Le Roi et l'Intendant

Deux semaines avant que le Roi ne parte en guerre pour Assabia

Radamanthe n’avait guère eut l’occasion de voir de le Roi depuis le désastre qui était arrivé à Meduseld. Il savait celui-ci profondément affecté par l’enlèvement de son deuxième fils. Le Roi de Gondor se retrouvait à nouveau sans héritier, et il allait bientôt se retrouver sans Intendant.
Le Prince d’Ithilien s’énquérit auprès des gardes si le Roi était actuellement occupé. En même temps qu’ils répondirent par la négative, ils ouvrirent déjà les portes, car l’Intendant, de par sa nature, était un de rares personnages à pouvoir pénétrer dans la salle du Trône sans demander d’audience préalable.
Il s’approcha à pas lents, et du haut trône de marbre, Méphisto pouvait voir que son plus fidèle conseiller avait revêtu des habits officiels et plus encore, il tenait à la main droite de la baton blanc de l’Intendance, symbole de sa fonction. Lorsqu’il arriva à la hauteur de son propre siège, Radamanthe s’arrêta, salua respectueusement et dit :

«　Salut, Mon Roi. C’est pour une affaire de la plus haute importance que je viens vous voir. L’Emir Jonak Duzingi de Harondor est mort, Mon Roi. Et vous n’ignorez pas que j’ai acquis dans les dernières années un statut important dans l’ordre de succession. Aussi important que l’ancien régent Nimrod. Plus encore, en fait, car, j’ai reçu tout à l’heure la nouvelle… C’est moi que les anciens veulent voir prendre la relève de la lignée des Duzingi.　»

#Radamanthe
Radamanthe marqua une pause, sans doute pour plus d’effet, pour laisser bien le temps à son interlocuteur de saisir ce que représentait cette nouvelle. Puis il continua :

«　Je vous en prie donc, mon Roi, de ne pas voir d’objection à l’avis des anciens et de me laisser remettre entre vos mains le symbole de la fonction d’Intendant, que je ne puis continuer à porter…　»

Le Roi fixa le futur ex-Intendant de Gondor de ses yeux bleus. Il prit la peine de peser l'ampleur de ces paroles, et après un bref soupir répondit:

" Je ne ferai point objection, Radamanthe. Longtemps, tu m'as épaulé de la meilleure des façons. Tu es sans contexte l'un des plus grands Intendants de Gondor. Et néanmoins .. cette nouvelle me chagrine. Quels temps obscurs se préparent à l'horizon ? Je ressens ce malheureux sentiment qui est de perdre ses proches les uns après les autres. Mais quel Roi t'interdirait la voie que tu as choisi ? Pas un bon Roi, je gage.."

Un silence de gêne accompagna la réponse du Roi. En effet, les deux hommes avaient appris à se connaître et à se respecter durant de longues années. Ils avaient connu maintes batailles ensemble, et le Seigneur de Gondor avait toujours apprécié l'Intendant. Et maintenant, à la croisée des chemins, Radamanthe choisissait le Sud, l'Harondor.
Le Roi se leva du trône et fit signe à son fidèle vassal d'approcher.

"Alors apporte-moi le Bâton blanc de l'Intendance, et reçois ma bénédiction. Mais n'oublie pas que tu seras toujours le bienvenue en Gondor et en Cité Blanche. Ta présence me manquera, certes, mais elle sera certainement utile en Harad. Et mon coeur me prévient que l'on se reverra assez vite, peut-être même plus tôt que prévu.."

#Méphisto

Radamanthe esquissa un faible sourire. Les compliments du Roi venaient encore nourrir son orgueil déjà rassasié par cette nomination au plus poste dont il pouvait rêver. Celui qui ne serait plus Intendant de Gondor dans quelques instants ne cachait pas sa fierté.
Il s’approcha comme on le lui demandait et quand il arriva tout près du Roi Méphisto, il posa un genou au sol et lui rendit la baguette blanche, symbole du pouvoir qu’il lui avait jadis confié. C’était ainsi fait. Radamanthe n’était maintenant plus l’Intendant de Gondor. Pendant, une vague de souvenirs nostalgiques le frappa, et il se rappela comment, après mené la guerre en Harad et tué le Sultan de ses mains, il avait été appelé, et avait reçu le rang d’Intendant, laissé vacant depuis de nombreuses années. Il se rappella maint et maint conseils et batailles, celle notamment où au côté du Roi et de tous les autres Seigneurs des Peuples Libres il avait combattu un Dragon. Mais à ce moment, c’était comme second qu’il officiait. C’était maintenant une époque révolue…

«　Je vous remercie mon Roi. Je veillerai de mon côté à ce que les relations entre Gondor et Harondor ne puissent qu’aller de l’avant. Que toujours les Valar vous guident dans vos décisions, pour la gloire de Gondor que jamais je n’oublierai.　»

Il y avait cependant une question qui lui taraudait l’esprit. Les paroles du Roi ne l’avaient en aucun cas éclairé là-dessus. Oh, ce serait mentir que de dire que cette question venait lui apparaître maintenant. Non, il y avait déjà pensé avant, bien entendu. Il y allait de son intérêt… Mais il devait choisir ses mots soigneusement. Le sujet semblait délicat, oui, délicat.

«　Mais à propos de mes relations avec Gondor, mon Roi… Je me demandais, quant est-il de l’Ithilien ? Vous m’avez confié ce fief en même temps que l’Intendance, mais … si je ne me trompe, les deux ne sont liés par tradition que depuis Sa Majesté Elessar… C’est-à-dire que’il s’agirait là d’un moyen de rester davantage liés, et en Emyn Arnen se trouvent nombres de mes possessions et j’ai là des collaborateurs qui me sont chers. .. Sans oublier que je vois quelques avantages politiques pour le futur à ce que l’Emir soit également titré en Gondor… Alors dois-je également remettre les clefs d’Emyn Arnen en même temps que le Bâton Blanc ?　»

Le Roi avait oublié de détail. Mais pas l'ex-Intendant. Et il sembla à Tar-Méphisto que cette question était depuis longtemps dans l'esprit de son vassal. Un léger doute l'envahit quant à l'ambition de son plus précieux conseiller. Depuis toujours, le Souverain avait apprit à garder sa confiance pour quelques personnes sûres seulement. Radamanthe en faisait partie, bien entendu, car après toutes ces années, une relation bien au-delà d'un rapport politique s'était tissée entre les deux hommes.
Néanmoins les temps changeaient. Alors pourquoi pas les hommes ?

Le Roi réfléchit un instant, contemplant Radamanthe du coin de l'oeil, avant de lui répondre d'un air moins amical qu'au début de la conversation.

"Bien.. Je suppose que les titres d'Intendant et de Prince d'Ithilien ne sont pas dépendants l'un de l'autre. Aucune loi au Gondor n'affirme contraire. En toute logique, tu pourrais garder ce titre.."

Un silence s'installa, durant lesquel le Roi sembla un moment absorbé par ses pensées. Son regard alla d'un coin à l'autre de la pièce. Se penchant, il murmura à son vassal:

"L'ambition est une chose, mon ami. Mais l'orgueil en est une autre. Ne l'oublies pas. Beaucoup d'hommes recherchent le pouvoir, sans se douter que le plus dur n'est pas de l'avoir, mais bien de le conserver. Le Pouvoir peut changer un homme : reçois mes mises en garde et je te prie de ne pas les négliger.."

Il termina sur un ton nettement plus chaleureux.

"Alors va. Et ne te retourne pas. Que Manwë guide tes pas et tes choix ! Et que jamais ton coeur ne s'assombrisse ! Yahla, bonne route mon ami. "

Radamanthe se raidit un instant en écoutant la réponse du Roi Méphisto. Peut-être n'avait-il pas suffisament voilé ses propos. Le Souverain n'était-il pas descendant des plus grands ? Il avait davantage de clairvoyance que la plupart, et comme sa lignée, il était perspicace. Il sembla un moment à l'ex-Intendant qu'il avait été imprudent. Mais en fin de compte, cela était secondaire. L'essentiel était acquis.

"Ne t'en fais pas, Mon Roi, je garderai à l'esprit tes sages paroles. Je te jure que jamais mon coeur ne s'assombrira, et sache que je reste clairvoyant. Je ne vivrai pas aussi longtemps que toi et qui sait ce que l'avenir nous réserve... Alors peut-être viendra t-il un jour où tu seras bien content d'avoir encore davantage lié Gondor et Harondor..."

C'était sans doute le meilleur des arguments du Prince d'Ithilien pour garder ce titre, et il l'avait volontairement gardé en dernier. Radamanthe fit trois pas en arrière, laissant dans la main du Roi son passé qui avait la forme d'une baguette blanche.

"Au revoir, Tar-Méphisto, et merci. Et jusqu'à notre prochaine rencontre ! Salam lekhem ! LiGondor salamin ! (Paix sur toi ! Paix sur Gondor ! )"

Et il se retourna et s'en alla. Comme le lui avait dit son suzerain, il ne regarda pas en arrière. Non, de son dernier oeil, c'était le futur qu'il regardait, et ce futur se passait loin d'ici, à dur'Zork, dans les sables du désert d'Harondor.