Levé de soleil sur Fondcombe… Levé de soleil sur un départ..

Suite de ça...

Le matin vint enfin. Elaïne n’avait pas fermé l’œil ni même atteint ce niveau de conscience propre aux elfes pendant lequel ils trouvaient le repos… Elle sentait ses yeux secs a force d’avoir pleurer… Etrange sensation que dette eau salée sur ses joues pour elle dont les yeux étaient globalement immunisés contre a peu prés n’importe quoi… Dehors les sons de la nature lui apprirent que le matin arrivait. Elle ne s’était pas reposée jusqu'à présent… Elle ne le ferais pas dans les minutes qui suivraient. Autant arrêter immédiatement de broyer du noir.

Elle se leva difficilement… Dans le désespoir qui avait habité sa nuit, elle n’avait pas pris la peine de préserver son corps… Elle n’avait pas refait le bandage pour son épaule… Elle n’avait pas adopté une position particulièrement reposante… Se lever représentait donc, en soi, un véritable effort pour ses muscles ankylosés… Une véritable torture pour son épaule… Le changement trop brusque de position avant rouvert la plaie et elle sentait le liquide chand se répandre dans le bandage.

Elle se hâta donc de se dévêtir pour pouvoir le refaire correctement. Pas besoin d’être experte en la matière pour deviner en l’ôtant que cette nuit n’avait rien donné de bon. Il aurais fallu changer le tissu la veille au soir. A présent il allait falloir relaver la plaie et faire un nouveau bandage. Et surtout… Elle ne devrait a aucun moment bouger ce bras aujourd’hui si elle voulait qu’il cicatrise. Elle voulait qu’il cicatrise.

De la main incertaine de celle qui sait ce qu’elle doit faire mais ne dispose que de connaissance théoriques, elle commença a laver sa plaie avant de l’entourer d’un nouveau bandage. Celui-ci, elle le serra plus que les précédents, coinçant ainsi son bras en bandoulière ce qui, si ce serait un réel handicap, lui éviterais d’effectuer de faux mouvements douloureux et risquant de rallonger sa convalescence.

Elle enfila ensuite tant bien que mal l’une de ses robes de voyage, laissant l’une des manches vides. Ensuite elle pris ses affaires pour descendre aux écuries. Un petit hennissement de bienvenue l’accueillit, lui réchauffant le cœur :

Ϡ [{Elaïne} !!! {joie !!!} vas {bien} {???}]

La déferlante mêlée de joie et d’inquiétude devant l’état de l’elfe rendirent a l’aveugle un semblant de sourire. Effleurant l’humeur de son amie elle la rassura :

Ϡ [Je vais bien… Ne t’en fait pas pour moi… J’ai juste été idiote…]

Ϡ [{Elaïne} pas idiote !!]

La conviction de son amie était consolante… Tout en s’occupant de son mieux d’Edlothiadwenn elle commença a lui conter mentalement la soirée de la veille… Après avoir longuement discuté, réconforté l’elfe, l’animal demanda :

Ϡ [{Nous repartons ???}]

Ϡ [Oui]

Elaïne se força a reprendre un peu de son assurance. Ce dialogue si riche lui avait fait un bien fou… Aucun langage parlé ne pouvait contenir autant de choses que ce qu’elles avaient échangé… Et la jument prenant tout au jour le jour l’avait aidé a surmonter une partie de sa douleur…

* Je me suis peut-être trompée après tout je le connaît mal… Et il est si… différent de ce que j’ai si souvent rencontré…

L'heure froide précédant l'aube était enfin passée, et les premiers rayons du soleil dépassèrent les hauts sommets des Monts Brumeux, à l'Est, donnant à la végétation environnante une exquise teinte dorée. Les oiseaux chantaient à tue-tête, et les cascades glougloutaient gaiement. Une douce odeur végétale avait emplie l'air et rendait encore plus agréable ce matin d'été. Bilbon Saquet n'avait certes pas tort lorsqu'il multipliait ses éloges sur la dernière maison simple à l'Ouest des Monts.

Cette atmosphère favorisait et à la fois rendait plus difficile le départ: car voyager par beau temps est toujours meilleur, mais quitter Imladris se révélait être un crève-cœur. Toutefois, Gil-Enhiel n'avait pas le choix, l'heure de départ était arrêtée, ses futurs compagnons de voyage attendaient peut-être déjà...

Prévoyant, il s'était rendu dans ses appartements pendant la nuit et avait rassemblé une bonne réserve de victuailles dans une sacoche de cuir, qu'il portait à présent en bandoulière. Les vivres s'épuiseraient vite, et le voyage serait long jusqu'au Belfalas, mais le gibier et les baies comestibles ne devraient pas manquer dans les étendues sauvages.

Son cheval, son grand étalon gris, il avait été le ravitailler en eau et en nourriture dès sa sortie de l'auberge, hier au soir, si bien qu'il n'aurait, aujourd'hui, plus qu'à le prendre à l'écurie et filer au point de rendez-vous. Mais, se rendant prestement aux boxes, il s'aperçut qu'un peu plus loin, Elaïne faisait de même. Elle avait l'air troublée, mais le vieux Noldo ne voulut point entrer dans une autre affaire, et la salua comme si de rien n'était:

"Bonjour à vous, Elaïne! Je vois que vous ne perdez pas de temps vous non plus. Si tous viennent chercher leur monture ici, il sera bien inutile de se rendre devant la porte de l'auberge..."

Et de caresser son cheval, puis de le conduire lentement vers la sortie et l'air libre. Pour lui, point de selle ni de harnais, ni de rênes d'ailleurs: comme beaucoup d'Elfe, Gil-Enhiel montait le cheval sans aucun équipement superflus.

"Joli temps pour courir aux quatre vents. Enfin, quoi qu'il en soit, je vous suggère de profiter de ces derniers instants ici. Fondcombe est un havre de paix tel qu'on n'en voit plus beaucoup en Terre du Milieu."

Magyu a passé une bonne nuit de sommeil. Après qu’Elaïne l’a quitté, il s’est rendu dehors, pour profiter de l’air pur, et pour aller dormir. Il s’est couché au pied d’un arbre, à l’abri des regards, et sa fatigue accumulée l’emporta loin dans le royaumes des songes qui n’appartiennent qu’à lui.

Lorsqu’il se réveille, tôt, dans la matinée, la première chose qui lui passe par la tête est, bien évidemment, d’aller chercher à manger. Un réflexe acquis après des années. Il farfouille aux alentours de la maison, et trouve par chance quelques racines comestibles, et qui semblent n’avoir aucun effet néfaste sur sa santé. Rien de tel que sa propre expérience pour vérifier si quelque chose est bon ou pas. Il espère juste que ce n’est pas mortel.

Etrangement, il n’a pas véritablement envie de s’éloigner de cette jeune elfe : Elaïne. Son esprit simple lui pose un dilemme. Pourquoi ? Une question qui d’habitude ne trouve qu’une seule réponse : parce que. Mais là...C’est différent. Elle veut l’aider, elle veut le protéger et malgré qu’elle l’effraie terriblement, il se sent...rassuré ? En confiance ? Peut-être pas. Mais tout de même. Son charisme, sa présence font d’elle un bouclier derrière lequel le garçon peut s’abriter, se réfugier, vivre en paix. Il ne peut décemment se résoudre à la quitter. Pas après l’avoir rencontré, et avoir échangé. Et pas avant d’avoir compris. Est-ce cela, grandir ? Il ne le sait pas. Aurait-il mieux valu qu’il ne quitte jamais sa forêt ? Il ne le sait pas non plus. Mais n’est-ce pas cela qui met du piquant à la vie ? De ne pas savoir de quoi sera fait le lendemain ?

Il lève les yeux, après s’être désaltéré, et aperçoit furtivement quatre silhouettes : deux bipèdes, et deux quadrupèdes. Furtivement, car il plonge immédiatement dans l’herbe. Sa peur presque maladive le pousse à se cacher, même s’il n’a rien fait de répréhensible. Il essuie l’eau qui lui coule le long du menton, et qui le chatouille un peu, avant de calmer les battements de son cœur. Avoir le nez dans l’herbe n’est pas très agréable, et il décide de regarder à nouveau, pour voir. Il reconnait immédiatement Elaïne, et le plus âgé des elfes présents à la table, la veille au soir. Ils ont l’air de discuter.

Son esprit se tend rapidement vers la sacoche accrochée à sa ceinture : une sorte de lien tissé avec l’elfe, qu’il perçoit réellement comme tel. Ses maigres possessions lui viennent de corps sans vie, et il n’a jamais eu l’occasion de recevoir un cadeau. C’est la première fois. Qu’importe les raisons, ce geste est gravé dans sa mémoire. Il regarde la bourse, qui cliquète doucement. Elle contient de l’argent. Il n’a même pas jeté un coup d’œil à l’intérieur. C’est bien joli l’argent, mais ce n’est pas aussi agréable qu’un bon repas. Il n’en a pas vraiment l’utilité, et il pense à rendre son présent à l’elfe. Peut-être que ça lui fera plaisir ? Qui sait ?

Le garçon se déplace légèrement sur le côté. Il se redresse, et ses mains quittent le sol. Il se sert de ses bras pour assurer son équilibre, et s’élance jusqu’à l’angle de la bâtisse. Appuyé contre le mur, il avance jusqu’à arriver près de l’enclos aux chevaux : ces imposantes créatures que montent les grands. Cependant, il se rend compte que son comportement est presque stupide. Pourquoi se cacher, alors que ces gens lui ont fait des cadeaux ? Une pointe de honte s’empare de lui.

Il sort à découvert et approche. Dans le creux de ses mains tendues, se trouve la bourse d’Elaïne :

- Merci, mais non merci.

Des mots simples. Francs. Presque absurdes. Le portait de Magyu.

De l'extérieur de l'écurie vint l'écho si caractéristique de sabot martelant le pavé. Les claquements étaient réguliers et mesurés. L'animal avançait lentement. A ses côtés, Eleriol, une main posée sur le poitrail de l'étalon, des murmures s'échappant parfois de sa bouche, le guidait. Il s'arrêta devant l'entrée de l'écurie, jeta rapidement un regard aux boxes, puis s'adossa contre le mur, les bras croisés. Il était prêt. Il attendait.

La chemise qu'il revêtait la veille avait été remplacé par une tenue de voyage vieillie par de longs parcours. Sa cape, en tissu fin, était souillée de terre. En dessous, il portait un vêtement de cuir souple et fatigué. Dans son dos pendaient un arc et des flèches, et une lame courbe était attachée à sa ceinture. Pensait-il en avoir besoin? Il n'en savait rien, mais pour presque rien au monde il ne serait parti sans ses armes.

Il attendait. Il était prêt. Il observait la monture qu'il avait achetée quelque jours plus tôt. C'était un étalon. Son pelage avait la couleur du caramel, et une raie immaculée courait sur son front. Une belle monture, dont le caractère n'était pas pour déplaire à l'ancien ranger : calme et indépendant. Même si la cavalier et le cheval ne se connaissaient que depuis quelques jours, Eleriol savait qu'il n'aurait jamais droit à ces marques d'affection qu'on voyait de temps à autres. Quel nom lui donner? L'elfe ne savait pas encore. Il y réfléchirait plus tard, peut-être.

Il attendait. Il ignorait ce qu'il allait découvrir lors des mois à venir. Il n'avait aucune idée de ce à quoi il aurait à faire face. Devrait-il se battre? Ne serait-ce finalement que marches, rencontres et discussions? Il l'ignorait. Mais il était curieux.

Elaïne salua d’un sourire las le Noldo. Elle n’avait pas l’envie de parler plus que le stricte nécessaire. Et puisque les paroles qu’il prononçait étaient empruntes de vérité elle n’avait nul besoin de les commenter. Elle resta donc silencieuse a étriller tranquillement Edlothiadwenn de son unique main libre, l’autre laissant toujours sa manche vide.

Elle commençait a se demander si elle ne devrais pas, malgré tout, parler lorsqu’un bruissement attira son attention. Humain ? Simple chat ? Ici la présence avait de toute manière peu de chances d’être hostile… Elaïne étendit néanmoins sa "vue" au maximum… Magyu. L’étrange petit elfe de la veille s’avançait discrètement vers eux… Il semblait se cacher mais finit par finir son chemin a découvert (ce qui pour Elaïne ne changeait a vrais dire pas grand chose)… Elle se tourna instinctivement vers lui lorsqu’il s’approcha réellement. Un calme sans faille l’habitait. Et qu’il refuse sa petite aide ne lui faisait ni chaud ni froid. Qu’il l’accompagne s’il le souhaitait. Par contre il y avait quelque chose d’important a savoir si il voulait venir…

- Je suppose que tu ne sait pas monter a cheval et que tu n’a pas de monture. Je me trompe ? Si tu veux venir il faudra qu’on t’en trouve une et que je me charge de ‘apprendre à le monter.

La voix de l’elfe était empreinte d’une déstabilisante maîtrise de soi. Elle ne tremblait pas, elle n’était pas larmoyante, un semblant de bonne humeur l’habitait même. Elaïne s’avérait même plutôt fière de la manière dont elle avait qu’elle avait dissimulé son malaise. Evidement elle ne leurrait pas quelqu’un doté de l’expérience du Noldo. Mais cela marchait avec l’autre présent… Qui était bien assez peureux pour qu’elle ne lui donne pas de raison de se tourmenter l’esprit en se demandant si une Elaïne dans cet état était plus dangereuse et effrayante que celle qu’il avait entrevu la veille au soir.

Qu’il ait pris peur aussi vite amusait grandement Elaïne qui considérait que son explication avec Ilia l’avait a peine conduit à élever la voix. Elle n’avait pas été réellement énervée. Et ne s’était pas montrée spécialement expansive par rapport a ce qu’il lui arrivait de faire… De toute manière mieux valais éviter de l’effrayer. Comme il était plus sage de plus se contenir avec les autres. Ne pas les gêner, les choquer. Et cesser de passer pour une bête curieuse. La réaction d’Eleriol la veille au soir était, en elle même, amplement suffisante…

Une distorsion de l’air et un léger son ramena d’ailleurs ses pensées vers l’ancien ranger. Ce ne pouvait qu’être lui.

* Il est venu ! Que faire ? Comment vas-t-il réagir ?

Malgré les doutes qui l’habitait elle se dirigea d’un pas vif vers la porte de l’écurie, menant Edlothiadwenn de sa seule main disponible délicatement posée contre le flanc de la jument.

Lorsqu’elle fut suffisamment proche pour le "voir" l’ancien ranger sa propre humeur oscilla devait-elle chercher a le "voir" totalement ? Oserait-elle ? Que trouverait-elle ? En avait-elle réellement envie ? Comment le prendrait-il ? Comme la totalité de ces questions restaient sans réponses, elle se contenta de se "tendre" vers lui… Frôler son esprit pour lui faire connaître sa présence, savoir ce qu’il voulait qu’il advienne par la suite. Frôler parallèlement sa peau a travers le vent qui, par le biais d’Hwinialangos, constituait ses pensées. Quel étrange chose que de toucher mentalement des choses, de les sentir ainsi…

Mais si l’esprit d’Elaïne était intégralement tourné vers le nouvel arrivant, le reste de son corps (a l’exception notable de ses yeux tout bonnement révulsés) s’orientait vers le Noldo et le pilleur de tombes. Pas besoin de plus en montrer que le strict nécessaire. Et surtout elle ne voulait pas qu’il puisse voir le visage qu’elle ne saurait conserver neutre selon sa réaction.

Un peu plus loin le garçon d’écurie qui l’avait accueillit la veille au soir sortait de l’auberge pour s’informer d’éventuels besoin du groupe…

HRP//Vraiment désolé d’avoir été aussi long//HRP

Toujours mains tendues, il reste immobile, et son interlocutrice aussi. Etrangement, elle semble plus froide, et plus rigide que la veille. La veille, elle lui aurait au moins dit quelque chose. Elle lui aurait signifié d'une manière ou d'une autre qu'elle acceptait ou qu'elle refusait qu'il lui rende son argent. Mais là...ce n'est pas le cas. Le garçon craignant qu'elle ne s'emporte une nouvelle fois, range précipitamment la bourse dans la poche intérieure de son veston. Déjà dans son esprit, tout est réglé. Elle refuse de lui parler, probablement qu'elle ne veut pas de sa compagnie, mais contre toute attente, elle lui pose une question, qui ressemble presque à une invitation. Mais les mots qu'elle prononce finissent de démanteler le semblant de courage qui a habité l'esprit du garçon, et qui l'a poussé à sortir à découvert, plutôt que de mettre la bourse sur la monture, et de filer.

"il faudra qu’on t’en trouve une et que je me charge de t‘apprendre à le monter."

Magyu s'imagine déjà, perché sur ces créatures à quatre pattes, qui peuvent l'écraser en un rien de temps. Et elle veut qu'il monte sur un comme ça ? Elle ne se rend visiblement pas compte du danger que ça représente. Le danger. C'est cette notion qui régit chaque réaction du garçon. Danger et risque. Il ne prend pas de risque. Il ne s'expose pas au danger. Alors monter sur une bête comme ça, juste pour le plaisir...pas question. Après tout, il est très capable de marcher. Et de courir, même ! Probablement pas aussi vite qu'un cheval. Mais s'ils avancent au pas, il n'y a aucun problème...Il lui répond avec sincérité, comme à son habitude :

- Je peux marcher...plutôt.

Son "peux" est un "veux" poliment formulé. Après tout, la politesse et la gentillesse sont deux atouts majeurs si l'on veut espérer s'en sortir contre quelqu'un de plus fort, de plus dangereux, de plus charismatique, de mieux armé, de mieux entraîné, en position de force, ou qui vous met en joue, ce qui n'est - dans le cas de cette dernière partie - fort heureusement pas - encore ? - le cas.

Il se demande avec un frisson comment Elaïne va réagir. Va-t-elle une nouvelle fois prendre la mouche, et partir dans une de ses colères terribles ? Ou va-t-elle simplement le dévisager avec une telle insistance qu'il se sentira obligé d'accepter ? Il n'en sait rien, mais dans le doute, il se prépare.

A peu près au même moment, deux nouveaux venus font leur apparition. Deux elfes, à en juger par leur allure, par leurs oreilles, et par l'aura qu'ils dégagent. Magyu recule d'un pas souple, discret, presque parfait. Un déplacement qu'il a pratiqué à de nombreuses reprises. Des centaines de fois. Un déplacement fait pour échapper aux prédateurs qui ne l'ont pas encore remarqué. Ses pieds n'émettent presque aucun son sur l'herbe. Il s'en félicite. Il se place juste derrière Elaïne, pas trop près du cheval, hors de portée du vieil elfe, et assez loin du mur pour pouvoir s'esquiver plus facilement, si le besoin s'en faisait sentir. Puis, inquiet et intrigué, il attend.

Le groupe était à présent au complet pour le départ, mais il fallait encore attendre. Attendre que des préparatifs qui auraient dû être faits hier au soir soient effectués. Attendre la fin de ce léger débat, entre Elaïne et Magyu, au sujet de la façon de voyager de ce dernier. Le jeune Elfe ne semblait pas vouloir tenter l'expérience du cheval, que ce soit par peur ou à cause de sa petite taille.

Gil-Enhiel voyait les promesses de départ matinal s'envoler peu à peu, il fallait agir. Avançant de quelques pas et emmenant sans un mot de commandement son étalon noir à sa hauteur, le Noldo s'adressa à Magyu en le regardant dans les yeux. Sa haute taille, comparée à celle de son auditeur, pouvait peut-être impressionner ce dernier, mais cela n'était point dans les intentions du vieil Elfe. Aussi parla-t-il d'une voix bienveillante malgré un soupçon d'autorité:

"Jeune Elfe, j'ai bien peur que le choix qui t'est destiné est, soit de voyager avec nous à cheval, soit de rester ici à Fondcombe. J'ignore les raisons qui te poussent à parcourir toutes ces lieues vers le Sud, mais je sais en tout cas que tu devra vaincre tes craintes si tu veux en venir à bout. Ainsi, d'une façon ou d'une autre, il te faudra trouver une monture... mais il y en a certainement de plus petites que d'autres, et peut-être, quoique j'ai des doutes à ce sujet, y a-t-il en ces lieux un poney qui fasse l'affaire. Vois! Le garçon d'écurie est là-bas, tu peux le lui demander."

Il n'était pas dans les habitudes de Gil-Enhiel de s'immiscer dans les dialogue d'autrui, lui qui préférait éviter le surplus de paroles, mais ici, cela lui avait paru inévitable: il souhaitait voyager avec des voyageurs, pas avec des promeneurs.

Quelle serait la réaction d'Elaïne? Aurait-elle préféré répondre à Magyu à sa manière? Le jeune Elfe aurait-il alors reçu une réponse plus autoritaire, plus rigide? Ou peut-être, au contraire, aurait-elle été davantage compréhensive? Peut-être allait-elle, dans les instants suivants, contredire le vieux Noldo...

Mais ses pensées furent interrompues, et son esprit se tourna hors du groupe, vers l'extérieur, vers cet Elfe richement vêtu qui marchait avec grâce dans le frais soleil du matin. Il leur posa une question, qui pouvait paraître polie à ceux qui ont l'esprit en paix ou bien indiscrète à ceux qui se méfient de tout. Pour Gil-Enhiel, la question était anodine, et la réponse ne le fut pas moins:

"Bonjour. Comme vous le voyez, nous préparons nos chevaux pour partir chevaucher hors d'Imladris. Vers le Sud-Est, si cela vous intéresse en quelque façon."

Une réponse bien froide, assez froide, lui semblait-il, pour que le nouveau venu ne s'intéresse pas à leur affaire.

Ahlvedui. Ce nom lui disait quelque chose. Peut-être que, ces derniers temps, Gil-Enhiel avait trop voyagé de par Arda pour connaître et s'entretenir avec le sage Ahlvedui de Fondcombe, mais les rumeurs concernant cet Elfe étaient nombreuses...

"Il est froid et hautain..." disaient certains.

"Sage et puissant, mais pourtant mystérieux." déclaraient d'autres.

"Il était jadis l'un des bras droit d'Elrond Demi-Elfe!" affirmaient d'autres encore.

Mais cela, le vieux Noldo ne pouvait le vérifier, car Gil-Enhiel se trouvait aux Havres Gris des Mithlond à l'époque de l'édification de la cité-refuge d'Imladris par les survivants des Gwaith-i-Mìrdain d'Eregion. Et il n'était venu en Rivendell qu'après le début du Quatrième Âge.

S'il avait été au courant de l'identité du nouveau venu, peut-être le vieux Noldo aurait-il été plus courtois et moins froid dans ses paroles, aussi rectifia-t-il le tir:

"Salut à vous, Ahlvedui! Je me nomme pour ma part Gil-Enhiel, et, si vous ne me connaissez pas, peut-être avez-vous entendu parler de ma fille Laïane et de mon gendre Maïldîr, qui vivent ici à Fondcombe, ainsi que de ma petite-fille Mîwelleth qui y a séjourné. C'est justement à cause d'elle que je pars. Elle a voyagé longtemps avant de s'arrêter au Balfalas, dans le pays méridional de Gondor, en vue de l'île de Tolfalas. Et d'étranges et inquiétantes rumeurs nous sont parvenues de là-bas."

Loin de contredire le Noldo, Elaïne acquiesça avec calme a la légère rebuffade qu’il servit a Magyu. Si elle ne se serais pas exprimée de la même manière, le résultat aurais de toute manière été le même…

Ϡ Edlothiadwenn ? Ϡ

Ϡ Oui ?? Ϡ

Ϡ Tu en pense quoi ? Ϡ

Ϡ {Je} peux vous porter tous les deux au avant que {Magyu} ne sache {monter} Ϡ

Ϡ Parfait Ϡ

Interrompant son dialogue mental avec son amie a quatre pattes elle ajouta donc avec un sourire, légèrement forcé a cause de son état d’esprit général, mais néanmoins sincèrement affectueux :

- Si tu le souhaite je pourrais te prendre en coupe au début et t’enseigner comment monter… Mais il est hors de question que nous te laissions aller a pied. Enfin… Pour être plus exacte nous te laisserons aller a pieds mais ne t’attendrons pas.

Sa vision de l’humeur du petit elfe lui indiquait que ceci serait probablement mieux indiqué. Au pire après une journée de marche il se rendrait a l’évidence. De toute manière elle ne l’attendrais pas s’il ne voulait pas monter… Et en attendant elle allait devoir s’occuper de cheval, ou au moins de poney.

L’arrivée d’un nouveau personnage força la mage a revoir ses centres d’intérêts. Il y avait des limites a ce qu’elle pouvait observer attentivement simultanément. Et l’un de ces centres d’intérêts au moins elle ne le perdrait pas de vue du moment qu’elle n’aurais pas de réponse. Elle renonça donc pour le moment a s’intéresser au garçon d’écurie.

Le vieux Noldo engagea la conversation. Situation idéale pour Elaïne qui pouvait observer a son aise les humeurs environnantes… Les déchiffrer sans savoir a s’impliquer. Ainsi il était lui aussi tenté par l’aventure ? De toute manière…

* Hors de question de perdre trop de temps… Dés que j’ai acheté un poney nous y allons…

Se fixant a cet idée elle éleva la voix pour la première fois en présence du nouveau venu. N’ayant pas pensé a mettre son bandeau comme elle le faisait a son habitude en société elle planta son regard si particulier dans celui du sage.

- Mes hommages. Si je puis me permettre, je vais rapidement mettre un terme aux présentations de manière a vous permettre de choisir rapidement de ce que vous allez faire… Voici Eleriol, ancien Ranger… Il se définira sans aucun doute mieux que ce que je pourrais faire… Magyu… Dont les activités passées ne regardent que lui et qui semble vouloir nous suivre… Et moi même. Elaïne Linkal-hîth.

Elle n’ajouta aucun autre qualificatif pour se décrie. Ceci seul un autre pourrait le faire… Et beaucoup de choses ne pouvaient être dites au premier venu…

Magyu, prit entre les deux demandes des elfes, ne sait plus très bien comment s'en sortir pour "imposer" son avis. Les rares fois qu'il a observé des chevaux, c'est lorsqu'il a regardé les escarmouches opposant des bandits, et des convois mal protégés. Ce sont des animaux puissants, mais craintifs, qui au moindre signe de danger, commencent à paniquer. Qui jettent leurs cavaliers au sol, et qui les abandonnent. Le garçon n'a pas vraiment envie de se retrouver écrasé par terre, et l'idée de se mettre de son plein gré en danger ne l'inspire pas trop.

C'est là que l'elfe prend la parole, et entame la conversation.

Magyu jette des coups d'oeil de droite et de gauche, essayant de suivre la discussion engagée en face de lui. Le nouveau venu parle en elfique, ce qui peut sembler normal, et il ne le comprend pas. Mais les autres lui répondent en commun, et il est lui-même présenté par Elaïne, qui prend la parole pour lui, ce qui l'arrange beaucoup. Il apprend au passage le nom des autres personnes, qu'il n'a pas souvenir d'avoir entendu la veille : Gil-Enhiel - le plus âgé semble-t-il. "Eleriol, ancien Ranger" - il ne connaît pas la signification du mot Ranger, mais il est bien décidé à l'apprendre. Et il note également le nom de l'elfe qui vient d'arriver : Ahlvedui. C'est un nom qui ne semble pas surprendre le vieil elfe, qui lui répond en premier.

Pendant ce temps, Magyu, occupé à rien faire, réfléchit à la proposition d'Elaïne. Elle est revenue sur sa première affirmation, a nuancé son propos. Finalement, elle est, sinon d'accord, pas contre le fait qu'il aille à pied, à partir du moment où il suit leur rythme. Magyu ne se considère pas véritablement comme quelqu'un d'endurant, mais il a suivi Ilia à pied, lors de son trajet pour venir jusqu'ici. Il se sent capable de recommencer : il a pris du repos, il a bien mangé, il a bien bu, et il est vraiment désireux de comprendre et d'apprendre. La seule question qui le perturbe est : "est-ce que les chevaux iront plus vite que ce à quoi il a été confronté auparavant ?". Mais même si c'est le cas...il préfère courir plus vite, et se fatiguer un peu plus, que de risquer la mort en grimpant sur ces...créatures.

Il hausse les épaules pour lui-même, et écoute attentivement la conversation, tout en essayant de déterminer quelle est la nature de la personne qui se trouve en face de lui : réflexe qu'il n'avait pas avant, soit dit en passant. Le nouveau venu, elfe, distingué, poli, calme, semble intéressé. Magyu a l'impression que ses yeux voient loin. Ils ne s'attachent pas qu'au concret, et regardent au delà : exercice que le garçon ne peut pas faire, de par son manque d'expérience.

Le petit elfe inspire profondément, pour se calmer, et attend. Les gens traitent leurs affaires par priorité. Son tour viendra bien assez tôt...

Par >ici< les amis ^°^