Loyal! Mais...Envers qui?

Dùnlinde essouflée, avait dévalé les rues d'Edoras pour finalement arriver aux portes principales. Cherchant Rimbold du regard, elle ne le trouva pas et décida de s'engager plus en avant mais fut rapidement arrêtée par des gardes à la mine patibulaire qui rechignèrent à la laisser passer. Quelques paroles menaçantes plus tard, la jeune Cavalière fut enfin autorisée à passer. Mais où était donc Rimbold ? Dùnlinde scruta le paysage autour d'elle et finit par lever les yeux... Le garde royal était posté au-dessus de la porte. Dùnlinde hésita : aller le rejoindre ou attendre de recevoir des ordres ? Deux sentinelles étaient déjà postées devant la porte et Dùnlinde n'osa pas aller lse rejoindre. Elle résolut d'aller à la rencontre de Rimbold afin de recevoir ses ordres.

Tandis qu'elle se précipitait vers l'étage supérieur, Dùnlinde crut entendre des bruits de sabots devant la porte d'Edoras et même une voix s'élever. Une fois arrivée en haut, Dùnlinde resta quelque pas derrière Rimbold, observant les nouveaux venus. Dùnlinde n'avait jamais vu d'elfe et celui qui prit la parole était particulièrement intriguant, avec ses étranges tatouages verts. Les elfes venaient de Fondcombe, une ville que la Cavalière ne connaissait pas deux ans plus tôt et qu'elle aurait même été incapable à l'époque de situer sur une carte. D'ailleurs, ses lacunes culturelles avaient été nombreuses à combler. Dans son petit village, Dùnlinde n'avait presque jamais suivi de cours et ne connaissait de son pays que les quelques bribes dont l'informaient ses parents, des paysans. Lorsqu'elle arriva à Edoras, Dùnlinde fut prise d'une soif d'apprendre et voulut absolument rattraper le retard qu'elle avait accumulé toutes ces années durant. Heureusement, elle avait au moins appris à lire et régulièrement, après la fin de son service à la taverne, elle dévorait des chapitres de livres compliqués qu'elle ne comprenait pas toujours sur l'Histoire du Rohan, du Gondor ou portant sur des sujets divers comme la faune, la flore ou l'astrologie. Les résulats d'une lecture assidûe durant deux ans entiers portèrent leurs fruits en la jeune fille continuait à régulièrement se procurer des livres afin d'en apprendre encore plus.

Et malgré toutes les descriptions faites dans les bouquins, Dùnlinde resta abasourdie devant les elfes. Le groupe rangé devant les portes était composé presque exclusivement d'hommes et pourtant ils avaient une fluidité dans leurs mouvements qui manquait à beaucoup de soldats Rohirrims. Les elfes demandaient à voir Hogorwen et le ton de leur représentant n'était pas franchement amical. Se tournant vers Rimbold comme les deux sentinelles l'avaient fait, Dùnlinde attendit de voir comment le garde royal allait réagir.

La situation commençait à prendre un tournant que Dùnlinde n'appréciait pas vraiment. Les elfes semblaient méfiants et l'un d'eux avait porté la maison à son arme, provoquant l'ire de Rimbold. L'elfe qui avait parlé était habile, ses paroles coulaient comme une source limpide mais la tension était tout de même palpable derrière ses mots et lorsqu'elle s'adressa en elfique à son camarade, Dùnlinde comprit que tout ne se passait pas comme prévu. Assurément, ces elfes n'étaient pas attendus : ils n'étaient donc pas la raison pour laquelle Dùnlinde avait été appelée aux portes et sans doute devrait-elle s'attendre à ce qu'autre chose arrive dans peu de temps. D'un côté, elle se réjouissait de, pour une fois, se trouver là où l'action se passait mais de l'autre, elle sentait bien que les gardes Rohirrims ne seraient pas de taille face aux elfes et la réplique de Rimbold la fit craindre pour leur vie.

Elle s'était rapprochée du garde royal lorsque celui-ci avait lancé son appel et s'était tenue machinalement prête au combat, même si elle voulait l'éviter à tout prix. L'armée Rohirrim manquait décidément cruellement de tact féminin. Dùnlinde hésita à prendre la parole, mais n'osant pas de par sa position se contenta de lancer à l'oreille du garde royal en dialecte Rohirrim : "Ne leur montrons pas notre malaise, tentons de calmer le jeu en attendant qu'un ordre nous soit donné". Dùnlinde ignorait bien sûr l'absence d'Hogorwen à Edoras et ne comprenait pas vraiment pourquoi l'arrivée d'une délégation d'elfes, certes imprévue, causait un tel remous chez les Rohirrims. Lâchant la main de la garde de son épée, Dùnlinde se redressa afin de montrer ses intentions pacifiques. Elle croisa le regard de l'Héraut de Fondcombe, seule autre femme présente sur la scène. L'échange qu'elle avait eu avec son camarade avait grandement intrigué Dùnlinde : jamais la Cavalière n'avait entendu la langue elfique parlée et elle la trouvait très belle. Elle pensa à l'éventualité de l'étudier. Dans un cas pareil, avoir une connaissance de cette langue se serait révélé très utile. La messe basse échangée chez les elfes mettait Dùnlinde mal à l'aise. Un instant, une ombre d'un souci s'était révélé sur son front mais maintenant, son visage avait repris son impassibilité habituelle.

Quelque chose ne se déroulait pas comme prévu, elle avait commencé à le comprendre, et la nervosité des gardes ne faisait que la confirmer dans cette idée. Dùnlinde braqua son regard perçant sur chaque membre de la délégation elfique. A côté d'elle, les gardes Rohirrims semblaient prêts à combattre. Ne se rendaient-ils pas compte du danger qu'un affrontement représenterait ainsi que l'incident diplomatique qui en résulterait ? Ah, les hommes... Dùnlinde n'avait jamais vraiment apprécié les hommes, depuis son adolescence. Elle ne comprenait pas pourquoi eux avaient tous les droits et pourquoi les femmes devaient se contenter de rester à la maison en tissant des paniers en osier tandis que les hommes allaient s'engager pour leur pays et vivre des aventures trépidantes. Le seul homme qu'elle avait appris à apprécier était le maître qui l'avait entraînée durant ces deux ans passés à Edoras en tant que serveuse dans une taverne. D'ailleurs, son image de la gent masculine ne s'était pas arrangée durant cette période : les ivrognes fréquentant l'établissement où elle travaillait n'étaient pas vraiment de bonne compagnie. Dùnlinde savait qu'elle et ses camarades de l'Armée devraient finalement mettre leurs préjugés de côté : elle était toute disposée à le faire mais les hommes étaient encore abasourdis par son intégration à la Cavalerie... Qu'importe, elle leur prouverait sa valeur un jour ou l'autre.

Dùnlinde fut soulagée lorsque Hérold, de retour de sa mission d'héraut, transmit les ordres reçus au garde royal. Aussitôt, il invita les elfes à entrer et s'excusa de l'accueil que ceux-ci avaient reçu. Le Héraut de Fondcombe répondit dans les formes et Dùnlinde put comprendre que ce qui les amenaient était une affaire personnelle. Une affaire personnelle qui nécessitait l'intervention du Roi ? Les membres de la délégation devaient être très importants... Rimbold donna l'ordre aux deux gardes d'escorter les elfes et la jeune Cavalière en conclut qu'elle devait, elle, rester. Sa mission était-elle finie ? Dùnlinde en avait conclu plus tôt que non, mais Rimbold pouvait décider qu'il se passerait de ses services pour la suite. La jeune Cavalière ne savait trop comment s'adresser à Rimbold.

- Chef ? Dois-je disposer ou rester ? J'imagine que cette délégation n'était pas la raison de ma convocation, auquel cas elle n'aurait pas été un tel élément de surprise... Pourquoi ma présence aux portes a-t-elle été initialement requise ?

En effet, Dùnlinde n'avait pas été informée du pourquoi de sa convocation et voilà une bonne dizaine de minutes qu'elle se demandait ce qu'elle faisait donc là. Les elfes étaient maintenant en route vers le Palais, et une légère brume s'était levée sur les plaines au loin. Le vent soufflait dans les cheveux de la Cavalière : dans la précipitation, elle n'avait pas eut le temps de les tresser avant de partir. Une agréable odeur de soupe lui parvenait aux narines. Une soupe comme en préparait Elora, sa mère. Elle y mettait un peu tout ce qu'elle avait pu trouver et Dùnlinde y rajoutait souvent les résultats de ses petits larçins. Chaque jour, c'était le même repas : Soupe, soupe et soupe. Seuls les ingrédients variaient quelque peu même si les pommes de terres et les carottes étaient des éléments récurrents.

Alors Deomir portait la soupe à ses lèvres et invariablement, la trouvait trop salée. Ensuite, il buvait une bière : à l'époque, il était encore raisonnable sur la boisson. Dùnlinde débarrassait et faisait la vaisselle et chaque jour, la routine se répétait. Et puis Elora tomba malade, et mourut. Deomir sombra dans l'alcoolisme et Dùnlinde dût constamment le surveiller. La nuit tombée seulement, lorsqu'elle était sûre que son père ronflait comme un bienheureux, elle osait sortir aller s'entraîner sur son petit épouvantail abîmé : c'est qu'il en avait reçu, des coups, durant toutes ces années ! Et puis sa vie avait changé. Le Hasard avait tout de même bien fait les choses. Dùnlinde en était persuadée : si cet orage n'avait pas éclaté ce soir-là, si ces cavaliers n'avaient pas trouvé sa maison parmi les champs et n'avaient pas décidé d'y demander l'hospitalité, jamais, au grand jamais, elle n'aurait vu Edoras et jamais elle n'aurait intégré l'Armée du Rohan.

Dùnlinde ne croyait pas au Destin, mais tout de même, ça y ressemblait fort.