l'art de vivre periannath avec quelques lignes sur des remèdes dits ''De grand-mère'' ... Vous savez, le genre de trucs ''qu'on y croit où qu'on y croit pas'', moi personnellement, j'y crois mais je peux comprendre que l'on émette des doutes sur l'efficacité des potions et autres remèdes hobbits ... J'ai essayé un de leur truc une fois ... j'avais un hoquet du diable, impossible que ça s'arrête !! Ben figurez vous que le fait de boire de l'eau à l'envers en se bouchant le nez et en retenant sa respiration fonctionne à merveille !!! Oui môssieur !!! Et je vous le donne en mille, ce remède fait partie de la liste des remède des petites gens ... C'est parfaitement comme j'vous le dis ...

L'agent d'accueil se retourna pour indiquer l'endroit exact où l'inconnu pourrait s'instruire à loisir des remède de grand-mère hobbit ...

L'homme surprit par l'arrivée impromptue de l'étranger sursauta si violemment qu'il faillit en tomber de sa chaise. Il tenta de reprendre constance et se redressa péniblement en s'accrochant au rebord salvateur de la table. Sans elle, nul doute qu'il aurait véritablement basculé en arrière.

Il plissait des yeux tentant d'y voir clair. Sous la faible lumière distillée par les quelques bougies disposée devant lui, il ne parvenait à distinguer qu'une forme noire. La voix qui s'adressait à lui était claire comme celle des elfes mais elle avait quelque chose en plus, une tonalité glaciale. Sans compter la respiration sifflante qui émanait de la nébuleuse forme noire.
Le mélange était assez effrayant.

Il se décida néanmoins à répondre au visiteur :

- Allons, à qui ai-je l'honneur ? Cette partie de la bibliothèque est interdite au publique ! Êtes vous égaré ? Auquel cas je peux vous aider à rejoindre les secteurs autorisés ...

Oui, cet inconnu était certainement égaré … En tout les cas, l'homme qui venait d'être dérangé en pleine méditation tentait de s'en persuader. Bien que, quelque chose au fond de lui tendait à lui fare penser le contraire. Instinctivement, il regarda de tout côtés espérant voir arriver quelqu'un, un professeur, un étudiant, un collègue peut être. Malheureusement, à cette heure tardive, le bâtiment s'était vidé d'un très grand nombre de ses occupants … Toujours pas de réponse de la part de cet étranger … L'homme se décida à reprendre :

- Je me nomme Neklot, je suis responsable pour cet étage …

Après s'être présenté, Neklot répondit à sa question :

- Les jeux de hasard ? Très peu pour moi merci … Voyez vous, j'ai toujours eu horreur des choses que je ne maitrise pas …

Il se leva d'un coup pour se diriger dans l'allée et tenter d'apercevoir un peu plus de cet étrange visiteur … Il comprit à la lueur de la bougie la plus éloignée de lui pourquoi il n'avait jusqu'alors vu qu'une forme noire. Cette cape et ce capuchon …
Il prit une voix la plus détachée possible en poursuivant :

- Et le hasard m'a toujours impressionné …

Il fit quelques pas vers l'étagère la plus proche et d'un geste rapide, se saisit d'un ouvrage assez volumineux …

- J'ai justement ici un livre qui traite du hasard et de de la façon dont il se délecte à se jouer des gens qui tente leur chance …

Ceci était totalement faux bien entendu … En tout les cas pour ce qui était du titre du livre. Si il n faisait pas aussi sombre, l'inconnu aurait pu apercevoir les lettres d'or qui garnissaient la couverture : ''Comment se débarrasser de l'habitude de fumer l'herbe à pipe''

Un prétexte que ce livre mais Nelkot n'était pas armé, l'inconnu à la voix glacée, peut être … Une piètre défense que ce volumineux grimoire … Mais au cas où, toujours mieux que rien ...

Le sinistre rire du visiteur retentit dans le hall du second étage de la bibliothèque. L'étranger se faisait plus menaçant se rapprochant de Neklot qui tenait fermement le livre qu'il venait de soustraire au hasard à l'étagère poussiéreuse qu'il avait derrière lui.

Derrière lui ... Là était le problème ! Alors que la cape et la capuchon noir s'avançait dans sa direction, il n'avait pas d'échappatoire possible, bloqué justement par la haute et lourde étagère emplie de ses dizaines de grimoires séculaires.

La respiration de Neklot se fit plus rapide et quelques gouttes de transpiration se mirent à perler sur son front dégarni. Ses mains tremblaient légèrement et ses yeux cherchaient dans toutes les directions une aide hypothétique.

L'inconnu ne se trouvait plus qu'à deux pas de lui. Impossible de voir le moindre trait de son visage sous le capuchon noir à large bord. Neklot luttait contre la panique qui le gagnait. Il ne voulait pas choisir ... Main gauche, main droite ... A quoi bon entrer dans le jeu de l'inconnu, pourquoi lui faire ce plaisir ...

Soudain, des bruits de pas se firent entendre non loin. Peut être à trois allées de là, pas plus ... Neklot tourna la tête en direction du son des pas feutrés qui glissaient lentement sur le plancher ciré ...

Là était peut être sa chance ... Il se mit à parler très fort, le livre dans ses mains tremblait un peu plus encore, sa voix se fit plus ferme et plus sèche. Suffisamment, espérait-il, pour mettre la puce à l'oreille de celui qui se trouvait non loin pour l'attirer vers eux ...

- Veuillez ne pas insister !!! Vous ne devriez pas être ici ... Je vous le répète, ce secteur est IN-TER-DIT ! ...

Dans le mille ! Trois allée plus loin, les bruits des pas s'étaient fait plus rapide et se rapprochaient du couple étrange que formait Neklot et son menaçant visiteur ...

Après quelques secondes seulement, une tête casquée apparue dans l'allée principale et une grosse voix rocailleuse héla Neklot :

- Tout va bien Maitre Neklot ?

Un homme de haute taille s'approchait, vêtu aux couleurs des gardes de la cité blanche. Un des gardiens affecté à la Bibliothèque depuis les exactions malsaines et la forte hausse des délits que connaissait Minas Tirith ces dernières semaines ...

Une épée pendait à son côté ...

La plume du professeur glissait le long du parchemin. De sa fine et agréable écriture, il en terminait de relater sa dernière journée de classe.
En effet, la milice du capitaine Nogard était sur les dents … Outre le fait que la criminalité n'avait jamais atteint un tel niveau dans la cité, plusieurs enfants avaient mystérieusement disparu depuis plusieurs jours et, fait étrange, ils faisaient tous parties de la classe du professeur Celestin Irvine …
A ce point de l'enquête, il s'avère que le professeur est la dernière personne à les avoir vu en bonne santé et qu'ils se soient volatilisés juste après la fin de son cours ...

Mikhaïl, Marach, Bahrin, Hirlon, Annaëlle et ... Kalista Nogard, la propre fille du Capitaine …

Un léger bruit le fit sortir de ses souvenirs et altéra sa concentration. Il releva les yeux en direction de l'escalier pour voir soudain apparaître soudain le diable en personne. C'est ce qu'il semblait en tout cas lorsqu'un inconnu vêtu d'une longue cape ruisselante de sang surmontée d'un large capuchon fit irruption à son étage.

Le professeur se leva promptement, renversant l'encrier sur le rapport qu'il venait de terminer et recula jusqu'à toucher le mur derrière lui …

Il se saisit de la première chose que sa main tremblante toucha … Un candélabre d'argent puis hurla à l'intention de la forme noire :

- Qui êtes vous ? Que voulez vous ?

Menaçant l'inconnu de son chandelier il termina :

- N'approchez pas !! Ne faites pas un pas de plus !!

Le professeur Irvine tentait de recouvrer son calme et de réfléchir de façon rationnelle malgré la situation extrêmement dangereuse dans laquelle il se retrouvait. Il venait de laisser tomber le chandelier, la seule arme qui lui aurait permis un temps soit peu de se défendre contre cet individu.
Un individu très motivé de toute évidence et qui n'hésiterait pas à en finir avec lui si il n'obtenait pas ce qu'il était venu chercher.

Soit, la situation lui imposait de coopérer, en tout cas dans un premier temps … Aucun autre choix !

Le professeur se tordait l'esprit afin de déterminer de quel parchemin cet inconnu parlait. Il étudiait tant de manuscrits, tant de parchemins … Lequel d'entre eux pouvait bien motiver un tel intérêt. Après tout, il n'était qu'un historien, réputé certes, comme Erestor son frère, mais un simple historien. Il s'en ouvrit à son agresseur :

- Je ne suis pas stupide, j'ai très bien compris ... La seule question que je me pose est : De quel parchemin parlez vous ?

Il soupira et fit une moue de la tête avant de continuer :

- Malheureusement, j'ai bien peur que vous vous trompiez de personne. Rien dans ce que j'étudie n'est susceptible d'intéresser qui que ce soit … Des vieilles histoires couchées sur de vieux parchemins pour de vieux historiens comme moi, sans plus …

Le professeur Irvine frémit à la vue du tatouage que venait de lui montrer son agresseur. Effectivement, maintenant, il savait exactement ce que voulait l'inconnu. Il y a deux semaines de cela, en étudiant un grimoire relatant de très ancien évènements qui s'étaient déroulés à la cité blanche, il eut la surprise de découvrir un parchemin plié en quatre avec pour entête un drôle de symbole, suivi d'un sigle tout à fait mystérieux :



La suite du texte était une suite de lettres ne semblant n'avoir aucun rapport entres elles. Totalement incompréhensible. La seule chose qui apparaissait clairement, outre le sigle et le symbole était la signature : Un  ainsi qu'une phrase non codée qui précisait que pour déchiffrer le texte et ainsi avoir accès aux information, il fallait réunir deux autres parchemins en plus de celui qu'il possédait ...

Irvine c'était des lors mis en quête des deux autres documents mais sans succès.

Menacé par le noir inconnu, Irvine se rendit dans son bureau situé au sous-sol. Il avait eut le secret espoir de rencontrer quelqu'un dans l'escalier mais il n'y avait plus âme qui vive dans le secteur. De mauvaise grâce, il s'approcha d'un petit coffre dans lequel il rassemblait ses documents …

Il se saisit d'un parchemin qu'il déplia sous les yeux de l'inconnu avant de le lui tendre la main tremblante :

- Voici ! Vous n'en tirerez rien … Le texte est codé. Vous vous rendrez compte rapidement qu'il manque des éléments pour pouvoir déchiffrer quoi que ce soit.

Finalement, le professeur Celestin Irvine se vida de son sang pendant toute la nuit et mourut dans d'atroces souffrances. Ce n'est que le lendemain, à l'ouverture de la bibliothèque que son corps mutilé fut découvert, ainsi que ceux des autres victimes. Une enquête fut ouverte, mais les investigations ne permirent pas de découvrir grand chose. Le seul indice tangible fut deux lettres que le professeur reussit à inscrire sur le mur de la bibliothèque avec son propre sang … Un ''O'' et un ''C''. Il semblerait qu'il ait tenté d'en inscrire une troisième mais n'eut pas la force d'aller jusqu'au bout … La barre pouvait être un ''I'' ou peut être un ''L'' … Voire un ''V'' ... Difficile à dire.





Les gardes à l'extérieur ne firent aucune difficulté lorsque l'assassin du professeur ressortit de la bibliothèque, son crime effectué. Revêtu de l'uniforme d'un des gardes qu'il avait assassiné, il se permit même d'adresser un petit signe de salut avant de s'éclipser ... Avec les trois parchemins, sa mission accomplie ...