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 Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami ...

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Nathanael
Espion de l'Arbre Blanc
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Nathanael

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Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami ...  EmptyLun 6 Juil 2015 - 16:41
Les murmures portés par le vent n’étaient pas de bon augure.  Il ne parvenait pas à définir ce qui avait changé dans l’air, l’imperceptible sentiment que les choses tourneraient mal, quels que soient ses efforts. Il huma dans la nuit l’odeur envoûtante des orchidées sauvages. Contrairement aux autres années les fleurs reprenaient vie après la chute du soleil, une fois les chaleurs dissipées sous la voûte céleste, sous la rafraîchissante lueur de la lune. Même les abeilles rechignaient à sortir pour butiner, vrombissant sourdement dans leur ruche. Les oiseaux nocturnes sillonnaient la sylve et les vastes prairies dans de joyeux hululements. Chouettes et hiboux chassaient avec vivacité, surprenant les plus audacieux des rongeurs et les plus imprudents. Il aimait à se trouver au milieu des arbres et des haute herbes quand tous dormaient, battant la campagne de sa foulée ample, sur la piste de quelques cerfs ou chevreuils rapides, non pour les chasser mais pour les accompagner dans leur course folle, se mesurant à eux en vélocité. Peu des siens étaient aussi vifs et prestes, aussi silencieux et habiles que lui pour trouver une piste, une sente étroite entre les roseaux ou une trace esquissée sur le sol. Il connaissait les troupeaux, leur nombre et leur composition, il savait où naissaient les petits au printemps et où les mâles bramaient à la saison des amours. Il veillait sur son territoire comme seul un ours peut le faire.

Mais depuis l’aube de la belle saison, son instinct lui intimait de rester prudent, attentif. Les oiseaux qui traversaient le pays lui semblaient différents, mais il lui était impossible de voir en quoi, précisément. Les odeurs familières offraient des fragrances subtiles qu’il n’avait jamais senties auparavant, offrant à ses narines de nouveaux reliefs dans ce paysage olfactif.  Il percevait également des sons nouveaux, ou plutôt de nouvelles nuances parmi les sons qu’il connaissait déjà. La mélodie de la nature lui offrait de nouvelles gammes, étranges et déconcertantes qu’il ne pouvait comprendre et analyser bien qu’il les perçût. Il se dressa sur ses pattes arrière tandis qu’il reniflait l’écorce d’un arbre qu’il connaissait depuis ses premiers jours. Ses longues griffes effleuraient le tronc avec délicatesse, comme s’il ne voulait pas l’abîmer, étrange manège au milieu de la nuit. Il délaissa ce premier arbre, s’échappa dans les fourrées et parvint  là où l’odeur était la plus forte, où il était certain de trouver les baies les plus mûres déjà fort avancées pour la saison : groseilles et framboises sauvages, et plus loin, il le savait, de savoureuses fraises des bois conquérant une ancienne clairière de coupe.

Les babines pleines de sucre et le ventre chargé de fruits rouges, il reprit sa route parmi les arbres pour parvenir jusqu’à la lisière de la forêt. Des fumées humaines sillonnaient le paysage, des volutes blanches qui s’échappaient du monde terrestre pour regagner les cieux éthérés. Il leva sa tête velue vers la lueur des étoiles. Il lui semblait toutes les connaître bien qu’il ne possédât pas de noms pour chacune d’entre elles, éternelles au-dessus de leur monde mortel.  Il inclina légèrement la tête tandis qu’une étoile semblait traverser le ciel à vive allure, laissant derrière elle un voile d’argent et d’or. Le phénomène était peu commun et il n’en connaissait pas la signification mais il se souvenait d’un printemps où les étoiles avaient traversé les cieux en nombre, comme si elles se mettaient toutes à tomber les unes après les autres. Il avait été effrayé et les hommes s’étaient agités dans leurs chaumines, priant les dieux que le monde ne cessât pas d’exister. C’était un peu comme le pressentiment qui investissait son coeur. Il avait l’impression que son âme s’émiettait en myriades d’étoiles tombant sans cesse, l’oppressant et l’effrayant et qu’il n’y pouvait rien.

Il fut tiré de ses réflexions animales tandis que le vent lui portait l’odeur de plusieurs hommes. Des chasseurs sans doute, l’aurore n’était plus très loin à présent. Les lueurs pourpres du jour nouveau découpaient les cimes des montagnes sur l’horizon d’un bleu profond et sombre. Il était temps pour lui de regagner sa tanière, de somnoler quelques heures avant de repartir sur les traces de baies et de miel. L’ai vrombit soudainement à ses oreilles, et une flèche adroitement tirée se planta dans un arbre proche. La seconde fut plus juste et le blessa à la patte arrière droite, tandis qu'il prenait la fuite. Il grogna et accéléra malgré la douleur, talonné semblait-il par une dizaine de pieds différents qui faisaient trembler le sol dans leur course acharnée.

- Là, il est là ! Je l’ai vu ! Il était énorme et bien plus grand que les autres … nom d’un chien mais qu’est ce qu’il est venu foutre par ici ?
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