Juvénile hennit en sentant la présence d’autres chevaux. Baudouin avait quitté le Rohan depuis cinq jours à présent et sa jument n’avait connut d’autre présence que la sienne au cours de ce voyage. Une fois les portes de la Cité Blanche passées il s’était faufilé au travers des ruelles de Minas Tirith mais ne savait guère à présent où se tourner. Lorsque Daeron lui avait ordonné de se rendre en Gondor afin de transmettre un message à Nathanel, il n’avait guère pensé à la difficulté à laquelle il ferait face une fois entre les enceintes de la Ville.
«
Pire que retrouver une aiguille dans une botte de foin » pensa-t-il. «
Car l’aiguille en sa botte ne bouge pas et vous pique si jamais vous la touchez … ».
Il soupira tout en continuant d’avancer. Juvénile le sortait parfois de ses pensées en tirant sur sa bride, les naseaux dilatés en direction des étales de légumes et de fruits. Il ne voulait pas cependant la laisser dans une quelconque écurie et disperser aux quatre vents la maigre somme que lui avait confié son Seigneur. Il supposait que celui-ci voulait le voir revenir le plus rapidement possible au Rohan en ne lui donnant que de quoi dépenser pour deux semaines de voyage. Il ne savait quoi faire si jamais Nathanael se révélait introuvable. Etait-il toujours à Minas-Tirith ? Le vieux Daeron en était certain, mais il se mit à douter de la véracité des propos de son maître vieillissant. Il pria Eru que sa demande ne releva pas du délire d’un esprit en décrépitude.
Le peuple de Minas Tirith formait une foule compacte autour de lui dans les ruelles. Nombre de «
Hé là » l’interpellèrent – il prenait de la place avec sa «
vieille carne », «
son gros bourrin ». Jamais il n’avait vu autant de monde réunit en un espace si restreint, alors que la Cité Blanche lui avait paru gigantesque hors les murs. Mais la pierre prenait beaucoup de place dans les constructions, les murs étaient épais et les maisons larges, si bien que les passages se révélaient étroits et sinueux entre les baraquements. Où étaient les larges avenues que lui avaient décrites Daeron, où était l’Arbre Blanc que lui avait dépeint le conteur ?
Il cracha sur le sol, énervé. Il avait faim et soif. «
Que Nathanel soit maudit d’avoir toujours autant de prestige auprès de mon maître. Que lui aurait-il coûté de venir nous voir plus souvent pour prendre lui-même des nouvelles sans avoir jamais besoin de nous faire déplacer ? ».
Il s’arrêta près d’une auberge afin de se rassasier un tant soit peu. Une gamine s’approcha de lui pour attraper les rênes de Juvénile et la conduire dans une petite arrière-cour où stationnaient d’autres montures. Il s’assura que la jument ait foin et eau en suffisance puis accepta de suivre la fillette dans la grande pièce commune. Si Nathanael était toujours conteur, il pouvait espérer avoir de ses nouvelles dans un lieu où les histoires et les légendes sont appréciées des petites gens. Il commanda une pinte de bière et s’installa près du comptoir avant que d’entamer de nouvelles investigations.
Près d’un quart d’heure passa avant que le courage ne lui revienne. Il s’avança près du tavernier et le questionna ainsi :
- Aubergiste, connaitrais-tu un conteur du nom de Nathanael ?
- Qui ça ?L’aubergiste tendit l’oreille pendant qu’il essuyait des verres avec un torchon crasseux à l’origine douteuse.
- Nathanael ! Un conteur…
- Jamais entendu parler ! A quoi ressemble ton bonhomme mon gars ?
- Taille moyenne, brun … En soi, rien qui eut pu le distinguer de beaucoup d’autres hommes. Baudouin réfléchit à un signe distinctif… « Quel benêt je fais ! ».
- Il a une mèche blanche sur un côté du crâne et marche toujours avec un bâton de berger. Il a l’accent rohirrim, moins marqué que le mien.
- Non, voit pas ! Va donc dans une Taverne des étages supérieurs, là où les gens ont plus les moyens et le temps d’écouter des histoires…Baudouin sortit penaud de l’auberge, comme un enfant qui vient de commettre une faute. Il s’était trompé d’endroit. Il ne savait pas s’y prendre. Les prairies du Rohan lui manquaient. Il voulait rentrer rapidement auprès de Miston et de Cyrielle.
Il suivit pourtant en dépit de tout le conseil de l’aubergiste et gravit la pente douce d’une rue pour monter à travers les étages de la Cité Blanche après avoir récupéré Juvénile. Il ne fit pas grand chemin lorsqu’il sentit une main le happer par derrière. Se sentant agresser il chercher à décocher un coup de point à l’inconnu qui l’abordait ainsi mais il se retrouva face à personne. Baissant les yeux il dévisagea deux gamins au sourire édenté.
- S’ti veux trouver un c’teur, t’a qu’aller à la m’son des cont’ z’et légend’.Baudouin haussa les sourcils, ignorant qu’une telle bâtisse existait en ces lieux.
- Où est-ce ?Mais plutôt que d’indiquer un chemin quelconque les deux enfants tendirent les mains devant lui en quête d’une récompense. L’énervement saisit Baudouin et il souleva un des deux enfants d’une main et rapprocha son visage du sien.
- Dis le mioche, tu me montres où c’est, ou je te flanque une branlée dont tu auras encore le souvenir quand tu ne pourras plus te déplacer tout seul.Les yeux du petit garçon s’écarquillèrent et l’autre détala comme un lapin. Paniqué, l’enfant tendit un doit tremblant vers une rue perpendiculaire à celle dans laquelle il se trouvait. D’où il était Baudouin pouvait apercevoir un toit pentu dépassant d’une maisonnette. Il supposa que l’enfant ne mentait pas et le redéposa au sol sans se soucier de ce qui pourrait maintenant advenir de cet avorton.
Il tourna le dos au gamin pleurant sur les dalles de la ruelle et prit la direction indiquée.
#Baudoin