Requête et Enquête

La Vieille Bâtisse n’était que peu éloignée de son logis. Il avait fait quelques détours afin de s’assurer de n’être point suivi. Son poursuivant de la veille n’avait pas reparu à son grand soulagement. A son souvenir il n’avait jamais mis les pieds à l’intérieur de ce bâtiment. Il était passé plusieurs fois à proximité sans jamais s’y attarder n’ayant jamais eu à faire appel à des mercenaires. Il se trouvait plus à l’aise dans une auberge auprès de voyageurs impénitents qu’auprès de brutes épaisses et sans cœur. Du moins c’est l’idée qu’il se faisait de ce type de personnes selon lui peu fréquentables, quoi que fort utiles en temps voulu. Il les avait suffisamment fréquenté durant les des différentes guères auxquelles il avait participé marginalement. Leurs récits étaient encore plus épiques que ceux des soldats des armées royales. Et toujours fort de leur vaillance chevaleresque ils n’hésitaient pas à intervenir dans les récits de leur compagnon pour ajouter moult détails sanglants.

Il ne connaissait aucun membre de près ou de loin de la Guilde des Griffes d’Ammoth. Ce qu’il avait lu de l’organisation avait fait sauter quelques uns de ses préjugés la veille au soir. Tout semblait soigneusement structuré au sein des Griffes. Cependant il ignorait totalement quel était l’étendue de leur réseau et qui étaient les personnes avec qui ils commerçaient ou à qui ils proposaient leur service. Ils étaient liés d’une quelconque façon au pouvoir officiel, mais il ne connaissait pas très bien non plus les termes du contrat. L’avait-il toujours respecté d’ailleurs ? Il n’en était pas certain.

D’autres questions lui vinrent à l’esprit tandis qu’il s’approchait du large et haut bâtiment. Ils ne devaient pas être très dépensiers : la bâtisse était mal entretenue et extérieurement elle donnait peu envie à l’étranger d’y entrer. Une demeure sommaire pour des rustres ? Ou un moyen de limiter les attentions curieuses ? Un peu des deux sans aucun doute.

Il s’avança vers ce qui lui semblait être la porte principale. Quelques personnes rôdaient aux alentours mais il ne sut déterminer s’ils agissaient pour le compte des Griffes ou non. Ils le regardaient avec quelque hostilité une antipathie manifeste. Peu encourageant. Cependant ce n’était pas quelques rougeauds braillards qui l’impressionneraient de si tôt. Il en avait connu d’autres avec des mercenaires Rohirrims.

Il pénétra en les lieux et se trouva au sein d’une petite pièce vide et froide, aussi mal entretenue que le reste de la construction. A architecture pauvre, mobilier pauvre : une simple table dans un coin avec une chaise en bois. Il n’y avait personne. Il prit son mal en patience et attendit que quelqu’un se présente à lui. Sans quoi il continuerait plus avant et franchirait la porte qui se trouvait de l’autre côté de la pièce pour découvrir ce que pouvait receler un tel bâtiment.

#Nathanael

Ce fut comme si le pic du Caradhras s’était soudain dressé devant lui. Il avait déjà vu d’autres types de montagnes se présenter devant lui, mais en l’instant il ne s’était pas attendu à voir apparaître une telle carrure dans une si petite pièce. L’espace libre diminuait considérablement. Par réflexe il jeta un œil discret vers l’embrasure de la porte mais rien ne le surprit. Des sons lui parvinrent qui lui rappelaient ceux des camps militaires durant la guerre au Rohan ; lorsque la nuit avait recouvert de son voile le souvenir des assauts sanglants de la journée, les guerriers les plus zélés continuaient de s’entraîner entre eux ou affutaient leur arme en attendant que de nouveau elle passe le corps de l’ennemi.

L’homme avait tout du mercenaire tel que l’homme à l’esprit le plus simple pouvait se le représenter. Grand, musclé, et à l’hygiène quelque peu douteuse à en juger par le manque de soin qu’il apportait à son cuir chevelu (à défaut de pouvoir parler de cheveux). Cependant il ne manifesta aucun geste brusque ou agressif et son ton, ses paroles, mi figue mi raison, lui laissèrent penser qu’il y avait plus en cet esprit que le corps ne voulait bien le montrer.

« Vagabond » … Il eut un sourire discret et ironique, comme pour manifester au géant qu’il acceptait ce surnom passager. Il n’avait réalisé aucun effort pour s’habiller plus convenablement. Mais en soi, l’idée de mettre les pieds dans un nid de mercenaires ne l’avait pas motivée pour sortir ses plus beaux atours. Il n’avait pas même eu l’idée de se créer une nouvelle identité pour pénétrer ici-bas.

- Nullement perdu comme je suppose que vous le devinez.

Il ne continua pas tout de suite et prit le temps d’observer une fois encore l’homme massif devant lui. Il s’était attendu pendant une fraction de seconde à voir débarquer là quelque autre personne. Il avait essayé d’identifier la montagne à un des profils qu’il avait pu étudier la veille au soir sur les longs parchemins que lui avait confié Gilgamesh, mais sans grand succès. Les informations n’étaient plus toutes fraîches et ne déclinaient pas exhaustivement l’identité de tous les membres des Griffes d’Ammoth. Il saurait plus tard à qui il avait vraiment à faire, ce n’était pas urgent.

- Cependant je vous retourne la question : en quoi pourrais-je vous aider ? Car je ne suis point ici de par ma propre volonté. Mais peut-être ne pouvez-vous me répondre. Je souhaiterai discuter plus amplement avec votre supérieur, s’il en est.

Il n’osa s’aventurer plus loin et prononcer un nom qui n’avait peut-être déjà plus cours en ces murs. Il lui avait semblé que les Griffes d’Ammoth connaissaient quelques variations régulières de hiérarchie depuis la disparition de leur ancien meneur, Silence.

#Nathanael

Les mercenaires étaient toujours aussi coriaces ! Les Griffes d’Ammoth avaient des recrues tenaces. Il ne savait s’ils l’étaient autant au combat, mais ceci n’annonçait rien de bon pour leurs adversaires. L’objectif de sa mission en serait affecté sans doute, et il commençait à se demander dans quelle nouvelle aventure informationnelle il se lançait à présent. Il nota cependant un détail assez important selon lui : ni Douleur, ni Chimère ne lui avaient été présentées comme les supérieurs des Griffes. Disparues elles aussi ? Ou bien la montagne cherchait-elle à filtrer toutes entourloupes ? Disparues ou bien en mission … il lui faudrait vraiment se renseigner plus à ce propos.

- Mon nom est Sangar. Ce sont les pouvoirs officiels de la Cité Blanche qui m’envoient auprès des vôtres, à votre demande. Je suis ici pour en apprendre plus. Quant à la teneur de l’enquête qui m’a été proposée je ne puis en dire d’avantage, ne sachant pas moi-même de quoi il retourne.


Il s’était mis à parler une fois que la tête derrière la porte avait disparu. Il ne savait où il mettait les pieds et la prudence et la discrétion étaient de mise. Il n’était certain d’aucune chose. Le stylet contre sa cuisse vint lui rappeler qu’aucun danger n’était écarté face à l’inconnu. Maigre réconfort. Etreinte semblait bien porter son nom et il n’avait nulle envie de goûter à l’étau des bras de la montagne.

Il ne pourrait rien de dire de plus, du simple fait qu’il n’en savait pas plus, sur sa mission en tout cas. Il n’était pas à l’aise cependant. L’air était lourd malgré l’hiver. La chaleur dégagée par les corps en mouvement des mercenaires au combat ne devait pas y être étrangère, mais il n’était pas dans son élément auprès de telles brutes épaisses. La violence n’avait jamais été dans sa nature. Il l’avait toujours fui et ne souhaitait absolument pas en être victime, pas plus qu’il n’aimait être bourreau, quoi qu’il préférât encore être de ce côté-ci de la barrière.

Après s'être échangé un regard quelque peu inquiet entre eux, le mercenaire Etreinte prit à nouveau la parole :

- Esce dans vos cordes ? Faisant partit des services officiels, vous aurez surement plus de facilités à avoir l'avis de la population, d'éventuels témoins et de non dits que nous aurait éventuellement caché les miliciens... Qui ne nous considères pas particulièrement bien...

Efficacité, rapidité et concertation. Les Griffes n’étaient plus à présent à ses yeux qu’une simple Guilde de Mercenaires assoiffée de sang. Ils étaient trop bien organisés pour n’être que des soldats à la recherche de combats et de quelques juteux butins. Bien qu’il supposât que cette dernière possibilité ne devait jamais être totalement laissée de côté. Il observa attentivement le petit manège d’Etreinte et l’arrivée de deux nouveaux visages. Le premier homme lui était totalement inconnu mais il n’omit aucun détail particulier de ses traits, dans le cas où il aurait de nouveau à faire à lui ultérieurement. Le second homme cependant lui dit quelque chose. Il l’avait déjà aperçu une ou deux fois mais n’avait pas fait plus attention que cela à sa personne. Il lui semblait qu’il s’était nouvellement installé comme marchand ambulant mais n’en savait pas plus. Il ne manifestait aucune particularité, aucun signe qui put le rattacher à la guilde. Ainsi tout homme qu’il croisait dans la Cité Blanche pouvait travailler pour les Griffes d’Ammoth. Il appréciait cette forme de discrétion qui faisait selon lui toute l’efficience d’une organisation.

L’Innocent … il ne lut pas beaucoup d’innocence dans le regard de l’homme qui se trouvait en face de lui. Sans doute était-il susceptible de le paraître quand la nécessité se faisait sentir. Il n’avait pas vu avec précision les signes réalisés par Etreinte, mais il avait bien compris qu’un langage codé propre à la Guilde, ou à quelques uns de ces membres, venait d’être employé. Gilgamesh ne le lui avait pas signalé dans les parchemins. Il ne possédait donc que quelques pièces d’un dessin qu’il découvrait toujours s’élargissant devant lui.

Il mit fin à ses quelques réflexions lorsque la montagne l’invita à les suivre. Les deux mercenaires n’ayant manifesté aucun signe d’agressivité il n’eut aucune suspicion en les suivant. Ils semblaient trop francs pour le duper de quelque façon. Il regarda avec intérêt les mercenaires se battre. La salle ne présentait aucune dorure, ni ornements, ni richesses. Les portes dans le couloir ne présentaient pas non plus de signes manifestes de bénéfices excédentaires dans les caisses des Griffes.

Rusticité et simplicité. Il n’y avait guère d’autres mots plus convenables. Il prit place à l’invitation d’Etreinte. Il ne dit rien et écouta en silence L’Innocent annoncer ce qu’il aurait à faire. Ces derniers temps bien des gens semblaient disparaître inopinément. Hirlon et Marach : ces deux gamins aussi avaient disparu de Minas Tirith. Du moins s’étaient-ils soustraits au giron de Gilgamesh et du pouvoir officiel. Une nouvelle recrue qui plus est : trahison ou enlèvement ? Déjà de nombreuses questions s’insinuaient en son esprit.

- Pensez-vous qu’il ait disparu de lui-même ou que quelqu’un l’ait soustrait à votre vigilance ? J’ai besoin de connaître les soupçons que vous porter à son égard. Quel degré de confiance accordez-vous à cette nouvelle recrue ? Je saurai mieux mener mes investigations si je sais mieux cerner le sujet de mes recherches.

Il n’avait répondu ni par oui, ni par non à la question d’Etreinte. Mais en manifestant ainsi sa curiosité, il répondait implicitement par l’affirmative.

- Quand à ma connivence avec la milice, elle est quasiment nulle. La discrétion ne me permet pas de m’adresser directement aux soldats du Pouvoir Royal. Ils ne sont pas les meilleurs informateurs et ont tendance à se mêler d’affaires qui ne les concernent pas.

Il ne s’avança pas plus dans la discussion. Ses pratiques et méthodes ne regardaient que lui et tout lien avec les Services de l’Arbre Blanc ne devait pas être trop explicitement étalé.

- La preuve en est qu’ils ne vous témoignent guère de sympathie, mercenaires ou non. Ils m’entraveront plus qu’ils ne m’aideront.

Etreinte eut un petit sourire en coin lorsque Nathanael partagea son avis sur les miliciens. Le mercenaire scruta son confrère, lui reléguant le développement du sujet. L’innocent n’avait toujours pas changé de mine, grave et froid : difficile de savoir si cela était en rapport avec la présence d’un agent officiel ou de l’importance du sujet traité. Sûrement était ce un mélange des deux.

- C’était un jeune impétueux à peine devenu un homme. Blond et de taille moyenne. Orphelin, ayant perdu sa mère à sa naissance et son père lors du dernier siège Haradrim sur la cité, il y a de cela plusieurs années… C’est à ce moment là que nous l’avons pris sous notre aile. Nous l’avions déjà repéré par son assiduité au travail, alors qu’il était assistant chez un marchand du quartier…

- Dynamique, c’était un gamin qui en voulait. Souligna Etreinte.

L’Innocent acquiesça sans afficher la moindre émotion, toujours aussi sérieux.
- Il était à peine formé, mais on le connaissait depuis assez d’années pour pouvoir lui faire confiance. Et il avait trop de fierté pour nous avoir déserté sans raison… Non, il n’y a aucune raison pour qu’il ce soit volatilisé. S’il avait vraiment voulu nous faire faux pas, il aurait dut être dissimulé par plusieurs hommes, à moins qu’il ne se cache toujours dans une nouvelle planque qui nous serrait inconnu… Encore une fois, il n’avait aucun motif pour ainsi disparaître.

L’innocent lança un petit coup d’œil en coin à son confrère, lui léguant la parole :

- Il y a vraiment quelque chose de louche dans cette histoire, une pièce manquante… Commença Etreinte, tout en se grattant la nuque d’un mal à l’aise invisible. C’est souvent assez chaotique au marché, mais il y a bien trop de monde pour que des méfaits graves aient lui, même si l’encombrement joue en la défaveur de la milice… Et puis, honnêtement, nous n’avons jamais eut assez de notoriété pour qu’on s’attaque directement à nous. Peut être étais-ce une erreur ? Un malentendu ? Aucun motif ne nous vient en tête… Nos autres agents du secteur sont des hommes sûrs, leurs alibis sont en étude mais nous n’avons pas de problèmes internes à ce niveau…

Etreinte eut un léger sourire, rapidement condamné par son confrère qui effectua une moue discrète à son attention. L’innocent se chargea de la conclusion :

- Nous sommes a votre disposition pour vos questions, mais nous ne serrons pas forcément capables de vous aider sur le terrain durant votre enquête.

Cette affaire serait plus complexe qu’il ne l’avait d’abord pensé. Les membres des Griffes doutaient de leurs alliés tout en se méfiant de membres extérieurs à leur guilde. La menace était tout autant interne qu’externe. Bref, ils semblaient être réduits à ne pouvoir faire qu’intervenir quelqu’un de l’extérieur, sans quoi chacune de leur recherche serait soupçonnée et par la suite détournée. Autre chose lui venait à l’esprit : c’était un jeune homme qu’il fallait rechercher. Une connivence quelconque avec sa mission plus officielle ? Il n’en savait rien. Mais il ne pouvait se permettre de laisser planer le doute à ce sujet. S’il pouvait faire d’une pierre deux coups, il ne fallait pas qu’il lâche la pierre avant d’avoir pu la jeter.

- Comment se nomme cette jeune personne ?

Il n’osa employer l’imparfait. Il espérait que le garçon faisait toujours partie du monde des vivants. Au fond, quelle importance ? Ses questionnements et recherches devaient lui permettre de retrouver l’adolescent, mort ou vif, Etreinte et L’Innocent ne l’avaient pas encore précisé.

- Tenez-vous à récupérer ce jeune homme pour l’intérêt que vous lui portez ? Ou cherchez-vous plus largement à découvrir la motivation de sa disparition ?

Il prit le temps de respirer avant de s’expliquer plus longuement. Il ne voulait pas paraître inutilement curieux. Ses questions étaient motivées.

- Car il peut être fort facile de retrouver par hasard un jeune homme dans les ruelles de la Cité Blanche, ou plus loin s’il le faut, sans que ne puissent jamais être élucidées les raisons de sa soudaine disparition, si jamais il y en a.

Ses premières réflexions le menaient au même point que l’Innocent. Si le jeune membre des Griffes était zélé il ne serait parti subitement et sans explication à moins que sa disparition n’eut été mûrement réfléchie ; ce dont il doutait très largement de la part d’un « jeune impétueux ». Les causes de son « envol » en un temps et en un territoire inconnu lui posaient plus de difficultés : « nous n’avons jamais eu assez de notoriété pour qu’on s’attaque directement à nous ». Et si cette notoriété avait cru trop rapidement au goût d’une quelconque personnalité en manque de reconnaissance ? Combien des anciennes Griffes auraient pu en vouloir à la guilde ? Les anciens capitaines ou chefs des Griffes d’Ammoth n’auraient-ils pas pu revenir à la lumière en agissant dans l’ombre ?

- Votre intervention, directe ou indirecte sur le terrain ne me sera pas d’une grande utilité de toute manière.

Il leur présenta les faits comme il pouvait les supposer.

- Que l’acte ait été le produit d’une intervention interne ou externe, vous serez surveillés. Je ne reviendrai pas ici avant d’avoir retrouver ce garçon. Sans nul doute que je perdrai toute ma crédibilité si jamais on venait à apprendre que je travaille pour vous. Il me faudra cependant un contact – infaillible et loyal, incorruptible. Celui-ci me permettra de vous faire parvenir des informations nécessaires, tout comme il pourra me renseigner si jamais d’autres interrogations font jour en mon esprit.

Il toisa du regard L’Innocent et Etreinte. Le second ne serait jamais assez discret pour lui faire parvenir un quelconque message. L’Innocent aurait pu plus sûrement jouer ce rôle, mais il n’était pas sûr que personne ne puisse le reconnaître comme un membre de la Guilde.

Un autre souci lui fit froncer les sourcils. Mais ce souci était secondaire, en tout cas pour la mission en elle-même. Important en revanche en ce qui le concernait personnellement. Gilgamesh ne lui en avait pas parlé, mais il escomptait bien être rémunéré pour ce travail.

- Je ne puis répondre seul à cette question. Combien êtes-vous prêts à me payer pour ces recherches ?

- Son nom est Ostor, fils du soldat Turher et de la dame Ivrineth. Déclara machinalement Etreinte.
Et bien sur, nous estimons assez le personnage pour espérer le retrouver, mais nous sommes particulièrement attachés à connaître la motivation de sa disparition. Quand à le retrouver par hasard, c’est peu probable, il n’avait manifesté aucun rejet de nos doctrines et nous avons assez de paires d’yeux dans le secteur pour qu’on soit informé d’un manquement à son devoir. A moins d’avoir été catapulté en dehors de la cité, il doit toujours être dans les environs de la place du marché.

Après avoir écouté la suite des reflexions de l’espion, l’Innocent prit rapidement la parole :

- Votre observation est judicieuse, Sangar… Mais nous ne sommes pas encore prêt à partager nos atouts avec les services de notre employeur commun. Je m’occuperais d’être votre ‘Contact’ et n’ayez crainte, je saurais me montrer assez discret… Si vous désirez avoir un tête à tête privé, la ville ne manque pas de messagers intermédiaires… Définissons simplement une série de lieux de rencontre et un mot de code que nous modifierons après chaque adieu.

L’Innocent afficha son premier sourire depuis le début de leur discussion, comme si l’approche d’une conclusion à cette ci méritait quelques célébrations. Devant l’absence de reprise de parole de son confrère, Etreinte se permis de répondre à la dernière demande de Nathanael.

- Votre employeur à 500 écus à vous transmettre, si ce n’est pas déjà fait. Un deuxième versement équivalent vous sera fait en main propre une fois que vous aurez conclus votre enquête. A cela pourra venir s’ajouter une prime pouvant aller jusqu’à 1000 écus si vous retrouvez le personnage et les raisons de sa disparition sous une semaine. Si vous deviez encourir des risques particuliers durant votre travail, nous sommes bien sur prêt à vous verser quelques pièces de plus.

Les deux mercenaires scrutèrent le visiteur avec un certain sérieux.

Il acquiesça simplement pour signifier qu’il avait enregistré les différentes informations à propos d’Ostor. Il ne savait s’il pourrait réellement utiliser ce nom indifféremment dans les rues sans attirer l’attention. Il lui faudrait user de beaucoup de doigté dans cette affaire sans quoi sa prise risquerait de lui filer entre les doigts. Et il n’y avait rien de pire selon lui que de revenir les mains vides.

Les Griffes se sentaient intimement touchées par cette disparition : ils avaient un adversaire officieux. Interne ou externe, peu importait pour le moment, mais ils avaient manqué de vigilance et s’étaient laissés surprendre. Les Ombres ? L’idée lui vint au hasard, un détour subit de son esprit. Pourquoi pas ? Ou tout simplement, pourquoi ? Il ne manquerait pas de fouiner de ce côté ci de la clôture.

Paradoxalement les Griffes semblaient posséder beaucoup de paires d’yeux, mais aussi beaucoup d’aveugles. Comment pourrait-il retrouver un jeune homme lui étant parfaitement inconnu dans un fatras de populace mal dégrossi ? Plonger dans les caniveaux de la Cité Blanche, ramper aux côtés des pires serpents pour leur extorquer leur venin avant que de se faire mordre. Bref – faire son métier. Cette pensée le répugna une seconde et se manifesta par un nouveau froncement de sourcil qui n’eut aucune cause apparente.

- Je ne vous forcerai pas à partager quoi que ce soit avec moi. Il m’était important de vous signifier que j’aurai peut-être besoin de plus de détails sur son signalement au cours de mes recherches. Mais ce que je sais à présent est plus que suffisant.

Il s’abstint également de « signifier » qu’il en savait plus qu’il ne voulait bien l’avouer sur la guilde en question.

- Je suis économe en moyens et dispose de ressources personnelles déjà suffisantes. La question économique est réglée. Je ne vois donc aucune raison manifeste de demeurer plus longtemps entre ces murs.

Ses lèvres s’étirèrent en un sourire discret et empreint d’une certaine malice. Il disposait en réalité de maigres ressources mais il n’avait guère l’habitude de récolter un pécule plus important que ce dont il avait réellement besoin. Il ferait pourtant tout son possible pour résoudre l’affaire en moins d’une semaine.

Il se retint d’abuser de l’hospitalité de ses « hôtes ». Il ne leur demanderait pas aujourd’hui s’ils avaient connaissance de la disparition d’Hirlon et Marach. Etreinte et l’Innocent paraissaient peu disposés à divulguer quoi que ce soit les concernant de près ou de loin. Son silence le protégerait de toute rancune ou mauvaise pensée pour le moment du moins.