Piège et Désillusions

Tout était allé très vite, trop vite. Furgas, malgré son expérience, n'avait rien senti venir. Tout se déroulait normalement depuis leur départ d'Annùminas, le trio était descendu jusqu'en Rohan et avait remonté la piste d'un groupe de cavaliers sur la route du Rhovanion. Ils avaient quasiment dépassé la Lorien lorsque le pire se passa. Ils avaient été repérés malgré tous leurs efforts constants pour rester camouflé.

Megrez fut la cible première de leurs assaillants. De nombreuses flèches pénétrèrent sa peau rocailleuse, hurlant sa rage et saisissant sa hache, Megrez parvint à éliminer plusieurs ennemis jusqu'à être finalement mis hors-combat.

Furgas se remémorait ces moments avec douleur.

Quant à Alruc, ses talents de guerrier lui permirent de résister un certain temps. Mais le trop grand nombre d'ennemis eut vite raison de lui, l'Agent roux reçut un rude coup sur le crâne et s'évanouit brusquement. Furgas, lui, n'était qu'un vieillard, un individu insignifiant à première vue et leurs ennemis ne s'étaient pas souciés de lui. Une chance, il n'avait eu qu'une infime chance de survivre... et il l'avait saisi. Faisant faire demi-tour à sa monture, il s'était enfui aussi vite qu'il le pouvait. La douleur d'abandonner ses hommes dans un tel moment ne lui plaisait certes pas mais si le Fantôme devait être prévenu, il lui fallait vivre coûte que coûte.

Après plusieurs heures de galop, le Magister était épuisé. La nuit tombait sur ces champs de fleurs autrefois témoins de batailles sanglantes. Mais cette nuit, Furgas ne dormirait pas. Il avait attaché sa monture à une souche dans un sous-bois et pris la décision de se cacher jusqu'au lendemain. Il avait raison de vouloir se cacher. Plusieurs cavaliers patrouillaient dans les alentours à sa recherche.

Tel un fugitif, Furgas se dissimula dans un tronc d'arbre mort. Sa respiration s'accélérait, il transpirait toujours plus. Le pisteur était devenu la proie... A présent, le vieil agent se posait des questions, sans cesse elles lui revenaient en tête. Qu'étaient devenus Alruc et cette brute de Megrez ? Morts ? Captifs ? Durant leur enquête, Furgas avait appris plusieurs choses fort intéressantes et cette malheureuse rencontre lui en avait apporté quelques unes...

Canthui, Lefnui, des noms de codes selon Furgas. Il n'était peut-etre plus très bon à l'épée mais il avait encore toute sa tête le bougre. Malheureusement dans la situation présente, toutes ses informations difficilement gagnées ne lui serviraient à rien s'il mourait. Non il devait retrouver Sirion au plus vite...

C'est alors qu'une ombre apparut à quelques mètres du tronc d'arbre. Une silhouette lui tournait le dos, il avait l'air de chercher quelque chose ou quelqu'un...

Une haute silhouette se détachait sous le faible éclairage lunaire qui passait entre les arbres. Il marchait lentement, faisant le moins de bruit possible, tenant fermement une imposante épée. Plusieurs oiseaux piaillaient bruyamment au dessus de lui. Cela faisait bien une demie heure que la forme sombre parcourait le petit bois.

Soudain, un sifflement aigu retentit. La silhouette fit alors demi-tour pour regarder derrière. Une autre silhouette s'approchait en hâte dont les sifflements laissèrent place à une voix rocailleuse :

- Canthui, vous êtes là !! Enfin je vous trouve !! Nous repartons ... Le Neleg dit d'abandonner la poursuite.

Un cracha s'écrasa au pieds de l'autre silhouette qui s'avançant se retrouva dans une petite clairière inondée de la lumière de l'astre de nuit.

- Il est par là, j'en suis sur !! L'infidèle se terre quelque part, tout près ... je le sens ...

Nouveau cracha ... Le Canthui regarda à gauche puis à droite et soudain sa voix se fit forte et il hurla presque :

- Je sais qu't'es là ! Terre toi comme le rat puant que tu es !!!!!
C'est ton jour de chance ... Tu sais ce qu'on fait aux infidèles ?? On leur crève les yeux et on les attachent à un arbre pour les laisser pourrir au soleil !!!

Nouveau cracha ...

Le Canthui fit signe au Lefnui qu'ils s'en allait. Après tout, ils avaient ses copains à l'autre, à quelques lieues de là ...

Les deux silhouettes, toute de noire et de blanc vêtues s'éloignèrent ...

Jolosin avait rejoint le trio en cours de route, ils avaient accepté de l'emmener avec eux simplement parce que l'Arnoréen était un fin pisteur, un rôdeur. Le jeune Jolosin leur avait donc éclairé la piste jusqu'ici depuis Fornost où ils étaient passés.

Cette nuit-là, il revenait donc vers ses compagnons pour leur annoncer que la piste était dégagée. Mais Jolosin ne retrouva pas leur trace, par prudence il préféra stopper sa monture et continuer à pied. A un moment, il entendit un bruit de feuillage non loin de lui. Il dégaina sa lame et se préparait à pourfendre un éventuel ennemi. Sans bruit, il avança et à sa grande surprise, un vieil homme se rua vers lui comme paniqué : Furgas.

"Jolosin ! C'était une embuscade. Ils savaient qu'on les pistait ! Je ne sais pas comment. Megrez était gravement touché quand j'ai réussi à m'échapper et Alruc avait été assomé."

Le rôdeur n'en croyait pas ses oreilles, ni ses yeux. Comment ces trois hommes expérimentés avaient-ils pu être devancés par ces types ? Et l'état de Furgas... il semblait terrifié par ces hommes. Jolosin se reprit.

"On doit aller sauver Alruc et Meg'. On va pas les laisser les tuer, hein Maitre Furgas ?!"

"Ou-oui.. leur chef et un Lefnui sont partis d'ici il y a peu."

"Très bien, on y va. Je vous suis Maitre."

Le vieux Furgas regretta soudain sa vie paisible au Palais d'Annuminas, et ce Jolosin plein de fougue qui ne comprenait pas... mais pouvait-il agir autrement ? Après tout s'ils s'enfuyaient sans essayer, Furgas s'en voudrait jusqu'à la fin de ses jours.
Les deux rescapés se décidèrent alors à suivre les traces du Canthui et de son acolyte.

Bientôt, ils arrivèrent là où l'embuscade avait eu lieu, quelques minutes auparavant. Alruc se remettait à peine de l'attaque et avait sa tête plongée entre ses mains ensanglantées. Megrez, lui, était toujours au sol, le corps criblé de flèches, il semblait remuer avec douleur. Jolosin parla alors à voix basse à Furgas.

"Ecoutez, ils ne se doutent peut-être pas que je suis avec vous. Je vais les occuper le plus longtemps possible, vous Maitre tâchez de libérer Alruc et Meg'."

En temps normal, le vieil homme aurait sans doute donner ses propres ordres et consignes mais là... c'était différent, il était complétement perdu...
Le rôdeur donna un rapide coup sur l'épaule de Furgas et lui sourit brièvement. Ce garçon avait du cran, pensa l'ex-retraité.

Ensuite tout alla très vite, Jolosin dégaina son arc et commença à tirer aussi vite qu'il le pouvait tout en essayant d'éliminer le plus d'ennemis possible. Pendant ce temps, Furgas rampa jusqu'au camp alors que nombre d'entre eux se ruaient déjà vers Jolosin en lui crachant des injures au visage. Furgas était en sueur, il continua à quatre pattes pour ne pas être remarqué. Il atteignit Alruc en premier, le guerrier roux faillit les trahir en parlant mais se retint. Une fois libéré, ils s'occupèrent de Megrez...

"Non...

Megrez tourna la tête vers Furgas.

... vous occupez pas d'moi. J'suis trop mal en point pour marcher, encore moins pour cavaler...

Du sang suintait de diverses plaies partout sur son corps.

... cassez-vous, rapportez vos infos au boss... et après vous leur fouterez une branlée monumentale de ma part !"

Puis le géant se tût. Il avait perdu trop de sang en si peu de temps.

"Aaaargh !!"

Jolosin venait d'etre touché à son tour par une flèche, mais continua pourtant à se battre. Lachant son arc et sortant son épée, il se battait comme un lion encerclé par des hyènes.
Alruc et Furgas devaient retournés vers la monture de Furgas, Jolosin savait très bien que son rôle ne lui permettrait pas de connaitre la fin de la pièce... qu'elle soit triste ou heureuse.

Les deux hommes se ruèrent alors vers le sous-bois, l'esprit défait et le corps fatigué...

Alagos accompagné de son Lefnui avait rejoins la petite unité qui s'était amusée à pourchasser les infidèles. Sur les trois, ils en détenaient deux. L'un deux était franchement amoché, Mergez ou peut être Megrez, ils n'avaient pas bien compris son nom … De toute façon, ils s'en fichaient royalement, blessé mortellement, l'imbécile ne passerait pas la nuit. Il restait l'autre, celui là semblait encore relativement en état.

Les auteurs de l'embuscade étaient satisfait de leur journée. Ils attendaient le matin pour amener leur prise, le nommé Alruc au Neleg. Ils savaient qu'ils seraient grassement récompensés pour ça et également pour avoir endigué la chasse des pisteurs envoyé par le Rohan sur les traces de l'ordre. L'autre Megrez, ils le laisseraient se faire bouffer par les bestioles jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Ils n'avaient pas jugé bon d'établir une garde. Un quasi-mort et un autre plongé dans un semi-coma, ils ne risquaient pas de s'en aller bien loin …

Assis en tailleur autour d'un feu confectionné quelque temps auparavant, les cinq hommes au tunique noires et blanches devisaient tranquillement. Ils étaient à cent lieue de penser que l'infidèle qui se cachait dans le petit bois, ce lâche ayant refusé le combat, celui là même qui s'était échappé tel une mauviette, laissant crever ses camarades allait revenir … Tandis que le feu éclairait son visage d'une étrange lumière orange, rendant son visage taillé à la serpe encore plus inquiétant, Alagos se gaussait :

- C'est un pisteur, pas un guerrier !!! C'est pour ça qu'elle s'est barrée la mauviette … Par la couronne !, j'suis sur qu'on aurait eu un peu plus de temps, j'le trouvais le p'tit rat !! C'aurait été sa fête à cuilà aussi, pouvez m'croire ;;; Hahahahaha' …..

Son rire se transforma en rugissement tandis qu'une flèche s'écrasait tout près de lui ! Moins d'une seconde plus tard, ll était debout alors qu'un de ses sbires, transpercé par un trait, s'écroulait dans les flammes généreuses …

C'était le branle bas de combat, ils étaient attaqués …

Un second noir et blanc s'écroula ….

- Un !!!! Hurlait Alagos le Canthui, y'a qu'un archer !!! Trouvez le moi Bord' …

Une autre flèche effleura sa tunique noire et blanche …

- Noooon !!! Laissez les prisonniers, faut le trouver !!!! L'archer ! Je ... … Il est par là !! Làààà !!

L'archer repéré, comme un seul homme, le Canthui et ses deux Lefnuis rescapés s'élancèrent … L'un des soldats attrapa son arc, visa une seconde et lâcha un trait dans la direction indiquée par Alagos … :

Un cri de douleurs résonna dans la nuit noire …

- Yehhaaaaaaaaaaaaaaa !!!! Touché !!!!!!!

Le Lefnui exultait …

Presque aussitôt, Alagos, dont l'imposante épée tournoyait entre ses bras gros comme des troncs d'arbres, arriva au niveau de l'archer … Un tourbillon mortel accompagnait les sifflements sinistres que faisait la lame fendant l'air. Le combat au corps à corps ne dura que trois petites minutes. Après une tentative de défense contre ses trois assaillant, la tête de l'archer alla rouler à plusieurs mètres de là … La lame du Canthui avait finie par frapper !

Les trois soldats de la couronne reprirent leur souffle puis regardèrent en direction de l'endroit où ils avaient laissé les prisonniers. Ils coururent jusque là aussi vite que leurs lourds équipements le leur permettaient …. Ne gisait là plus qu'un corps, celui du quasi-mort qui, visiblement, avait finit par passer l'arme à gauche … Alagos éructait :

- Bon sang, le Neleg va nous arracher les yeux si on le retrouve pas vivant !!! Un , il a dit au moins un infidèle en état de parler, je ' ...

Il s'interrompit un instant semblant réfléchir avant de courir vers les montures attendant tranquillement non loin de là …

- Allez !!!!! Bougez vous les miches, bandes d'idiots !!!! y doit pas être loin … Le petit bois !! C'est sa seule chance !

Tout était flou, la tête lui tournait depuis le rude coup qu'il avait reçu sur l'arrière du crâne. Alruc avait effleuré l'endroit touché et avait alors compris que quelques points de sutures seraient nécessaires dans les prochains jours. Le guerrier roux tenait pourtant bon, sa vie en dépendait, il fallait rester envie pour la mémoire de Megrez. Ce gros balourd avait fini par y rester... un bon gars au final, quelle triste fin pour le brigand devenu serviteur de l'Arnor.

Le blessé et le vieillard avaient atteint leur premier objectif, pénétrer dans la forêt avant que leurs ennemis n'aient compris le subterfuge. Jolosin devait certainement être mort à l'heure qu'il est, mais ça n'était pas le moment d'aller vérifier. Car derrière déjà l'on entendait les cris de rage et les ordres bruyants du Canthui. La mort les pistait à présent alors que la veille, ils étaient les pisteurs...

"Voilà ma monture, Alruc. Monte derrière moi, vite avant qu'ils nous rattrappent !"

Furgas monta le premier et aida du mieux qu'il le put son ami à en faire autant. Ils devaient déguerpir au plus vite. Par réflexe, Alruc se saisit de son épée longue, prêt à défendre chèrement leur peau si jamais leurs poursuivants avaient la mauvaise idée de les rattrapper et bien que son état ne lui laisserait pas beaucoup de marge. Ces hommes vêtus de noir et de blanc étaient forts mais pas invincibles...

Un panache de poussière au loin. C’était lui, ou plutôt eux ! Le Canthui venait de comprendre que celui qu’il considérait comme une mauviette, et dont il se gaussait tranquillement il y avait quelques minutes à peine était, contre toute attente revenu avec un archer en renfort, pour tenter de libérer ses compagnons … Le fou !!!

… Le fou … Tout en pensant cela, Alagos ne put s’empêcher d’admettre que l’infidèle avait tout de même réussi à se tirer avec un prisonnier mais aussi et surtout, qu’il avait commit une énorme bourde en sous estimant le pisteur et en négligeant d’instaurer une garde près de leur prise …
Ce dernier point le plongeait dans une rage folle. Il ne lâcherait pas l’affaire, il ramènerait un infidèle, il le fallait, coûte que coûte ! Il hurla à l’intention de sa monture qui s’élança à la poursuite des deux fugitifs, suivie par celle des deux Lefnuis.

Le nuage de poussière se rapprochait. Ils allaient les rattraper, rien n’était plus sur que cela … Alagos riait de voir avec quelle rapidité ils gagnaient du terrain.

Devant, la monture progressait beaucoup plus lentement, ralentie par le poids des deux cavaliers …

*Dans quoi me suis-je embarqué foutre dieu ?!*

Furgas ne cessait pas de se poser cette question. Mais malgré toutes ses suppliques à une quelconque divinité pouvant l'entendre de le tirer de ce mauvais rêve, le vieil agent était bel et bien en train de chevaucher en pleine nuit dans des prairies grisées par l'obscurité, avec l'un de ses coéquipiers à moitié étourdi derrière lui et poursuivi par plusieurs hommes prêts à leur trancher la tête... Le pied en somme.

Ils avaient fini par atteindre le bois. Le retraité n'avait pas l'intention de se laisser rattrapper de la sorte, le sacrifice de Jolosin et celui de Megrez ne devaient pas être vains. Alors, usant de tous ses talents de cavaliers qui étaient bien amoindries depuis quelques années, Furgas tira sur les brides de sa monture pour effectuer quelques virages brusques entre les arbres en espérant semer le trouble dans l'esprit de leurs poursuivants.

Le terrain jouait en leur faveur, au coeur de la forêt ils pouvaient espérer les tenir à distance mais il semblait que Furgas et Alruc ne seraient pas en paix avant longtemps...

HRP Excusez moi pour le retard HRP



La poursuite avait commencee...Le Lefnui fit une grimace en pensant a l'incompetence du Canthui. Ce fut par sa faute que les prisonniers s'etaient echappe. Il fallait les ratrapper, ou une punition severe les attendait aupres de leur maitre.

Il devoila ses dents jaunatres dans un sourire cruel...il savait exactement ce qu'il devait faire. Son etalon du Harad etait rapide comme le vent, et il etait meilleur archer que ses compagnons..bah. Il etait le meilleur archer dans ces terres d'infideles. Il se rappellait encore des annees d'entrainement aupres de son maitre archer. Le Lefnui etait devenu meilleur que lui, et plus personne ne pouvait eviter la mort lorsqu'une de ses fleches leur etait destinee. Cet infidele de capitaine Riven l'avait appris. Son corps devait etre en train de pourrir quelque part...

Le Lefnui eperonna son cheval, qui s'elanca dans un petit chemin parallele a la trajectoire des rescapes. Une cinquantaine de metres plus loin se retrouvait le gue, que le vieillard et le blesse souhaitaient traverser. Il l'atteindra en premier. Il pouvait voir les silhouettes de ses ennemis parmis les arbres...deux hommes sur un cheval. Cette image pitoyable et grotesque le fit sourire.

Quelques secondes plus tard, il avait atteint le gue. Ses adversaires etaient encore une bonne quinzaine de metres plus loin...Il sauta de son cheval, et sortit son arc en bois noir. Tout en murmurant des prieres etranges, il sortit une fleche, et barra la route des deux hommes.
Il banda l'arc, visa, tout en murmurant...une fleche noire vola dans l'air, et se planta dans la poitrine du cheval des deux hommes, qui s'ecroula par terre, mort. Le Lefnui sourit a nouveau, et sortit un glaive court, s'approchant des deux hommes pour les achever. Le gue se trouvait quelques metres plus loin...

Non loin du bois où ils se trouvaient, le gué que Furgas souhaitait emprunter était là à porter de mains ou plutôt de sabots. Le vieil homme se dit alors qu'ils avaient une chance de leur échapper, les cavaliers derrière eux semblaient être distancé pour un temps. C'est alors que les deux fugitifs virent une silhouette entre eux et le gué. Un homme qui descendit de sa monture et semblait se saisir d'un arc... Un frisson parcoura l'échine de Furgas, ces hommes ne s'avoueraient-ils jamais vaincu ?

Apparemment non.

La flèche partit, traversant l'air et foudroyant sur place la monture des deux Agents. Ils chutèrent au sol, sans toutefois se blesser gravement, Furgas ressentit malgré tout quelques douleurs au dos. Alruc rampa vers Furgas, en gémissant, il lui murmura alors quelques mots.

"Furgas, laissez-moi faire. Quand j'agis, courez vers le gué, ne vous retournez pas !"

Le retraité ne voulait pas l'écouter. Alruc comptait-il aussi se sacrifier comme l'avait fait Jolosin ? Le guerrier roux allait-il bloquer l'archer et ainsi permettre à Furgas de s'en fuir ? Peut-être...
L'archer se rapprochait, glaive à la main, sourire aux lèvres. Sa certitude de dominer ces deux figitifs diminués et éreintés serait peut-être sa faille. Et Alruc devait en profiter...

L'épée se rapprocha de l'homme du Lac aux cheveux de feu, qui jouait l'étourdi. C'est alors qu'il saisissa son épée et se jeta sur leur agresseur. Mais Alruc n'avait pas l'intention de mourir ici, s'il le pouvait il rejoindrait Furgas qui s'était mis à courir vers le gué.

Le gué … Alâgos et ses Lefnuis avaient reçu l'ordre formel de ne pas le franchir …

Si l'archer qui avait décroché quelques minutes auparavant ratait son coup, s'en serait terminé de la poursuite. La mission était de toute façon couronnée de succès, ils avaient mis un terme aux investigations d'une bandes d'infidèles en provenance du royaume d'Arnor. Des curieux au service du roi Aldarion …

Cependant, le Canthui mettait un point d'honneur à rattraper le félon qui s'était permis de libérer un de leur prisonnier. Il fouettait l'encolure de son cheval afin qu'il aille toujours plus vite hurlant des injures à l'adresse de ses deux cibles qui avaient disparus dans le petit bois.

Il finit par atteindre les premiers arbres à son tour et calma sa monture, la forçant à continuer au trot tandis que la lumière se faisait plus rare sous le dense feuillages. Inutile de prendre le risque d'une chute. Le Lefnui resté avec lui le suivait de près, s'adaptant au rythme du Canthui …

Il leur fallu quinze bonnes minutes pour enfin apercevoir la fin du petit bois. Alâgos savait que juste après se trouvait le gué. Prudent, il fit signe à son disciple de mettre pied à terre. Ils allaient continuer à pied …

Tenant leurs chevaux par la brides, ils dépassèrent les derniers arbres pour déboucher sur un espace plat et verdoyant, baigné de soleil …

C'est là qu'il vit son autre disciple aux prises avec un des deux infidèles …

L'Affidé se précipita vers les deux combattants, suivit de son Lefnui, l'épée levée au dessus de sa tête ...

HRP Pardon... HRP



Ses dents jaunatres toujours devoilees dans un sourire cruel, le Lefnui s'approchait des deux hommes, glaive en main. Ils etaient etourdis, probablement blesses. Un travail facile...le tir a l'arc etait pour lui tout un art, mais il aimait bien achever ses victimes. Les yeux grands ouverts de terreur, remplacee par le choc et la douleur lorsque sa lame courte s'enfoncait dans les entrailles...le Lefnui aimait bien tuer. Avoir le pouvoir sur la vie et la mort des humains lui donnait un enorme plaisir.

Mais cette fois etait differente. L'archer fut entierement pris par surprise lorsque l'homme roux s'elanca dans sa direction, epee en main. Trop tard il leva son bras dans un geste defensif; l'acier de la lame de l'Agent laissa une longue marque roue sur son avant bras. Un cri de douleur et de frustration sortit de la gorge du Lefnui. Une blessure pareille l'empecherait d'utiliser son arc pendant des longues semaines...Il essaya d'attaquer a son tour, mais il ne pouvait s'egaler a son adversaire...il etait fait pour semer la mort a distance, et, malgre qu'il etait capable de se debrouiller contre un bandit ou un paysan, il etait loin d'etre un bretteur exceptionnel. Pas apres pas il reculait, parant les coups acharnes de l'homme roux avec difficulte.
Soudainement, une lueur de triomphe apparut dans ses yeux. Il vit ses deux compagnons apparaitre enfin dans son champ de vision. Il etait sur que le canthui saurait se debrouiller avec ces deux chiens...

Ne voulant plus risquer sa vie, il se mit a reculer dans la direction de sa monture. Le sang coulait en abondance de la blessure sur son bras, trempant son gilet noir.

Le duel tournait en faveur d'Alruc, il fut soudain soulagé lorsqu'il se rendit compte que son adversaire était certes un bon archer mais un piètre épéiste... comparé à lui en tout cas. Il devait en tirer profit. L'homme ne cessait de reculer et sa manoeuvre était évidente, atteindre son cheval et déguerpir au plus vite. Alruc entendit alors des cris derrière lui, le Canthui et le troisième guerrier étaient arrivés et s'apprêtaient à le charger. Le guerrier roux comprit vite que la situation devenait critique, traverser le pont c'était sa seule chance.

Sans attendre, Alruc dévia la lame de l'archer une nouvelle fois et lui assena un violent coup de coude au menton. L'homme lâcha un cri de douleur et l'Agent en profita pour courrir vers le gué, Furgas l'avait déjà traversé. Mais Alagos dans son élan avait rattrapé Alruc et le bouscula finalement le faisant chuter en avant.
Le guerrier roux se retourna sur le dos et vit la large épée du Canthui fondre sur lui, il roula sur le côté et frappa de toutes ses forces. Le genou droit d'Alagos céda, les os se brisèrent dans un fracas horrible, le géant poussa un cri et Alruc put se relever. Pointant son arme vers le Canthui, l'Agent de Sirion ne prit pas la peine de réfléchir et acheva son ennemi en lui tranchant la gorge.

"Ca c'est pour Megrez !" dit-il alors que le corps d'Alagos s'effondrait sans vie.

Le Lefnui restant s'était arrêté dans sa course, Alruc respirait difficilement, la fatigue se lisait sur son visage. Le Lefnui le sentait, il avait l'avantage. Les deux hommes marchèrent sur le côté, décrivant un cercle, un cercle de mort. Quand soudain alors que le Lefnui était dos au gué, et allait passer à l'action, une lame vint transpercer son torse de l'arrière. L'homme s'effondra et Furgas apparut derrière son cadavre.
L'archer, lui, avait disparu..

Alruc était reconnaissant envers Furgas d'etre intervenu.

- Enfin morts. Merci Furgas...
-Inutile mon garçon, c'est toi qui a fait le plus dur. A présent nous devons prévenir Ibn-Lahad. Nous avons des choses à lui dire.

Son compagnon acquieça puis tous deux se mirent en route. A la nuit tombée, ils établirent un petit camp. Cette nuit-là ils ne parvinrent pas à trouver le sommeil...