La jeune adulte avait reçu au cours de son anniversaire de magnifiques présents. Plus beau que les dernières fois car 18 ans était quand même un âge important qu’il fallait fêter divinement. Ils se comptaient aux nombres de 10 mais toute la famille y avait contribué. Eärwen rédigea un petit répertoire qui comprenait sa liste de cadeaux.
Nuit du 28 janvier, Tollë Lingwë.
Eärwen descendit la berge silencieusement, juchée sur son bateau. Il était alors 21 heures quand elle se rendit au large. Cela lui arrivait souvent de faire ça après des évènements importants. Elle se retrouvait avec elle-même et réfléchissait. Le soleil n’était plus là depuis longtemps et quelques rideaux d’étoiles l’éclairaient. La jeune femme était encore vêtue de ses vêtements de fête et avait emporté avec elle tout ses cadeaux. Elle regarda longtemps le reflet de la lune contre la mer, la tête vide. Mais ses pensées se coulèrent vers des sujets plus notables. Dès demain, elle allait vivre dans la belle maison que ses parents lui avaient offerte pour commencer sa nouvelle vie d’adulte. A Tollë Lingwë bien sûr... Ses parents avaient aussi fait construite à proximité un petit pont qui pouvait accueillir quelques bateaux. (Noter que nous parlons bien de bateaux petits comme son voilier ou de vulgaires barques...). A vrai dire, elle avait hâte d’y habiter. En pensant à cela, Eärwen se rendit jusqu’à son pont « privé ». Toujours seule, elle accosta et admira sa maison. Elle avait été construite juste en dessous des falaises et comprenait une petite plage privée. Bref, elle passait inaperçue et était invisible pour les habitants de Paisible qui étaient perchés au-dessus. Tous les habitants du hameau avaient contribué à sa batition et la demeure n’était plus si secrète que ça. Bien que ce n’était nullement son intention.
Nuit du 28 janvier, au large de Tollë Lingwë.
« -Alors, cap’t, c’est la bonne côte ? Beugla l’un des marins.
-Ouais... baissez la grande voile. Virez de 10° ouest ! Nous accostons. Jetez l’ancre... ». Répliqua Nodtär en guise de réponse.
Les marins exécutèrent les ordres avec empressement et se réunirent tous sur le pont. Le capitaine se tenait debout appuyé légèrement sur la barre. Peu avant que le silence ne s’installe, Nodtär parla :
« Frères, voici notre dernier convoi. N’oubliez pas, je les veux vivants et laissez en vie les enfants si vous le voulez... Ils ne m’intéressent pas... Mais le vent commence à tourner et nous n’auront pas le temps de tout piller alors dépêchez vous.. Que cela rentre bien dans vos petites têtes ! Mettez à flots les barques... »
Le capitaine n’avait pas fini de faire son discours que les marins poussèrent des hurlements sauvages, mais ce dernier les ramena à l’ordre pour jouer sur l’effet de surprise.
Cette nuit là, les cris et les douleurs jaillirent. Les nombreuses épées sorties soudainement brillèrent sous la lune et éclairèrent un peu les visages des pécheurs terrorisés.
Nuit du 28 janvier, à côté de la nouvelle demeure d’Eärwen.
Eärwen finissait de baisser sa voile quand elle aperçu des petites lumières scintillantes du haut de la falaise. Elle reposait en équilibre sur la baume et quant elle voulut regarder de plus près l’étrange lumière (qui disparaissait et réapparaissait souvent) elle glissa et sa tête frappa le sol. Elle s’emmêla ensuite les pieds dans les bastaques.
« Ha, qu’elle sotte ! Je suis sûre que mon village me prépare une autre fête ! Je vois leurs torches qui brillent... Mais je vais les surprendre en allant les rejoindre...» Murmura elle.
La demie elfe prit du temps pour se démêler et le rangement rapidement fini, elle se rendit tranquillement dans la maison de ses parents.
Le temps était pluvieux et elle trouva que le vent soufflait trop fort. La femme entra dans la maison et annonça à ses parents :
« Je suis rentrée ! » Joyeuse, elle s’entraîna quelques secondes à faire des signes d’étonnement :
« Ho, quelle surprise ! » ou encore des
« Ha ! » les yeux grands ouverts. Sur le mur du salon, elle voyait l’ombre des pécheurs et ils tenaient dans leurs mains de précieux cadeaux. Bien qu’elle ne put discerner leur contenu. Elle marcha quelques pas et tourna la tête en direction des leurs :
« Ha... » s’étonna elle. Au début, son « cri » n’avait été que comédie, mais il s’était transformé en véritable hurlement strident dès lors qu’elle avait aperçu les pirates monstrueux qui envahissaient son salon. Coincé dans les mains d’un des corpulents brigands gisait le cou d’Erasme, meilleur ami d’Eärwen.
Son teint se blêmit et son corps se raidit. Elle était complètement alarmée et impuissante. Elle aurait voulu prendre les jambes à son cou et détaler le plus vite possible.
Crainte, peur, angoisse... Un silence de mort tomba sur la salle. Ni un pirate, ni Eärwen ne réagit. Son cœur battait à cent à l’heure. Mais le pirate qui tenait Erasme desserra un peu sa prise et ce dernier s’effondra au sol. Elle ne se risqua même pas un petit
« Erasme ! » et resta là, sans bouger.
Et laissez en vie les enfants si vous le voulez... Ils ne m’intéressent pas... Telles étaient les paroles qui avaient gardé en vie Erasme. Enfin, le grossier personnage brisa le silence et se jeta sur Eärwen.
Un vrai guerrier aurait riposté ; se serait défendu, aurait tiré une épée, aurait roulé sur le côté ou aurait - au moins – reculé de quelques pas. Mais la demie elfe n’était pas une guerrière, ne s’était jamais battu et n’avais bien sûr pas d’épée sur elle. La seule arme qu’elle avait maniée au cours sa vie avait été des hameçons mais guère utile en temps de guerre. Le pirate qui s’était élancé sur elle était un homme sanguinaire. Pourquoi tué quand on peu torturé ? Telle était la « question » qu’il s’était posé en allant vers elle. Cependant, c’était plus une affirmation qu’une question... La jeune femme inexpérimenté ne fit que levée ses bras devant son visage. Mauvaise stratégie.
Le pirate, qui s’appelait Jïraru, lacera un filet de peau de son avant bras droit. Une bande de sang bien profonde fusa.
Souffrance, épouvante, terreur...Eärwen s’effondra sur le sol, la main sur l’entaille. Le sang coulait à plein flot et éclaboussait ses cheveux. Son épaule n’était plus que misère. Aucun hurlement ne sortit de sa bouche. Comment aurait elle put pensé à ce simple détail dans ce moment critique ? Elle ferma ses mâchoires à se les arracher et serra encore plus fort ses yeux. La douleur ne mis que peut de temps à remonter jusqu’à son cerveau. Trop peu de temps. Tout se chamboulait dans sa tête, les pirates, le sang, Erasme, ses parents... Ses parents ? Où étaient ils maintenant ? Impossible de débattre la question maintenant. Elle revit le visage du coupable à travers ses yeux et tout devint flou, puis lentement, ils ne virent que noir. Un noir animé par des sentiments abattus et cruels.
Désarroi, chagrin, transe...Eärwen ne s’était jamais attendue à vivre ça dans sa vie. Habituée au bonheur, elle avait passé son temps à le travailler sous toutes ses formes. Mais jamais, elle n’avait vu autant vue de violence et de cruauté d’un coup. D’ailleurs, n’ayant quasiment jamais quittée son île, elle n’avait jamais vue de violence et de cruauté tout court. Elle ne méritait pas ce dessein.